Mahatma Gandhi - Mon chemin de paix[The Way to God : Selective Writings from Mahatma Gandhi.] (expliquez moi comment « god » est devenu « paix » dans la version française. Concentré d’enseignements cohérents d’un des plus illustres personnages du siècle dernier, il est conseillé d’ouvrir son esprit, voire de relire quelques passages au risque de passer à côté de la pensée gandhiste. Parfait essai à picorer avant le dodo.

De quoi parle Mon chemin de paix, et comment ?

A titre liminaire, le félin tient à faire sa petite courbette à l’éditeur qui a eu la bonté d’envoyer le présent essai, lequel, avouons-le, représente une certaine littérature plutôt rare dans la bibliothèque tigresque. A part la demie-douzaine de textes sacrés et quelques ouvrages d’approche tantrique du sexe, la chose religieuse ne saute pas aux yeux de mes invités contemplant mon salon.

Cette compilation de citations et pensées du père de l’Inde, concoctée par M.S. Deshpande (ne me demandez pas qui c’est), est d’abord introduite par deux philosophes tournées vers l’extrême-orient, dont un des petits fils du Mahatma, Arun Manilal Gandhi. Après ces introductions, place au gros œuvre : quatre parties de taille inégale sur les thèmes suivants :

1. Les fondements intellectuels de l’art de vivre prôné par Gandhi (que nous connaissons tous, du moins dans les grandes lignes). Sur près de la moitié de l’ouvrage, il est question de la notion du divin, de l’essence de Dieu et, plus généralement, de la manière dont doit être appréhendée l’existence d’un être si supérieur et avec lequel nous ne formons qu’un.

2. La discipline morale, ensuite, où ça taille la bavette sur l’amour comme engagement par défaut, de la nécessité de se contrôler pour ne pas verser dans les excès en passant par servir les autres (donc Dieu) de manière désintéressée – tel l’ascète avocat aimant que fut Gandhi.

3. & 4. Place ensuite à la pratique spirituelle, que ce soient la prière ou la méditation, et les moyens pour pouvoir sentir le divin nous envahir. Enfin, en guise de petit digestif, l’auteur consent à nous révéler à quoi peuvent ressembler quelques manifestations divines, dont la voix entendue, en prison dans le courant de l’année 1906, lui demandant de mener un jeûne de 21 jours.

S’il est difficile de qualifier le style de Gandhi (abordable, simple même si la traduction y est peut-être pour quelque chose), Le Tigre a parfois eu l’impression de lire un galimatias de lieux communs peu susceptibles de le transporter. Néanmoins, cette impression doit certainement être mise sur le compte de la fatigue et/ou le fait de lire la prose du Mahatma dans des conditions peu propices – genre, au milieu de la ligne 13 à Paname. Toujours est-il que, par endroits, il se trouve des phrases pleines de sens qui se laissent déguster.

Ce que Le Tigre a retenu

Tout d’abord, il faut noter l’intériorisation de celui nommé « Dieu », son omniprésence qui l’oppose à l’idée d’une toute puissance extérieure gouvernant l’univers dans lequel nous fourmillons. Cette puissance, selon Gandhi (il n’invente rien), est comprise et comprend toute chose. Dès lors, l’Homme appartient à cet ultime divin ensemble, lequel peut se manifester en des milliers de divinités telles que l’hindouisme les reconnaît.

Au-delà de l’aspect purement religieux, Gandhi nous invite à adopter un comportement d’une telle sobriété et bonté que, si adopté par tous, pas mal (sinon tous) de tares mondiales disparaîtraient…quand bien même les enseignements du saint homme m’apparaissent souvent radicaux, sinon rédhibitoires. Cependant, il est des principes qui, mis bout à bout, constituent un art de vivre (la « religion » bouddhiste en est un) plus que séduisant.

Et mon impression générale ? Des paroles globalement compréhensibles, toujours bienveillantes. Une sorte d’émerveillement constant, mâtiné d’un optimisme qui ne confine pas à la béatitude d’un exalté peu conscient des dures réalités de ce monde. Mais, mise bout à bout, ces extraits choisis peuvent ennuyer. A piocher selon l’humeur donc.

Pour finir sur une note plus légère, il semble opportun d’attirer l’attention sur le chapitre relatif à la méditation et le mantra rama, vers la page 87. Notre illustre mahatma y explique les vertus du silence, notamment que cet aspect est intimement lié à la discipline de tout prétendant à la vérité. Il n’est pas ici question de fermer sa gueule de temps à autre, mais de parvenir à ne pas prononcer un mot pendant près de 10 heures par jour. Pas con, avez-vous déjà essayé (être seul aide) ? Or, quand je montre ces paragraphes à la Tigresse, en lui précisant que le temps de sommeil ne compte pas, ça fait désordre dans sa tête.

…à rapprocher de :

– Tout autre texte religieux pour se faire le cerveau.

– Plus sérieusement, si vous voulez rêver davantage, il y a quelques ouvrages qui, au cours de ma jeunesse, m’avaient plus ou moins secoué (je pense notamment au Troisième Œil, de T. Lobsang Rampa)

Franck Villemaud - PalissadeDans une ville qu’on imagine éteinte, vivent deux hommes qu’une palissade séparent. Et lorsqu’un gars psychologiquement fragile fraye avec un ex-militaire porté sur le whisky, y’en a bien un qui va partir façon puzzle. Ce roman nerveux s’adresse au lecteur avec panache mais courtoisie et a tout de l’homme politique : ça fait rêver, laisse indifférent ou énerve sur les bords. Le tout agrémenté de références musicales pour mieux compléter les pérégrinations des deux amis.

