Ben Templesmith - Bienvenue à HoxfordVO : Welcome to Hoxford. Tigre apprécie en général le travail du sieur Templesmith, et pour un court travail comme celui-ci le risque est faible de s’ennuyer. Du fantastique, de l’horreur, de l’humour noir de chez noir, c’est bon. Sans plus hélas, disons que cela semble bien vite expédié en plus d’être sans grosses surprises.

Il était une fois…

Raymond Delgado est dingue. Recenser ses maladies (personnalité multiple, cannibalisme, hallucinations, etc.) reviendrait à publier un pavé de la taille du bottin mondain. Certes il n’a pas vraiment eu de chance dans la vie (enfant battu, abandonné par sa femme, syndrome de guerre post traumatique), mais ses exactions dehors comme en prison justifient largement la perpétuité. Hélas gérer Ray et certains autres cas sociaux est trop difficile pour la prison de l’État, aussi certains de ces individus vont être transférés à Hoxford, établissement pénitentiaire privé (financé par des fonds russes) qui cache de terribles secrets…

Critique de Bienvenue à Hoxford

En fait il est question de loups-garous, sujet que Templesmith imaginait démodé (pour ne pas dire nul, il le dit lui-même en préface). En même temps la couverture ne trompe pas, ce n’est pas spoiler qu’annoncer que l’institution Hoxford est une sorte de garde-manger d’émigrés russes trop pourchassés dans leur patrie d’origine.

Et il faut dire que ça commence superbement. La présentation du héros (anti héros plutôt) et d’autres détenus m’a presque arraché une larme tellement j’ai ri. Faut dire que l’auteur se fait plaisir au niveau des textes, avec les violeurs nécrophages et autres tordus qui voient dans leurs victimes leur maman à baiser il y a de quoi sortir de savoureux dialogues entre prisonniers. Sur des illustrations, c’est toujours aussi raturé avec le sang (et l’aura jaunâtre) qui déborde allègrement de son espace. Cependant les actes de violence (extrêmes), particulièrement les combats, m’ont semblé exagérément « artistiques », presque incompréhensibles. En outre, les différents protagonistes (Raymond, Justin, Waltz notamment) sont difficilement identifiables.

Au final, Le Tigre a été relativement déçu par un titre qui finit en eau de boudin. En fait, 100 pages ça passe très très vite. A peine débarqués à Hoxford, nos vilains (et la belle doctoresse) sont vites chassés par les grosses bêtes. Delgado, qui ne prend plus ses médocs, fait montre d’un comportement encore plus messianique (jusqu’à bouffer un rat qu’il prend pour sa mère), allant jusqu’à se sentir à son aise dans cette piscine de globules rouges. Et avec les nombreux bonus en fin de BD, Le Tigre n’a pas vu la fin arriver, ce qui fut une source de frustration autant que d’incrédulité.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La violence de l’univers carcéral m’a semblé assez centrale dans cette bande dessinée. Violence entre détenus of course, mais aussi coercition exacerbée de l’institution dans son ensemble dès que Delgado et ses « potes » vont débarquer à Hoxford. Prison sous contrat avec le gouverneur, le directeur Baker est le chef suprême de cet endroit et a droit de vie et de mort sur ses ouailles (visites du médecin ? niet). Comme le dit un des personnages, « tu n’as pas de droit ici, et si tu en avais tu les échangerais rapidement contre un bon beefsteak ».

Bien évidemment, les vilains loups-garous font une apparition plus que remarquée. Et là Templesmith a plutôt bien bossé sur le sujet : transformation physique visuellement satisfaisante ; esprit de meute avec un mâle alpha à leur tête ; luttes claniques pour le pouvoir, bref on passe un moment plaisant. Mais insuffisant.

…à rapprocher de :

– De Templesmith, Tigre a adoré Choker, mais s’est un tantinet ennuyé avec 30 days of night (je l’ai lu en anglais en effet).

– C’est marrant (et peut-être que ça n’a rien à voir), mais la privatisation de l’univers carcéral me fait penser à Côté cour, de Leandro Avalos Blacha.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Snyder & Paquette - Swamp Thing, Tome 2 : Liens et RacinesVO : Raise Them Bones (Swamp Thing #8-12 puis #0 et Animal Man #12). un peu plus court que le premier tome, et un poil meilleur au passage. Enfin Le Tigre est parvenu à recoller quelques morceaux de cette saga, en plus d’avoir quelques insoupçonnés frissons lors de la lecture. Hélas ce n’est pas le dernier opus, il y a des suites ailleurs…

Il était une fois…

Alec Holland a déconné dans les grandes largeurs, car en tardant à se laisser transformer en la Chose des Marais le parlement des arbres (sis en pleine forêt d’Amazonie) a été mis à bas par la Nécrose. Toutefois rien n’est perdu, la transformation reste possible. Et ça va prendre une tournure toute biblique.

Critique de Liens et Racines

Me voilà, happé par la fin du premier opus qui donnait largement envie de s’offrir la suite, et Le Tigre ne le regrette point. Ce n’est pas que cela est excellent, juste que j’ai enfin compris ce qui ce passait en plus d’apprécier le cross-over avec Animal Man qui débarque sur le dernier tiers du comics.

En effet, il s’avère que Swamp Thing et Animal Man sont intimement liés (cf. premier thème abordé). Si le lecteur en apprend enfin beaucoup plus sur la chose du marais, il n’est pas impossible d’estimer que cet opus est nettement plus abordable que le premier. Les vilains montent en puissance, le héros aussi (mais pas assez visiblement), d’autres invités sont annoncés tandis que la planète se meurt tranquillement.

Le dessin, j’en parle déjà dans le premier tome. Sauf qu’ici ça ne part pas autant en quenouille, le confort de lecture a été augmenté à moins que Le Tigre commence à s’habituer au travail de Paquette (et ses camarades qui ont pris la plume de temps à autre). Magie supplémentaire, de temps à autre on se surprend à flipper face à quelques planches décrivant des antagonistes (et leurs serviteurs) terrifiants. Le morphisme d’Arcane (un super vilain), le monde de souffrance où les têtes déformées côtoient des corps finement empalés, miam miam.

Et là, sur la fin, petit scandale. Je pensais qu’il n’y avait que deux Swamp Thing par Snyder. Déjà que j’étais échaudé puisqu’à mon avis un tome unique (de moins de 400 pages) aurait pu être publié, voilà qu’on annonce une suite dans…le tome 3 d’Animal Man. Le noble art du comics revient cher, c’est terrible. C’est si dur de tout compiler en un (voire deux) gros pavés qui tiennent enfin droit dans une bibliothèque ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour les débutants tels Le Tigre, je me dois de récapituler l’univers imaginé ici, en plus c’est peu ou prou le même que dans Animal Man : il y a apparemment trois forces sur notre planète qui constituent un subtil équilibre. Le sang, la sève, la nécrose. Le premier concerne le règne animal (dont l’homme), le second le végétal, et bien sûr le dernier la mort. Sauf que le père Swamp était plutôt fait de chair dans le premier tome, d’ailleurs il charriait (pas gentiment) le parlement des arbres en leur affirmant qu’ils étaient aussi sanglants et violents que l’Homme, sinon pire. Pas faux quand on voit la puissance d’Alec une fois pleinement « vert ».

