Collectif – L’Homme de demain

Les Artistes Fous Associés, 280 pages.

Collectif - L'Homme de demainAnthologie sur le devenir de notre espèce, il y en a pour tous les goûts même si la qualité est inégale. Néanmoins, les thèmes traités y sont nombreux, de l’heureuse utopie futuriste à l’anticipation sociale déglinguée, en passant par la robotique, presque obligatoire. Sans compter que certaines illustrations valent leur pesant de cacahouètes.

Il était une fois…

Quel avenir pour l’Homme, cet être à l’ego surdimensionné qui hésite entre auto-destruction et adaptation ? 18 textes pour le découvrir. [il faut savoir que le félin a envoyé, anonymement, un texte de son cru pour la présente anthologie. Devinez quoi : je me suis fait recaler comme une bleusaille. J’ai compris la leçon. Faut mieux parler du boulot des autres que vouloir péter plus haut que son derche en proposant le sien. Aussi ce billet a été rédigé sous l’emprise d’un légitime courroux mâtiné d’une jalousie de rageux]

Critique de L’Homme de demain

Me suis aperçu qu’il est bien plus stressant pour les auteurs de glisser quelques lignes à peine par texte. Dont acte :

La frontière des rêves (Tesha Garisaki au stylo, Cham et The Hyde’s Asylum au pinceau)

Balade douce-amère dans un univers administré par une I.A (OmnIA) qui rehausse le quotidien. La narratrice rend visite à un territoire hors connecté, et le retour au « réel connecté » éveille chez elle des soupçons. Ses souvenirs et connaissances sont-ils réels ? Court et enchantant, la fin m’a rappelé Brazil, de Ian McDonald (en lien).

Vintage Porn Star (éjaculé par Mathieu Fluxe et reluis par Corvis)

En l’an 2036, y’a plus beaucoup d’humains à cause d’une épidémie foudroyante. Du coup, baiser = se reproduire. Plus de sexualité, le porno est le pire crime existant sur la planète. C’est sans compter deux protagonistes qui proposent, en sous main, des films X. Narration prenante par flashbacks et qui n’est pas sans rappeler du Chuck Palahniuk, ça se vaut. Gros coup de cœur sur le dessin, hilarant.

Paradise4 (proposé par Émilie Querbalec, dessins du sempiternel Maniak)

Une colonisation en préparation sur Mars, une maladie qui accable l’Humanité, des considérations eugénistes, des résistants qui n’acceptent pas la tournure prise, tout ça est un peu fouillis mais le message sous-jacent, fort, parvient à percer. Loin d’être mon texte préféré.

Maison close (imaginé par l’incontournable Neil Jomunsi, illustration numérico-pornographique par Stabeor Basanescu)

[Tigre signale qu’il connaît bien l’écrivain]. Bel exercice d’interface sexuelle homme-machine, on s’y croirait. Miss A., androïde prostituée de luxe, se voit confier la mission ultime : faire jouir un antique ordinateur sur le point d’être débranché. Vocabulaire maîtrisé et scénario bien ficelé, toutefois aucune surprise ni froncement de sourcil à la fin. Dommage.

Ergo sumus (imaginé par Nunzio Cusmano, avec un dessin glauque de Venom)

Mignonne fable amère et limite dépressive d’un savant dont le projet modifiera la face (hum) du monde. L’auteur a un style personnel assez poignant dans sa simplicité et bien adapté à la taille courte du texte. Ça ressemble à un testament dont la fin emprunte un peu à L’armée des douze singes.

Caraville (de Nelly Chadour, qu’on ne présente plus, dessin apocalyptique de Deadstar)

Caraville est une cité roulante afin d’échapper à la fournaise, boule de feu qui poursuivrait ses habitants. Dans cet enfer pollué et puant le gasoil, une jeune fille va, presque par accident, remonter les quartiers chics. Puis découvrir certaines vérités. L’auteur se fait plaisir, et malgré quelques longueurs ça passe bien. Aussi crédible que Mad Max, aussi prenant que Le Transperceneige (en lien).

Le cœur sous la cloche (Ludovic Klein) illustré par Stef-W

Une petite fille se fait sévèrement houspiller parce qu’elle a osé marcher dans la nature. On sent que la terre est pourrie et que les contraintes actuelles sont terrifiantes. Hélas ça m’a paru trop intimiste et mystérieux pour se rendre compte de la vie de l’homme de demain. Dommage.

Les Héritiers (Anthony Boulanger) illustré par Chesfear

Tous les humains décident de quitter la Terre pour peupler les étoiles. Sauf le narrateur, le seul gland qui a décidé de ne pas être augmenté et occupe ses derniers instants à penser à sa tendre et douce. Texte triste et assez commun, je n’ai vraiment pas accroché (à ma décharge, j’ai lu ce texte étant bourré)…jusqu’aux derniers paragraphes qui apportent une surprise bienvenue.

