Jean Graton - Un pilote a disparuSous-titre : Michel Vaillant, tome 36 (putain, déjà  35 avant, pas moyen que je les lise). Une pilote enlevé en pleines 24 heures du Mans, l’écurie Leader qui revient en force, deux courses (sur terre et dans les airs) qui sauront enthousiasmer le lecteur, un happy ending tout ce qu’il y a de plus convenu, bah c’est moins mauvais que ce que je craignais.

Il était une fois…

Dans les années 80, une énième édition des 24 heures du Mans a lieu. L’équipe Vaillante, forte de ses trois voitures au départ, compte bien remporter la mise d’autant plus que l’écurie Leader, représentée par Ruth (qui a pris la suite de son papa décédé), est dans une posture très agressive. Quelques heures à peine après le top départ, une des pilotes de Vaillante, Gabrielle, est portée disparue. Le grand Michel doit la retrouver au plus vite : Yves, qui était censé être remplacé par Gab’, a une furieuse envie de pisser – si ça vous donne une indication des priorités de l’écurie…

Critique Un pilote a disparu

Suis très moyen fana des aventures des trop parfaits Michel Vaillant et ses potes, et là j’ai été plutôt surpris de ne pas avoir baillé pendant la lecture de ce tome. Car ce dernier est moins verbeux et plus sec que d’habitude : entre la course du Mans et la course-poursuite en avions (oui oui, double poursuite les amis), on n’a pas trop le temps de dire ouf. Et c’est tant mieux.

L’ouvrage repose l’intrigue suivante : qui a capturé Gabrielle et surtout pourquoi ? Avec les déclarations tonitruantes de la bandante Ruth (du genre « je vais te pourrir la vie mon Michel »), le lecteur basique (dont je fais partie) se dit que Gab’ a été écartée sur ordre de la nouvelle boss de la team Leader. La solution, trop évidente, a de fait été écartée par l’auteur pour une sombre histoire de chantage sur relent d’espionnage industriel – un truc aussi fade qu’imprévisible, limite foutage de gueule.

Quant aux illustrations, le talent du père Graton en matière d’avions (avec ce que ça implique question décor et gestion de la profondeur) est appréciable, curieusement on s’y croit plus que lors des descriptions de la course automobile – qui m’en touchait une sans faire frémir l’autre. La double course contre la montre (automobile et aérienne) est plutôt vivante, avec un final tout en beauté, du genre atterrissage sur autoroute et crash de la voiture « ennemie » dans les dernières heures. Sinon, toujours duraille de faire la différence entre les protagonistes, par exemple je ne saurais dire que telle poule est Gabrielle ou Julie (une autre pilote de la série).

Enfin, et comme souvent avec Jean Graton, l’équipe Vaillante ne se hisse pas à la première place du podium, qui revient à un certain « Monsieur 24 heures ». Toutefois, tout le monde il est content dans la mesure où la kidnappée est saine et sauve et le spectacle de la course est resté entier. Michel V. est beau joueur, pas comme ces malotrus de chez Leader qui ont plié bagage avant la fin des 24 heures.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les fameuses 24 heures du Mans sont évidemment à l’honneur. Au premier abord le lecteur intransigeant pourrait penser à une honteuse publicité pour un évènement qui génère plus d’émissions carbone/méthane que 30 000 vaches mises sous régime à base de flageolets. Sauf qu’en y réfléchissant un peu plus, l’organisateur des 24h en prend gentiment pour son grade : que des brigands déguisés en journaleux (aucune vérification de la carte de presse hein ?) parviennent à kidnapper un pilote d’automobiles, tout en filant à l’anglaise sans réel problème, honnêtement y’a de quoi se poser des questions sur le sérieux de l’épreuve…surtout quand c’est le bon Michel qui, sans l’aide des autorités, ramène sa belle pouliche à l’écurie.

Le dernier sujet est plutôt une découverte assez personnelle…comme vous vous en doutez, je suis aussi spécialiste des trucs d’autos que le pape maîtrise les moyens modernes de contraception. J’ai ainsi lu cette BD comme une fiction totale certes plaisante, mais les dernières phrases d’Un pilote a disparu a jeté un sérieux trouble. Jugez plutôt :

Bravo Jacky et merci : Merci au nom de milliers de spectateurs que tu as enthousiasmés à maintes reprises. Pour eux et pour nous, tu demeureras à tout jamais « Monsieur 24 heures » !

C’est louche de sucer le derche d’un personnage de bande dessinée…à moins que…oh, merde…Jacky Ickx était un coureur automobile ayant effectivement existé, une fois ! Tout comme Alain Semoulin, Pierre Dieudonné ou les frères Martin. Mais pas d’autres protagonistes tels que Michel Vaillant (je m’en doutais) et Yves Douléac. Révélation : Michel Vaillant était toujours dans l’air du temps, et les voitures Vaillante 2 et 3 sont pilotées par des personnages qui existent dans la réalité – pas étonnant que leur comportement est irréprochable.

…à rapprocher de :

– Sur ce blog, vous pourrez également trouver L’homme de Lisbonne, bien plus décevant.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Collectif - Robots AnthologieLes relations robots/Homme (amour, rejet, maître/esclave, identité ou disparité) ; la robotique comme arme ; l’éthique ou le laisser-aller technologique ; les sentiments d’une boîte de métal pensante, et tutti quanti. Vingt nouvelles dont quelques pépites, le fin mot de l’histoire souvent surprenant (c’est souvent le but de tels textes), bienvenue dans le monde 2.0.

Il était une fois…

Dans cette puissante anthologie, une vingtaine de textes ont été soigneusement sélectionnés d’après le sujet suivant : Robots. Quand je dis « soigneusement », je sais de quoi j’cause : le félin a été pressenti pour être un membre du jury de cette antho. J’ai évidemment accepté, sauf que les mois qui ont suivi je n’ai pas eu UNE seule minute pour moi – le gros lâche, en somme. Ce sera d’autant plus facile d’être objectif – ou, à la rigueur, bien moins subjectif

Critique de Robots Anthologie

Passons aux textes. Tigre va les traiter un par un, parce qu’Il sait qu’à ce moment précis les auteurs (qui me lisent avidement, du moins le devraient-ils) serrent furieusement leurs fesses. Attention, ceci n’est ni une cérémonie de remise de prix, encore moins une distribution de coups dans le derrière à l’intention de certains. Et venez pas chialer dans ma tanière, parce qu’exceptionnellement le félin fait péter pour vous ma tigresque limite – qui est, rappelons-le, de 1.000 mots par billet.

Iter Stella (poétiquement lâché par Gaëlle Saint-Etienne)

Iter Stella est un robot envoyé aux confins de l’univers pendant des décennies, et est sur le point de revenir sur Terre pour livrer son expérience. Camille, qui a un talent particulier (genre il peut lire les ondes), se prépare depuis des années à ce retour. J’ai eu un poil peur dans les premières pages présentant un XXIIème siècle peu engageant, puis l’intérêt (et l’amplitude) du récit m’a correctement scotché – la poésie faisant oublier le peu de crédibilité scientifique.

Le Robot qui aimait cueillir des pommes (gentiment rédigé par Jean-Marc Sire)

Dans une lointaine colonie, un couple découvre une poule aux œufs d’or. Texte court, sans prétention quoiqu’efficace, mignon et qui se termine bien, ça aère l’esprit. Petit clin d’œil au nom d’un des protagonistes, William Ford, qui gère tant bien que mal sa chaîne de production.

Comme le sable dans le vent (gazouillé par Xavier Portebois)

Marwan, joueur talentueux de oud, se fait greffer une main bionique avec implant de nanorobots à la clef. Sauf que ces derniers, tel La proie de Crichton, vont au-delà de leur rôle. Le tout est hélas laborieux et sans surprise. Peut-être que la narration à la première personne n’aide point, quoiqu’il en soit je n’étais pas mécontent que ça se termine.

Livreuse (sympathiquement expédié par Laurent Pendarias)

Les robots, ce sont aussi les cookies (ce nom n’arrive pas si innocemment dans le texte ?) qui relèvent tout ce que vous faites sur la toile. Imaginez maintenant qu’un robot parcourt les rues par anticipation pour délivrer les produits commandés. Monologue léger et non dénué d’humour, ça passe comme un courriel dans sa boîte de réception.

Directive un (pondu par Joël Tardivel-Lacombe, c’est son premier texte on applaudit)

Texte fondé sur les lois de la robotique d’Asimov, avec un mystérieux protagoniste principal qui m’a fait reprendre le texte depuis le début. Rien de bien folichon, en outre le verbiage scientifico-pipologique qui accompagne la nouvelle m’a contraint à lire en diagonale.

Marshal Brandy (tapé avec force par Patrick Lorin)

Ha ha ha. Un nouveau shérif débarque dans un village en plein far west pour faire appliquer la loi – plus tard secondé du pasteur. Vocable du marshall et de lu western spaghetti parfaitement maîtrisé, l’intrigue hélas se languit vers le milieu. Même si on s’y attend largement (thèmes des robots oblige), la fin est délicieuse. Coup de cœur félin.

Chair ami (un travail coquin de Pierre Berger)

Oooohh…il a bien failli me faire bander avec son robot de « soulagement » capable de projeter un être humain ainsi au septième ciel. Comme quoi mécanique et érotisme peuvent aller de pair. Derniers mots attendus, en fait la partie X aurait pu se suffire à elle-même – bien que assez courte.