Et la Nécrose tient plutôt une forme olympique. D’emblée celle-ci se sent plutôt chaude pour effectuer une infâme OPA sur la Terre, ce que nos héros doivent empêcher (c’est un peu l’élément déclencheur en même temps). Si tous invoquent le fameux Sethe et son appétence certaine pour le grand chaos, les surprises réservées par le mal sont assez sympathiques : déjà le William et sa sœur Abigail qui oscille entre les deux camps, puis le vilain Arcane (le tonton de la famille) qui est dans le circuit depuis plus longtemps qu’on pouvait l’imaginer. Enfin, la visite (courte mais intense) dans l’inframonde nécrosé est d’un glauque passionnant.

…à rapprocher de :

– Commencer par le premier opus me paraît hélas incontournable…

– Bon, il appert qu’il faut lire Animal Man pour avoir un récit complet. Ça tombe bien j’ai le tome 1 (La chasse) et le tome 2 (Contre-nature).

– De Snyder, il y a la superbe Cour des Hiboux, avec le Batman. Tome 1 et tome 2 sur QLTL. Voui.

– Snyd’ a également régalé le félin avec Wytches (tome 1 ici), faut dire que le dessin de Jock a aidé.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Vuillemin - Les sales blagues de l'Echo : La totaleSous-titre : 3 Kg de Kolossale finesse [j’ai vérifié, ça pèse bien six livres ce truc]. Ce n’est pas vraiment le genre de pavé dont on peut se targuer d’avoir fait un résumé, aussi Le Tigre franchit le Rubicon, et en claironnant à tout-va. Voici une chose recensant suffisamment de blagues pour s’en sortir, avec les honneurs, à toute joke battle.

Il était une fois…

L’Écho des Savanes est une revue créée notamment par Gotlib (Rubriques à brac) et Bretecher (la nana évoquée dans la chanson Femme libérée de Dingler), et résolument tournée vers la bande dessinée. Dans ce magazine, il était d’usage de publier une planche de Vuillemin noblement intitulée « Les sales blagues de l’Écho ». Face au succès de ces dernières, des compilations (moins de soixante pages) ont été régulièrement publiées. La présente intégrale couvre une quinzaine de ces bandes dessinées, soit plus de 700 pages de franche rigolade.

Critique des sales blagues de l’Echo

La première chose que j’ai dite, en voyant cette compilation trainer dans une librairie, fut : « putain, les cons, ils ont osé ». À voix haute en plus. Et oui, un tel concentré d’horripilantes plaisanteries racistes, sexistes, anticléricales, anti-tout en fait, n’a rarement atteint de tels niveaux.

Avant d’en raconter plus sur ces dégueulasseries illustrées par le père Vuillemin, Le Tigre veut signaler ce que signifie pour lui ces petites histoires : le magazine de L’Écho est un peu le fruit défendu que je lisais dans les années 80, en catimini chez le grand-père. Car dès cette époque Manara publiait dans la revue ses très érotiques récits. Et aux premiers émois du Tigre s’ajoutaient l’heureuse indignation de la première (ou dernière ?) page avec les fameuses sales blagues. Bref, double bonheur.

En tout état de cause, Le Tigre qui a l’esprit mal tourné et aime l’humour noir (et scato), ce fut presque naturel de se procurer ce petit bijou de mauvais goût. Hélas, un tel bouquin énorme ne sied pas à la lecture dans les toilettes, ce qui est fort dommage. Pour le fond comme pour la forme, rendez-vous à la partie suivante.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui fait le succès de ces délicieuses blagounettes tient, selon moi, en deux points :

D’emblée, la plupart de ces dégueulasseries illustrées ne font que reprendre les grandes blagues de Coluche. A moins que ce ne fut l’inverse (Coluche ayant tout allègrement pompé), Le Tigre se perd un peu dans les dates. En tout cas, c’était une sacrée époque, celle de Michel C. Le seul capable de répondre, de go, de la sorte à ces questions :
– Vous avez vu Monte-Carlo ? – Non, mais j’ai vu monter Caroline.
– Et Roland-Garros ? – Bah, j’ai remarqué que Noah n’aime pas trop monter au filet. Ca doit trop lui rappeler quand il a été capturé…
Vous voyez le genre, alors imaginez ce que peut déceler comme horreurs cette intégrale…

D’autre part, Philippe Vuillemin a produit un travail dessinatoire (oui ça passe) qui entre délicieusement en résonance avec les bonnes idées des auteurs : ligne certes claire, mais quelle impression de brouillon ! C’est sale (d’où le nom entre autre), les corps et visages des pauvres protagonistes sont vulgaires, les couleurs basiques et criardes lorsque celles-ci ne sont pas mélangées comme dans un mixeur. Bref, ça saute aux yeux, en plus de royalement les piquer.

…à rapprocher de :

– Certaines Sales blagues circulent en version « dessin animé », ça ne casse pas trois pattes à un canard, toutefois pour avoir une idée du genre d’humour cela reste efficace.

– Puisque je parlais de l’immense Milo Manara, voilà ce que j’ai lu progressivement, en attendant avec fébrilité le week-end suivant : Le déclic et Le parfum de l’invisible.

– Dans la blague bête, méchante, aussi homophobe que xénophobe, il y a le très sulfureux Paf et Hencule, d’Acnéique et Kadabra.

– Sinon, en très trash version nordique, Dagsson et son Et ça vous fait rire ? a en effet fait pisser de rire Le Tigre.

Enfin, si votre librairie est fermée ou si vous ne vous sentez pas d’apporter une brouette dans le magasin, vous pouvez trouver cet illustré sur Amazon ici.

Snyder & Paquette - Swamp Thing, Tome 1 : De Sève et de CendreVO : Raise Them Bones (Swamp Thing #1-7). Nouveau reboot par Snyder d’un héros que Le Tigre ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam, ce premier tome fut relativement décevant. Disons que débarquer dans une telle histoire nécessite un certain temps d’adaptation, l’auteur ne nous tient pas vraiment par la main au début. Mais se rattrape.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture n’a définitivement pas aidé Le Tigre, il y aurait bien plus de choses à dire (le méchant tout en pourriture qui détruit tout sur son passage notamment) :

« Le Dr Alec Holland était autrefois un monstre connu sous le surnom de la Créature des Marais, hantant le bayou et s’opposant à des forces surnaturelles. Mais aujourd’hui Alec est redevenu un humain et tente de reprendre le cours de sa vie. Malheureusement pour lui, son passé ne va pas tarder à le rattraper… »

Critique de De Sève et de Cendre

Tombé par hasard sur les deux tomes (il n’y en a qu’une paire concernant Swamp Thing), je les ai lu rapidement histoire de varier, en matière de comics, avec autre chose que le gros Batman. Et j’ai mis énormément de temps à entrer dans l’univers de ce super-héros malgré quelques références de début à Superman ou Bruce Wayne.

