Canales & Guarnido – Blacksad : Âme rouge

Dargaud, 56 pages.

Canales & Guarnido - Blacksad : Âme rougeTroisième opus du taciturne détective, les premiers tourments de la guerre froide sont ici à l’honneur. Avec un superbe image de couverture qui résume bien ce qui attend le lecteur. Histoire plaisante mais abracadabrantesque, ce sera l’occasion pour Blacksad de se remémorer un peu de sa jeunesse en plus de courir le guilledou.

Il était une fois…

Las Vegas, années 50 (du moins pas le milieu des sixties). Blacksad est le garde du corps d’Hewitt, tortue décatie qui se fait plaisir dans ses salles de poker et de strip-tease. Le vieux monsieur (qui a une bouille très attachante au passage) a surtout besoin de compagnie, or notre chat s’ennuie ferme. Profitant d’une rencontre inopinée, il va se dégager de ce boulot et rencontre Otto Liebber, un de ses anciens professeurs et surtout grand physicien américain à l’origine de la Bombe H. Suivant le groupe qui gravite autour du scientifique, le détective sera plongé dans une intrigue politique et d’espionnage qui ne le laissera pas indemne.

Critique de Blacksad : Âme rouge

Juan Canales et Juanjo Guanido ont trouvé le bon filon et l’exploitent plus que correctement. Plus sombre, plus fin et plus dense qu’un Canardo (pour une productivité plus faible également), les auteurs semblent faire la razzia de certains thèmes porteurs et propres à l’empire américain d’après-guerre.

Le scénario m’a hélas paru un peu « fourre-tout », entre chasse aux « sorcières cocos » (artistes, écrivains, scientifiques) et affaires d’espionnage contre l’URSS (et les moyens utilisés pour transmettre l’information). Comme si les auteurs, en voulant aborder une liste de sujets en peu de tomes, chargent la mule qu’est Âme rouge. A noter la présence de la pépée plus ou moins fatale qui fait des coudes pour se retrouver au centre de l’intrigue, comme lors des épisodes précédents (femme du commissaire ou victime à l’origine d’une enquête).

Niveau dessin, vous pourrez vous reporter aux critiques d’autres titres de la série. Assez léché, quelques belle planches et une identité saisissante entre l’animal et le personnage représenté (le coq est superbe, ainsi que le chien au sourire colgate). Au final, cet opus reste une excellente référence de polar noir agrémenté de considérations plus « intellectuelles » assez plaisantes.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La chasse aux communistes d’après-guerre. On parle bien du maccarthysme, avec dans le rôle du sénateur un peu fou-fou un coq (qui répond forcément au nom de sénateur Gallo) qui mène la vie dure aux protagonistes. Surveillances des artistes gauchisants, établissement de listes d’infâmes, arrestations et intimidations, le cocktail habituel. [Attention SPOIL] Non seulement les craintes de notre anticommuniste primaire étaient fondées, mais le combat de Gallo est définitivement entaché (pour le lecteur, car dans l’univers de Blacksad cela reste secret) dans la mesure où le coq préparait, dans son petit coin, un programme pour protéger l’élite du pays (ses proches surtout) en cas de catastrophe nucléaire. [Fin SPOIL]

Ensuite, cette BD est une belle illustration de la science dans tous ces états. Notamment le père Liebber, contributeur de la plus belle machine à tuer en masse de tous les temps. Sans spoiler comme un malotru, l’histoire de cette chouette (c’est son avatar dans la BD) est à la fois touchante et terrible. Car notre scientifique commet gaffes sur gaffes en voulant rendre le monde meilleur. Cela passe de mauvais choix pendant un conflit mondial à ses actes personnels en vue d’éviter une guerre nucléaire.

Le lecteur remarquera enfin que Âme rouge est l’occasion pour Blacksad de rencontrer une jolie jeune femme avec laquelle les premiers échanges sont plutôt acerbes. L’érotisme très soft est bien rendu, une paire de seins sur un animal certes anthropomorphe produisant son petit effet. Hélas, mille fois hélas, le déroulement de l’enquête n’aidera pas à concrétiser proprement cette idylle naissante.

…à rapprocher de :

– Commencer par le premier tome paraît bienvenu pour savoir de qui on parle (Quelque part entre les ombres), le second est plus que correct (Artic-Nation), quant au quatrième, c’est tout simplement magnifique (L’Enfer, le silence). Le cinquième, une déception (Amarillo).

– Sur le maccarthysme, certains estiment que Fahrenheit 451, de Bradbury, l’évoque en filligranne . Certes écrit à cette période, mais Le Tigre n’a pas vu de rapport.

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