Irvine Welsh – Trainspotting

Points, 380 pages.

Irvine Welsh - TrainspottingVO : idem. Premier roman du grand Irvine Welsh (sauf erreur du Tigre), voici un titre d’exception qui vaut autant le coup d’œil que son adaptation sur grand écran (dont je parlerai peu, littérature oblige). Hilarant ou dramatique, servi par un vocabulaire « parlé » mais chiadé, bref le roman générationnel des années 90.

Il était une fois…

Mark Renton (le narrateur intervenant le plus souvent), drogué et presque puceau ; Sick Boy, drogué qui tape la discute avec Sean Connery dans son cerveau ; Spud (Daniel de son prénom), amoureux des chats et benêt sur les bords ; Begbie, pour l’aspect sociopathe de la bande ; Tommy, heureux jusqu’à être largué par sa copine,…et tant d’autres (Davie, Rab, que des prénoms de merde), tous écossais de leur état et, pour la plupart paumés. Le lecteur sera dans leur tête. Chouette alors.

Critique de Trainspotting

Le Tigre a adoré. Point barre. Ayant vu le film bien avant, je ne pensais pas qu’il y avait autant de richesses restantes dans le roman. Sept parties avec un nombre de chapitres raisonnable, beaucoup de saynètes (ou mini intrigues), quelques références ou clins d’œil et des souvenirs épars, j’ai pensé que ça allait partir aux quatre coins de la rose des vents. Bah non, la fluidité générale de l’œuvre et sa cohérence a permis de gober ces 350 pages en un temps très court.

Le style mériterait d’en parler dans les thèmes en partie suivante, sauf que cela constitue la base même de l’originalité de Welsh. En effet, plus d’un lecteur trouvera la narration passablement déroutante puisqu’on sautera d’un protagoniste à l’autre. Et comme l’auteur utilise la première personne, chacun a son petit langage et paradigme corrompu (entendez, ils ne voient pas avec les mêmes yeux que nous). Très souvent du grand art puisque certains personnages sont particulièrement malsains.

Heureusement, dans près de 2/3 (voire 3/4) des chapitres, c’est Mark Renton le gringalet en tant que protagoniste. Aussi les autres tendent à constituer une exception où Welsh, semble-t-il, s’est plus fait plaisir qu’à l’accoutumée (Spud ou Simmon Sick Boy notamment). Mais dans tous les cas, ce ne sont que des barres de rire. Je pense d’ailleurs à me le relire en VO, persuadé qu’on perd beaucoup sur la traduction.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La signification du titre est d’importance. Le Tigre a pris son gros dico anglais-français et a remarqué que « to trainspot » consiste à regarder passer les locomotives et noter leur numéro. Faire la vache, en somme, en se livrant à un hobby mécanique et peu intellectuel. Le titre renvoie alors parfaitement à la drogue, hobby néfaste mais qui est plus qu’une habitude chez les protagonistes : leur existence tourne autour de l’héro, point barre. Quitte à laisser de côté tout bon sens.

Si Trainspotting tape beaucoup dans le domaine de la drogue, il y a d’autres problèmes plus ou moins reliés à leurs vilaines addictions. Avenir professionnel bouché, justice mal paramétrée, bêtise et haine ambiantes, complexes d’infériorité, menus soucis de santé comme le SIDA ou la déprime (l’incontinence avec la scène de Spud est infiniment plus drôle à lire qu’à regarder), pour ne citer que cela. Il appert que c’est à la fois terriblement lucide sur la condition des djeunes (un beau gâchis) et traité avec une prise distance grâce à l’humour et une tripotée de réflexions de Renton. Infiniment salutaire.

…à rapprocher de :

Bien évidemment, le film de Danny Boyle. Le Tigre tient à signaler l’adaptation réussie : il aurait été impossible de rendre entièrement compte du génie de Welsh sur ce roman, et le gros de l’esprit de ce dernier a été respecté. Narration multiple, histoires qui s’entrecroisent, le film a tiré le maximum de l’œuvre littéraire. Rien que les références musicales, miam. Sinon fallait faire une grosse série. Fight Club, de Chuck Palahniuk, mérite la même remarque.