Hélas, dès les débuts je me suis douté que ça allait être coton comme lecture. D’emblée, les illustrations de Paquette ont plus d’une fois heurté l’esprit cartésien du félin. Les couleurs sont belles et chatoyantes, la ligne est précise et offre de corrects tableaux (des planches uniques dont les cases sont peu ou prou partagées par de la verdure) certes, mais ça part trop souvent dans tous les sens. L’aspect jungle est bien retranscrit, pas de problème de ce côté. Je pense savoir lire comics et manga depuis le temps, pourtant plus d’une fois je ne savais pas quelles cases lire en premier…

Quant à l’histoire, à l’issue de ce premier tome je n’avais toujours pas compris d’où sortait cette chose du marais, ce qui est arrivé au docteur Alec Holland et le rapport avec Calbraith, pilote de la WWII décédé au combat. Car Swamp Thing a d’abord été traité par l’immense Alan Moore, et les clins d’oeil aux anciennes publications restent nombreuses. Heureusement que le tout se décante vers la 100ème page, et progressivement on s’approprie le récit et la sourde menace qui s’apprête à pourrir la vie du bon doc.

Pour conclure, un dessin parfois imparfait et un scénario qui m’a plus d’une fois échappé, voilà Le Tigre puni pour ne pas mieux connaître ce héros. Et encore, au début du comics une intro par Snyder donne quelques clés de compréhension. Toutefois il est quelques excellents passages (notamment l’inquiétante balade du jeune William Arcane), sans compter que la fin donne sérieusement envie de poursuivre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La chose des marais. C’est marrant (façon de parler), pour un premier tome on ne le voit quasiment pas le mec Swampé ! On apprend, aux détours de quelques dialogues qui peuvent sembler répétitifs pour les connoisseurs (mais précieux pour Le Tigre), que ce truc est né après le décès d’un homme qui transportait avec lui une sorte de produit bio-régénérant permettant à la vie végétale de s’étendre jusque dans les plus arides déserts. Alec, le héros, en aurait été un mais a pu retrouver forme humaine, avec des souvenirs qui ne semblent pas être les siens. Affaire à suivre donc.

Le mal absolu est tout à fait délicieux dans ce tome. Il porte le doux nom de « nécrose » et s’oppose à la « Sève » qui représente la toute puissance du monde chlorophylle. Les arbres ont même leur parlement, c’est dire ! La Nécrose, à l’inverse, a ses armées dans toute matière morte, que ce soit un cadavre ou une dent cariée. Entre les exactions du petit William (exacerbant tout ce qui est nécrosé chez les humains) et la belle Abby qui se transforme en sombre reine (ça m’a rappelé celle des aliens dans le quatrième opus cinématographique, de Jeunet), y’a de quoi être progressivement satisfait.

…à rapprocher de :

– La suite s’appelle Liens et Racines et est nettement meilleure. Et puis on en apprend plus sur l’univers fantastique gravitant dans ce comics (cf. thèmes abordés).

– De Snyder, et puisque l’éditeur insiste dessus, il y a le très correct Batman : La cour des Hiboux  (tome 1 et tome 2 sur QLTL).

– Snyd’ a également régalé le félin avec Wytches (tome 1 ici), faut dire que le dessin de Jock a aidé.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Kambiz - Le monde est chez moiSous-titre (qui est en quatrième de couv’) : Le devoir d’un artiste, c’est de révéler et de soulager l’âme des peuples en souffrance. Trouvé au hasard, ce dernier fait décidément bien les choses. Une petite centaine d’illustrations sobres (en noir et blanc de surcroît) faites par un caricaturiste iranien de talent, la littérature et l’intelligence sont à l’honneur.

Il était une fois…

Kambiz Derambakhsh est un incontournable dessinateur satirique, né au début des années 40 et en provenance d’Iran. Artiste complet (réalisateur de téléfilms et de films, professeur et illustrateur de livres pour enfants), Kambiz a vu ses dessins publiés dans de nombreuses revues, en particulier en Europe. Plusieurs fois primé, encensé par la critique, l’Iranien voit enfin en France quelques unes de ces illustrations (accompagnés de textes poétiques) publiées en un unique recueil que Le Tigre s’apprête à résumer.

Critique du monde est chez moi

Le Tigre était à deux doigts de sortir la « structure » des billets de la catégorie « essais » tellement ce court recueil d’illustrations le méritait. 96 planches représentant un dessin unique (je le sais car à la fin de l’ouvrage le titre est indiqué), accompagnées pour chaque thème d’un poème plus ou moins long.

Le Tigre n’est pas fana de poésie (c’est un tort), mais même si j’ai rapidement parcouru ces textes j’ai cru repérer quelques beaux passages. Il faut dire que ces menus vers sont tirés d’un recueil de poésie contemporaine persane (compulsé par Mahshid Moshiri) intitulé S’il n’y a pas d’amour.

Quant aux illustrations, rien à dire c’est somptueux : le trait est simple (mais pas enfantin), aéré et à chaque fois porteur d’un message sur lequel on pourrait discourir une paire d’heures. De manière générale Kambiz évoque la culture salvatrice (mais souvent mise à mal par le monde contemporain) et la liberté sous toutes ces formes. Pas étonnant qu’il ait été parfois censuré par Téhéran.

Pour finir, on pourra regretter qu’il n’y ait pas plus de 100 pages d’illustrations (moins, en tenant compte des poèmes) et que pour autant de matière le prix ne veuille pas descendre sous la barre des 15 euros. Peut-être plus tard, une intégrale belle comme tout verra le jour. Et là Le Tigre attendra en embuscade.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je ne vais pas trop me fouler et ressortir les trois chapitres, judicieusement nommés, de ce roman graphique.

D’abord la servitude. Servitude par rapport à l’économie, le politiquement correct, la société des loisirs vains et frustrants, il y a de tout. Pour la partie la plus peuplée de planches dessinées, Kambiz traite de nombreux aspects de l’asservissement et de l’aliénation de l’individu : la prison, la paranoïa ou la censure se confrontent à la nature ou au savoir, et cela non sans un certain humour (marque de fabrique de l’auteur).

Le détachement, ensuite. Je l’ai plutôt analysé comme un hommage à la puissance (potentielle ou avérée) de la culture et de la connaissance en général. L’encrier et la plume, l’objet « livre », l’écrivain (ou illustrateur), tous ces artefacts (l’être humain est plus d’une fois traité comme un objet) sont montrés dans des situations où leur impact est à peine disproportionné : tuer un homme avec une plume de dessinateur, se faire retenir à la douane à cause d’un attirail de peintre, etc…

Enfin, l’envol. Seule une poignée de dessins sur cette partie toutefois introduite par un subtil poème. Comme son nom l’indique, l’être humain (ou l’animal) prend son essor grâce à la littérature et se joue des barrières physiques. Touche d’espoir finale appréciée du Tigre, hélas la « table des dessins » en fin de bouquin remettra le lecteur à sa place : ceux-ci sont présentés sur fond noir (comme des prévenus), et les titres associés font montre d’un humour noir, voire d’un pessimisme notoire.

…à rapprocher de :

– Dans les mêmes dessin, Le Tigre pense forcément à l’immense Quino. Et j’avoue avoir pensé que Quino avait tout traité, il n’en est rien Kambiz a fait montre d’inventivité et d’une même simplicité désarmante.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce roman graphique sur Amazon ici.

Joe Daly - Dungeon Quest, Tome 3VO : idem. Troisième (et non dernière apparemment) partie d’un chef d’œuvre hilarant et politiquement incorrect qui ravira tout lecteur en quête de quelque chose d’unique, Le Tigre s’est rarement autant fendu la poire. L’aventure continue, et la fantasy a laissé la place au fantasque. Un délice.