La Mécanique de l’intrusion (David Mons en embuscade)

Un marchand d’êtres humains est sur le point de conclure un deal avec un potentat africain paranoïaque (à raison) et impitoyable (pas que par nécessité). Le début est assez confus, avec des thèmes (le clonage, les luttes politiques) qui ne sont que des artifices très peu développés. Heureusement, les scènes d’attaque et la tactique sont, dans le genre techno-thriller de hard-SF, plutôt bien foutus. Hélas, le mot final est plus que décevant, je m’attendais à être ébloui.

Bob (c’est Luce Basseterre qui l’a écrit)

Un matériau style green goo (pour les connaisseurs) permet de prendre l’apparence de n’importe quel vêtement. Et ça attire les convoitises. Non seulement l’histoire est banale (bancale aussi) et éloignée du thème de l’anthologie, mais Le Tigre a trouvé le style poussif et peu amène. Pas du tout mon genre, désolé.

Métempsycoses (sorti du cerveau fécond de Guillaume Lemaître)

Dans un avenir sans États-nations où le transhumanisme connaît d’inquiétants ratés (en termes nanotechnologiques), un « nettoyeur » de freaks comment l’irréparable. Le mélange humain-machine dans toute sa (dé)splendeur. Pas très fin niveau narration ou péripéties (j’imagine que le too much est pleinement assuré ici), ça aurait gagné à être plus court.

Le Postulant Ford (von Herr Alexis Potschke)

Bref et excellent, je n’ai guère vu arriver le fin mot de l’histoire. L’écriture est fluide, agréable, rien à dire sur ce curieux examen que Ford s’apprête à passer – même si le récit subjectif est de nature à induire en erreur le lecteur.

Le Vaccin (du grand Sébastien Parisot, déjà croisé dans d’autres anthologies)

Toujours aussi marrant, ai-je envie de commencer. L’enfer, c’est les autres, ensuite. Seb’ a produit une fable toute mignonne, enlevée et néo-joviale qui se dévore le temps d’un éternuement. A lire et relire.

De Sang avide (Barbara Cordier au clavier)

Pas mal du tout non plus ! Martin, ingénieur (ou autre chose en rapport avec les robots), rencontre le mystérieux Zack, un cas social qui ne ressemble à personne. Entre chambres de curiosités et reboot du mythe du Docteur Frankestein, le tout agrémenté de faits divers dont on a une idée précise de leur auteur, l’écrivaine a réussi à me captiver malgré l’absence d’argumentation scientifique.

Les Anges mécaniques (de Solvejg Kulik)

Sten 3.0, où les débuts d’un Pinocchio des temps modernes dans une fable encore plus douce-amère (et empreinte d’une poétique tristesse) que l’original. Le protagoniste, malgré son état de robot, se sent « entier et vrai » et désire vivre – exeunt les lois de la robotique. Écriture agréable, avec une surprenante alternance de narration à la première personne et narration omnisciente. Néanmoins, faudra que l’écrivaine m’explique le pourquoi de ce titre fourre-tout.

Trip (le bon Southeast Jones, que Tigre a déjà pratiqué, à la rédaction)

Très court texte sur un pauvre gars qui veut toujours aller plus loin dans l’amélioration de son corps. C’est délivré dans le style « courant de conscience », à savoir qu’on suit le flot des pensées du héros avec ce que ça comporte comme langage familier. Un tantinet déçu.

Un Être formidable (expulsé sans préavis par Fanny Angoulevant)

Dans la glorieuse Angleterre de la seconde moitié du XIXeme, Dorian s’apprête à épouser une femme de la haute. Entre temps, il rencontre une créature de métal qui s’est plantée en revenant dans le passé. Amours (sans sexe, merde), jalousie, vengeance, tout ça dans un style très convenu pour une histoire fantastico-victorienne à l’eau de rose. Pas du tout mon genre donc, dommage.

Le Vieux robot et l’enfant (Frédéric Darriet s’y est collé)

16-04 est un androïde soigneur dans un continent africain dévasté (comme le reste de la planète) par une guerre nucléaire. Il fait alors la rencontre d’une jeune fille qu’il est en charge de traiter. Un peu court, j’attendais réellement plus de cette nouvelle qui se laissait facilement dévorer – en laissant de côté quelques innocentes incohérences.

Les Hébergeurs (précieusement pondu par Xavier-Marc Fleury)

Les Hébergeurs, ce sont des robots destinés à remplacer des êtres chers décédés…comme la petite Alice. Glauque et hautement improbable (l’histoire des 21 grammes, tsss ; ou remplacer son gosse mort par un robot, c’est de l’acharnement passéiste pire que Simetierre… ; et que dire de la « création » des souvenirs ?), néanmoins la problématique est suffisamment bien traitée (de façon exhaustive, même) et le style fluide pour passer un bon moment – quelques longueurs à déplorer cependant.

Entre deux (Lilie Bagage, en toute simplicité)

Le protagoniste, un certain « Ka » (un quelconque rapport avec La Tour Sombre de Stephen King ?), est entre deux états dans la mesure où il souhaite être humain. Bon, y’a clairement de la branlette stylistique dans l’air, ce n’est point vilain mais après des pages de combats assez imbitables je n’étais pas mécontent d’arriver à la conclusion. Pas mon préféré.

Euterpe (Julien Chatillon-Fauchez qui clôt la cérémonie robotique)

Tiens, voilà sûrement un de mes textes favoris. Une écriture maîtrisée de A à Z, un monde futuriste peu développé mais immersif, c’est beau de terminer une antho ainsi. La narratrice, ex-journaliste placardée parce qu’elle en savait trop, part à la recherche d’Euterpe, bot de combat qui s’est fait la belle après avoir subi divers sorts (car ayant obtenu une conscience). Au milieu de la jungle dans une planète dans le trou du cul de l’univers, l’héroïne découvre l’objet de son futur scoop…seulement, une étrange relation va se tisser entre ces deux êtres si différents. Très très sympa.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Plus de place, je vais m’arrêter à l’essentiel, à savoir (bien évidemment) les robots. Il y a de tout dans cette anthologie, chacun pourra y trouver son compte d’un point de vue des problématiques traitées – de la place que peut occuper ses boîtes de fer blanc à l’intelligence éprouvée jusqu’à l’utilisation qu’on en fait, tout en passant par l’espoir d’être considéré, pour certains robots, tel un humain. A noter le sous-thème de l’éthique, plus précisément de l’absence de morale vis-à-vis de la technologie, que ce soit du côté humain ou des I.A. (qui violent plus d’une fois les lois de la robotique). Finalement, dans très peu de cas un dénouement heureux pointe le bout de son nez.

A ce titre, la présentation de chaque auteur dans le bouquin est assez bien foutue. Les écrivain(e)s sont présenté(e)s comme des machines, avec leur BIOS, leur date de conception et les programmations antérieures (j’aurais plutôt dit travaux antérieurs). L’écrivain en tant que robot, merde y’a matière à rédiger une nouvelle non ?

…à rapprocher de :

– De cette maison d’édition, Chair et Tendre d’Amelith Deslandes m’avait correctement laissé sur le cul. Plus que l’anthologie Créatures, assez disparate niveau qualité.

– Comme vous l’avez remarquez, on retrouve pas mal de co-anthologistes chez Les Artistes Fous, autre maison d’édition indépendante bien barrée (exemple ici ou encore là).

Les Sutras du TigrePourquoi se contenter d’utiliser cinq cents litres d’eau pour une heure d’égoïste plaisir alors qu’on peut en plus dévorer un roman en même temps ? Quel type de bouquins choisir, et surtout comment faire pour ne pas transformer l’objet littéraire en une éponge prête à recueillir vos larmes rageuses ? Voici comment bien prendre son bain en lisant (ou lire en prenant un bain), parce que Le Tigre le vaut bien.

Pourquoi lire dans son bain ?

Le Tigre adore démarrer ses billets par une question que même le plus bas de plafond des journalistes n’oserait poser. Plus la réponse est susceptible d’être aussi spontanée qu’une déclaration d’un joueur de foot après une branlée bien méritée, plus le félin a envie de surprendre. Alors, pourquoi potasser un peu de lecture tout en faisant des bulles malodorantes ?

D’abord, il s’agit ni plus ni moins de gagner du temps. La vie, telle un train lancé à grande vitesse (et qui est parti à l’heure), ne laisse guère le temps de repérer les aiguillages du destin, et encore moins de prendre quelques dizaines de minutes d’affilée pour se faire un bon roman. Tout n’est qu’optimisation face à la donnée temporelle que l’homme moderne tâche de rendre toujours plus incompressible. C’est pourquoi associer à une activité passive (se laver, manger, regarder la télé) la lecture est une marotte tigresque.

Anecdote féline : je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais pendant mes années de prépa je faisais preuve d’une inventivité, question gain de temps, qui forçait le respect de mes professeurs et mettait une pression d’enfer sur mes concamarades – que je salue bien bas au passage. Notamment des feuillets de cours que je scellais sous plastique et placardais dans ma douche. 10 minutes de douche = 5 minutes de lavage + 5 minutes de brossage de dents = 10 minutes à retenir d’absconses formules mathématiques, la liste des premiers ministres japonais depuis 1955 ou encore quelques surprenants idiomatiques teutons.

Non mais allo

Non mais allo

Ensuite, l’association du bain et de la lecture représente, à mon humble avis, un must de savoir-vivre tant en Occident que dans le pétillant Orient. James Bond, qui est au bon goût ce que Nadine de R. est au bottin mondain, passe environ 3,2% de ses aventures dans un bain avec un open-bar de martinis à sa disposition – de quoi assommer ses conquêtes, car 007 répugne à verser du GHB dans leurs verres.

