Bastien Vivès – La guerre

Delcourt, 192 pages.

Ach, la guerre, gross malheur. Sauf avec Bastien Vivès, qui est capable de tirer de l’absurdité de la violence pseudo-institutionnalisée quelque chose de poilant. Recueil de saynètes qui se laissent aisément liure, quelques pépites qui feront sourire, dessin un peu brouillon mais efficace. Dommage que ce soit court et inégal.

Il était une fois…

Un général soudain désireux de lancer une guerre sale version 14-18, des militaires devisant connement avant de lancer un assaut, Jules César en pleine crise existentielle, un soldat dégustant une bouffe infâme offerte par des autochtones, une guerre ouverte menée par les femmes contre les hommes, un projet pour supprimer les deux milliards de Terriens en trop, etc.

Critique de La guerre

Ce billet sera aussi bref que l’ouvrage, je vous préviens. Commençons par le trait de l’auteur. Un style particulier et reconnaissable entre mille : peu soigné en apparence, les illustrations (en noir et blanc) accusent quelques gros traits ici et là, et un décor suffisamment minimaliste pour que les personnages ressortent. Ces derniers n’ont presque pas de visages, des inconnus qui pourtant parviennent à être expressifs malgré l’absence d’yeux.

Deux dessins par page, une (ou jusqu’à une petite dizaine) de pages par sketch, et souvent la même image qui revient, avec d’infimes variations, le texte assurant seul le show. L’humour y est parfois bon enfant, de temps à autre longuet (l’histoire avec Jules César devient vite lassante), et parfois aussi insensé que deux camps se tapant dessus.

L’auteur ne se contente pas à discourir sur la guerre, il en va de toutes les rivalités (même à la maison), des armées rangées face à face aux guerres asymétriques, et le militaire bête et méchant (souvent gradé et dans son bureau) n’occupe qu’une place parmi les populations – ceux qu’on appelle pudiquement les civils, qui apparaissent être les seules victimes.

Bastien Vivès réussit à distiller de la tendresse pour tous ces personnages borderlines et un humour pas aussi décapant (ou fin) que le félin espérait parfait.

Thèmes abordés (du moins  selon Le Tigre)

Question tendresse, il y a une propension à donner un peu de dérision au militaire perdu dans ce qu’est la guerre au XXIème siècle. Terminées les divisions rangées en ordre d’attaque, finies les petites astuces tactiques vues dans les films,…la guerre telle qu’enseignée auparavant est passée, aussi beaucoup de scènes commencent dans un endroit calme où le général/commandant (César compris) a l’air de s’ennuyer ferme. Et réfléchit à sa condition à défaut de réclamer un conflit à l’ancienne.

Il apparaît (de mon humble analyse) que l’auteur associe la guerre à l’absurde, avec certaines discussions bellicistes saugrenues (pour ne pas dire déconnectées de la réalité) et qui fleurent bon la testostérone. Ou, lorsque tout est normal, les conversations sont d’une effrayante banalité, survient l’acte de guerre aveugle, le terrorisme qui relance salement les dés de l’infortune. Et rappelle que le terme « guerre » peut être rapidement invoqué pour mobiliser les masses.

…à rapprocher de :

De cet auteur, le félin se dit qu’il devrait lire un de ces jours au moins Polina ou Le Goût du chlore.

Une BD qui se moque férocement de la guerre est Das Kämpf, de Vaughn Bodé (lien). Différent, et plus vieux.

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