Il était une fois…

Ce chapitre trois est « sobrement » intitulé le « Golem Vapeur ». Après s’être enfoncés dans la forêt de Fireburg, nos héros se retrouvent plongés dans le halo pâle et laiteux du temple de Bromedes (poète, prophète et Svhaman holographique), aux pieds du maître en personne. Celui-ci va les éclairer sur le sens de leur quête et du lourd héritage (qui a un rapport avec l’Atlantide) qui pèse sur leurs épaules. Notamment remettre en selle le « Gogh-verbirateur » qui a jadis sauvé les hommes.

Merde, j’aurais beau tenter de rendre compte du scénario, ça ne fera jamais sérieux. Joe D. va trop loin.

Critique du troisième tome de Dungeon Quest

L’auteur est en effet définitivement parti en orbite avec ce troisième opus. Dès le début on sent que ça va être sensiblement différent des précédents titres. Déjà l’explication par l’obèse de l’origine de l’état du monde donne le la. Ensuite la scène face au distributeur d’items m’a fait hurler de rire. Particulièrement la beuh magique qui ne veut pas descendre, entraînant frustration intense d’un des héros qui enduit son bras de vaseline avant de s’écrier « je vais lui faire un fist-fuck bien gras à cette machine ! ». Applaudissements à la traductrice, Fanny Soubiran, qui a fidèlement retranscrit les différents vocables utilisés (« se faire plaiz » et tutti quanti).

Mais je fus totalement surpris par la dizaine de pages écrites sur l’histoire du peuple « romiche ». Millenium Boy, défoncé par la drogue bien sûr, trouve un vieil ouvrage dont le lecteur lira les premiers chapitres. Waow… Joe D. a de la suite dans les idées et nous offre une leçon d’improvisation anthropologique à couper le souffle. Difficile d’en dire plus, car entre la création des groupes ethniques et la « revisitation » de l’Histoire, il y a de quoi amplement halluciner.

Quant aux illustrations, dont j’ai déjà parlé sur les précédents opus, je m’y suis fait et commence à réellement les adorer. Joe Daly montre tout : des effets d’un hash bien épicé à comment un suppo entre dans le fondement d’un des protagonistes (pas moins de trois cases), c’est à la fois puissant et décalé.  Au final, le meilleur de la série. Fin du fin, le lecteur s’apercevra vite, après une mise à jour (il y a en moins, ce qui n’est pas pour me déplaire) des caractéristiques des personnages, que d’autres quêtes ont un statut d’inachevé. Ça va donc continuer, ô joie !

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les drogues ont un place quasiment centrale, rien à voir avec ce dont je parlais dans le premier opus. Swazi skunk, durban poison, orangutan daydream (le meilleur visiblement), psilocybes mexicana, himalaya pink, les anti héros font le plein de paradis artificiels. Une série à ne pas donner à un ado de moins de quinze ans, il comprendrait la moitié. Poète, barbare, frais, celtique, aucun adjectif utilisé par les quatre amis ne peut rendre compte de l’explosion d’imagination et de délires de l’artiste complet qu’est Daly. Et Tigre aimerait franchement savoir à quoi il carbure.

Sinon, il y a des passages que je qualifierais, de prime abord, de totalement gay. Le golem à vapeur déjà (pourquoi pas à voile ?) est un signe. Puis les trips homosexuels des héros après la première latte de beuh. Quant au rêve comateux de Steven, dérangeant à souhait. Et que dire du petit homme des forêts qui ne demande qu’une petite branlette pour aider les gentils ? En fait c’est plus que gay, c’est quelque chose au-delà, entre l’amitié mâle et l’onirisme (et non pas onanisme) d’un univers qui n’obéit qu’à la seule logique de son créateur. Une sorte de « post gender ».

…à rapprocher de :

– Exceptionnellement, lire ce tome en « one shot » peut se faire. Même si faut mieux commencer avec les tome 1 et tome 2. Voilà.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici.

Joe Daly - Dungeon Quest, Tome 2VO : idem. Deuxième partie d’une quête absurde et politiquement incorrecte qui ravit le lecteur borderline qui sommeille en nous, c’est réjouissant sur toute la ligne. Hélas, pour des raisons que Tigre ignore, cet ouvrage est bien mince par rapport à ses petits amis. Je me suis senti floué.

Il était une fois…

Ça y est, Millenium Boy et ses vaillants acolytes (un mec bodybuildé sous stéroïdes, un autre peu musclé mais relativement intelligent et une nolife avec son arc) viennent de pénétrer la forêt de Fireburg. Leur quête principale est d’assembler les pièces de la guitare atlantéenne à résonateur, et retrouver Bromedes dans la mystérieuse forêt est grandement susceptible de les aider. Car ils doivent donner à ce prophète (qui est également poète, pour sa bobine il suffit de jeter un œil à la couverture) son étui pénien. Pour être plus clair, nos héros vont lui refiler son fourreau à zizi. Mais la forêt de Fireburg recèle d’innombrables dangers…

Critique du deuxième tome de Dungeon Quest

En lisant la présentation de la quête des protagonistes, Le Tigre a tenté de décrire, avec ses modestes mots, le délire généralisé qu’est Dungeon Quest. Et ce deuxième opus continue dans la même veine. Les dialogues, savoureux, oscillent entre le verlan de banlieue (genre « chanmé mec ! ») et les poèmes qui atteignent la stratosphère.

Le scénar’ se poursuit avec l’enfant à tête d’œuf s’enfonce (avec ses potes toujours) dans les bois peu accueillants où se cachent différents « items » (pour reprendre le vocable héroïc-fantaisiste) censés les épauler dans leurs aventures. Et c’est là qu’on rit à gorge déployée : outre un des membres qui pète un câble à cause du mélange cocaïne / stéroïdes (il traite tout le monde de pédé), certains objets ont des fonctions plus que déroutantes. Par exemple, la « capsule lisse de l’anguille » est destinée à planquer un peu de beuh avant de se la carrer dans le derrière.

Quant aux illustrations, dont j’ai déjà parlé au premier tome, Le Tigre a cru remarquer que c’était de mieux en mieux. Les combats oniriques et déjantés des héros sont très bien rendus, avec une ligne claire qui sait ignorer, au bon moment, les règles les plus élémentaires en matière de réalisme. Bref, aucune raison de ne pas se taper le dernier tome.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les thèmes sont les mêmes que dans le premier tome, voire en pire étant donné l’aisance de Joe Daly à faire dans le grand n’importe quoi. Aussi je vais profiter de ce court tome pour faire deux remarques annexes, la dernière justifiant la note négative de l’ouvrage :

Premièrement, petit mot rapide sur l’éditeur L’Association, qui en plus de parfois publier des titres de qualité fait régulièrement marrer Le Tigre. Je m’explique : sur le quatrième de couverture il n’y a pas de codes barres (le prix reste indiqué toutefois), seulement une étiquette autocollante qui annonce, de façon fort sympathique :

Se refusant à imprimer sur ses livres des « codes barres » tout aussi esthétiquement disgracieux qu’éthiquement déplaisants ; et devant néanmoins, pour des raisons de logistique devenues inévitables, se résoudre à les faire figurer sur ses ouvrages au moyen d’étiquettes autocollantes vilaines, onéreuses et agaçantes ; tient à préciser que lesdites étiquettes ont été étudiées pour que leur colle n’abime pas la couverture des livres, et qu’il est donc du devoir du lecteur de les décoller du livre après acquisition, puis de les détruire avec rage et jubilation en chantant à tue-tête : « l’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste ! ».