Plus sérieusement, le combo bain moussant / verre de champ’ / beau livre est la trilogie divine qui règne sur les réseaux sociaux lorsqu’une pétas…blogueuse twiit ou instakilogramme en mode « je-suise-un-esthète-et-me-la-raconte-grave ». Et elle a raison la grognasse, car ça ne va pas durer pour elle.

Enfin, il me semble qu’il faut en profiter un maximum. Utiliser des dizaines de litrons de flotte potable pour quelques minutes d’intense félicité est un luxe indécent, c’est comme arroser sa pelouse entourant sa bicoque sise à Saint-Trop’. Dites vous que, même si vous vous shampouinez après un marathon et pissez deux plombes dans votre eau de bain, celle-ci sera plus potable que ce à quoi ont droit des milliards d’individus en ce moment – rajouter un petit pet foireux ne changera rien à ces tristes chiffres.

Du coup, à l’horizon 2060, quand vous raconterez à vos enfants les bains monstrueux dont vous profitiez, quand vous leur rappellerez le prix du mètre cube, il y a fort à parier qu’ils vous pensent déjà gâteux. C’est un peu comme fumer clope sur clope dans l’avion ou baiser le premier soir sans capote, il s’agit de belles habitudes issues d’un autre âge.

La lecture dans la baignoire, c’est chiant

Je ne vous cache pas que je ne suis guère fana de prendre des bains avec un ouvrage entre les pognes. Ça ne m’a attiré que des emmerdes, maintenant je ne m’octroie que des douches. Trois fois par semaine. Les autres jours, toilette de chat rapidement expédiée.

Primo, le bouquin prend cher. A moins que vous ne régliez la température en-dessous de 30 degré (et auquel cas je ne vois pas l’intérêt de patauger dans la baignoire), les vapeurs d’eau risquent d’endommager sévèrement l’objet de votre attention. Un chapitre lu = trois pages gondolées. Or, rattraper un ouvrage qui a pris l’eau est une gageure (en lien) que je ne souhaite pas à mon pire ennemi.

Deuxio, je ne parle pas de vos petits doigts mouillés qui vont saloper les bords du bouquin. Essayez donc de garder vos mains parfaitement sèches, je ne vous laisse pas deux minutes avant de vouloir vous gratter le nez ou l’entrejambe. Ne me mentez pas : on a tous, après un innocent relâchement des sphincters (en mode gaz hein), eu quelques bulles coincées dans les poils des cul/couilles [rayez la mention inutile]. La petite bulle d’air qui gratouille en se frayant un chemin, trop lentement, vers la sortie. C’est une vraie torture que d’attendre que celle-ci parte, elle s’accroche à la moindre aspérité de notre corps et provoque un impérieux besoin de la chasser manu militari.

Tertio, le confort est presque nul. Soit on ne brise le dos à force de contorsions en vue Soit vous vous laissez glisser tenir en équilibre à moitié allongé le confort limité. Coude relevé, mal calé dans la baignoire, voilà à quoi ressemble une soi-disant séance de chillout dans sa minable baignoire.

Toutefois, si j’étais un peu plus diligent, je pourrais sûrement trouver des artifices pour kiffer un tant soit peu les deux mètres carrés (oui, ça en fait de la place perdue) dont vous ne vous servez complètement qu’une fois par mois.

Comment bien profiter d’un bouquin dans le bain

La première solution, évidente, serait de vider l’eau du bain avant d’entrer dedans…non, je déconne : Tigre pense plutôt à posséder une liseuse étanche. Figurez-vous que j’ai parcouru les magasins de France et de Navarre pour voir ce qu’on me proposait dans ce genre. Et, en 2014 (allons jusqu’à 2015), le résultat est loin d’être fameux. D’une part, en lisant la notice des produits vendus, souvent il était déconseillé de les mettre directement dans l’eau. Ouais, comme une montre qui affiche « 5M », ce qui signifie « pas plus loin que 5 mètres du bord de la plage ». Quelques gouttes ici et là, ça passe. Un jet d’eau, avec parcimonie. Une plongée dans trente centimètres de flotte, et le fabriquant ne répond plus de rien. Pas plus d’une demie-heure dans votre douche (alors que dire d’un bain), honnêtement qui voudrait prendre un tel risque ?

D’autre part, les liseuses sur le marché coûtent le peau du derche, c’est un vrai scandale. A ce prix là, je préfère niquer une dizaine de romans avec le sourire.

Quant à la seconde option consistant à lire des livres en plastique, je vous avoue être plus que sceptique. A part des conneries pour gosses ou la notice d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins, vous en connaissez des bouquins entièrement en plastoc ? Ne me répondez pas qu’il suffit de plastifier son objet littéraire préféré comme on faisait avec nos manuels à l’école (mais en s’occupant de TOUTES les pages), j’ai essayé : il est impossible de couvrir convenablement l’intégralité de l’œuvre. L’eau parviendra à s’immiscer dans la moindre faute de raccord de votre ouvrage.

Moi et José, mon sehr sexy liseur sous CDD

Moi et José, mon sehr sexy liseur sous CDD

A la rigueur, et pour les plus ingénus, il existe une possibilité d’employer une personne qui lit à votre place. Néanmoins, cette opportunité n’appartient qu’à ceux dont le logis est doté d’une baignoire suffisamment grande. Quant à la configuration à adopter, l’image ci-dessus me semble particulièrement adaptée dans la mesure où votre interlocuteur, outre ses talents de lecteur, pourra prodiguer un bienvenu foot-job qui saurait ravir la gent masculine.

Concluseau (hu hu)

Rester droit dans ses bottes dans un garde-à-vous peu confortable, une liseuse pas forcément waterproof, embaucher un lecteur qui vous déconcentre en vous chatouillant la couille droite (autant, à mon sens, avoir un livre audio), posséder quelques bouquins bas de plafond réalisés en plastique, etc. Les possibilités de lire sans fusiller son livre favori sont bien réduites hélas.

A titre personnel, et je pense que vous l’aurez saisi, lire dans le bain est loin d’être ma marotte. Après des années d’essais infructueux en pétant de trouille d’abimer son précieux bouquin, Le Tigre a découvert les ordinateurs portables. De là, mater un bon film a souverainement remplacé la lecture. Ou alors, simplement écouter de la musique peut être envisagé, et c’est là la différence avec un livre audio : mettre sa tête sous l’eau vous privera d’au moins un paragraphe, et à coup sûr vous perdez le fil de la narration.

Ouais…tout ceci est trop compliqué à mettre en œuvre, contentez vous de vous laver.

San-Antonio & Desclez - Olé ! San-AntonioSous-titre : Les aventures du commissaire San-Antonio. Le fameux commissaire le plus burné du pays revient, mais cette fois-ci en bande dessinée. Il n’aurait jamais dû, le résultat est tout bonnement pitoyable. Humour gras qui ne passe pas, illustrations dégueulasses à cause desquelles je n’ai pas pu finir l’ouvrage, scénario confus et déglingué, il n’y a que très peu de chose à sauver. Qu’on ne m’y reprenne plus.

Il était une fois…

La France est dans une bien chiante posture : un pays d’Amérique centrale, le San-Sanfer (une merde qui se fait appeler « État » près de l’Equateur) a décidé de virer les investisseurs et techniciens français de son territoire pour les remplacer par des pro-Chinois. Or, ce pays est le principal producteur du sufocrading, puissant carburant dont dépend l’économie mondiale. Heureusement, les services français ont eu vent qu’un savant made in France comptait travailler pour les San-Sanfériens. Et le commissaire San-Antonio est tout indiqué pour prendre la place du savant et détruire sur place les réserves de sufocrading.

Critique de Olé ! San-Antonio

Le félin adore San-Antonio. Purée, qu’est-ce que mon imaginaire a pu s’emballer face à ses désopillantes histoires où l’action, la facilité et le cul se mélangeaient avec une jouissive allégresse. Mais là, en version dessinée, ça ne passe tout simplement pas.

Tout ceci a pourtant bien démarré : le héros devait se faire passer pour le traître, hélas Béru s’en mêle et c’est lui qui doit (il a laissé ses empreintes le con) y aller en lieu et place de Sana. Pour cela, il devra perdre plus de soixante kilos. Le régime imposé, la disparition de son épouse, les préparatifs de l’opération et la manière dont elle foire dès le début, franchement c’était bonnard – Bérurier sec comme un coup de trique, le coup d’œil vaut le détour. Mais ça n’a pas duré.

Le fiston de l’auteur, Patrice Dard, a tellement eu la main lourde question péripéties que j’ai été infoutu de dépasser la page 25. A ce moment, l’obèse Béru était miraculeusement sauvé du peloton par ses amis, et l’ingénue Marie-Marie (la gosse s’était invitée dans l’aventure) commençait par ses remarques à me courir sévèrement sur le haricot. Face au bordel ambiant, aux blagues insipides et à une police d’écriture assez petite et rendant le texte foutraque et peu engageant, le félin a souverainement décidé d’arrêter les frais.

Outre le scénario qui part en quenouille et fatigue le lecteur qui n’en pourra plus des jeux de mots et remarques in petto de l’auteur (la nausée arrivant dès la dixième page), les illustrations du Studio Henri Desclez valent à elles seules un gros carton rouge. Cet album est, à mon sens, un sublime exemple de la manière de gâcher une belle idée en y associant un dessin basique, sans caractère, avec des protagonistes illustrés à la va-cite et des décors finis à la truelle – par politesse, je ne parlerai pas des couleurs. Point barre. Fuyez.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Cette histoire est l’occasion de tirer à feu nourri sur l’image d’Épinal (couleurs vives comprises) que nous nous faisons de la parfaite république bananière. Une langue espagnole de carnaval, des soldats aussi incapables que grossiers (sans parler de leur esprit de fonctionnaires), une population sympathique et dans le dénuement le plus vilain, bref la boîte à clichés n’était pas loin de m’exploser à la gueule.

