Une histoire d’amour quasiment impossible, une vengeance intransigeante qui ignore le pardon, la condition de prostitué travesti, l’écrivain a sorti la grosse artillerie. Le résultat est séduisant et conforte le statut de grand auteur de Malte. Relativement court à lire et bourré de poésie douce-amère, ce roman noir pur jus de marc est un petit bijou qui a transporté Le Tigre.
Il était une fois…
Césaria est un homme magnifique, aux traits parfaits et qui, après quelques péripéties, fait régulièrement tourner la tête de sa nombreuse clientèle. Clovis (son vrai nom, d’origine balkanique est un tantinet plus complexe) sort de taule après 10 années de détention à la suite d’un braquage qui a mal tourné. Il n’est que vengeance, et à peine 3 jours après sa sortie il croise la belle Césaria. Un coup de foudre mutuel mais contrarié s’installe alors entre ces deux êtres déracinés qui, ensemble, vont braver la mort.
Critique de Carnage, constellation
Marcus Malte est une valeur sûre, c’est officiel. Le Tigre est régulièrement soufflé par l’audace de l’auteur français qui parvient à jouer sur différents tableaux : polar sociétal, tragédie, aventure qui prend des airs de quête interne, quelques considérations historiques, et tout ça dans un style relativement fluide.
Dans le présent roman, c’est définitivement noir et désespéré, la rédemption s’éloignant à chaque chapitre. L’histoire, en soi, n’est pas si dingue que ça : Césaria (dont on ignorera le prénom) est attachée à un homme qui la protège (sans être son mac) mais qui s’éteint rapidement. Ensuite, le jeune homme décide, progressivement, de se faire femme et connait alors un immense succès. Œuvrant dans une aire d’autoroute, elle rencontrera Clovis.
Ce fameux Clovis a séjourné en prison à cause d’une trahison d’un membre de son équipe de braqueurs, seulement les choses ne semblent pas si évidentes. Le gros plus, dans la narration reste toutefois la manière qu’a l’auteur d’amener les personnages vers une improbable rencontre. Tout à tout à la place d’un des protagonistes, le lecteur aura deux points de vue souvent divergents.
En outre, ce titre fait montre d’énormément de poésie, avec un style écorché vif qui se veut implacable et fait de belles métaphores. Le décalage peut être frappant entre ces termes soigneusement choisis qui côtoient quelques crues descriptions. Si c’est globalement réussi, avouons que l’écrivain en fait parfois un peu trop. Bon, les lecteurs à la recherche d’un polar stricto sensu trouveront que le père Malte fait péter sa poésie à des niveaux stratosphériques qui confinent au lourdaud.
Rien de bien méchant dans l’ensemble, eu égard le chapitrage efficace et un rythme soutenu, on n’a guère le temps de se dire qu’on s’ennuie – peut être hélas vers la fin, sanglante mais sans la saveur à laquelle le lecteur est en droit d’attendre.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
J’avoue avoir été un brin suspicieux quant au titre qui me semblait trop évident. Sans déplacer des sommets de subtilité, le carnage fait évidemment référence au nombre d’individus avalant leur bulletins de naissance, miroir des dégâts d’un amour immodéré. La constellation est le théâtre, comme le dit le quatrième de couv’, d’une violente rencontre de deux univers qui ont en commun l’amertume et l’exclusion. Deux termes qui commencent par la lettre C., à l’instar des initiales de presque tous les protagonistes du roman.
Inutile de vous dire que tomber amoureux n’est pas chose aisée pour Clovis. Concernant l’inverti, pas de souci y’a comme un coup de foudre qui prend des airs de complexe d’Electre. Mais pour l’ancien taulard bien bourru et presque homophobe, c’est plus délicat. Heureusement qu’au début la Césaria délivre de somptueuses fellations à Cloclo, le gars fond littéralement. Tigre savait que les mecs font les meilleurs pipes – note à ma tigresse : n’ai jamais pu m’en rendre compte personnellement. En cours de roman, la belle démontre son amour de mille et une manière (pas que le sexe dans la vie, y’a aussi la mort), touchant alors le cœur d’un homme dont la boîte à sentiments est bien cachée.
…à rapprocher de :
– De Marcus Malte, Tigre n’a jamais été déçu : Le lac des singes (ça passe), Les harmoniques (nom de Zeus, c’est excellent), La part des chiens (déception). Certaines œuvres mettent en scène le héros Mister, grand black pianiste de talent.
– En plus violent, avec une poésie toute différente et bourré de trav’, y’a Le boss de Boulogne qui est plutôt fun à lire.
– Le titre est beau, et Tigre pense alors à Constellation, d’Adrien Bosc – sur le fameux accident d’avion d’octobre 1949.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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