Tim Winton – Respire

Rivages, 302 pages.

Tim Winton - RespireVO : Breath. Claque littéraire et visuelle pour le lecteur qui veut bien faire travailler son imagination, voici l’histoire d’un jeune homme avec des évènements qui ont forgé son identité. L’Australie est une terre riche et généreuse pour les surfeurs, et ces derniers constituent une race définitivement à part. Un pur plaisir de littérature.

Il était une fois…

 Bruce Pike, qui sera très rapidement surnommé « Pikelet », habite une petite bourgade sur la côté australienne. Tout à côté de chez lui, des vagues qui peuvent atteindre six mètres font trembler le littoral. Il fuit rapidement la compagnie de ses parents (qu’il juge ternes) en traînant avec Loonie, le bad boy dont le père tient le rade du coin. Les deux amis, qui repoussent chaque jour les limites de leurs corps, se lient rapidement avec Sando, surfeur émérite qui les emmène dans des spots qui n’ont rien à envier à l’enfer.

Critique de Respire

Même si j’ai l’impression de l’écrire trop souvent, ce roman est une petite tuerie. Pourtant, c’était mal parti : le premier chapitre est plus que déroutant puisque le héros, vieux, est témoin (en tant qu’urgentiste) d’un décès particulier. C’est l’occasion, pour lui, de revenir sur sa jeunesse. Jusqu’aux dernières pages qui font le point sur ce qu’il est devenu, de son divorce aux rapports avec ses filles.

Le scénario, en effet, se concentre sur la vie de Pikelet pendant une demie douzaine d’années de son adolescence. Si les débuts ne m’ont pas transporté, à part lorsque le protagoniste décrit la médiocrité ambiante de ses proches (ses parents en prennent pour leurs grades), l’histoire s’intensifie dès que le fameux « Sando » Sanderson débarque et les prend sous son aile. Ce personnage, mystérieux, est flanqué d’une certaine Eva dont le rôle sera grandissant au fil du roman.

Le style est sec, nerveux, si l’écrivain australien va droit au but et ne s’embarrasse pas de descriptions inutiles, il prend quand même le temps de dresser de magnifiques tableaux dans lesquels on hésiterait à faire trempette (requins, mer déchaînée, etc.). Le Tigre signale les dialogues qui ne sont pas annoncés par les traditionnels tirets. Saut de ligne, tabulation simple, voilà comment commence une discussion. C’est assez délicat à suivre au début, et au fil de la lecture ça colle bien avec le style « ramassé », voire halluciné.

Au final, un titre immersif qui fait honneur au surf et à l’état d’esprit de certains individus doux-rêveurs qui ne vivent qu’au rythme de la météo et des bons plans à surfer. J’ai cru sentir la wax en reniflant le livre, faut dire que le vocabulaire de la glisse (les points, le nom des vagues comme la Nautilus, et autres « Swell ») est omniprésent. Ca ne serait pas autobiographique sur les bords ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Liberté chérie, je t’aime – moi non plus. « Respire ». Un ordre, un impératif qui prend, au fil des pages, de nombreuses significations. S’il est question du second souffle à prendre après une apnée, voire hyperventiler avant de se prendre une vague dans la gueule, ça bascule assez rapidement dans le glauque. Notamment à cause de certaines pratiques sexuelles qui veulent qu’on s’étouffe en vue d’avoir un orgasme monumental.

Respirer, c’est aussi s’affranchir du carcan de ses contemporains, même si pour cela Pikelet et Loonie s’attacheront à un mentor. Le paradoxe total, ainsi, veut que nos amis idolâtrent Sando et tentent chacun d’attirer ses bonnes grâces. Bruce Pike saura s’arrêter lorsqu’on lui demande de franchir des limites passablement dangereuses, quitte à être une sorte de paria. Quant à Loonie, c’est la tête brûlée par excellence, le mec qui finira forcément mal.

Le dernier thème est plus « médical », puisqu’il s’agit de la recherche des sensations fortes en tant que maladie. La recherche de la peur apparaît comme un besoin pour se sentir vivant, peu importe si la mort se tient, comme une vraie salope, en embuscade. Je pense notamment à Eva, personnage au destin d’une infinie tristesse, loin de son élément qui est la neige. Quant au héros, finir urgentiste est le moyen le plus sûr d’être dans l’œil du cyclone.

…à rapprocher de :

Pour Le Tigre, la référence en matière de surf reste (pour l’instant) Kem Nunn et ses différents romans :

Surf City, qui a un aspect initiatique aussi prononcé que Respire.

Le sabot du diable, plus « sociétal » avec une incursion dans le monde amérindien.

Tijuana Straits, même si le surf y est moins prégnant.

Je suis sincèrement désolé, mais j’ai écouté Respire de Mickey 3D en écrivant cet article. Sinon, en matière de films, Break Point reprend assez fidèlement l’image du casse-cou contraint à voler (ou dealer) pour maintenir son train de vie (c’est le cas de Loonie).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman d’exception via Amazon ici.

6 réflexions au sujet de « Tim Winton – Respire »

  1. Coucou Tigre !
    Je viens de terminer (dévorer) « Respire ». Merci, j’ai passé un très très bon moment. Qui plus est le surf et les surfers m’on toujours fait rêver (élégance, courage, passion, écologie).
    Petite anecdote: je me suis retrouvé un jour sur un spot de surf au Brésil pendant la coupe du monde de foot en France. Là bas, le foot est vraiment une passion et tout le monde était devant son poste pendant un match de l’équipe nationale (rues désertes, commerces fermés, plages également désertes). Les seuls qui étaient dehors, mais vraiment les seuls, c’étaient des surfers (sur l’eau) et ma copine et moi (sur le sable). Ce jour-là, ma sympathie pour eux a encore gagné un cran …

    Encore un grand merci pour m’avoir orienté vers cet auteur, dont je me suis également délecté du style et de sa construction du roman (j’ai vraiment regretté qu’il se termine si vite)

    Maintenant, je vais tacher de me procurer Surf City

    A +
    V.

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