Par un étrange jeu de miroir, force est de constater que c’est le même topo pour la France. Déconneur comme il l’est, San-Antonio (l’auteur, pas le héros, quoique…) présente des anti-héros franchouillards et à la bêtise notoire qui ne s’en sortent que grâce à la connerie encore plus éloquente de leurs ennemis. Franchement, atterrir au mauvais endroit, perdre sa moustache postiche (Sana, que je pensais plus débrouillard que les autres), il y a également quelque chose de pourri au royaume du Général de Gaulle. Si vous ajoutez quelques personnages peu reluisants aux airs de politiciens de l’époque (même De Funès y passe), je vous laisse imaginer le pathétique tableau.

…à rapprocher de :

– Tant qu’à lire le meilleur Sana, allez du côté des Vacances de Bérurier. Une rigolade non-stop.

– La grasse crasse du dessin et le scénario qu’on a envie de mener au peloton d’exécution, c’est exactement Tous les chemins mènent au Rhum, de Collaro. Autre exemple de foirage total.

Jeff Lemire - TrilliumVO : Idem. Dans un futur incertain, un virus intelligent est sur le point de décimer les Hommes, pourtant un espoir réside dans une plante blanche. Histoire croisée avec un scénario se situant au début du XXème siècle, Trillium est un ovni littéraire non linéaire qui a perdu en cours de route votre serviteur. Dessins passables, différents niveaux de lecture, pour ma part ce ne fut pas le grand amour. 

Il était une fois…

Comme je n’ai pas vraiment aimé cette BD, je vais laisser l’éditeur dire ce dont il est question :

« En 3797, la botaniste Nika Temsmith recherche une plante dans les confins les plus reculés de l’espace connu. En 1921, l’explorateur anglais William Pike mène une expédition pour trouver un temple Incas aux propriétés salvatrices légendaires. Isolés à des années-lumière l’un de l’autre et alors que les murs de la réalité s’effondrent autour d’eux, ces deux âmes sœurs vont se rencontrer et vivre la dernière histoire d’amour de l’humanité. »

Critique de Trillium

Désireux d’en savoir plus sur le travail de Jeff Lemire, Le Tigre a naturellement acheté son petit bijou personnel qui, chose rare, verse franchement dans la science-fiction. On a beau sentir que l’auteur/dessinateur s’est pleinement investi dans son labeur, néanmoins je n’ai guère goûté le résultat.

Le souci principal réside dans la manière dont l’histoire est délivrée. Il est question du virus de la crépine sur le point d’anéantir l’espèce humaine, et de mystérieux passages menant à des temples peuplés par des E.T. que nos deux héros (qui ont beaucoup en commun) empruntent ici et là après avoir ingéré une plante antidote composée de Trillium-A. Jusque là, pourquoi pas. Mais quand l’auteur décide de faire des planches en miroir avec des passages obligeant à retourner le bouquin, sans prévenir ni indiquer comment lire le bouzin, bah ça gave furieusement Le Tigre.

Du coup, je me suis connement emmêlé les pinceaux et ai rapidement perdu le fil de la narration. En outre, les illustrations, séduisantes par certains aspects (beaux paysages, alphabet étranger qui a de la gueule), ne sont pas le genre du félin : c’est comme si Jeff, dans un élan d’onirisme justifié par le n’importe nawak de son scénar’, avait traité par dessus sa gambette quelques aspects de ses illustrations. Les personnages, notamment, semblent taillés au couteau (il y a du Enki Bilal dans leurs traits) tandis que les couleurs sont dominées par un pastel qui fait très négligé. Mais rien de vilain par rapport à la fluidité des péripéties déjà durailles à suivre.

Tout ça pour dire que j’ai la solide impression d’être passé à coté d’un ouvrage que je sais profond, sinon novateur dans sa forme. Néanmoins, opter dans le bizarre question forme avec un tel scénario (qui passe du coq à l’âne, du futur à un rétro steampunk de bas étage, de l’amour à des centres cryo) n’est pas optimal pour fixer l’attention du lecteur à qui aucune notice n’est donnée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La narration en miroir, plutôt intrigante, permet de renforcer (mettre en exergue, même) la similarité entre deux époques (séparées de plusieurs siècles) portées sur le noble art de la colonisation. D’un côté, il y a la volonté de coloniser d’autres planètes qui se heurte à un terrible virus qui paraît savoir où taper. Et cela force l’Homme, acculé à une perte quasi certaine, de laisser la diplomatie de côté pour mettre la main sur une plante miraculeuse. De l’autre côté, il s’agit de l’attribution agressive (avec sa tangente temporelle qui se situe au Pérou) d’un territoire inconnu (l’Amérique du Sud) avec ce que ça comporte comme « respect » des indigènes. Deux conquêtes, deux êtres déchirés par des souvenirs communs (donc illogiques), deux personnes qui vont s’aimer malgré ce qui les sépare – oui, ça fait eau de rose, et alors ?

Le dernier thème d’importance est la triste fin du monde et la façon dont l’Humanité tente de survivre. La crépine est d’autant plus flippante que le lecteur en saura finalement peu sur celle-ci – à part quelques passagers d’un vaisseau décédés avec du sang qui sort de leurs pifs. Dans l’avenir imaginé par Jeff Lemire, le salut passe par l’expansion, à moins que ce soit une fuite plus ou moins bien préparée vers des cieux plus cléments (du moins mon niveau de lecture s’est arrêté là).

…à rapprocher de :

– De Jeff Lemire, Le Tigre a dévoré Animal Man (Tome 1 et Tome 2 sur le blog) et Green Arrow (avec Sorrentino, tome 1 ici).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Will Self - UmbrellaVocabulaire extrêmement riche servant une histoire onirique, entre rêve éveillé et réalité où tout se mélange, c’est comme un bloc de parpaing à traîner dans sa pile à lire. Je n’ai pu aller au-delà de 20% de l’œuvre qui évoque une femme qui, à la suite d’une maladie, revit son passé dans le présent. Voici donc la chronique d’un parfait échec tigresque. 

Il était une fois…

Grossièrement, voici ce que le quatrième de couv’ promettait : Audrey Death croupit dans un hôpital, entre la vie et la mort. Elle se remémore alors sa longue existence, de son boulot dans une usine à munitions pendant la première guerre mondiale à ses coups d’éclat en tant que suffragette. Parallèlement, le docteur Busner tente de sortir Audrey de sa torpeur en utilisant une drogue miracle.

Critique de Umbrella

Je vous le dis tout de suite : je n’ai RIEN bité à l’histoire. Mais alors rien du tout ! A peine si Le Tigre a repéré quelques considérations sur la jeunesse de l’héroïne ou l’arrivée du Docteur Busner dans un hôpital. Pour le reste, nichts ! Fucking nothing même ! Pour la première fois, le félin a su dès la troisième page qu’il n’irait pas jusqu’au bout. Restait à savoir quand. Et si je me suis fixé cent pages, je vous avoue que dès la quatre-vingtième je tirais de la langue et voyais d’inquiétants halos autour des mots.

Oui, j’ai eu les yeux trop gros que le ventre. En prenant le pari de lire un de mes écrivains favoris directement dans sa langue comme cela m’arrive souvent, je ne savais pas qu’ici j’allais être intellectuellement fisté par la richesse du vocabulaire et la densité d’un titre dont la traduction sera un cauchemar pour qui s’y collera. Le travail d’écriture est celui d’un orfèvre doux-dingue et il ne serait pas étonnant que Umbrella constitue son petit chef d’œuvre. Sauf que je ne suis pas assez sachant pour l’apprécier pleinement – l’absence de chapitrage n’aidant pas.

Si je n’ai que peu capté le scénario, force est d’avouer que les termes utilisés par Willy S. sont élégants, précieux, et les expressions extrêmement recherchées. Lire à voix haute les phrases du roman est un plaisir d’esthète, plus d’une fois j’ai été soufflé par l’audace stylistique du mec. En un mot comme en deux : tout ceci a de la gueule. Pour conclure, je vous propose de lire avec moi la prose de l’écrivain britannique. J’ai donc pris deux phrases au hasard à la page 240 (un multiple de 12, forcément) et ai retranscrit ce que je voyais. Accrochez-vous :

Were you, old chap, to shin up the pitted concrete stanchion and, by poising on that bolt and winging your other foot wide, circumvent the bunch of razorwire, you’d be able to caress the porcelain, grasp the crackling hum…Would you, he wonders, in the last jolt of time before your heart short-circuited, and you were left dangling and jerking, with rotten smoke drifting from your ears, be able to feel, with fingertips questing for life, the steely filaments plaited into this hank of high tension ?