Il était une fois…

Fred est un être un peu paumé dans la vie. Débarqué d’on ne sait où (le lecteur l’apprendra au fil des pages), il emménage dans un rez-de-jardin de trente-cinq mètres carré dans une petite bicoque. Derrière la palissade de son jardin, il y a Roland, ex légionnaire au phrasé limite ordurier et plus que disposé à partager un verre ou deux (bien plus au demeurant) avec Fred. Rapidement Roland s’invite chez son nouveau voisin, armé de boutanches d’alcools et d’une certaine sensibilité musicale aux fins d’escorter leurs discussions d’ivrognes. Face à un Roland davantage envahissant chaque nuit, que peut faire notre ami encore psychologiquement fragile ?

Critique de Palissade

« Fred est mort il y a six mois à peu près , une nuit de fin d’été 2014. Il allait avoir 40 ans. » C’est par ces quelques mots que commence une œuvre plutôt nerveuse et qui, du haut de ses 180 pages, pourra se lire en une bonne heure eu égard la faible densité de ses 30 chapitres – lesquels sont numérotés à l’envers, tel un compte à rebours ayant pour point d’orgue le décès du protagoniste.

Fred, d’abord : un pauvre hère sans emploi apparent passant ses journées à chasser la gueuse sur des sites de rencontre (et ça semble bien fonctionner), fumant et picolant le reste du temps. Le lecteur découvrira rapidement que Freddou sort d’un séjour en H.P. (hosto psy pour les intimes) pour une histoire de cœur qui aurait mal tourné. L’auteur relate les mésaventures de cet (anti) héros à la première personne, et la narration est émaillée de nombreuses remarques à l’intention du lecteur, et ce dans un registre familier malgré l’emploi du vouvoiement – selon votre état d’esprit, ça passe plus ou moins bien.

Roland, ensuite. Un personnage « brut » qui a tout de l’ancien militaire bourru qui aurait laissé tout bon sens lors de ses précédentes campagnes militaires. Un gars dont le franc parler oscille entre une certaine gentillesse maladroite et les gueulantes homériques pour un rien – le genre à s’exciter lorsqu’en quémandant du rock Fred passe du Blondie… Imaginez enfin la rencontre de ces deux individus désœuvrés qui ne jurent que par la nicotine, l’alcool et la musique. Jusqu’à ce qu’un des protagonistes pète une durite de trop et saccage un équilibre au départ aussi stable qu’une usine à briquets au beau milieu d’un entrepôt de feux d’artifice.

Sauf que, le temps que le dénouement pète dans les grandes largeurs, le lecteur habitué à des romans davantage policés et variés (plusieurs lieux, plus de deux personnages, etc.) pourra estimer l’histoire répétitive et le phrasé résolument « regarde comme c’est la déconne ici » un tantinet agaçant. Néanmoins, les éditions Taurnada ont cru déceler chez votre serviteur ce qui serait susceptible de lui plaire, et ont visé juste : non seulement il ne s’agit pas de littérature habituelle, mais les dernières pages, relativement inattendues, offrent un épilogue suffisamment original pour reconsidérer une bonne partie du roman.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre « palissade » renvoie, du haut de ma légendaire perspicacité, à deux (voire trois) sens particuliers. Basiquement, il s’agit de la clôture séparent Fred de Roland, un mur en bois faisant office de frontière poreuse entre deux personnages dont la compatibilité est rapidement questionnée. En outre, il y a dans ce mot l’idée d’une « glissade », que les évènements ne vont guère s’arranger, et ce jusqu’au drame. Le comportement de Roland vis-à-vis de Marie-Jeanne, amour sincère de Fred, annonce la couleur : l’amitié de Roland, mâtinée d’un reflux d’homosexualité, est exclusive.

[Attention SPOIL] A tout hasard, en apprenant le fin mot de l’histoire, le félin a tout de go pensé à une lapalissade, ou plutôt son contraire : une contradiction qui aurait pu être décelée dès les premiers mots du roman : un narrateur peut-il annoncer qu’il mourra dans six mois tout en contant son histoire ? Soit l’auteur se joue du lecteur, soit ce dernier aurait du gardé à l’esprit l’ignorance du narrateur pour ce qu’il ne peut voir – malgré un ou deux passages suggérant son omniscience.[Fin SPOIL]

Enfin, Palissade a la particularité de proposer, au moins deux fois par chapitre, des morceaux de musique pour accompagner la lecture – ce qui est en soi louable, d’ailleurs le félin en parle dans un billet (en lien). Franck Villemaud nous fait ainsi part de ses préférences musicales telles que John Zorn, Danny Chaimson & The Eleven hour, Sixteen Horsepower qui apporteraient une touche rock & roll (selon l’éditeur). Du coup, il ne faut pas hésiter à lire le roman à côté d’un ordinateur pour passer les morceaux suggérés. Pas vraiment du rock & roll, plutôt quelque chose de jazzy voire légèrement underground (eu égard ma proverbiale incompétence dans le domaine du vieux rock).

…à rapprocher de :

– Le fauve s’est dit que, tant qu’à numéroter les chapitres à l’envers, pourquoi l’auteur n’a-t-il pas fait de même avec les pages ? Par exemple, le compte à rebours est plus prégnant dans Survivant (en lien), de Chuck Palahniuk – même dénouement qui laisse en suspens la question de la survie du protagoniste.

– Du côté des éditeurs indépendants, il est quelques chouettes ouvrages avec des anti-héros passablement mal dans leurs peaux et passant leurs journées à consciencieusement se détruire : Monstres, de Mike Kasprzak ou Avant Terme de Serge Cazenave-Sarkis – d’autres exemples sont présents sur le léger blog.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.