– Les bad trips qu’on retrouvent m’ont fait penser à Junky, de Burroughs.

Welsh a pas mal de romans à son actif, toutefois je n’en ai lu qu’une infime partie : la suite, Porno, est hélas en-deçà du présent titre. Dommage. Quant à Une Ordure, on verse là dans le polar trash avec un anti héros comme on les aime.

– Sinon, un jeune auteur (du moins au début des années 2000), Richard Millward, n’hésite pas à dire que Welsh est son modèle. En effet, il y a de gros clins d’œils à Trainspotting dans son roman Bloc Party.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

14 réflexions au sujet de « Irvine Welsh – Trainspotting »

  1. Ping : Ken Bruen – Le Dramaturge | Quand Le Tigre Lit

  2. Ping : Amélie Nothomb – Le Fait du prince | Quand Le Tigre Lit

  3. Bonjour Tigre, je viens de découvrir ton site. Excellent. Et je coincide avec toi sur nombre d’auteurs ou de bouquins. Mais connais tu PJ Gutierrez (que l’on compare parfois à Bukowski ou Miller en version cubaine) ? Tu peux commencer par Trilogie Sale de la Havane si tu veux ….
    Concernant Welsh, as tu lu Ecstasy ?
    A bientôt…

    • Merci V., tes mots me vont droit au cœur. Merci pour PJ, il est dorénavant dans ma PAL (y’a une page pour ça).
      C’est marrant, sur Welsh je n’ai que Glu et Recettes intimes de grand chef. Persuadé d’avoir ton titre, c’est bizarre.
      Feulement toi

      • Rooooar ! Voici du copié collé du 4ème de couv. d’Ecstasy (tu m’en veux pas ?) :
        « Fils de la techno et des drogues de synthèse, Irvine Welsh est né à Edimbourg entre chômage, ennui et désespoir. Il ne faut pourtant pas réduire les livres de cet Écossais turbulent à quelque énième dérive littéraire sur les nouveaux paradis artificiels. Depuis Trainspotting, désormais livre culte, on sait qu’il est également un talentueux écrivain. Sa puissance narrative n’a d’égal que son sens de l’ironie. Et il a une vision extrêmement lucide de l’environnement social qui l’entoure. Ecstasy raconte trois histoires invraisemblables, délirantes. Un auteur de roman rose qui tombe dans la pornographie la plus infâme, des handicapés qui montent une organisation vengeresse et des décalés sociaux qui se prennent pour Roméo et Juliette. En recomposant ces bribes de vies explosées, Irvine Welsh s’interroge sur toutes les formes de dépendance, leurs causes et leurs raisons. Dépendance à la drogue, mais également au sexe, à l’amour et à la haine. Alors, vu d’en bas, à travers les mots du merveilleux cancre, le monde a une drôle d’allure ».

        C’est crade mais on s’en fout. C’est très bien écrit (si je me souviens bien). Comme disait Djian (ou à peu près) : Le style bordel, le style ! De Djian d’ailleurs, un de ses meilleurs d’après moi car ultra concit et original et tendre aussi : « Lorsque Lou… »
        Djian, comme Fante, Boyd, Bukowski, Bowles, Miller, PJ Gutierrez, Murakami, Echenoz, TC Boyle ou Frison Roche (!) sont dans la catégorie des addictifs. Je lis tout (ou les ai tous lu) même si ce n’est pas toujours au top. C’est juste que je ne peux pas m’en empêcher et que de toute façon quelque part ce sera le pied hahahaha !

        Arrivedercci camarade carnivore/omnivore
        Rooaaaarrr !

  4. Il me semble que le sens du titre peut aussi être perçu comme synonyme d’un ennui (mortel), qui colle aussi assez bien avec les personnages.
    Ce roman est excellent, c’est d’ailleurs le seul que j’ai « twicé » (ne me mange pas, ô grand tigre).

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