Vous avez saisi la difficulté ? Pour ma part, si je comprends les mots séparément, impossible de continuellement raccrocher les wagons. Si vous rajoutez des passages entiers en langage parlé, c’est-à-dire qu’il faut les lire à intelligible voix pour avoir une idée de quoi il cause, alors vous pouvez provisionner douze bonnes heures pour terminer le roman – sans forcément savoir ce dont il était question. Néanmoins, ce fut au-dessus de mes forces, Will Self m’a tuer.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Désolé de le dire si tard, mais il faut savoir que la prose de Will Self correspond à un genre littéraire bien particulier : le « courant de conscience » (dit Stream of conciousness), à savoir écrire au fil des pensées du narrateur, forcément difficiles à suivre. Et cela explique beaucoup de choses, notamment : ça part dans tous les sens ; les chapitres sont absents et les pauses presque inexistantes ; les effets disruptifs, flashbacks et associations d’idées aléatoires sont omniprésents ; et parfait l’écriture est orale. C’est séduisant en diable, mais avec la prose détonante de Self et en langue anglaise, ça n’a simplement pas franchi le vestibule de ma compréhension.

Concernant le titre, le fauve a cru comprendre que l’état de semi-conscience du protagoniste principal renvoie à l’idée que beaucoup se font d’un parapluie : il s’agit en effet d’objets familiers et interchangeables, à l’image des différentes phases d’Audrey. Un parapluie se perd, se retrouve dans des endroits inattendus, on peut l’oublier des semaines quelque part, puis ne plus pouvoir s’en passer des jours durant (à l’instar de souvenirs épars désordonnés mais dont, au bout du compte, on retrouve le fil). En fait, n’étant guère certain de cette explication, n’allez pas m’injurier parce que j’ai tout compris de travers – ce qui est plus que probable.

…à rapprocher de :

– Comme vous le savez, Le Tigre adôoooore Will Self, pour l’instant sur le blog vous trouverez Mon idée du plaisir (un régal de première) ; No smoking (chiant) ; The Sweet Smell of Psychosis (en anglais, court et bon) ; Vice-versa (classique à posséder) ; Ainsi vivent les morts (très passable) ; La théorie quantitative de la démence (deux nouvelles OK, le reste bof).

– La forme du roman est peu ou prou celle de Block Party, de Milward – à la différence que ce dernier auteur n’a même pas pris la peine de faire un seul saut der ligne.

– Concernant l’état médical d’Audrey, quelques passages m’ont fait penser à L’homme qui prenait sa femme pour son chapeau, d’Olivier Sacks : Audrey se comporte, au début des années 70, selon des souvenirs d’une autre époque de sa vie, ce qui ne manque pas de mystère pour le corps médical.

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous vous sentez plus aguerri que Tigre, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Morris & Goscinny - Chasseur de primesSur-titre : Lucky Luke. Une prime de dingue pour faire un exemple, un cheval à la noix pépère en liberté, une guerre contre les violents Indiens prête à exploser, l’Homme blanc sur le point de triompher grâce à sa mauvaise foi, voilà ce à quoi le lecteur aurait eu droit. Sauf que Lucky Luke est un vrai peine à jouir et a empêché toutes ces réjouissances de survenir. Déception tigresque.

Il était une fois…

Soyons bref les amis : Elliot Belt est un chasseur de primes, profession peu appréciée au Far West. A côté, il y a le gentil Lucky Luke qui « ne mange pas de ce pain-là ». Lorsqu’on demande à notre héros de retrouver un canasson appartenant à un gros richard à la chevaline allure, il ne sait pas qu’il va devoir affronter un problème de taille : Bronco (le propriétaire) est persuadé que Tea Spoon (un Indien) a volé le précieux animal. Et le mec offre 100 000 american dollars (au 19ème siècle, cette somme permettait de racheter un arrondissement de Paris) à celui qui ramènera Tea Spoon en vue de le prendre. Elliot Belt est bien évidemment dans le coup.

Critique de Chasseur de primes

Je crois bien avoir tout dit dans la partie précédente sur ce cinquante-huitième opus de L.L. Un amateur de pouliches (et à qui il donne d’improbables noms) voit son plus beau spécimen disparaître, et il accuse immédiatement un ancien employé de couleur. Le chasseur de primes entre alors en scène et fout un dawa monstre : en voulant à tout prix toucher la prime, Belt parvient à mitonner tout ce qu’il faut pour une tuerie avec les Indiens vivant alors paisiblement dans leur réserve.

Sans tout vous spoiler, l’intrigue se fonde sur la jalousie d’une femme (naturellement, ai-je envie de rajouter) qui a planqué l’étalon de son mari. Et même après le fin mot de l’histoire révélé, Bronco ne semble pas avoir décidé de changer (la lune de miel qui réserve à sa poule a l’air très horse-oriented). Quant aux illustrations, rien à signaler si ce n’est que le méchant principal a les traits de Lee Van Cleef, l’incontournable acteur de westerns.

Tigre, autant pour justifier de l’impression négative attribuée à cette BD que prouver qu’il la tient bien entre les mains, termine sur deux aspects particulièrement traumatisants de sa jeunesse :
1/ Premièrement, le début du tome présente l’enfance d’Elliott Belt, personnage futé qui n’a pas attendu d’être majeur pour soutirer quelques tunes ici et là. Quelques pages plus loin (page 28 dans mon édition), un des chasseurs de prime recruté par Belt ressemble à ce dernier étant jeune. Du coup, le jeune Tigre s’était connement dit qu’il y avait anguille sous roche et que ce personnage (qui n’est pas sans rapeller Jim Carrey dans Dumb & Dumber) était en fait le vrai chasseur de primes. Que dalle, me suis fait tout seul des nœuds au cerveau.
2/ Enfin, la dernière case est une invitation à relire l’ouvrage – comme si ça ne suffisait pas. En effet, Jolly Jumper fait remarquer que son maître a utilisé toutes les balles de son six-coups, et ça donne envie de vérifier. Cependant, cela signifie que le cow-boy ne recharge jamais ? Oh l’imprudent con. Il a beau tirer plus vite que son ombre (et recharger aussi vite comme on le voit dans d’autres aventures), mais à un moment faut arrêter de se trimbaler avec des douilles vides dans son flingue non ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

J’ai trouvé que le père Morris n’est point tendre avec le métier de chasseur de primes. Il s’agit d’individus peu recommandables certes (dont le cheval d’Elliot, qui se comporte comme son propriétaire), mais qui font la même chose que Lucky Luke – sans le pro bono. Il ne s’agit ni plus ni moins que de « fluidifier » le système judiciaire américain en permettant à d’honnêtes travailleurs de faire un travail ingrat mais nécessaire. Et là, je vous le demande : faut-il préférer un unique cow-boy solitaire qui, au gré de ses aventures, capturera un vilain par album ? Ou faut-il plutôt s’appuyer sur une horde d’entrepreneurs talentueux (le métier n’autorise pas les mauvais à rester en vie) sans qui il faudrait recruter des milliers de shérifs payés par nos impôts (charges comprises) ?

Le chasseur de primes, c’est l’indépendance et l’efficacité du secteur privé, connu pour sa haute considération de l’éthique. Et Lucky Luke, par sa gratuité, casse un marché pourtant porteur. Hélas, le scénario de départ pipe les dés en imaginant une situation rarissime : un particulier est à l’origine de la prime alors que normalement ce sont les autorités qui placardent les fameux « Wanted ». Pour utiliser des gros mots, le système devrait être un PPP (partenariat public-privé), alors que le présent ouvrage ne s’intéresse qu’à la pire situation : une affaire totalement privée

Le dernier thème concerne les Indiens qui ne sont pas si terribles que ça. Le début de l’album les présente comme un groupe apaisé prêt à refourguer de pâles imitations de tapis contre quelques dollars. Toutefois, les peaux-rouges ont gardé de beaux guerriers réflexes. Plus Elliot Belt fait de la merde, plus la tension monte, jusqu’à des monuments de suspense qui mériteraient d’être reproduits au ciné – par exemple, l’arrivée des autochtones dans un saloon, au milieu de la blanche populace terrorisée, vaut son petit pesant de cahuettes.

…à rapprocher de :

– Sur ce blog, avec Lucky Loooke, vous trouverez Le Grand Duc ; Les Dalton à la noce ou L’Amnésie des Dalton. Pour l’instant…

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Frédéric Beigbeder - Un roman françaisDeux jours en garde à vue dans des locaux pourris à Paname vous changent un homme. Et lorsqu’il s’agit de Frédo Beigbeder, le résultat est (étonnamment) bon. Excellent même : l’auteur se raconte, sa famille, son environnement, et fait preuve d’une maturité bienvenue dans un ouvrage sérieux et agréable à parcourir. Chouette. Il était temps.

De quoi parle Un roman français, et comment ?

Le félin consent avoir été sacrément surpris : sachant que Beigbeder entreprend de faire plonger le lecteur dans son enfance (celle de Beig’, pas la vôtre) tout en discourant de ses problèmes de drogues, il y avait fort à craindre de se taper un roman nombriliste. Il n’en fut rien de mon côté, c’est plus une pierre apposée à l’édifice de toute une génération (avec en prime les travers du système judiciaire français) qu’un énième coup de com’ pour faire marrer le microcosme parisien.

Parce qu’il s’est fait pécho en train de sniffer de la coco sur le capot d’une belle cylindrée, Beigbeder a eu maille avec la flicaille et a passé 48 heures en garde à vue. Pauvre petit, tellement traumatisé qu’il s’est alors juré de pondre un titre sur lui, sa vie, son œuvre. Et celle-ci est parfaitement fournie, complète, voire limpide dans le style. Rien à voir avec les daubes un peu légères et surchapitrées que Fred nous a pondues parfois, il fait preuve d’une prise de recul et d’une autodérision renouvelée qui tend à le rendre sympathique – si si.

