Jacques Tardi – C’était la guerre des tranchées

Casterman, 126 pages.

acques Tardi - C'était la guerre des tranchéesSous-titre : 1914-1918 (je le mets au cas où certains n’auraient pas saisi). On est presque en face d’un monument d’humanité mais aussi d’indignation avec ce bel ouvrage (couverture dure en plus, bravo). Plusieurs mini-scénarios avec différentes personnes, dessin qui n’est pas mon genre mais qui finalement fait mouche, que du bon. BD d’utilité publique à la limite.

Il était une fois…

Le grand-père de Jacques Tardi était poilu, et cette première guerre mondiale a fasciné l’auteur dès sa plus tendre enfance avec les récits de l’ancêtre. Dans cette bande dessinée, nous suivons une grosse poignée de soldats (Binet, Soufflot, Huet,…) dans l’enfer des tranchées et ailleurs. Car comme le dit l’auteur, pas de personnages principaux ou héros dans cette lamentable « aventure », rien qu’un gigantesque et anonyme cri d’agonie.

Critique de C’était la guerre des tranchées

Un superbe ouvrage que Tigre a offert à papa-tigre pour lui montrer, qu’au-delà des essais sur la der des der, il est des trésors illustrés qui ne demandent qu’à être dévorés. Car le père Tardi fait presque l’unanimité autour de cet ouvrage, et Le Tigre est au regret de devoir se ranger à l’opinion générale. Je n’ai rien (ou peu) à y redire, c’est beau et généreux.

Sur l’histoire, exunt (je ne me porte pas garant de la conjugaison) les grandes manœuvres ou le « collage » à l’Histoire, et bienvenu aux scénettes de la vie quotidienne des poilus. Rien de chronologique, aucune unité de temps ou d’espace, mais des passages plus ou moins longs sur différents aspects de cette horreur. L’entente tacite entre soldats ennemis, les assauts inutiles et meurtriers, l’engouement des débuts pour cette guerre, la fraternisation éphémère, les souvenirs d’un jeunot, j’en passe et des pires.

Bon, puisqu’il convient de tenter la critique de temps à autre, je peux trouver deux-trois trucs en cherchant bien : déjà, le dessin. Au début Le Tigre a été relativement choqué par l’aspect brouillon voire « sale » (le trait est épais) des cases. De même, la police d’écriture est loin d’être confortable. Mais on se fait très vite à cette dernière, et sur le trait Tardi nous offre rapidement de superbes tableaux. En plus, je me dis que pour une « sale guerre », les illustrations n’ont jamais été aussi adéquates.

En outre, l’écrivain (car c’est plus qu’une BD, quelques pages sont des chapitres sans cases) prend rapidement partie, et n’hésite pas à violemment fustiger tout ce qui tourne autour de la patrie et en quoi cette idée a pu être aussi désastreuse. De l’anti-gaullisme (si je puis m’exprimer de la sorte) où rien de positif n’arrive à être relevé sur ce premier conflit d’envergure. Rien de bien vilain, pour ma part je ne pouvais qu’adhérer aux propos indignés de Jack.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’horreur de la guerre. On croit savoir à quel point ces quatre années ont été ignobles, mais tout lecteur se surprendra à découvrir une anecdote (le terme me semble mal adapté hélas) sur ce que peut rencontrer un homme de 1914 à 1918. Se protéger, sans le savoir, les mains dans les boyaux d’un mort, ou encore être le seul individu « originel » d’une compagnie dix fois renouvelée, tout ça fait froid dans le dos. Et pour le lecteur qui n’a jamais connu la guerre et la mobilisation, on y réfléchit à deux fois avant de se plaindre de nos conditions de vie.

Le pacifisme. Les soldats racontés par Tardi en ont marre, et n’arrivent pas à saisir comment on peut en arriver à assassiner des hommes qui auraient pu être des frères et avec qui on s’entendrait parfaitement. Les propos de l’auteur sont justes, et Le Tigre a encore en mémoire quelques chiffres donnés par l’auteur : ça prendrait presque une semaine si on devait faire défiler tous les soldats tombés sur le front. Le coût de la guerre aurait permis de bâtir une chouette maison pour chaque habitant. Construire plutôt que détruire, c’est hélas trop tard. Quoique… En sus, ces cris d’indignation sont placés en contraste avec quelques déclarations lénifiantes de gradés ou politiques sur l’aspect « sain » de ce conflit.

…à rapprocher de :

– Tardi se charge très bien, à la 127ème (et dernière) page, de nous indiquer une longue bibliographie et filmographie. En vrac : A l’ouest, rien de nouveau (livre de Remarque), Les Chemins de la gloire (film de Hawks), Le Baron Rouge (film de Corman), etc…

– Plus intimiste, et sur le conflit mondial qui suit, il y a La guerre d’Alan, d’Emmanuel Guibert.

– Quelques planches savoureuses sur l’absurdité de la guerre se trouvent chez Vaughn Bodé et son Dǎs KämpF.

– Autre BD sur la « der des der » (et la période avant la Seconde), c’est La Grande Guerre, de Battaglia, Toppi et Buzzelli (ma che, oui !). Pas terrible, à éviter.

– Le refus de la guerre, c’est aussi dans Mauvais Genre (titre bien choisi), de Chloé Cruchaudet.

– Quant aux suites du conflit, rendez-vous dans Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

– Sur le dessin, noir et blanc et au final magnifique, j’ai repensé à Comès, par exemple dans la BD magique (c’est le mot) Silence.

– En roman (disons qu’est une bio), la retranscription d’un poilu se trouve dans 42 mois de tranchées. Pas mal.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

6 réflexions au sujet de « Jacques Tardi – C’était la guerre des tranchées »

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