Mike Kasprzak – Monstres

Editions Les Occultés, 200 pages.

Mike Kasprzak - MonstresAvouez que la couverture envoie du lourd, ça donne envie d’acheter des gants verts. Titre qui annonce quelque chose de passablement dérangeant, en fait Mike K. est relativement resté dans les clous en faisant sortir des quidams des leurs. Style qui ne déplace pas des montagnes, toutefois pour un premier jet c’est parti plutôt loin – je reste dans le domaine de la littérature hein.

Il était une fois…

Montre : « individu ou créature dont l’apparence, voire le comportement, effraie par son écart avec les normes d’une société ».

Tout est dit.

Critique de Monstres

Avant de lâcher les tigres, il faut savoir que j’ai contribué, avec mes propres deniers via une plateforme de financement en ligne, à la publication du présent titre. Du coup, le félin est allègrement cité dans les remerciements de fin d’ouvrage. Hélas, je ne peux vous montrer la page dans la mesure où j’ai accidentellement juté dessus tellement j’étais excité. Celle-ci est donc collée. Voilà pour signaler d’éventuels conflits d’intérêts.

Ensuite, le thème annoncé par l’auteur est celui des monstres. Cependant, à mon humble avis, il n’est que peu question de la monstruosité telle que je pouvais me l’imaginer – des trucs immondes avec un soupçon de fantastique. Sur une vingtaine de nouvelles (10 pages en moyenne), le lecteur aura l’occasion de rencontrer des êtres souvent paumés, des bras cassés au cynisme éprouvé et inadaptés dans notre monde. De la violence, un peu de sexe, une haine certaine de son prochain, c’est certes fort vilain mais il m’en faut plus pour atteindre l’ignominie qui confine à l’inhumain – même si l’auteur signale qu’elle se cache souvent là où ne l’attend point.

Enfin, les phrases sont souvent livrées dans un style familier (ça ne me dérange pas, au contraire), avec raccourcis grammaticaux du langage parlé et remarques à l’emporte pièce (j’aime moins). Il en résulte des nouvelles qui semblent sortir tout droit d’un magazine masculin peu fin mais qui sait appuyer là où ça fait mal. Trivialement, les nouvelles qui m’ont le plus ravi sont celles à fortes connotations sexuelles (fort bien décrites) à l’instar de Comme moucher la vulve de Dieu et Deux mois de folie.

En guise de conclusion, si quelques textes ne m’ont pas plus emballé que cela, d’autres se liront avec un plaisir non feint. Kasprzak est un auteur dont je soupçonne un dessous de la pédale bien rempli, et y’a sacrément moyen qu’il sorte un jour quelque chose d’extrêmement vilain – dans le bon sens du terme.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qu’il y a d’étonnant dans les différents textes est la quasi omniprésence de l’alcool. Il arrive aux antihéros d’être, plus souvent qu’à leur tour, dramatiquement imbibés. A titre personnel, j’y vois comme la dénonciation d’une dangereuse déviance sociétale qui consiste à siffler son litre de rouge qui tâche en vue de supporter son environnement. Sauf que l’auteur cherche à rendre ses protagonistes sympathiques, sans compter que certains sont très certainement inspirés par le personnage même de Mike Kasprzak – quelques intrigues mettant en scène des wannabee writers en témoignent.

En fait, il m’est apparu que Monstres traitait avant tout de la condition de l’Homme contemporain qui est en dehors d’un système qu’il (au passage) abhorre. Il y a une aliénation marquante des protagonistes qui ne se reconnaissent plus dans ce monde consumériste et souvent attaché à une normalité, normalité vis-à-vis de laquelle s’éloigner est plus que mal vu. Les monstres de l’écrivain le sont-ils réellement dans ce cas ? Si ne se sentir pas en phase avec son petit univers en voulant tout déglinguer suffit à nous octroyer un pin’s indiquant « monstrueux », alors on en a tous une petite collection – sans que cela ne signifie un passage à l’acte.

…à rapprocher de :

– J’ai eu une période jeune-dégueulasse-en-guerre-contre-le-monde, par des auteurs (pour l’instant) inconnus, notamment Croisade Apocalyptique et L’histoire du loser devenu gourou, de Romain Ternaux – ça passe.

– Des nouvelles aussi noires mais avec davantage de poésie, c’est Avant terme de Serge Cazenave-Sarkis. J’ai préféré le recueil A chaque jour suffit sa haine, de Sébastien Chagny – même éditeur indépendant.

J’ai forcément pensé à Chuck Palahniuk et son roman Monstres invisibles, qui reste un classique dont je ne me lasse point. Ou alors Les nouveaux monstres 1978-2014, versant politique de l’horreur – et de l’indignation.

– Dans la catégorie des gros salopards, La littérature nazie en France de Gregory Mion me semble, pour l’instant, difficilement comparable.

– Du côté des éditeurs indépendants, essayez Palissade, de Frank Villemaud – ça se laisse lire si vous n’avez pas peur du quatrième mur brisé, et la fin vaut le détour.

10 réflexions au sujet de « Mike Kasprzak – Monstres »

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  8. Les avis paraissent très partagés sur ce livre, ce qui me donne encore plus envie de le découvrir. J’ai déjà lu « Boulot, ivresse et autres bizarreries » et je dois avouer qu’il a un écrit qui lui est vraiment propre!

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