Deuxièmement, petit coup de gueule contre cet éditeur. Dungeon Quest, c’est trois tomes. Le livre 1 fait 200 pages, celui-ci 100, le dernier 400…wait…mais pourquoi ne pas avoir fusionné les deux premiers opus ?? Soit on se fout de notre gueule et de notre porte-monnaie, soit la publication en anglais suivait cette logique et L’Association ne pouvait rien faire, soit c’est pour renforcer l’illogisme braillard de Joe Daly. Dans tous les cas, Tigre a été déçu.

…à rapprocher de :

– Il appert que lire ce tome indépendamment reste possible, toutefois je ne saurai trop vous conseiller de commencer par le premier livre, et si ça vous plaît continuer par le troisième (qui est une petite tuerie). 

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici.

Steve Mosby - Un sur deuxVO : The 50/50 Killer. Titre mi-figue mi-raisin, Le Tigre ne s’est pas vraiment éclaté ici. Certes c’est un bon petit thriller à l’anglais avec un serial-killer relativement original, mais loin d’être aussi renversant que d’autres titres outre-Manche. Si le suspense est correct et la profondeur des personnages reste satisfaisante, hélas le nombre de pages est loin d’être justifié.

Il était une fois…

Pour Le Tigre, le quatrième de couv’ est représentatif de ce que ce roman va vous offrir, quelque chose de certes sympathique mais qui ne soulève pas d’incommensurables montagnes de littérature :

« Vaut-il mieux mourir ou condamner l’autre à la mort ? Avant d’en tuer un sur deux, un serial killer torture les couples qu’il séquestre : à eux de décider. Jodie vient de tromper Scott et se sent coupable. De son côté, il recense cinq cents raisons de l’aimer. Ils sont enlevés. L’inspecteur Mercer n’a que quelques heures pour les retrouver avant qu’ils ne craquent. »

Critique d’Un sur deux

Écrit en 2007, traduit l’année suivante en France, il ne fallait pourtant pas faire montre d’un tel empressement ! Et en profiter pour changer le nom de l’écrivain qui n’est décidément pas sérieux, j’ai cru qu’un acteur de How I Met Your Mother s’était mis en tête de faire une carrière d’écrivain.

Le scénario fait la part belle à un mystérieux tueur qui aime kidnapper des couples et déconner avec leurs esprits en forçant un des amants à accepter que l’autre soit tué. Car il ne doit en rester qu’un. Et j’avoue que ça démarre plutôt bien, les cent premières pages offrent un suspense qui m’a tenu en haleine. Le vilain caché dans le grenier des victimes y est pour quelque chose, et Le Tigre (seul dans son lit la nuit) a fait plus que de raison attention aux bruits qui provenaient de son plafond.

Hélas, à partir du moment où Jodie et Scott se font enlever (le couple central des exactions du tueur) et sont retenus dans une clairière, et bah ça traîne gravement en longueur. Le flic John Mercer, aidé d’un jeune premier, ne parvient pas à tuer l’ennui qui m’a assailli vers la 300ème page. En plus, si les actes en vue de détruire les couples de l’antagoniste sont bien décrits, son principe même de « mal absolu » m’a paru invraisemblable, sinon tiré par les cheveux.

C’est, pour conclure, le petit problème de Mosby : il a voulu frapper un grand coup, faire complet et captivant grâce à des chapitres courts et nerveux. Et le rythme endiablé du début retombe inéluctablement, certains passages laisseront le lecteur pantois, heureusement que le final est surprenant (cf. infra).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les barrières de l’amour. Les pauvres tourtereaux chopés par le tueur déjanté vont être amenés, par ce dernier, à revoir (recenser même) l’amour qu’ils se portent entre eux. Et face à un dingue de la sorte le vernis sentimental s’effrite bien plus rapidement qu’en temps normal. Entre catalyseur de ce que peut devenir une relation amoureuse et travail de psychologue, Le Tigre (qui a étudié auprès de BHL en personne) a cru déceler un report de l’amour vers la reconnaissance pour le travail du psychopathe. Presque du syndrome de Stockholm !

Le rebondissement final. [Attention SPOIL] A l’issue de la traque, un membre du couple parvient à s’échapper et est sauvé. Son précieux témoignage devant la police constitue une trame du roman, et c’est dans les dernières pages qu’on s’aperçoit que cet individu est en fait le vilain qui s’est fait passer pour victime. Voici un retournement qui m’a bien rappelé la petite pépite cinématographique qu’est Usual suspect. C’est peut-être à cause de cela que je l’ai rapidement supputé [Fin SPOIL]. Même dramatique et bienvenue, la fin n’a toutefois pas sauvé l’impression générale laissée pas cette œuvre (un « passable », et encore).

…à rapprocher de :

– Dans la catégorie « roman-sans-prise-de-tête » mâtiné d’un meurtrier qui zigouille les nouveaux mariés, il y a la première enquête du Woman Murder Club de James Patterson – oui, le grand James.

– Puisque j’en parlais, en termes de méchants crédibles et qui provoquent de subtils hérissements, préférez Keith Ablow : Compulsion, Psychopathe, L’architecte,…tous sont excellents !

Si votre librairie est fermée, vous pourrez le trouver en lien ici.

Tom Wolfe - Moi, Charlotte SimmonsVO : I Am Charlotte Simmons. Imaginez Zola, rompant avec son style surdescriptif et chiant, qui revient au XXIème siècle et s’installe parmi les riches étudiants dans une université cotée. Simmons n’est pas vraiment de ce monde, et le chemin vers la cool attitude est parsemé d’embûches. Wolfe est un peu old school pour Le Tigre, son pavé fait peur mais il parvient à créer un environnement complet et prenant.

Il était une fois…

Charlotte est douée, très douée même. De sa modeste école, Sparte (si ça vous parle niveau rigueur), perdue au fin fond de la Caroline du Nord, elle a la chance d’être admise à la prestigieuse université Dupont (qui fait jeu égal avec Yale et Harvard). Mais l’intelligence n’est pas vraiment ce qui importe dans ce type d’établissement, et la très provinciale miss Simmons n’est pas au bout de ses surprises.

Critique de Moi, Charlotte Simmons

C’est non sans une fierté (mal placée sans doute) que je suis venu à bout de ce millier de page. Car Le Tigre, sur plus d’un chapitre, a calculé intérieurement à quel quantième (1/3, 3/5, 7/8, etc.) il en était. Ce n’est pas bien, toutefois rapidement j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour de ce roman. C’est le genre qu’on peut lâcher avant la fin sans dommages apparents.

Pour faire simple, Tom Wolfe s’attache à nous décrire la première année d’université de la très naïve Charlotte S., qui possède un savoir brut satisfaisant mais à l’intelligence émotionnelle en construction. L’héroïne, qui partage une chambre avec une fille délurée et peu farouche, verra vite que n’être ni conne ni moche est loin d’être un critère de réussite dans l’institution universitaire américaine – hein, en France aussi ?.