La musique des sphères (de l’étonnant Nicolas Chapperon, dessin par Cham)

Belle idée de ce que pourrait être « l’Homme ultime », être quasi immortel adapté à l’espace. L’héroïne croise un congénère désireux de s’accoupler, et forcément l’expérience la déçoit. Quant les sentiments un peu fleur bleue font face aux impératifs de la reproduction, pas besoin de se demander qui va l’emporter. Court et passable.

Poogle Man (par le redondant Herr Mad Doktor, et illustré par les non moins redondantes Pénélope Labruyère et Chesfear)

Ha ha, je m’attendais à quelque chose qui tape sur le moteur de recherche bien connu. Baladin est un homme moyen dans un monde où tous sont connectés grâce aux bons soins d’une boîte qui stocke votre mémoire et tout le reste. Outre le style enlevé, la nouvelle est d’autant plus plaisante que HMD joue sur la forme grâce à des notes de bas de page savoureuses. Crédibilité zéro et approximations de toute part, mais l’auteur s’en bat les steaks – le lecteur aussi.

L’absurde et très courte histoire de l’homme qui voulait monter dans la hiérarchie (par cette feignasse de Corvis, mis littéralement en images par le génial King Lizard)

Drôle et fin, tout est dans le titre. Foutage de gueule aussi, si j’avais su je ne me serais pas fait chier à pondre 10 000 mots alors qu’une centaine aurait pu suffire.

Changez d’air (by Arnaud Lecointre, Maniak aux pinceaux)

Une ville où l’air est tellement pollué que ses habitants meurent plus vite que prévu. Dont le narrateur qui décide de casser sa tirelire pour avoir de l’air pur. Exagérément long par rapport à un final d’absurdité auquel je m’attendais, heureusement que l’écriture de Lecointre reste fluide et agréable à l’œil.

La vengeance du XIXe siècle (négligemment pondu par Maniak, illustré par Christophe “FloatinG” Huet)

Rétro-steampunk-war-machine-contre-vilain-teuton, histoire courte d’upgrades progressives, le métal remplaçant la chair – descriptions bien foutues, on a mal pour l’héroïne. Tout ça à des fins militaires pour prendre une revanche dans une guerre qui semble se répéter. Y’a sûrement un double niveau de lecture, que je n’ai toutefois pas décelé.

Patrino (par l’inénarrable Vincent Leclercq, Cold Mind Art pour le visuel)

Lorsque la fusion ville-humains est poussé à son comble, ne soyez pas surpris à lire l’accouchement, par une cité, d’un rejeton appelé à devenir une autre ville. Sauf que c’est un poil longuet et que j’ai eu un mal de chien à suivre les étapes menant à l’heureux évènement. Au moins l’atmosphère est optimiste et heureuse, mais je me suis emmerdé – désolé.

Moisson (imaginé par ce détraqué de Gallinacé Ardent, et dessin d’une terrifiante glauquerie par ARZH)

Trois pages, entre le rire et le dégout, sur l’être humain en tant que produit destiné à être consommé. Gallinacé est sympa à lire, et son pseudonyme pourra interpeller le lecteur : remplacez l’humain par n’importe quel animal, et vous obtiendrez le plus beau pamphlet végétalien qui existe.

Les enfants de nos enfants (encore ce bon Southeast Jones, dessin de Kenzo Merabet)

Pas bien compris le bouzin de cette longue nouvelle composée de trois parties se joint à des milliers (millions même) d’années d’intervalle. Évolution de l’espèce qui n’a plus rien de l’homo sapiens, adaptation forcée par des conflits et une nature qui a horreur du vide, cependant le félin a été déçu par un dernier texte qui aurait gagné à être moins éprouvant pour le cerveau.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’éditeur mâche aisément le travail en pointant le lien, parfois ténu, qui courre dans ces nouvelles : l’adaptation. Adaptation face aux changements, face à la technologie qui nous dépasse et semble nous aliéner – du point de vue notre époque. Cependant, il apparaît que l’intégration dans cet environnement futuriste ne fonctionne qu’au profit d’une minorité (humaine ou non), le reste du monde étant impitoyablement écrasé et manipulé.

…à rapprocher de :

– De cette association, les hostilités ont été ouvertes avec Fin(s) du monde. La suite intitulée Sales Bêtes ! est d’une rare qualité, et les Contes marron (premier volume), sont un réjouissant appetizer (tout comme le premier opus des Contes Rouges) et Folie(s) est globalement correct. Quant aux Contes roses, petite déception hélas.

– Sinon, un auteur régulièrement publié par les AFA (Southeast Jones pour ne pas le nommer) a lâché un beau recueil sur un thème similaire : Il sera une fois…

Enfin, si vous souhaitez juger de la chose vous-même, le recueil est dispo en téléchargement gratuit sur le site de l’asso (en lien).

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