Maintenant, les bémols. Un roman français, dense, aurait peut-être mérité une centaine de pages de plus – gageons que le mec écrira des mémoires au crépuscule de sa vie. Ensuite, il est dommage que l’auteur français se soit sorti les doigts du postérieur seulement parce qu’il s’est fait goaler et poursuivre. Des mauvaises passes au taf ou des échecs sentimentaux n’ont donné lieu qu’à des titres décevants, comme si ne parler que de lui est une motivation supplémentaire – heureusement qu’il tend plus à faire amende honorable que se justifier. Enfin, Le Tigre n’a pu s’empêcher de trouver que la partie en GAV et au dépôt fait petit bourgeois qui, à la suite d’une encanaillerie de trop, découvre la triste réalité qui le fait relativiser ses petites misères – oui, je verse dans le subjectif le plus odieux.

En conclusion, si vous ne devez lire qu’un roman de cet auteur, il n’est pas impossible que ce doit être celui-ci. S’agissant d’un essai (la plupart de ses romans sont à forte charge autobio me direz-vous), la sincérité d’un Roman français mérite de s’y arrêter même s’il est dommage d’attendre un coup de pied au cul pour publier un tel résultat. Pour info, j’ai lu la première édition, sans la préface de cet alcoolo de Houellebecq – me demande bien ce qu’il a gazouillé.

Ce que Le Tigre a retenu

On va la jouer classe et reprendre les termes même du titre.

Un roman français, c’est l’histoire d’une personne et de sa famille dans un Paris bourgeois assez catho mais ouvert au monde globalisé. Frédéric y raconte les soirées organisées par ses parents (ou son père seul, car leur mariage n’est pas au plus haut) dans l’appartement tapissé de moquette ; sa relation compliquée avec un frère idéalisé et aussi détesté (car si différent de lui) ; puis ses questions existentielles sur la signification du mariage et comment ça a pu déraper de son côté ; ou encore les évolutions sociétales vues par un garçon devenu homme. Bref, c’est le parcours d’une famille qui est, au moins sur un point, pas si différente de la nôtre.

Un roman français, c’est aussi un ouvrage sur la France, sur sa capacité à se régénérer après deux claques (une démographique, une morale) prises dans le cours du 20ème siècle. Mais le moteur de l’œuvre, le pourquoi de cette prise de plume est la nuit (la seconde si je ne m’abuse) passée dans le tristement célèbre « dépôt » de la préfecture de police de la capitale : Beigbeder y crie son indignation (en lettre capitale, oui) de voir exister un tel endroit dégueulasse – il ne souhaite pas à son pire ennemi de devoir y passer une heure. M’est avis que s’il visitait tous les lieux de détention du pays, Beigbeder aurait de quoi taper vingt volumes à la Zola. En outre, d’autres aspects du système judiciaire sont décrits, entre les discussions (qui volent haut) avec le commissaire ou l’intransigeance d’un procureur en apparence aussi froid qu’une cellule de zonzon – procureur sans lequel ce roman n’aurait pas vu le jour.

…à rapprocher de :

– Chez Fréd’ B., y’a du bon (enfin c’est selon) comme du mauvais. Pour l’instant, sur QLTL : 99 Francs (pas mal, vraiment) ; Vacances dans le coma (ça se gâte) ; Nouvelles sous ecstasy (beurk) ; L’égoïste romantique (à lire si vous ne connaissez pas l’écrivain).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici.

Dan Simmons - L’Épée de DarwinVO : Darwin’s blade. Un protagoniste aussi parfait que les promesses d’un homme politique, une arnaque à l’assurance qui se transforme en terrible complot (j’exagère à peine) mené par la mafia, quelques belles scènes de forensic niveau Sherlock Holmes, de l’action comme s’il en pleuvait, etc. : bienvenu dans la Californie décomplexée et violente à souhait.

Il était une fois…

Darwin Minor est un expert en reconstitution d’accidents en Californie. Et le saligaud se débrouille plus que bien. Docteur en physique et ingénieur à qui rien n’échappe, Darwin est souvent appelé par les autorités pour investiguer les lieux où des accidents particulièrement bizarres ont lieu. Sauf que son dernier cas est bien complexe que prévu, et des personnes fort mal intentionnées ne voient pas d’un bon œil qu’un expert de premier ordre vienne fouiller un peu trop ce qui a été maquillé.

Critique de L’Épée de Darwin

Dan Simmons est connu pour ses (interminables) cycles/séries qui, même excellents, demandent un tant soit peu d’attention. Et quand l’auteur américain verse dans les romans indépendants, il arrive que ça dépasse les 500 pages. Heureusement que le style reste relativement abordable, avec de nombreux chapitres et un héros tout ce qu’il y a de vivant et jouissant d’un haut potentiel.

Un peu trop sans doute, honnêtement Dan Simmons n’aurait pas pu faire protagoniste plus bad-assé et parfait à la fois : Minor a trop de qualités. Tireur d’élite de compèt, pilote de planeur à ses heures perdues, ingénieur émérite, esthète faisant péter des références à d’antiques philosophes, c’est presque un couteau suisse personnifié dont les connaissances paraissent être un pot pourri de notices d’engins en tout genre et la manière dont ils peuvent finir en tôle fondue.

Trop de capacités attirent les emmerdes, c’est bien connu. Le gars, en analysant une suite d’improbables sinistres, dérange les mauvaises personnes – genre une mafia russe. A partir de là, l’écrivain a imaginé tout un tas de problématiques qui rendent l’ouvrage long (600 pages), nerveux et qui part dans tous les sens – inutile histoire d’amour en prime. (Mal)heureusement, tout ceci se terminera par un immense concours de bites, à savoir une champêtre course-poursuite avec épreuve de tir de longue portée tout en protégeant les êtres qui sont chers à Minor.

Cela étant dit, deux réactions ont parcouru l’échine du félin. D’une part, je me suis dit que Simmons a versé dans un n’importe nawakisme qui gâche énormément l’aspect « polar noir » de l’histoire – excessive. Mais, d’autre part, il s’agit d’une enquête réjouissante avec quelques moments instructifs (l’amateur de belles mécaniques ou le soldat en devenir sera comblé), tout en laissant son cerveau de côté.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour être tout à fait complet, il est question ici de…oh puis merde, je vais vous expliquer ce que je pense de ce putain de titre. Car Darwin, ce n’est pas que le prénom :

Déjà, c’est avant tout la théorie de l’évolution, celle qui fait dire que les espèces les mieux adaptées sont les seules dignes de peupler notre petite planète. Et, à ce titre, le Darwin du roman représente ce que l’être humain a de mieux – trop d’ailleurs, comme je l’avais expliqué. Le héros, loin d’être con, attire les vilains dans l’environnement où il est le plus à l’aise, à savoir la forêt – car c’est là que, jeune, il fuyait des heures durant ses problèmes familiaux. Capable de calculer la trajectoire de sa balle sans voir l’ennemi arriver (le lecteur aura des tartines de sniper-tactics) tout en assurant niveau close-combat, voilà l’Homme de demain qui assurera l’avenir – et je ne parle pas du fait que jamais il ne semble avoir besoin de prendre une douche ou se sustenter.

Darwin, c’est aussi une coquette référence aux Darwin Awards. Vous savez, les prix récompensant les personnes les plus connes de la Création depuis Adam ? Et là, déception : Simmons ne semble avoir qu’assuré le minimum, entre descriptions des affaires les plus « marrantes » rencontrées dans des faits divers d’insignifiants papelards ou (pire) certaines aventures tenant davantage de la légende urbaine que de la réalité. Par exemple, le premier accident est délirant au possible : utiliser des rétrofusées en mode gros Jacky mexicain, et finir écrasé sur une falaise après un décollage digne d’Atlas V…sérieusement ?

…à rapprocher de :

De Dan Simmons, Le Tigre a lu énormément. Jugez plutôt les amis :

– En polar (plus rapide et sympa à mon sens), il y a les enquêtes de Joe Kurtz. Encore un héros savamment burné.

– En SF, si vous avez le temps Ilium suivi d’Olympos devrait vous ravir. Mais pas autant que Les Cantos d’Hypérion, gross saga s’il en est. Quant à Flashback, hem….

– Version terreur, je n’ai guère apprécié L’échiquier du mal (deux tomes de merde). A vous de voir.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

L'encyclopédie des félinsQu’y-a-il de pire que tenter de mettre un chat récalcitrant dans sa cage avant un voyage plus ou moins long ? Il n’est pas rare que, au sein de familles pourtant unies, ça tire à la courte paille pour savoir qui va s’en charger. N’ayez pas peur : Le Tigre possède maintenant deux méthodes, chacune dûment approuvées par la SPA et amendées par l’ONU.

Le chat qui ne voulait pas entrer dans sa cage

De temps en temps il arrive au félin de vouloir aider son prochain – je parle des hommes, hein. Concernant les chats, je dois bien évidemment me plier au sempiternel rendez-vous chez le véto. Lequel invente toute sorte de trucs à faire à mon matou pour me soutirer encore plus de fric – genre des vaccins, alors que j’ai arrêté la mise à jour de mon antivirus depuis 5 années déjà. J’ai beau faire en sorte que ce moment soit le plus dur possible pour le docteur (en lien), hélas ce dernier revient à la charge (« harcèlement » conviendrait mieux).

Sauf qu’il faut d’abord mettre Rita dans son clapier. Oui oui, pour les besoins du présent billet le minou s’appellera Rita, du prénom de l’actrice principale qui a joué dans La cage dorée, bon nanard s’il en est. Concernant les images qui suivront, ne vous esbaudissez point trop vite devant la somptueuse cuisine : je suis entré en effraction dans un magasin, de nuit, et ai mis en place une séance de shooting dans la partie du showroom la plus moche.