Et il faut avouer que pour son vénérable âge (il est né au début des années 30), l’auteur s’en tire pas mal du tout. A l’instar du Bucher des vanités, Wolfe n’y est pas allé une plume dans le cul comme un vulgaire touriste. On sent le mec qui a longuement étudié son sujet, le lecteur sera rapidement immergé dans l’environnement de la protagoniste principale.

Toutefois, pour justifier la note négative attribuée à ce lourd bouquin, Le Tigre invoquera, outre la taille (on aurait aimé avoir le choix entre ça et une version écourtée), le style : je suis partagé entre estimer que 1/ l’écrivain américain fait preuve d’un cynisme et de détachement amusé dans ses descriptions, auquel cas c’est génial. 2/ Il a tenté de s’approprier le vocable des jeunes en plus de leurs vices (les descriptions des soirées ou scènes de cul sont d’un ridicule sans nom), et c’est fort vain (pour ne pas dire risible). Quoiqu’il en soit, un succès plutôt mérité.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La « déniaiserie » en puissance. Charlotte va devoir prendre des cours accélérés (malgré elle) dans le domaine de la vie universitaire. Déniaisement physique d’abord, avec le vilain Hoyt qui la déflorera aussi vite qu’il se rhabillera (et racontera à ses amis le tapis d’une Charlotte non épilée). Découverte de la vie du campus, avec ses langues de pute et autres vilénies estudiantines qui vont, au début, s’abattre sur sa jeune échine. Cet univers impitoyable, souvent bête et méchant est bien rendu par Tom W. à un tel point que Le Tigre s’est remémoré ses glorieuses années en école de commerce…

En fait, ce n’est pas tout à fait roman d’apprentissage comme tend à l’expliquer la couv’, mais plutôt « d’adaptation ». Et l’intelligence remporte au final la mise, car ici tout se termine désespérément bien : la petite Simmons est presque la rising star de Dupont, son petit ami Jojo a pris du plomb dans le cerveau et excelle au basket, les autres s’en tirent plus qu’honorablement, bref c’est fête.

La façon dont Wolfe a décrit système universitaire américain est, sans surprise, incisive : les richards assurés d’entrer dans l’université ; les gars limités mais sportivement très précieux pour tout établissement (Jojo qui veut se mettre à la philo est hilarant) ; le gus qui n’en fout pas une et peut potentiellement trouver un bon boulot (car ayant surpris un politicien se faisant pomper) ; les étudiants à la rue financièrement (tel le journaleux en herbe Adam) en recherche de bourses ; les « spring breaks » dans le campus fortement alcoolisés (un alumnus décide de s’y rendre à ce moment avec femme et enfants, imagine le désastre,), etc. Wolfe maîtrise tous les ingrédients.

…à rapprocher de :

– Comme je le disais, Tom Wolfe, pour l’instant, ne mérite d’être lu qu’au travers son génial Bucher des vanités.

– Dans le domaine universitaire coté, avec un jeune protagoniste qui se fait intégrer au sein du gratin scolaire, c’est Le maître des illusions, de Donna Tartt, Bien meilleur que Wolfe à mon humble avis.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Les Sutras du TigreLe Tigre a fouillé dans son armoire et a dégoté un costume de de Gaulle, évidemment accompagné de sa « certaine idée de la France ». Après m’être travesti, ce qui m’est venu à l’esprit est une « certaine idée du blog littéraire ». Certes ça en jette moins, mais Tigre est encore vivant. Et en profite, contrairement au Général, pour expliquer correctement le sens de cette dernière expression.

Code de déonto du Tigre ?

Plutôt que discuter de la manière dont j’imagine comment un blog doit se comporter, Tigre a sorti de son fécond cerveau le Code de Déontologie du Tigre, ci-après nommé le « CDT ». Mais précisons quelques termes d’abord, voulez-vous ?

La déontologie, qu’est-ce que c’est ? Du grec deontos, ce qu’il convient de faire, et logos, le discours. Pour faire simple, c’est l’éthique du félin appliquée à son exercice de blogueur.

Le blog littéraire, de quoi c’est fait au juste ? Ce doit d’abord être un blog : une ou plusieurs personnes (moins de douze, sinon c’est un wiki) qui sortent de leurs chapeaux, au moins une fois par mois (sauf si justifié par un certificat médical ad hoc), un article relatif à un objet littéraire. Définition toute personnelle, et l’adjectif « littéraire » est utilisé avec une rare extensivité.

Et comme souvent, dès qu’il s’agit d’un sujet à peu près sérieux sur lequel il convient de ne pas trop dire de conneries, Tigre fait l’inverse. Je vais donc aborder le code déontologique avec une insolente légèreté et une insouciance digne d’une écolière d’un institut catholique. C’est parti.

Les origines du Code

En fait, à chaque fois qu’une entreprise ou un auteur me contacte, je réponds qu’avec plaisir je lirais leurs bouquins, mais qu’il faut garder à l’esprit que ça ne m’empêchera pas d’en dire le plus de vilenies possibles. Et j’invoque à chaque fois un très spécieux code de déontologie. Qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui.

En sus, cela me permet de justifier à mes lecteurs une ligne de conduite concernant la façon dont je blogue. Le CDT n’abordera que l’activité dite de « critique », et je sais qu’il est d’autres sujets dont vous brûlez d’envie que j’aborde. Mais ceux-ci concernent le plus souvent la blogosphère en général.

Par exemple, il y a l’épineuse question de la modération des commentaires. Pour faire simple, Tigre est un grand maniaque (vous le savez déjà) et souhaite éviter qu’un de mes billets ne devienne un forum du style « préfères-tu les canins ou les félins ? ». Déjà que ma crédibilité ne vole pas bien haut… Ou alors les liens vers les blogs amis et partenaires, et là la doctrine du Tigre n’en est même pas au fœtus d’une ébauche.

Voici donc, en dernière partie, la déontologie tigresque de ses activités blogueuses et rieuses. Pas d’articles dans cet édifiant CDT, juste trois beaux principes qui guident quotidiennement Le Tigre.

Comment ?

I. La gestion des conflits d’intérêts (ci-après CI)

Qu’est-ce qu’un tel conflit déjà ? Juridiquement parlant, un CI est une situation dans laquelle un individu (Le Tigre) a, au cours de son activité (écrire d’édifiantes critiques), deux intérêts potentiellement divergents. Il ne faut pas qu’ils soient forcément contraires, seule la possibilité qu’ils n’aillent pas dans le même sens représente un CI.

L’exemple le plus courant est lorsque je suis en train de lire le bouquin qu’a écrit un de mes bons amis. Et si la chose s’avère dégueulasse ou digne d’un écrivaillon de cinquième zone, Le Tigre est déchiré (voire écartelé) entre deux impératifs : d’une part, je dois la vérité à mes lecteurs autant que j’aime dégommer (mais toujours avec courtoisie) tout roman qui me déplaît. Mais, d’autre part, je n’ai pas envie de faire de la peine à cet ami qui, en plus, était disposé à me prêter les clés de sa demeure sise sur les hauteurs de Saint-Raphaël.

