Louis Lepetit – 42 mois de tranchées

Editions du Panthéon, 136 pages.

Louis Lepetit - 42 mois de tranchéesQuarante-deux mois à guerroyer dans des trous de trois mètres au plus de profondeur. Trois ans et demi dans un enfer froid d’acier et de bruit. L’horreur de la guerre dans ce que celle-ci a de plus pur, la transcription de tels souvenirs devrait être d’utilité publique. Un témoignage sobre, sans fioritures et qui glace plus d’une fois le sang.

De quoi parle 42 mois de tranchées, et comment ?

André Tinel, filleul de Louis Lepetit, est tombé sur le journal de guerre de son parrain. Après mûre réflexion, il a décidé de le publier tel quel. Quatre années de guerre, de Houtkerque, Ancerville, Verdun en passant par Pitry-la-Ville ou Bayon, le soldat a pu survivre à l’épreuve du feu tandis que près d’un quart de la population mâle en âge de combattre fut décédée – ou gravement blessée.

Le Tigre ne peut pas « critiquer » un tel ouvrage. D’ailleurs aucune note ne sera émise à son encontre. Merde, mettez-vous un peu à ma place : un mec décide de rendre public le carnet de campagne d’un de ses proches, je ne vais pas dire que c’est mal écrit ou peu intéressant – Lepetit n’a pas voulu, en premier lieu, que ses écrits soient révélés au grand public de la sorte. S’il y avait quelque chose à reprocher, ce serait sur l’initiative d’une telle publication. Sauf que ce ne peut être l’objet de ce blog.

Retour à la Grande Guerre. Lepetit fait partie de ces rares hommes qui ont été trimbalés, dès 1914, dans la partie nord-est de la France pour combattre les Boches – pas d’autres termes utilisés pour les désigner. Sur 120 pages, le lecteur verra l’évolution d’un homme dont le style, de façon assez surprenante, ne change pas malgré ce qu’il subit. C’est assez surprenant même (je dirais « prodigieux »), cette manière de faire simple et se contenter de décrire son environnement sans se rebeller – à quelques rares exceptions près.

En guise de conclusion, Le Tigre a dévoré, en une petite heure, un essai biographique rédigé par un gus qui, sans être écrivain, est parvenu à poser une inexpugnable pierre sur le fragile édifice de la mémoire humaine. Un double héros, en somme.

Ce que Le Tigre a retenu

Comme on peut s’en douter, le récit est émaillé de passages assez hard, sans être pour autant insoutenables. Les cadavres qui s’accumulent, les corps démembrés dans le no man’s land, la brutalité de la guerre est résumée dans ce mot qui réapparaît, en fin d’ouvrage, dans les « considérations » de l’auteur : une boucherie. A ce titre, rappelons le rôle joué par l’artillerie avec des zones consciencieusement pilonnées toutes les dix minutes – ça apparaît comme la principale crainte du soldat. En revanche, peu de choses sur la vermine, la saleté ou le froid mordant. Du moins je l’ai ainsi ressenti.

Sinon, il est étonnant de noter le peu de noms cités par le sous-off’. Certes il croise ici et là des personnes qu’il connaissait (un de ses professeurs par exemple), cependant à peine s’il rapporte des dialogues avec celles-ci. Ce doit être ça le pire : lorsqu’un nom est avancé, c’est souvent pour préciser qu’un tel est mort de telle ou telle manière. Faut dire que certains ne restent en place pas bien longtemps, les compagnies étant plus que décimées (c’est-à-dire, plus d’un dixième de l’effectif) à intervalle régulier.

Plus généralement, les villages traversés, les longs jours dans les tranchées, ces horribles déluges de bombes, tout est dépeint avec une inquiétante neutralité de façade. Le gars accumule les grades et mène son petit bonhomme de chemin où ce qui paraît être le plus traumatisant reste l’artillerie : les canons allemands (et les mitrailleuses françaises à certains moments) sont des faucheurs de vie de grande ampleur, il est difficile d’imaginer à quel point un obus (qu’on entend guère arriver) peut exclusivement mobiliser le cerveau reptilien : chier dans son froc, rentrer sa tête, creuser à même le sol pour se faire tout petit – et perdre la boule quand c’en est trop.

…à rapprocher de :

– Forcément, Le Tigre a pensé à Tardi et son C’était la guerre des tranchées, incontournable BD. Ou Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

2 réflexions au sujet de « Louis Lepetit – 42 mois de tranchées »

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