Revenons à notre léger problème.

Rita et la cage, qui se regardent en chiens de faïence

Rita et la cage, qui se regardent en chiens de faïence

Regardez-la une minute. Vous ne reconnaissez que trop bien cette posture, celle qu’adopte un félin qui a compris ce qu’il se trame. Les souvenirs douloureux affluent alors dans son cerveau limité, son dos rond vous crie à la gueule que rien ne sert de tenter de l’y faire entrer. Et pourtant je l’ai enfermée dans la cuisine une bonne demie-heure à côté de son contenant, pour qu’elle se fasse à l’idée (un peu comme une rachitique actrice porno en devenir qui passe quelques minutes à discuter avec les deux acteurs surmembrés qui vont la démonter DP-gonzo-bulgare style).

Toujours pas...

Toujours pas moyen…

Là, la tentation est d’inviter son infidèle animal de compagnie à se familiariser avec la prison qui lui est réservée. Rien à faire, elle tourne le dos à sa coquette panière en plastique payée une blinde. J’avais même choisi une couleur apaisante, et voyez comme elle boude !

J’entends déjà les ridicules grelots de quelques connasses kawaï qui croient bon traiter le travail en amont. A savoir habituer le chat à sa cage en associant que de bonnes choses à cet artefact – genre y laisser des croquettes ou mettre une confortable serviette. Voire y aller en douceur, tout en progressivité, et ce afin de ne pas brusquer l’animal. Non mais oh, faut un moment revenir dans l’orbite terrestre et arrêter de délirer. Vous ne vous en servez qu’au mieux une fois toutes les huit semaines. Pourquoi alors s’emmerder à faire de Rita une cage-loveuse ? Sérieusement, est-ce que vos parents prenaient des gants quand ils vous emmenaient chez le dentiste ?

Allez...entre te dis-je

Allez…entre te dis-je

Bon, avouons qu’il nous arrive parfois de nous énerver. Et cela arrive au Tigre plus souvent qu’à son tour. Par exemple, j’ai ici un peu trop brusqué Rita qui a freiné des quatre fers. Mais vous savez tous comment elles sont. N’écoutez pas les vieux dragueurs du dimanche et leurs boniments selon lesquels forcer la main de votre cible porte ses fruits. Avec une chienne, ça marche peut-être, néanmoins utiliser la manière forte avec un chat n’est vraiment pas recommandé. Plus on pousse cette petite salope à accomplir ce qu’on aimerait qu’elle fasse, plus elle se braque et se méfie d’autant plus.

Comment alors faire rentrer la grosse Rita dans cette putain de cage, et sans devoir l’assommer ni finir avec un litre de sang en moins dans les veines ?

La technique de la cheminée

Cage en mode "cheminée"

Cage en mode « cheminée »

C’est la manière tigresque de gérer son chat. La technique des mâles dominants, celle qui fait appel à une notion de sciences physiques des plus complexe : la gravité.

Le constat est plutôt simple. Si Rita ne peut être horizontalement déplacée vers sa cage, pourquoi ne pas la laisser choir verticalement ? Rita, c’est l’obèse Père Noël qui cherra avec gourmandise dans les cheminées de France et de Navarre.

Admirez un peu, bande de bleusaille :

Munissez-vous de gants avant de reproduire ceci chez vous

Munissez-vous de gants avant de reproduire ceci chez vous

Première étape : la pécho par la peau du cou. Easy job.

Rita prise au piège

Rita prise au piège

Ensuite, vous la dirigez au-dessus de la fameuse cage. Et abaissez tranquillement votre main comme l’image ci-contre tend à vous l’apprendre. Interlude. Avant de visionner les images qui suivent, Le Tigre souhaite ici prendre quelques secondes pour s’oindre d’huile : déjà que procéder à la mise en bière cage de son chat est délicat, imaginez que j’ai moi-même pris les photos. En outre, n’oubliez pas que je suis dans une cuisine-témoin et que le gardien doit faire sa ronde dans six minutes à peine.

Enfin, dites-vous que la mise au point pour l’appareil photo de mon smartphone prend environ quatre secondes. Quatre longues secondes, la main droite ferme, pendant qu’au bout de la gauche le matou gueule comme un putois sodomisé par une borne kilométrique. Avec de telles réactions, nul besoin de rappeler qu’une seconde prise est hors de question. Quitte ou double.

Admirons ensemble le spectacle. En principe, Rita écartera les cuisses devant l’entrée de la cage comme Pétain devant un Obersturmführer. Il n’est d’ailleurs pas improbable que ses protestations aient l’air d’être délivrées en allemand. Seulement ça ne servira à rien : à moins que votre panière soit déformable, Rita finira par rentrer comme papa dans maman.

chat-Tentative d'échappatoire de la cageChat niqué dans la cageUne fois les pattes ferrées dans la cage, il est à prévoir que votre chatte tente à tout prix de sortir du piège. Assez marrant à voir, ça m’a rappelé ses mouvements désordonnés quand je l’avais balancé dans un bain moussant. Dans tous les cas, une tape sur le museau et hop ! Alice ça glisse, comme on dit dans ma tanière.

Mission accomplished

Yihaaaa!!

Voilà le travail. En sept secondes, douche comprise, Rita se retrouve comme une conne prisonnière. Contemplez avec moi son air résigné, ne trouvez-vous pas qu’il y a comme de la honte dans son regard ? Tout du moins l’embarras de s’être fait avoir de la sorte.

La dernière étape consiste à mettre la panière dans le bon sens. Ne vous inquiétez pas pour votre chaton, il fera naturellement la différence entre le sol et le plafond. Direction le véto maintenant ! Ne m’applaudissez pas tout de suite, j’ai trouvé plus tard bien plus élégant comme méthode.

L’astuce du tunnel

Parfois la vie est pleine d’ironie. Par exemple, jamais je ne pouvais imaginer qu’un jour beau jour un vétérinaire instruira Le Tigre. Et pourtant… Pendant que le doc’ faisait la piquouze de rappel de mon minou, je lui ai expliqué la technique de la gravité qu’il appelait, de son côté, « la cheminée » (j’en ai profité pour lui voler l’expression). Très certainement piqué par l’orgueil, le véto a insisté pour que je prenne en photo sa manière d’enfourner Rita dans sa prison.

Malgré la piètre estime que j’ai pour cette profession, force est de constater que sa technique du tunnel a quelque chose de moins grossier. Classe, même. L’idée géniale de départ consiste à faire appel à la peur de l’inconnu de tout mammifère qui se respecte, et ne lui laisser que la cage comme échappatoire.

Le tunnel est prêt

Le tunnel est prêt

Pour cela, nul besoin de mettre le clapet de Rita en position verticale : il suffit de le placer légèrement en avant sur une table, laquelle doit être au moins à 40 centimètres de hauteur – sinon le chat sera susceptible de se carapater directement à même le sol. Ensuite, vous prenez Rita dans vos bras et l’approchez progressivement de sa prison tout en faisant mine de la relâcher. Au cas où vous ne bitez rien à ma précieuse prose, regarder plutôt comment ça se passe :

Un chat, c'est con

Un chat, c’est con

Vous remarquerez aisément deux choses. Premièrement, le vétérinaire est très timide. Je lui ai pourtant promis la gloire, que si sa photo apparaissait sur mon blog les riches bourgeoises du grand Ouest Parisien qui me lisent allaient camper son officine avec leurs animaux de compagnie. Rien à faire, il m’a fait jurer de le flouter. Dont acte – je fais d’autant plus gaffe que je sais qu’il me lit.

Deuxièmement, on voit bien que Rita n’a d’autre choix que d’entrer dans la cage. Lorsque vous libérez votre animal stressé en position horizontale, la seule chose qu’il voit est l’entrée béante et paradoxalement accueillante du clapier – qu’il suppute moins pire que le vide, l’inconnu. Plus prosaïquement, c’est ça ou se rétamer la gueule sur le carrelage – ou, plus drôle, sur un coin de la table.

C’est dans la boîte !

Yihhaaa! Merci Tigre.

Yihhaaa! Merci Tigre.

N’hésitez pas à me faire part de vos astuces en commentaire. Non, je plaisante : chacun sa technique, et pour le moment le félin est pleinement satisfait de sa Cheminée.

Dernière chose : quant au voyage à proprement parler, si vous prenez la voiture soyez sympa : mettez la cage de Rita sur le siège avant qu’elle profite du trajet. Il y a néanmoins une règle à respecter : n’oubliez surtout pas la ceinture de sécurité, c’est primordial. On ne plaisante pas avec ça sur ce blog, en aucun cas vous ne devriez mettre en danger qui que ce soit. Soyons sérieux.

La sécurité routière féline

La sécurité routière féline

La ceinture, ce n’est pas évidemment pas pour la sécurité de votre Rita. (cliquez sur l’image pour vous rendre compte à quel point ça ne sert à rien). Mais pour la votre, car si vous ne l’attachez pas un bruit strident risque de gravement vous déconcentrer – sans compter les miaulements paniqués du matou.

De toute façon, j’évoquerai dans un autre volume les réflexes à avoir lorsqu’on fait voyager son chat dans une voiture. D’ici là, soyez gentil avec mes petits cousins.

Elisabeth Reynaud - Niki de Saint PhalleSous-titre : Il faut faire saigner la peinture ! Catherine-Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, dite Niki, était une artiste d’exception. Tiraillée entre le fantasque et la morgue bourgeoise de sa famille, à cheval entre l’énergie des États-Unis et la beauté de la France, Niki a eu une existence aussi intense que dramatique, plutôt bien contée dans cet essai.