Cependant, Le Tigre ne peut se cacher et éviter tout CI latent. Sinon ma vie sociale se réduirait à celle de Francis Lalanne. Dans au moins une critique il y aura toujours un os, un conflit qui attend en embuscade tel un vilain diable prêt à jaillir de sa boîte. Ainsi Le Tigre a choisi, dans un souci de transparence que les moins corruptibles démocraties nordiques m’envient, d’indiquer tout CI. Soit grâce à la page « partenariats » qui annonce les maisons qui m’envoient quelques titres, soit directement sur l’article (par exemple quand l’auteur, directement, envoie le fruit de son labeur).

II. La séparation des activités

Un peu d’économie d’abord. La crise de 2008 a révélé deux ou trois soucis dans la gérance de certaines banques. Pour ne pas dire toutes. Notamment que celles-ci exercent une activité de spéculation parallèlement à celle de dépôt. D’où l’idée de créer deux entités indépendantes afin que les placements hasardeux et toxiques ne viennent pas pourrir le livret A du Tigre.

Un blog littéraire, c’est pareil. Les billets « sans risque », ceux qui sont le cœur de l’activité du blogueur, sont les critiques littéraires et autres billets relatifs à cet art. Quant aux activités spéculatives, ce sont tous les autres posts où l’internaute raconte sa vie et parle d’autre chose : sa dernière recette de cookies ; son stupide clébard en train de dormir sur un canapé Ikéa ; les photos de son séjour à Mykonos ; la première dent de lait du chiard qui vient de tomber (attention double sens), etc. Car le danger est grand que ces dernières viennent polluer la critique littéraire.

Par conséquent, tout blogueur se doit de séparer le bon grain littéraire de l’ivraie quotidienne. Je sais que certaines personnes ne peuvent se résoudre à ne pas tomber dans de si terribles triviaux écueils, aussi le CDT ne peut leur interdire de faire mumuse sur leur site. Mais, de grâce, triez correctement vos articles et ne laissez pas de LOLcats rouler du cul entre deux billets, les logiciels de bloging le permettent : hébergement supplémentaire et gratuit d’un autre blog, création d’une catégorie à part, mise en place d’une page « perso » sur laquelle vos copines pourront commenter sur l’effet de la lumière naturelle sur votre vernis à ongle, double page d’accueil, et tant d’autres !

III. La déconstruction souriante

Déconstruction, parce que l’auteur / essayiste / illustrateur s’est fait chier de longues journées à mettre sur place son œuvre. La moindre des choses lorsqu’on ne l’apprécie pas est de la démonter avec la même application que celle-ci a été construite. Méthode et précision, faire dans le « constructif », je m’efforce d’aider l’artiste lorsqu’il s’est égaré. Après cela reste un avis personnel, donc il est normal qu’on s’en foute royalement.

Cependant, pour les auteurs connus, ou dont le style n’est pas votre genre par défaut ou encore avec lesquels vous êtes familier, il reste possible d’être plus léger sur la critique. Le Tigre l’a fait de temps à autre.

Être souriant, c’est lorsqu’on tire à boulets rougeoyants contre un titre, il faut le faire avec humour. Si Le Tigre parvient à arracher un rictus (ou mieux, un sourire) au lecteur ou au principal intéressé, le contrat est rempli. Rien de pire qu’un aigri qui tape sur votre travail comme un inquisiteur fait votre procès, mais lorsque ça ressemble au Tribunal des flagrants délires j’ai la faiblesse de croire que ça passe mieux.

Conclusion codée

Les médecins ont leur serment d’Hippocrate, il y a fort à parier que rapidement les blogueurs auront le serment du Tigre. Je pense à une réception solennelle, une prestation dans un endroit d’exception dont tous se souviendront. C’est donc naturellement que ledit serment se fera à l’Académie française. Cela fera une attraction pour la quarantaine de croulants qui y prennent racine. Je chargerai de la musette sur mon baladeur numérique et on transformera la coupole en un vaste thé dansant. Et pour les plus courageuses (et courageux), pécho un des immortels vous assurera quelques années dorées où il / elle vous enverra les romans qu’il reçoit.

Si ça vous paraît trop exigeant ou rigide, ne vous inquiétez pas : il arrive au Tigre (plus souvent à lui qu’à son tour) de faire quelques menues entorses au présent code.

Enfin, parfois je choisis le numéro du Sutra parce que celui-ci a quelque chose à voir avec le sujet traité. Ici, c’est le #25 car en 1825 est apparu, pour la première fois en France, le noble terme « déontologie ». C’est au cours de la traduction d’un essai du philosophe Bentham, si ça vous intéresse (pour ma part, je me suis arrêté à ce niveau d’explication).

Jean-Patrick Manchette - Fatale150 pages, une mystérieuse femme qui remplirait des contrats de tueuse, un écrivain unique en son genre qui a su pondre de somptueuses pépites, comprenez que Le Tigre ne pouvait laisser passer. Et ça démarre sur les chapeaux de roue, on se laisse emporter par le père Manchette. Tout cela aurait pu être un excellent petit polar à la française si le dernier tiers n’avait pas été si décevant.

Il était une fois…

Aimée (de son prénom, car elle semble avoir plus d’un nom dans son sac), est une tueuse talentueuse et à la beauté fatale (lieu commun doublé d’un vilain jeu de mots, c’est fait). Et comme le dit le quatrième de couverture, « c’est l’histoire d’un contrat inhabituel, dans une ville pourrie par le fric ». [Pour 150 pages n’attendez pas plus].

Critique de Fatale

Manchette, à l’instar de Dantec, c’est un de mes petits auteurs « arc-en-ciel », entendez : je pleure de rage devant certains romans comme je peux pleurer de bonheur avec d’autres. Et Fatale l’illustre parfaitement : Le Tigre a adoré au début, détesté sur la fin. Quel dommage.

Comme je le disais, la première moitié est superbe. Le lecteur fait connaissance avec une femme séduisante presque rompue aux techniques d’espionnage de son temps. Bizarre sur les bords, elle l’est sans conteste. On devine rapidement qu’elle prépare un coup fameux dans une ville remplie d’individus idiots et portés sur le fric. Et son intronisation dans l’environnement élitiste de Bléville est captivante, car elle commence à y déceler les secrets de chacun et fait la rencontre de personnalités atypiques (le baron par exemple).

Hélas, mille fois hélas, les derniers chapitres ont intensément frustré Le Tigre. Outre le fait qu’on ne saura ni d’où elle vient, ni qui la paye (même si elle semble être son propre patron), le dénouement de l’intrigue a été cavalièrement traité par Manchette. La belle pète presque un fusible, de concert avec d’autres protagonistes, et la chasse finale m’a semblé à la fois incompréhensible et bâclée.

Sinon, sur la lecture, ça passe très bien pour quelques chose d’écrit à la fin des années 70. Chapitrage très court (un chapitre fait même une page), dialogues secs et sans verbiage, et pour une fois de menues descriptions (surtout le premier tiers) qui ont correctement immergé Le Tigre dans l’univers de la tueuse.

