Irvine Welsh – Porno

Points, 668 pages.

Irvine Welsh - PornoVO : idem. Suite d’un roman qui avait fait grand bruit, hélas ce n’est pas le même plaisir. Agréable, oui, seulement en près de 670 pages il semble y avoir du rebut, immanquablement. Mêmes personnages qu’avant plus une jeune femme, des tournures de phrases savoureuses servies par un vocabulaire cynique, les années 90 tiennent une petite égérie littéraire.

Il était une fois…

Un peu moins de dix piges se sont passées depuis la fin de Trainspotting où, s’il faut le rappeler, Renton s’est fait la belle avec le fric de tous fait au cours d’un ultime deal d’héroïne (il a certes plus tard reversé sa part à Spud). Depuis ce même Spud est toujours salement toxico Begbie croupit en zonzon. Mais c’est sans compter Sick Boy qui se met en tête de produire un film porno. Aidé de nouveaux personnages, la bande agrandie est prête à du fait n’importe quoi.

Critique de Porno

Il y a une règle à suivre impérativement avant d’attaquer ce fort joli pavé : lire Trainspotting d’abord (voir le film éponyme, à la rigueur), parce que sinon vous serez tant largué par rapport aux personnages, et aussi la manière dont Welsh livre son art.

Nous revoilà donc avec nos amis qui fleuraient bon la fin des années 90, plus une cinquième protagoniste récurrente : Nikki, la vingtaine, est une jolie brune qui, pour payer ses études, bosse dans un salon de massage avec « finition ». Apparemment elle s’en sort bien, disons qu’elle parvient à faire venir les hommes avec ses mains et son regard, et rien de plus. Bonne idée de la part de Welsh d’introduire une femme, son point de vue lors des péripéties du tournage du film X est souvent précieux.

Bien évidemment ce titre ne traite pas que de la création d’un porno, toute une pété de sous intrigues se téléscopent dans un réjouissant bordel certes parfois tiré par les cheveux. Mais ça donne lieu à de solides barres de rire, particulièrement Begbie en prison qui reçoit des revues de pornos gays (envoyées par Sick Boy) et qui rumine sa vengeance à l’encontre de Renton. Mais le véritable héros de cet ouvrage n’est pas Rents, ni Spud (au bord du suicide, un peu chiant à suivre), mais bien Sick Boy qui voit grand et porte l’intrigue vers le pur spectacle.

Le chapitrage est toujours aussi original, on démarre chaque partie par un personnage et rien (en presque, faut être attentif) ne signale qui est le narrateur. Sur plus de 600 pages, on pourra regretter quelques longueurs et autre temps morts excessivement contemplatifs. Et encore, j’imagine qu’en VO ce serait pire avec le vocabulaire populo-écossais du bon Spud. Au final, une suite qui tient ses promesses, toutefois rien à voir avec le premier opus.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Si dans Trainspotting, notre ami Welsh s’est intéressé à l’univers de la drogue et comment ça peut détruire toute une génération, il a ici haussé d’un cran en montrant ce même groupe presque dix ans après. De l’eau a coulé sous les ponts, et après l’insouciance des débuts on sent bien que nos amis veulent avoir leur part du gâteau. Plus ou moins mis à l’écart du boom économique des années Blair, Simon, Rents ou Begbie (ok, lui était en prison) comptent bien se rattraper. Seulement, ils ont vieilli (Sick B. par exemple, bien moins sexy qu’avant).

Pour cela, ils vont rejoindre le consumérisme ambiant dans son expression la plus triviale, savoir la pornographie. Sauf qu’ils s’y prennent comme de beaux touristes, sans compter le passif de nos protagonistes (Renton doit pas mal de tunes à quelques uns) qui interagit violemment lors de leurs aventures. Bref, le porn, c’est le moyen d’être dans son monde, se faire connaître (le viron à Cannes à se taper sur les cuisses), tout semble permis.

Vous voulez savoir comment se termine ce porno ? C’est relativement important dans la mesure où la réalité se rappelle à l’intention de nos héros. [SPOIL] Le Tigre se souvient notamment de Sick Boy qui tire gravement la couverture à lui tout seul : les crédits du film ne mentionnent que son auguste nom (scénar, montage, etc.), ce que les autres n’acceptent pas…jusqu’à ce que les autorités interviennent et évoquent des mots fâcheux comme « proxénétisme » ou « outrage à la pudeur ». Si vous rajoutez quelques arnaques financières, on comprend vite que Simon est dans la merde. Et seul [FIN SPOIL].

…à rapprocher de :

Trainspotting, forcément. Bien meilleur à mon sens.

– Le consumérisme version porno, c’est surtout Chien Jaune, du britannique Martin Amis (expert de l’anticipation sociale). Aussi long comme roman, mais ardu à terminer (n’y suis pas parvenu).

– Le monde du porno, à part les essais, c’est aussi Rencontre sous X, de Van Cauwelaert. Pas mal du tout.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (en poche, Le Tigre n’avait pas attendu que ça sorte dans ce format).

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