De quoi parle Niki de Saint Phalle, et comment ?

Le Tigre reste un inculte bien gras comme il faut, je ne connaissais Mme de Saint Phalle que de nom, sans avoir eu, une seule fois, l’once d’une ébauche de volonté de savoir qui elle était vraiment. A peine si je savais que les Nanas étaient d’elle, j’ignorais seulement que des dizaines ont été produites et que les émanations de polyester sont sûrement  à l’origine des pneumonies et polyarthrites qui ont eu raison de St. Phalle. L’éditeur, gentiment, a contribuer à pallier ces « trous » culturels en m’envoyant l’essai de Liz’ Reynaud, qui a collaboré au sein de la galerie Artcurial.

Le document, exempt de toute image, a tout de la biographie classique : des rappels sur les « antécédents familiaux » à la maladie chronique puis la mort, les chapitres qui se suivent dans un ordre chronologique de militaire, quelques anecdotes nouvelles pour briller en société, Élisabeth Reynaud a bien bossé son sujet. Parallèlement, l’essayiste a tenté d’apporter sa « patte » de manière plutôt prononcée, c’est-à-dire en n’hésitant pas à aller au-delà du document neutre en prenant parti pour Niki (relations avec le père), voire contre elle (l’artiste en tant que mère).

L’avantage d’une telle démarche est l’impression de lire une balade douce-amère romancée où on connaît un peu plus un personnage unique qui est loin d’être sérieux – sans compter la fluidité de lecture géniallissime. Néanmoins, comme dans tout roman à charge biographique, je vous avoue avoir eu le sentiment d’être balloté de droite à gauche sans pouvoir raccrocher tous les wagons (les protagonistes) qui évoluent dans ce joyeux bordel des arts. Ça se serait peut-être mieux passé si j’avais su que, en fin d’ouvrage, il y a un arbre généalogique de la famille Saint Phalle – et oui.

En guise de conclusion, voici un édifiant essai qui se suffit à lui-même, à savoir autonome dans sa démarche – aucun prérequis demandé. Cependant, quelques illustrations (même de minuscules, en bas de page) auraient été bienvenues pour avoir une idée plus précise du doux génie du personnage – notamment ses monumentales sculptures/constructions.

Ce que Le Tigre a retenu

Le souci, parfois, est que l’essayiste parle de tout à tout moment – ce qui rend certes la lecture agréable. Elle lance une idée par ci, une information (qui n’a rien à voir) cinq mots plus loin, aussi il est difficile de faire une synthèse par thème malgré les chapitres dont les titres annoncent un aspect de l’existence de Mme de Saint Phalle. Essayons tout de même :

Tout d’abord, la famille de Niki mérite que l’on s’y arrête. Car les Saint Phalle en tiennent une jolie couche, tout semble réuni pour faire de jolies étincelles. La petite Catherine, très proche de son frère Jean (un farceur de première), a évolué dans la détestation du nazisme et allait jusqu’à « jouer à Hitler » avec le frangin – d’où les formes arrondies de ses œuvres. Au fil des années, l’esprit fantasque et hors du commun de l’artiste en devenir cristallisera ses fragilités, jusqu’à devoir effectuer des séjours en psychiatrie (où elle sera soumise à des électrochocs). Derrière tous ces troubles, sûrement le viol subi à 7 ans de son père.

Ensuite, l’éclectisme des productions et idées de Niki est affolant. Une vraie touche à tout qui, dès qu’elle une idée, l’exploite à fond (et avec une rapidité déconcertante) avant de passer à autre chose de façon tout aussi rapide. Et ses œuvres, évidemment, sont sacrément inspirées de sa jeunesse : exutoire en tirant sur des tableaux en crevant des poches de peinture (d’où le titre, qui aurait pu être « tuer le père »), sculptures énormes et souvent éphémères, jusqu’à réaliser un film controversé. Quelques constantes sont à remarquer, telles les formes arrondies qui la mettent en confiance (face aux angles droits fascisants) ou les jeux de lumière/miroirs.

Enfin, Niki a fait montre, tout au long de sa vie, d’une liberté totale. Cela pouvait passer pour de l’insolence à l’école ou de la folie chez sa famille, mais force est d’admettre qu’elle avait du nana power en elle. Que dire alors de ces amours (nombreux amants et amantes), sorte de libéralisme sexuel avant même les années 60 – même si Jean Tinguely restera l’unique, la base sur laquelle elle s’appuiera toujours.

…à rapprocher de :

– Elisabeth Reynaud s’appuie énormément sur Traces, autobiographie que Niki a publiée en 1999.

– Le film Daddy, dont il est question dans les derniers chapitres, vaut très certainement le coup d’œil – ça a l’air glauque en diable.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette biographie en ligne ici.

Isaac Asimov - Les Dieux eux-mêmesVO : The Gods Themselves. Une énergie gratuite et inépuisable, c’est trop beau pour être vrai ! Ouvrage particulier du chantre de la SF du vingtième siècle, il y a de l’excellent comme du moins bon. Trois scénarios différents et montant en puissance, trois histoires avec toutefois un point commun : contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain.  

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ est plusss que correct, le voici :

« En 2070, la Terre vit dans la prospérité et le bonheur grâce à la Pompe à Électrons, qui fournit une énergie illimitée et gratuite. Une découverte extraordinaire, à moins que…À moins que cette invention miraculeuse ne constitue à plus ou moins longue échéance une menace imparable pour notre Univers ; un piège tendu par une civilisation parallèle pour annihiler notre réalité. Seuls quelques personnes ont pressenti la terrible vérité : un jeune physicien marginal, une Lunarite intuitionniste, un extraterrestre rebelle vivant sur une planète qui se meurt. Mais qui les écoutera ? Qui les croira ? »

Critique des Dieux eux-même

Pour ne rien cacher (ce n’est point mon genre hein), j’ai eu extrêmement de mal à démarrer ce roman. Y’a un truc qui ne passait pas. Sans doute la traduction, un peu vieillotte. A moins que ce ne soit la première histoire intitulée « Contre la stupidité », avec une situation fort intéressante (un élément permettant, par un savant transfert de notre univers à un autre, d’avoir de l’énergie illimitée) contre laquelle se bat un seul homme, Lamont. Honni par ses contemporains, le chercheur voit ses travaux aussi ignorés que moqués.

A moins peut-être que ce ne soit la seconde partie, trop bizarre et ne correspondant guère à ce que fait notre bon Isaac. Car le lecteur se trouvera au beau milieu d’un univers parallèle avec des êtres qui n’ont (mais vraiment, croyez-moi) rien à voir avec nos petits humains habituels. Il est question de Tritt, Odeen et Dua, trois individus ayant une fonction propre. Toutefois, Dua ne joue pas le jeu et met en cause la fameuse « pompe » (celle utilisée par les Terriens dans notre monde) qui serait susceptible d’accélérer la destruction du soleil – celui du système du même non.

Quoiqu’il en soit, la dernière partie m’a subjugué tant celle-ci réglait de façon astucieuse et élégante les problématiques précédentes. Déjà, il y a Denison qui débarque sur la Lune, territoire inconnu pour lui – nudisme assumé, libertarianisme sexuel, velléités d’indépendance même. Accompagné de sa « guide » Séléné (qu’il finira par évidemment baiser), Denison réussit à comprendre le danger de l’énergie gratuite en dérivant le souci vers un univers dépeuplé. Outre l’histoire d’amour tout ce qu’il y a de sympathique, Asimov décrit une nouvelle civilisation humaine (par exemple, les jeux avec une gravité moindre sont superbement rendus) qui s’affranchit, dans l’esprit, de la Terre.

En guise de conclusion, ce roman doit être lu telle une fable dont chacun tirera une leçon. Loin des monstrueuses sagas de l’auteur américain, voici de quoi saisir, s’il en était encore besoin, la profondeur des idées qu’Asimov avait encore en tête.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’écrivain, une fois n’est pas coutume, incite l’Humanité à se remettre toujours en question. Quand une situation acquise est trop belle pour être vraie, c’est qu’il y a anguille sous roche. Une énergie gratuite avec les bons soins d’un univers parallèle ? Un des mondes se fait forcément entuber. Face à cette facilité, il est plus que difficile de lutter et d’attirer l’attention de ses contemporains contre les dégâts à plus ou moins long terme. En fait, Asimov nous conte une histoire écologiste en exacerbant nos travers, à savoir le choix de l’immédiateté sans réflexion suffisante sur les conséquences à venir.

Enfin, il faut savoir que pour la première fois Isaac décrit une civilisation extra-terrestre. Et son travail de « xénobiologie » est plus que correct, Tigre s’étonne qu’il n’aie pas poursuivi dans sa lancée. Le gars a réellement pensé « out of the box » avec les trois espèces destinées à n’en devenir qu’une, la séparation relativement freudienne d’êtres biologiques qu’on découvre au fil des pages. Rationalité, émotionnalité, parentalité (ce dernier terme existe, ouf), ces trois éléments séparés sont personnifiés dans ce qui constitue une triade. En s’éloignant de son rôle naturel, Dua (la « chose » qui se coule dans la pierre trop profondément) paraît être en pleine crise d’adolescence – sauf que, l’air de rien, ça sauvera un monde.

…à rapprocher de :

– Dans le style roman court par Asimov avec petite love story toute désuète, lisons ensemble La fin de l’éternité. Un pur régal

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.