Stefan Wul - Oms en sérieSur une autre planète, des humains sont des animaux de compagnie très prisés. L’un d’eux, un peu plus futé que ses semblables, va les libérer pour faire jeu égal avec leurs maîtres. Roman d’anticipation plaisant car court et bien écrit, le lecteur pourra pardonner les menues incohérences pour mieux se concentrer sur le récit épique d’une épopée complète. Une belle surprise.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ est plutôt bien foutu, il serait dommage de s’en priver :

« Que sont devenus les hommes ? Les survivants du grand cataclysme ont été recueillis par les draags, géants bleus aux yeux rouges, qui les ont emmenés sur leur planète, où le temps s’écoule beaucoup plus lentement que sur la terre. Asservis, domestiqués ils sont devenus des oms, des êtres dégénérés au service de leurs nouveaux maîtres. Mais peu à peu, menés par le jeune Terr, petit om d’une intelligence supérieure, ils retrouveront le goût de la liberté et affirmeront leur humanité face aux Draags. »

Critique de Oms en série

Écrit à la fin des années 50 par un écrivain français (cocoputainderico !), j’avais peur que ce bouquin balance de la SF bas de gamme sans envergure. Au contraire, le titre se révèle même très fin : oms, pour les hommes selon la prononciation des draags, espèce E.T. plutôt sympathique car paisible et ayant atteint un degré de plénitude que l’Humanité n’est pas prête d’atteindre. Et puis la référence à l’ohm, mesure de la résistance (hé hé) électrique. Et l’électricité va jouer un rôle prépondérant dans les derniers chapitres, grâce à l’abnégation de ces petits (aux yeux des draags) hommes qui, justement, uniront leurs forces telles autant de résistances montées en parallèle.

Oms en série se décompose en trois parties relativement classiques : D’abord, introduction du jeune héros, Terr. Acheté par un papa gâteux pour sa gosse Tiwa, laquelle prend des cours audios en tenant son animal de compagnie – ça a son importance puisque Terr emmagasinera le savoir draag par cette méthode. Notre protagoniste sait parler, commence à développer une pensée autonome. Ensuite, il fugue et se réfugie dans un parc avec d’autres oms « sauvages » à qui il apporte son expertise (savoir lire notamment). Enfin, quelques années après, fuite des oms (expédition dantesque) vers un continent inhabité d’où ils constitueront une nouvelle civilisation. Les draags paniquent, et les premières attaques s’apprêtent à être menées.

De l’autre côté du fusil, nous avons le point de vue du grand Édile draag qui ne voit pas le danger arriver, seule une haute autorité scientifique (Sinh) s’alarme et accélère le processus de « désomisation » – trop tardivement, bien sûr. Les descriptions de cette race, finalement pas si éloignée des humains, restent brèves mais efficaces, on s’y croirait. Pas comme certaines actions qu’il est délicat à se représenter (le voyage maritime par exemple), toutefois Stephan Wul (ce n’est pas son vrai nom évidemment) s’est attaché à rédiger des chapitres courts, et l’œuvre se torche aisément en moins de deux heures.

En guise de conclusion, le fauve n’a pas mis la meilleure note dans la mesure où deux aspect l’ont furieusement dérouté. Déjà, le temps qui passe plus vite chez les humains que pour les autochtones de la planète Ygam m’a paru être un artifice peu crédible pour justifier tout et n’importe quoi (démographie galopante, développement éclair des structures humaines, lenteur de réaction des draags). En outre, le froncement de sourcils est total lorsqu’il est question de notions scientifiques pas forcément évidentes car vieillottes. Mais rien de prohibant pour passer un chouette moment, sans compter que l’auteur n’avait pas du tout la prétention de verser dans la SF – plutôt une fable politique vis à vis de laquelle beaucoup reste à dire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Il s’agit avant tout de la libération d’un peuple sous l’égide d’un chef charismatique sans qui rien n’aurait pu avoir lieu. Car le Terr a de la suite dans les idées (ville cachée, construction d’une flotte pour s’installer ailleurs, logistique afférente) pour installer son peuple dans un endroit accueillant. Et l’expédition vers des cieux plus cléments est douloureuse, sinon biblique – le terme d’exode n’est pas utilisé pour rien. Tels les Juifs de l’ancien temps échappant à leurs maîtres souhaitant les exterminer, les oms sont à la recherche d’une terre promise où vivre paisiblement.

Cet exode peut avoir lieu grâce à la nonchalance des draags qui sous estiment la menace de leurs « mignons » animaux. Une espèce prolifique qui ne craint pas les sacrifices lorsque l’enjeu est sa propre survie. Une espèce qui vient d’une planète dévastée par un cataclysme qu’elle a créé, et dont le lecteur n’apprendra pas grand chose. Toutefois, au fil des pages, la raison principale de la décadence des humains comme des draags est livrée : en l’absence de milieu hostile, les peuples s’endorment et paraissent perdre cet élan vital qui les maintient alertes contre les aléas de l’environnement. A mon humble avis, cet aspect paraît franchement douteux dans la mesure où il est impossible de s’imaginer l’Humanité dépourvue de conflits internes, tels des bisounours qui n’ont plus rien à craindre d’eux-mêmes.

De même, la fin m’a semblé hautement improbable, sinon pessimiste. Les draags et les humains (grâce à un scandaleux bluff) font la paix, et il ressort de leurs discussions une confiance mutuelle à base de complémentarité. Globalement, une espèce empêchera l’autre de se laisser aller par crainte de se faire dépasser, une saine émulsion qui profitera à tous. Franchement, ça ne tiendra jamais : E.T. et humains se foutront sur la gueule très vite.

