Kenzaburô Ôé – Notes de Hiroshima

Folio, 288 pages.

Kenzaburô Ôé - Notes de HiroshimaVO : Hiroshima noto. Ôé, Nobel de littérature, a couvert au milieu des années 60 les commémorations de l’attaque atomique d’Hiroshima. Et en a écrit des notes d’un humanisme profond. Essai nécessaire pour mieux saisir les problématiques au Japon découlant des bombes atomiques, en particulier le sort des irradiés (les hibakushas).

De quoi parle Notes de Hiroshima, et comment ?

Kenzaburô Ôé a effectué son premier voyage à Hiroshima lors de l’été 63, et pendant deux ans y retournera de temps à autre en écrivant ses impressions à chaque fois. Si au début c’était pour suivre la Conférence mondiale contre les armes nucléaires, il va progressivement prendre contact avec les associations d’irradiés, les malades eux-mêmes et quelques médecins du coin.

Ainsi, le début de l’œuvre m’a plutôt déçu, pour ne pas dire ennuyé, puisque l’auteur s’attache à décrire les bassesses politiciennes lors de la Conférence pour la paix. Notamment la fameuse phrase « …quelque soit le pays », source de scission entre les mouvements pacifistes : certains veulent interdire l’arme nucléaire et les essais à tout prix, d’autres préfèrent laisser aux pays du Sud et du bloc communiste pouvoir jouir d’un arsenal pour se défendre contre l’Ouest.

C’est donc à partir du second chapitre (il y en a sept) que Kenzaburo prend le sujet à bras le corps et va à la rencontre de quelques acteurs (victimes plutôt) de la tragédie. Médecins présents lors de l’explosion et qui, malades, vont aider les autres ; jeunes femmes défigurées vivant recluses chez elles ; homme qui lutte vers la mort (et pas contre, celle-ci étant inévitable) et décide de travailler jusqu’à épuisement ; pédiatre qui a fait une thèse en tant qu’étudiant sur les statistiques de leucémies, etc. Sur 270 pages, une bonne centaine transcrit des témoignages ou histoires assez dures de ces personnes.

Il en ressort quelque chose d’assez décousu, avec de nombreuses répétitions, bref un ouvrage que j’aurai pu facilement lâcher si celui-ci ne traitait pas d’un sujet aussi intéressant. Le Tigre a eu raison de s’accrocher, car sans prévenir quelques passages sont plus qu’éclairants tandis que d’autres sont à couper le souffle tellement ils sont émouvants (par exemple, la fiancée d’un irradié décédé qui décide de l’accompagner en commettant un suicide, le tout avec une dignité presque choquante).

Les notes en bas de pages aident certes, mais il s’agit d’un ouvrage qui ne peut se lire sans avoir une bonne connaissance du contexte. Dernière remarque : l’essayiste nobelisé a terminé d’écrire ses notes en 1965, et il a fallu attendre 1996 pour la traduction française. 30 piges d’attente pour une telle œuvre d’importance, il y a de sérieuses lacunes dans la « chaîne de commandement » de l’édition française…

Ce que Le Tigre a retenu

La censure. Les Américains ont mis un certain temps avant que les Japonais aient le droit de savoir de quoi il retourne. Jusqu’au milieu des années 50, la presse et l’édition en général ne pouvaient aborder cet épineux sujet. Plongés dans l’ignorance entretenue par la lénifiante propagande locale faisant état d’effets secondaires minimes, les malades ne saisissaient pas complètement ce qui leur arrivait. En outre, les structures mises en place (l’ABCC particulièrement) étudiaient le phénomène de loin mais sans proposer le moindre traitement ni aide. Quant aux soins, on s’activait sur les symptômes et non la cause de la maladie.

La honte. Sûrement l’aspect le plus choquant lorsque des gens se cachent chez eux (ou en groupe au fond d’un fossé) pour ne pas offrir le spectacle de leurs déchéances à leurs contemporains. L’auteur s’interroge sur les trop nombreux cas d’individus qui préfèrent se suicider dès que les symptômes de l’irradiation se font connaître, ou comment en arriver à inconsciemment porter une certaine culpabilité. Heureusement il y a ceux qui refusent le suicide, les gens qui continuent à exercer leur métier ou couchent sur papier (textes, dessins) leurs impressions, contribuant de facto à construire l’Histoire afin que l’horrible expérience des bombes ne se reproduise plus.

…à rapprocher de :

– Du même auteur, avec un sujet comparable mais en plus romancé, il y a Dites-nous comment survivre à notre folie.

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