DodécaTora, Chap.GM : 12 BD que grand-mère aimera

Le Tigre Editions, pas de pages.

DodécaTora« Tigrounet chéri, ton blog est au centre de nos réunions littéraires du vendredi avec mes vieilles copines. Toutefois, tu nous perds quand tu te mets à résumer des comics et autres illustrés japonisants. Ma presbytie ne s’améliorant pas, je ne suis pas contre lire des BD. Mais pas n’importe quoi. Merci. Mamie Glaviot. ps : tu nous fait mouiller ».

Des bandes dessinées de qualité

La bande dessinée serait un art mineur, quelque chose pour les gosses et que les vieux ne comprendraient pas. Hum. Si votre aïeul fronce les sourcils dès qu’il vous voit avec un illustré, c’est parce qu’il est estime que ça ne vaut pas un bon pavé tolstoïesque ou les dernières mémoire d’un rejeton du Général de Gaulle. Il est temps de l’éduquer (je ne parle pas du Général qui disait que son seul rival c’est Tintin, c’est trop tard).

Le but de ce DDC sera de vous aider à choisir une bande dessinée que même votre grand-père un peu rétro (pour ne pas dire réac’) trouvera à son goût. Pour cela, Le Tigre va invoquer des œuvres bien rédigées, avec un trait relativement sobre qui ne piquera point le monocle de l’ancêtre. Les histoires de ces BD sauront être consensuelles, du moins porteront sur des thèmes connus.

Puisque grand-maman tente de briller, seule face à son écran, en regardant Question pour un champion, ou tente se fait mousser en répondant juste au jeu des mille euros, il sera souvent plus question d’essais dessinés que de comics purs et durs. Parfois les illustrations ne vous paraîtront qu’accessoires, notez néanmoins que le plus gros du boulot réside dans celles-ci. Être scénariste de BD, c’est le pied. Dessinateur, moins.

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ Art Spiegelman – Maus

LE classique. Que dire de plus sur ce magnifique essai qui traite de la Shoah et de la relation père-fils ? Les illustrations, au premier abord grossières, sont étonnantes de justesse et sont parfaitement adaptées au texte. Quant à la représentation des nationalités/ethnies selon autant d’animaux, un éclair de génie. Art S. n’a pas eu le prix Pulitzer pour rien.

2/ Jiro Taniguchi – Le journal de mon père

Voui, vous pouvez faire lire un manga à mémé !! Pour ne pas l’effrayer, celui-ci est en gros format, se lit à l’endroit, et a un scénario en béton autour de souvenirs de jeunesse d’un père. J’aurai également pu signaler Quartier Lointain que personnellement je préfère.

3/ Canales & Guarnido – Blacksad : Âme rouge

Ces deux auteurs mettent plus d’une année à pondre une BD, et Tigre leur pardonne largement. Zoomorphisme réussi, histoire prenante et traitant de thèmes très variés, le format franco-belge semble ici dépassé. Dans Âme rouge, il est question de guerre froide, chasse aux sorcières et amitiés brisées par la trahison. Sombre, mais avec une très touchante lueur d’amour.

4/ Craig Thompson – Habibi

Un pavé, vrai de vrai. En offrant cela à la vioque, vous êtes certain d’être tranquille un bon trimestre. Dans un pays oriental sublimé, deux femmes esclaves vont se raconter. Le dessin est réussi, notamment les traits d’inspiration arabe rendant hommage aux plus belles calligraphies d’essence divine. Craig T., multirécompensé pour ce titre, a fait mieux que Blankets, bravo.

5/ Comès – Silence

L’artiste belge est surtout connu pour cette BD de la fin des années 70. Titre assez court certes, mais quel travail d’orfèvre ! Silence, c’est un jeune homme simple d’esprit perdu dans un village français à une époque plus ou moins indéterminée (années 50 à mon sens). Les habitants ont quelque chose à cacher, et la vieille sorcière dans le coin va apprendre à notre héros l’amour, la mort, la vengeance. Snif.

