Robert Silverberg – Les Monades urbaines

Le Livre de Poche SF, 252 pages.

Robert Silverberg - Les Monades urbainesVO : The World Inside. Un classique du genre qui n’a pas encore définitivement mal vieilli, pour moins de 250 pages il serait criminel de se passer de ce roman mi-SF mi-anticipation sociale. Les Monades, ce sont ces imposantes tours où est parquée la population contrainte de vivre une liberté sexuelle absolue, et ce pour soutenir la croissance mondiale.

Il était une fois

A la fin du 24ème siècle (allez, un siècle au pifomètre de la part de Silverberg), la populace humaine dépasse les 70 milliards de personnes. Aussi le gros de celle-ci vit dans les monades, villes verticales autosuffisantes (sauf la nourriture, qui vient de l’extérieur) où recyclage et libertarianisme sont les maîtres mots. Les plus modestes habitent les étages inférieurs tandis qu’administrateurs et autres pontent sont au sommet (littéralement), et la nuit chacun peut aller vadrouiller (de préférence dans son étage) pour choisir le partenaire d’un moment. Vie privée inexistante, jalousie prohibée, tous se doivent d’être heureux. Quant aux mécontents, s’ils s’avèrent insoignables, direction l’unité de recyclage.

Critique des Monades urbaines

Je vais tenter de faire bref et concis, si ça peut vous éviter de lire le livre alors Tigre aura rempli son modeste office. Les Monades urbaines, c’est une sorte de 1984 un peu plus light écrit dans la ferveur du début des années 70. Une contre-utopie qui n’en est pas vraiment une dans la mesure où la dictature en apparence souriante ne paraît pas poser d’insurmontables problèmes en plus d’être légèrement caricaturale.

En effet, sur une grosse partie du roman Silverberg nous décrit (superbement certes) un libéralisme (d’inspiration anglo-saxonne, cf. infra) à son paroxysme et organisé autour d’un maître-mot qui ferait s’étrangler de colère Malthus en personne. « Croissez et multipliez-vous » en quelque sorte, la construction de nouvelles Monades écologiques (qui s’étendent sur des milliers de kilomètres) absorbera le surplus, en plus de la colonisation du système solaire (dont on n’entend peu parler hélas).

Toutefois quelques individus ne se sentent pas en phase avec le système, par exemple un beau jaloux qui s’exaspère de devoir partager sa belle compagne. Plus particulièrement, l’aventure du jeune Statler (car ils ont tous entre 14 et 25 ans à tout casser nos petits lapins) en seconde partie d’ouvrage mérite d’être signalée (cf. second thème). Sur le style en général, j’ai bien peur que ça vieillisse à terme moins bien que d’autres romans de SF, même si la taille du roman (et le chapitrage court) aideront à toujours passer un agréable moment.

Au final, si la note octroyée par Le Tigre est dans les tons négatifs, c’est que pour un titre considéré comme incontournable du genre, il faut regretter l’absence d’intrigue satisfaisante (à part sans doute l’excursion de Statler) et un décor qui jure avec la représentation que le lecteur a, aujourd’hui, de l’avenir. En sus, de la part de Silverberg, Le Tigre a lu bien mieux.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le libéralisme excessif. C’est un curieux paradoxe car Robert S. a écrit son truc en plein milieu des manifestations de hippies et autres pacifistes fumeurs de moquettes, aussi l’inspiration de la liberté sexuelle totale n’est pas duraille à deviner. Paradoxe car le totalitarisme est bien présent avec une absence flagrante de vie privée : les corps et les esprits sont publics, et gare à ceux qui veulent avoir leur petite intimité (refuser de coucher peut avoir de funestes conséquences par exemple). Modèle original et s’expliquant sans doute par le conditionnement et la jeunesse des protagonistes, on a du mal à y croire pourtant.

Le système productif. A peine croyable, ces monades (sur le quatrième de couv’ ça ressemble furieusement à une certaine tour à Dubaï) en quasi autarcie gérées par leurs habitants qui n’ont aucun contact avec leurs congénères d’autres bâtiments (voire les étages du même bloc). On n’est pas loin d’une version bien agencée des blocs de Dredd, les dealeurs en moins. La partie intéressante de l’œuvre reste le voyage de Michael Statler au milieu des champs : celui-ci fait la rencontre d’une nouvelle culture (des fermiers qui évoluent dans un environnement « normal ») et découvre alors qu’il est possible de vivre autrement. Presque un crime de sa part.

…à rapprocher de :

– Sur la contre-utopie, à part 1984 ou Un monde meilleur (Huxley), on peut évoquer la liberté sexuelle obligatoire pour les soldats de La guerre éternelle, de Joe Haldeman.

– De Silverberg, lire absolument L’Homme dans le labyrinthe. Du lourd.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

5 réflexions au sujet de « Robert Silverberg – Les Monades urbaines »

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