Dans l’ensemble, ce que j’aime chez Manchette est sa propension à se pas s’emmerder à nous préparer une fin heureuse. Rien n’est positif dans beaucoup de ses titres, et même le dénouement laisse un goût de cendres. Le happy ending fisting, comme je dis. Mais Fatale n’est pas la meilleure façon de le découvrir avec Jipé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La bourgeoisie de province un peu rance. Aimée débarque dans une ville tout ce qu’il y a de plus « classique » dans le sens de l’organisation sociétale : tous les notables du coin (qui sont d’une bêtise crasse en plus d’être pourris) se connaissent, traînent uniquement entre eux (pour les bridges, le tennis, etc.) et mènent leurs petites affaires loin de la plèbe. Aussi lorsqu’une jeune riche veuve se présente, il ne lui faut pas bien longtemps pour pénétrer ce microcosme incestueux.

La corruption, et à toute les sauces. L’élite, forcément, s’octroie de scandaleux cadeaux ici et là. Toutefois j’ai trouvé que les ficelles tirées par le père Manchette étaient aussi grosses que des troncs de baobabs centenaires : d’emblée, le nom de la ville (Bléville, come on…). Ensuite, les comportements too much des habitants qui ne sont dérangés que par le scandale sanitaire de l’usine. Le reste (contrats sans appels d’offre, médecin marron,…), ils s’en foutent. Seul le journaleux garde la tête froide. Enfin, les nombreux objets (poubelles, cabines tél.) qui annoncent « Gardez votre ville propre ! ». Le lecteur a vite compris.

En conclusion, lorsque tout menace de s’effondrer, chaque protagoniste tente de sauver son cul. Et si abandonner ou trahir les siens (même son conjoint) permet de s’en sortir, Manchette montre que la nature humaine est, au fond, désolante. Bléville est une jungle, et la tueuse n’est alors que le catalyseur du sombre avenir de ses habitants : celui du « chacun pour soi » où la solitude est reine.

…à rapprocher de :

– Roman adapté en BD par les bons soins de Cabanes et Headline (en lien). C’est limite mieux.

– De Manchette, ne lisez surtout pas La Princesse du sang. C’est son dernier, qu’il voulait chef d’œuvre, et qui n’a pu être terminé. Préférez L’affaire N’gustro ou Nada.

– Une vrai tueuse, une femme fatale et bandante, quelque chose qui envoie du pâté made in USA, c’est Vanilla Ride, de Joe R. Lansdale.

– Sinon, juste sur le titre, une autre « Fatale » (tome 1) existe en littérature.. Du moins en bande dessinée, par Brubaker et Phillips.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Tom Wolfe - Le bûcher des vanitésVO : The Bonfire of the vanities [jusque là, rien à dire]. Magnifique pavé d’auteur américain que Le Tigre respecte infiniment, c’est aussi hélas le seul de Wolfe que je recommande. L’histoire d’un homme qui, abruptement mais sûrement, passe du gratin sociétal au troisième sous-sol (celui des parias) est édifiante. En plus d’être servie par une plume de qualité.

Il était une fois…

Sherman McCoy a tout pour lui. Une femme (Judy) qui présente bien, une mignonne petite fille (son prénom, on s’en fout), une maîtresse à la croupe avenante et à la jeunesse éclatante (Maria) et surtout un boulot de rêve à Wall Street où il se fait de solides couilles en or pur carat. Mais un gros grain de sable va enrayer (pire, démonter) toute cette belle mécanique : après avoir chercher sa maîtresse à l’aéroport en voiture, notre mari imparfait se goure de sortie d’autoroute pour se retrouver dans les quartiers craignos de NYC. La peur monte d’un cran quand deux blacks (qui étaient autour de pneus enflammés) s’approchent, mais pour les aider. Dans un accès de panique Maria prend le volant et percute un des jeunes par mégarde. Henry Lamb, même pas vingt ans, décède sur le coup…

Critique du Bûcher des vanités

Ceci est LE roman de Tom Wolfe, et c’est un peu triste dans la mesure où c’est également son premier. Et le reste que j’ai lu de cet écrivain ne m’a pas semblé aussi fameux.

L’histoire est une descente aux enfers d’un homme qui se pensait intouchable. À la suite d’une terrible méprise de sa maîtresse (qui a coûté la vie à un jeune qui n’a rien d’un délinquant), tous les malheurs du monde lui tombent méthodiquement sur la gueule : police, médias, procureur, amis qui s’éloignent, femme qui se fait la malle, petite amie qui ne veut en aucun cas assumer sa responsabilité, etc. Comment en arriver à un tel acharnement ?

Et c’est là toute la magie de Wolfe. Pour plus de 900 pages, le risque était un scénario alambiqué doublé d’un style long et lourd à la Zola. Heureusement qu’on se rapproche plus d’un Balzac (ou Maupassant) contemporain qui détricote (cf. infra) et dresse un subtil tableau de ses pairs. A titre d’exemple, à un certain moment des messieurs en costard attendent dans une pièce de voir la mère du jeune décédé. L’un d’eux se lève et fait remarquer, à la fenêtre, les arbres magnifiques dans le jardin. Tous le suivent lorsque la mère noire vient. La vue du jardin n’était qu’un prétexte pour ne pas se lever lorsque la femme entrerait dans la pièce.

Pour conclure, Le Tigre a dévoré Le bûcher des vanités en une petite semaine tellement c’est intense et réaliste. Chapitres longs qui obligent d’avancer par gros blocs, descriptions nombreuses qu’on peut choisir de lire en diagonale, un passage littéraire obligé pour l’amateur de littérature américaine (avec John Udpike par exemple). Comprendre l’Amérique impitoyable et faussement hédoniste des années 80 n’a jamais été aussi plaisant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vanité. Dans ce roman Wolfe a pris un homme qui a tout pour déplaire et l’entraîne dans une aventure qu’on ne souhaite même pas à son pire ennemi. On le voit au début, amassant de l’argent en spéculant comme un sagouin sur le fameux « emprunt Giscard », rigolard et sûr de lui. A la fin de l’œuvre, il n’est rien. Abandonné de tous, il devra avaler des couleuvres aussi grosses qu’autant d’anacondas en vue de ne pas passer d’affreuses années en prison. Si bien qu’au cours du roman on trouve notre Sherman de plus en plus sympathique. Malgré ses nombreux défauts le lecteur se dira plus d’une fois : « fallait-il que l’auteur le punisse à ce point ? ».

La société américaine est décrite avec un luxe de détails à peine croyable. Wolfe a produit un travail aussi digne qu’un journaliste d’enquête (l’humour et le cynisme en plus), et les thèmes de cette peinture sociale sont pessimistes : dès que la situation part en quenouille, chacun tire la couverture vers soi et l’appartenance à une caste (souvent liée à un groupe ethnique) est la plus forte. En outre, tous les politiciens s’emparent de l’affaire pour avancer leurs pions en vue des élections. « Justice de races » enfin, qui annonce presque, dans le milieu des années 90, les terribles émeutes à Los Angeles (à cause d’une choquante décision de justice ).

…à rapprocher de :

– L’autre roman que Le Tigre a lu de cet auteur est Moi, Charlotte Simmons. Aussi long, mais tellement moins bien…

– Sur les « vanités », signalons que c’est également un genre pictural (natures mortes) représentant souvent un squelette, un sablier et d’autres attributs montrant la précarité de nos pauvres existences. En vrac, Philippe de Champaigne ou quelques artistes bataves (van Streeck par exemple) ont pondu quelques belles toiles sur ce sujet.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.