…à rapprocher de :

– Pour l’instant, aucune idée. Mais ça viendra, promis.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Hergé - Tintin au pays de l'or noirSous-titre : Les Aventures de Tintin et MilouRisque de conflit mondial, essence falsifiée qui fait péter les moteurs, itinéraire en cercle au milieu du désert, insupportable gosse qui mérite des claques, bad trip du côté des Dupondt, l’or noir attire bien des convoitises. Trop de péripéties, le tout manque hélas de profondeur – je ne parle pas de la vraisemblance du scénario. 

Il était une fois…

Le moteur de la caisse des Dupondt, puis leur briquet, éclatent (tous deux chargés avec la même essence). Les autorités s’inquiétant furieusement, Tintin décide de se promener près des pétroliers, puis, grâce à un coup du hasard, de s’engager comme télégraphiste sur l’un deux. Se fait naturellement piéger (accusé de livrer des armes à un certain Bab El Ehr), et libérer par les hommes du barbu, puis prisonnier à nouveau, avant de croiser le vilain Müller et finir dans le palace de l’émir Ben Kalish Ezab. A qui certains font pression pour signer une nouvelle concession pétrolière. Notamment en kidnappant le fiston du cheik (ou émir, je ne sais plus trop)…

Critique de Tintin au pays de l’or noir

L’image de couverture est sans appel : le voyage dans un pays arabisant (je pencherai pour l’Arabie saoudite vu la taille du désert) ; le comique de répétition avec les deux flics à la ramasse entre déguisements approximatifs, médicaments foireux et sens de l’orientation de champion ; un ennemi intime du héros en fâcheuse posture ; tout ça sous l’œilleton d’une serrure orientale qui laisse songeur.

L’histoire  démarre et se termine par des boums. D’une bagnole au milieu de la rue à l’aile ouest de Moulinsart, ça pétarade dans les grandes largeurs. Au milieu, un voyage périlleux au Moyen-Orient où nos héros ont un certain mal à s’acclimater à l’environnement local – des policiers au climat. Tout ça pour une banale lutte d’influence développée par une nation (on soupçonne vite les Teutons au vu du nom du commanditaire) désireuse de saloper le pétrole de ses potentiels ennemis. Jusqu’à enlever le petit Abdallah, personnage gâté pourri que tous ont adoré haïr, à défaut de le comprendre. [interlude : le jeune lecteur ne pourra arguer, auprès de ses parents, du comportement de ce petit con pour relativiser le sien dans la mesure où le papa attentif pourra décider, souverainement, d’adopter la réponse de Tintin, c’est-à-dire la fessée.]

Si le bilan emmerdes/apports du fils de l’émir est globalement négatif, il reste surprenant que le traumatisme de l’enlèvement d’Abdallah ne lui ai pas donné un peu plus de plomb dans la tête – fabuleuse jeunesse. A cause de ce petit con, le lecteur ignorera les raisons de l’arrivée du capitaine Haddock au bon moment, celui-ci étant empêché une énième fois en fumant un cigare de farces & attrapes. Sinon, il faut signaler la présence d’un comparse qui se révèlera très utile, à savoir le Senior Oliveira da Figueira, marchand d’exception apte à infiltrer Tintin au sein même de la baraque d’un antagoniste.

Applaudissements nourris enfin…en fait non : les couleurs sont plutôt fades et le félin déplore l’absence d’illustrations complètes de la ville moyen-orientale ou du désert (qui aurait mérité un tableau sur un quart de planche au moins). Sans compter que le texte occupe une place souvent trop imposante dans les cases, l’album est excessivement bavard pour ne pas dire grand chose. Pas le meilleur du journaliste aux cheveux d’or donc.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Encore une fois, cet album d’Hergé s’inscrit profondément dans l’environnement géopolitique au cours duquel il a commencé à être écrit. A la fin des années 30, un conflit est en effet en train de naître, et le fait qu’Hergé a terminé son truc au début des années 50 explique sûrement pourquoi le risque est cavalièrement écarté – à la radio se contentant d’expliquer « la situation internationale s’est nettement améliorée ». Il n’en demeure pas moins que le spectre de la guerre a des répercussions dans les aventures du héros qui lutte contre des vilains désireux de priver une partie belligérante d’un attribut essentiel.

Après les faux billets de L’île Noire, voici non pas l’or jaune, mais le noir, le second nerf de la guerre.

De façon nettement plus légère, Hergé se fait plaisir (sic) en dépeignant quelques Arabes lunatiques dont les comportements ont de beaux ressorts comiques – je ne parle pas du chiard. Ben Kalish, à ce titre, est le parfait représentant du cyclothymique qui alterne entre compassion extrême et accès de rage au cours desquels ses insultes et menaces font passer le capitaine Haddock pour une petite sucrée de carnaval. Néanmoins, à la différence du capitaine qui a su créer un bestiaire propre à son génie colérique, les autres intervenants utilisent des termes visuellement plus clairs (fils de chien galeux et autres petit-fils de chacal pelé par exemple).

…à rapprocher de :

– Quelques Tintin sont à signaler sur le pétillant blog, par exemple Les Cigares du pharaon ; Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; L’Île Noire ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Les Bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.

– Si vous avez envie de vous bidonner avec un humour lourdingue sur Tintin, je vous rappelle l’existence de Tintin en Thaïlande (en lien, avec un pdf de la BD honnie).