VO : Absolute Mayhem: Confessions of an Aussie Porn Star. Couverture aguicheuse, actrice dont je n’avais jamais entendu parler (au cas où mère me lit), « confessions intimes » où on promet de tout dévoiler, miam ! Bah pas miam longtemps, sur 300 pages le lecteur survolera en toute légèreté les dizaines qui restent. C’est avant tout une femme intelligente qui raconte sa vie, mais sans le petit plus tant attendu.
De quoi parle Confessions intimes d’une porn star, et comment ?
Petit prologue : le cahier des charges du Tigre, c’est 500 mots minimum sur un bouquin. Je sais pas pourquoi ici je vais allègrement dépasser cette limite, et ce pour deux raisons : déjà c’est un essai sur un sujet qui ne laisse pas indifférent (du moins pour le lecteur un tant soit peu curieux), ensuite lorsqu’il faut critiquer la plume est, hélas, nettement plus fluide.
Monica Mayhem a souhaité rédiger sa biographie. Noble idée. D’où 300 pages dans lesquelles elle se livre : de sa plus tendre enfance jusqu’à 2010 (il me semble du moins), on saura tout sur cette femme. Bon, j’exagère, il faut ôter à toutes ces pages une soixantaine au moins car il y a un joli lot de photographies de l’actrice à tout âge. Images non érotiques (quoique, cf. 4ème de couv’), et en noir et blanc comme tout éditeur indépendant le ferait. Loin de la page centrale du Sun vous en conviendrez.
Le lecteur commencera donc par le début, à savoir ses souvenirs de jeunesse, l’adolescence tumultueuse, les jobs en finances à Londres, ses premiers shoots et films, son parcours au sein du monde de la pornographie, la façon dont les films, shows, séances photos et salons se sont enchaînés, etc. Plus bizarrement, sur les 100 dernières pages, Monica nous entretient de ses croyances, namely ses délires Wicca ou encore de ses projets (que je qualifierai volontiers de balbutiants) dans l’univers du rock. Mince, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, qu’elle se sente « sorcière » sur les bords et comment sa nouvelle spiritualité est une force. Pas vraiment pertinent, j’ai diagonalisé ces pages de manière magistrale. Enfin, Miss Mayhem présente les conditions, qui semblent bientôt réunies, à l’abandon de la pornographie.
Passons à la critique même : jolie déception, impression de vacuité même. Je m’attendais à de glorieuses révélations sur le monde du X, en fait pas grand chose d’instructif à part quelques passages : en vrac, la montée du SIDA et comment un acteur qui a tourné au Brésil a contaminé toute la côte Ouest du porn, les producteurs plus vicieux qu’on l’imaginerait, les fans inconditionnels et le marketing (notamment sur le net) pour les fidéliser,… Sinon il faut se rendre à l’évidence : c’est une biographie écrite par une actrice de cul, pas un essai sur le monde du X. Donc quelque chose de simple et naturellement subjectif.
Nous y voilà, le style de cet ouvrage. Le petit problème de Monica, et c’est à la fois tout à son honneur, c’est qu’elle n’a visiblement pas eu recours à un « nègre ». J’ose espérer. Parce qu’elle écrit comme elle parle, interjections à destination du lecteur comprises. Langage courant voire familier, lieux communs dans tous les sens, impressions de « déjà lu », heureusement que l’actrice suit un cheminement chronologique sinon j’aurais rapidement remisé ce truc au fond de ma bibliothèque.
Le Tigre émet donc une petite pensée à la traductrice, sans doute habituée à de la littérature. Ici c’est comme si on lui demandait de faire les sous titres de Sex and the city (et oui Monica y a fait une apparition !). Remercions également Camion Blanc d’avoir levé le doigt lorsque le monde de l’édition française a dit un beau matin : « y a-t-il quelqu’un qui veuille bien publier ce truc même pas érotique produit par une Australienne qui écrit avec son pied droit ? » Dont acte.
Ce que Le Tigre a retenu
La question qui brûle les lèvres du curieux : comment en arrive-t-on à faire du porno ? On dirait que pour Monica c’est un peu par hasard. Mais c’est sans compter les petits « plus » qui l’ont sans doute conditionnée à s’exhiber de la sorte : abandon du père, mère détestable, insécurité sentimentale, toute la petite mixture de base. Comme Monica le dit (même en évoquant certaines collègues), c’est le sentiment d’être au centre, l’objet que la caméra fixe et que les spectateurs regarderont uniquement qui offre une impression de puissance largement enviée. Parce qu’elle n’est pas sûre d’elle, de ses sentiments pour les autres, l’actrice de X aimerait provoquer l’envie de ses clients pour exister.
Ensuite, et Le Tigre s’en doutait, Mayhem a tout d’une petite entreprise. Pas étonnant quand on voit son parcours, de 16 à 20 ans, dans le monde de la finance (en tant qu’assistante, pas trader de haut vol). Si les débuts sont hasardeux, une fois la renommée en route on arrive dans la gestion pure. Du coup c’est assez prenant : faire des strip shows dans des petites bourgades pour attirer le chaland, mettre à jour régulièrement son site internet, aller aux salons de l’érotisme (ou de coiffure) signer des autographes et se faire photographier 12h par jour, simuler la douleur pour les scènes à destination du Japon (je l’imagine volontiers gueulant des itai ! pendant l’acte) les séances photos interminables avec des photographes un peu barrés,…
Ce qui m’a également surpris, c’est le strict abandon des droits à l’image de l’actrice X : une scène tournée peut se retrouver dans un nombre incalculables de cassettes / DVD. En particulier l’unique scène anale qu’elle a faite, présente dans de nombreuses éditions et ce « à l’insu de son plein gré ». Hélas, rien sur l’essor de la sexualité gratuite sur internet et du monde du X en pleine crise face aux productions amateurs dites « gonzo ».
Comment avoir un petit ami pour une actrice de cet acabit ? Question légitime, et là Mayhem donne l’impression de botter en touche en disant qu’elle parvient naturellement à séparer le sexe de l’amour. Reconnaissant qu’un homme normalement constitué ne supporterait pas une journée son métier, ses relations qui ont duré sont, sans grand étonnement, avec des personnes du même business. Imaginez là tourner avec son ex-mari, en trio avec l’ex-petite amie de son ami actuel, de quoi se perdre en conjectures.
Enfin, le moins glamour : beaucoup d’appelées, peu d’élues et pas mal de nanas qui se détruisent la santé pour tenir le coup. L’omniprésence de la drogue, notamment le cannabis et la cocaïne, avec des acteurs / actrices qui se font un rail entre deux prises (bonjour John H…). Pour Monica, même si elle en parle peu, il y a en outre la douleur de travailler 8h pour faire et refaire une scène qui prendra moins d’une heure en post-production, et les deux-trois jours pour s’en remettre. Et surtout, la peur au ventre à la fin de chaque mois, lorsqu’il faut faire le test HIV…
Et bah voilà, encore un post trop long qui découragera plus d’un internaute. Toutes mes excuses. Mais en lisant cet article, plus besoin d’acheter cet ouvrage. Sauf à offrir à des amis.
à rapprocher de :
– Pour le monde de « l’art pornographique » et ses plus jolis travers, voyons plutôt du côté de chez Swa… euh John C. Holmes. Bien plus instructif. Voire Traci Lords & Jenna Jameson, toujours de Daniel Lesueur.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici. Ou via le site de l’éditeur.
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