6/ Manu Larcenet – Le Retour à la terre

Un pote m’a rapidement parlé de cette série de bandes dessinées qui narre, non sans autodérision, l’arrivée à la campagne d’une famille de citadins. Les illustrations ne déplacent des montagnes, l’humour y semble léger, toutefois je ne m’attendais pas à un roman graphique qui déchire sa race. Si mamie est paumée dans sa campagne, voilà de quoi la réjouir.

Plaisanterie à part, le titre de la BD parle de lui-même si ça sent le sapin autour de l’aïeule.

7/ Guy Delisle – Chroniques de Jérusalem

Delisle, à l’inverse, déchire tout. L’auteur/illustrateur canadien délivre, avec brio, ses expériences de voyage (tant le fond que la forme). Après la Chine ou la Corée du Nord, c’est parti pour la ville éternelle, entre visites touristiques et gestion de son bambin (pendant que l’épouse travaille dans une ONG). Point de vue extérieur et sans fard sur les tensions entre Israéliens et Palestiniens, c’est édifiant.

8/ Emmanuel Guibert – La Guerre d’Alan

Alan, qui combattu l’Allemagne nazie sur le théâtre ouest-européen, a une mémoire presque infaillible. Le travail avec Guibert, qui a recueilli des heures de témoignage, est titanesque. Les illustrations ressemblent à des photos (d’ailleurs, y’en a), ça passe comme papa dans maman. Dernier plus : Alan a rencontré sa femme en France, et a finalement décidé de s’installer dans l’Hexagone. Une belle histoire d’amour comme on en fait dans les films.

9/ Michel Rabagliati – Paul à Québec

L’auteur Québecois est un habitué du Tigre, et la plupart de ses romans graphiques sont à conseiller. Les planches font penser à du Guy Delisle, à savoir le monochrome au service de la simplicité (avec des visages expressifs). Cette œuvre, en particulier, mérite d’être offerte à grand-maman dans la mesure où c’est à la fois triste et beau : décalage de générations qui se réduit, la vieillesse et la maladie plutôt bien gérées, tout cela sans pathos larmoyant et putassier.

10/ Kambiz – Le monde est chez moi

Le Tigre a par hasard découvert Kambiz Derambakhsh, artiste satirique iranien au trait clair et puissant. Détachement par l’humour, dénonciation de la servitude, mais espoir omniprésent, c’est presque une leçon de résistance qui est à portée des yeux grâce à ses illustrations. Comme il le dit, le devoir d’un artiste, c’est de révéler et de soulager l’âme des peuples en souffrance.

11/ Martin Branner – Bicot et Suzy

Là, vous pouvez faire un groooos clin d’œil au vénérable âge de Mamie. Parce que Mister Branner, qui a surtout officié avant la seconde guerre mondiale, n’est plus de la première jeunesse. La publication de la série Winnie Winkle the breadwinner, traduit par Bicot & Suzy en France, fut un joli succès avec son héros adepte de l’école buissonnière et qui constitue son petit club. En revanche, accrochez-vous pour trouver une intégrale ou un tome (Les Exploits de Bicot, Bicot fait du sport, etc.)

12/ Grenon & Goupil – Le guide des grands-parents en BD

Tigre finit toujours par une connerie, et pour le coup j’en ai dégoté une très lourde. Cet opus fait partie de la très infâme série des « Guide de » (la quarantaine, la trentaine, des parents, des trucmuches, des blablas, etc.), alignement de tomes que vous trouverez aux mêmes endroits dans les hypermarchés (entre un Levy et L’histoire de la France pour les nuls) et qui sont à la littérature ce qu’un pack de Breizh Cola est au soda.

Plus qu’un cadeau par défaut, on atteint le niveau zéro de l’imagination et de l’humour. Une vaste blague qui ne demande qu’à être brûlée.

…mais aussi :

– A part Kambiz, vous pouvez taper avec sérénité dans toutes les planches de Quino : drôles, pertinentes, pas beaucoup de textes, l’équivalent littéraire d’un bonbon acide.

Suis à court d’idées. Cela tombe bien, mémé est aussi à court de souffle. Ciao.

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