Robert McLiam Wilson – Ripley Bogle

10/18, 468 pages.

Robert McLiam Wilson - Ripley BogleVO : idem. Excellente surprise (sur conseil d’un ami) livresque faite par Tigre, je ne m’attendais pas à une telle qualité d’écriture. Ripley, vagabond irlandais dans les rues de Londres, prend à partie le lecteur et lui raconte son existence, éminemment tragique mais livrée sur un ton comique. Un grand roman.

Il était une fois…

Ripley Bogle, Irlandais de son état (Ulster en particulier, pour justifier la catégorie d’un roman britannique), est clochard dans les rues londoniennes. Entre la faim qui le tiraille et les quelques clopes qu’il fume régulièrement, notre triste héros se souvient de sa naissance, sa tendre jeunesse, puis le gâchis qui l’a amené à une certaine déchéance.

Critique de Ripley Bogle

Dès les premières phrases, Le Tigre a été conquis. Raconter avec une telle drôlerie l’accouchement du protagoniste principal, ça commence très fort. Et le reste est dans la même veine, j’ai eu du mal à décrocher de l’oeuvre.

MacLiam Wilson a le vocabulaire riche (première fois par exemple que je lis le terme « ensuquer »), le phrasé agréable et la plupart de ses expressions font mouche. C’est dense avec des chapitres longs et organisés en parties désignées par un jour de la semaine, toutefois les longueurs se comptent sur les doigts d’une main. Dans la peau d’un vagabond dont les péripéties de la vie sont nombreuses et parfois improbables, on bascule du rire à la tristesse aussi facilement que Bogle perd son dernier appartement.

La structure du texte est une narration (au présent) de la misérable existence de Ripley, entrecoupée de flashbacks de quelques aventures ayant amené notre héros à son actuelle et peu reluisante situation. Le style est limpide, percutant et s’imaginer les scènes décrites n’est point difficile. Sauf peut-être celle dans le bar où le narrateur présente ses propres fantômes. Là Le Tigre n’est pas certain d’avoir bien saisi la portée du chapitre.

Vous l’avez compris, un quasi chef d’œuvre qui envoie du très lourd. Quant à l’image de couverture, je cherche encore le rapport à présenter une jambe tatouée en état de marche. A part le but du vagabond qui est de parcourir les rues, la nuit, pour ne pas être transi de froid ou cueilli par la police, Le Tigre sèche.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le vagabondage. L’extrême pauvreté de Ripley Bogle est saisissante, et les descriptions de son dénuement le sont encore plus : la faim impitoyable avec les différents états de la famine superbement rendus ; recherche de menus plaisirs (cigarettes, café,…) ; mais surtout le froid, omniprésent, lorsque ce n’est pas la suffocante chaleur. Quant aux problèmes de santé et odeurs désagréables, l’auteur sort le grand art. Vagabond, mais pas mendiant : notre héros se refuse à pratiquer l’aumône, certains de ses compagnons alors oublient un petit bifeton ou quelques cigarettes autour de lui, petites attentions ravissant le narrateur.

Les amours contrariées. Bogle n’a point de chance non plus en amour. Deirdre, Laura (pour ne citer qu’elles), que des personnes qui ont su monopoliser son esprit avant qu’il ne sombre définitivement dans la rue. Entre Cambridge (et oui) et les jobs dans les bars, la gent féminine s’incruste rapidement dans les pensées du jeune homme (il a 22 ans lorsqu’il conte ses mésaventures) qui ne sait pas forcément comment se comporter. Deirdre qui veut être sautée à tout prix, Laura l’intouchable déjà engagée et issue d’une famille bourgeoise, il est arrivé au Tigre de glousser plus d’une fois entre deux phrases.

Le mensonge. Le quatrième de couverture évoque le mensonge du héros, et en quoi il a pu berner le lecteur. Pour cela, les dernières pages du roman amèneront de savoureuses révélations, on aurait presque envie d’aller repêcher ici et là quelques chapitres précédemment lus. Finalement, peut-on blâmer ainsi le héros de maquiller de temps à autre la réalité ? Eu égard son comportement sur près de 700 pages on ne s’en étonnera guère.

…à rapprocher de :

– On m’a dit beaucoup de bien d’Eureka Street, du même auteur. Pas mal du tout, même si moins bon que le présent. Quant à La douleur de Manfred, ça m’a nettement moins plu hélas.

Le seigneur des porcheries, d’Egolf, c’est également l’histoire d’un individu hors du commun. Mais en mieux.

– L’Irlande mystérieuse, hélas avec une narration foireuse, c’est Tromper la mort de Maryse Rivière.

– Sur la faim qui sublime, y’a Biographie de la faim de Nothomb qui se laisse parcourir.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

9 réflexions au sujet de « Robert McLiam Wilson – Ripley Bogle »

  1. Ping : Maryse Rivière – Tromper la mort | Quand Le Tigre Lit

  2. Ping : Robert MacLiam Wilson – La douleur de Manfred | Quand Le Tigre Lit

  3. Ping : Amélie Nothomb – Biographie de la faim | Quand Le Tigre Lit

  4. Ping : Robert McLiam Wilson – Eureka Street | Quand Le Tigre Lit

  5. Un tout petit peu moins bon, mais néanmoins très agréable a lire… Et drôle par moment… Mais y a pas: ripley bogle m’a scotché! Une vraie surprise!
    Tout comme « le seigneur des porcheries »…

    Si pas déjà lu, je me permets de te suggérer « Ringolevio » par emmett grogan, un pavé qui m’a beaucoup inspiré.

    Félinement votre

  6. Re salut
    En effet, chef d’œuvre! J’ai pris beaucoup de plaisir a dévorer ce roman (autobiographique?) super bien écrit…
    La scène étrange du pub m’a rappelé un passage d’Ulysse de Joyce.
    Lu également « eurêka street » du même auteur, un tout petit peu moins bon…

    Félinement votre

  7. Ping : Delphine de Vigan – No et moi | Quand Le Tigre Lit

  8. Ping : Georges Simenon – L’outlaw | Quand Le Tigre Lit

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