Peter F. Hamilton – L’Aube de la nuit

Pocket SF, environ 7 x 650 pages.

Peter F. Hamilton - L'aube de la nuitVO : The Night’s Dawn Trilogy. Attention, énorme saga (près de 6.000 pages, un record il me semble) qui envoie du très lourd. Monde futuriste crédible, menace progressive qui s’annonce quasiment incontrôlable, nombreux protagonistes assez bien léchés, Peter F.H. ne se fout pas de notre gueule.

Il était une fois…

Bien qu’il y ait sept romans,  c’est bien une trilogie qui est sortie dans les pays anglo-saxons.

Partie 1 : Rupture dans le réel

La Confédération regroupe l’espèce humaine, des milliards d’habitants disséminés très loin dans l’espace. L’Humanité ? Deux factions que tout oppose : les édénistes, sorte de société utopique technologiquement très avancée et à l’ADN modifié leur permettant d’avoir une « affinité » avec vaisseaux et habitats. Les adamistes, majoritaires, se sont un peu moins lâchés question biotechnologie. Joshua Calvert, adamiste, est un baroudeur talentueux qui va se retrouver au milieu d’un insondable bordel lorsqu’une personne deviendra un « possédé ».

Partie 2 : L’alchimiste du neutronium

Les possédés croissent exponentiellement, d’ailleurs leur chef sur une planète (Lalonde) n’est que l’esprit d’Al Capone. Si si. Notre héros Joshua, qui a survécu, tente de rentrer voir sa petite amie (Ione, sur une jolie planète utopique). Mais une autre mission se dessine pour lui : récuperer le fameux alchimiste du neutronium, arme (crée par un peuple qui voulait, à juste titre, se venger) à côté de laquelle une bombe nucléaire n’est qu’un pétard mouillé. Parallèlement, l’autre nana (Louise, sur une planète un peu arriérée) que Joshua a levée (et mis enceinte de surcroît) tente avec sa sœur de survivre dans sa ville qui tombe aux mains des vilains morts-vivants.

Partie 3 : Le dieu nu

L’Humanité est dans une mouise grave. Tout part à vau-l’au, si bien que Joshua part à la recherche d’un mythique dieu capable de sauver les Hommes de la prolifération des ennemis. Edénistes et adamistes se foirent sur presque chaque bataille menée contre les possédés. A côté, la belle Louise parvient à aller sur Terre, une des dernières places pas encore tombée.

Critique de L’aube de la nuit

Le Tigre a fait de son mieux pour résumer (sans spoiler) de manière compréhensible la saga. C’est le genre d’œuvre monumentale où tout revient à mon esprit, ai envie de tout raconter mais il n’y a pas de place pour une thèse sur ce site. Hamilton s’est donné, on ne peut pas le nier, et l’univers développé permet une rapide immersion pour le lecteur. J’ai tout de suite accroché, et même si le suspense n’est pas toujours au rendez-vous l’auteur m’a fait voyager…et rêver.

Voilà du vrai space opera (combats galactiques, stratégie à l’échelle de systèmes planétaires) de qualité, mais sans les E.T. au centre de l’histoire. Je n’en vois d’ailleurs que deux types : le boulet hyper curieux à l’origine de la « rupture dans le réel » où les morts reviennent ; et les Klints, race fort avancée qui se contente d’être spectateur tout en répondant de manière énigmatique. On vous laisse vous démerder, on est aussi passé par là les amis est un peu leur credo. Frustrant, mais interpellant.

Que l’Humanité donc, seule face à tous ses morts qui prennent la place des vivants et semblent bien décider à rester dans les corps qu’ils possèdent. Contre eux, quelques héros, notamment le jeune Calvert, gendre quasiment parfait. Le mec est un peu celui qu’on suivra le plus, et faut dire qu’en plus d’avoir une chance de cocu (la Louise qu’il a mis enceinte n’y est pas pour rien) il finira en beauté.

Voilà un peu le défaut de cette saga : en plus d’être très longue, la fin est légèrement décevante. Les derniers romans (Le dieu nu) deviennent très bizarres et compliqués (des espèces qui ressemblent à des anges, Joshua qui se divinise), annonçant un dénouement que Le Tigre a trouvé un peu facile. Heureusement qu’on a eu sa dose de sexe, de bagarres, de gigantisme, de politique même lors des milliers de pages précédentes

Pour conclure, c’est quelque chose qu’il vaut lire le tout en un mois. Deux grand max. Commencez par les deux premiers, si ça passe achetez tous les autres et dévorez-les sans vous retourner. Car faire traîner la lecture vous découragera peut-être de terminer la saga. Le Tigre en a eu pour deux semaines. Douches comprises.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les morts qui reviennent à la vie. Hamilton a, quelque part, été en avance sur la mode des zombies. Dans notre cas, l’origine du mal semble tout aussi fantaisiste (je n’avais pas vraiment bien saisi sur la fameuse rupture dans le réel) mais son développement est plus inquiétant : en effet, les possédés ont des pouvoirs surhumains leur permettant de créer, en apparence, un environnement séduisant. Aussi à la guerre militaire s’ajoute la lutte des propagandes, spécialement un mouvement de possédés cherchant à attirer la jeunesse vers son antre.

La Confédération, système politique lâche mais intéressant. Si certaines planètes sont associées à un type de gouvernement (Mars, le communisme notamment), la Confédération a jugé préférable de coloniser des espaces (pour humains normaux) selon leur groupe ethnique. Et hop, Garissa, monde de blacks. Ou Kursk, avec que des russes dessus. Quant à la France, le seul spécimen francophone rencontré est un aigri de première à la trahison facile et au destin funeste. Merci Peter pour ce très courtois french bashing.

A la différence d’un Reynolds qui ne résout pas la possibilité d’aller plus vite que la lumière (et encore…), Peter F. Hamilton pose le principe des voyages par des trous de ver, avec les technologies et dangers (ne pas se trouver trop près d’une planète par exemple) adéquats. Du coup, l’unification de la race humaine sous une même bannière est possible, comme dans Les Cantos d’Hypérion de Dan Simmons.

A ce propos, c’est un certain message que Le Tigre a cru entendre de la part de l’Anglais. Déjà, il semble faire la nique à ce que j’appelle « SF supraluminique ». En montrant comment on peut devenir dépendant d’une telle technologie type trous de ver, Hamilton place celle-ci à l’origine du plus grand bordel que connaît l’Humanité. Le happy end, quoiqu’un peu léger, est révélateur des limites du voyage supraluminique, où l’Homme s’étend trop loin très vite : ainsi toute l’Humanité est parquée dans un coin restreint de la galaxie. En attendant que celle-ci évolue. Comme si on avait laissé un chiard pourri-gâté seul dans un château. Après y avoir foutu le feu, on lui alloue une petite chambre proprette.

Le transhumanisme. Forcément, dans de la SF, les humains s’amusent légèrement avec leurs corps. Edénistes, adamistes, Le Tigre vous a déjà dressé le tableau. Le petit plus dans la saga, c’est cette capacité pour les édénistes de créer des vaisseaux et des habitats qui leur sont intimement liés. Chaque vaisseau (oublié le nom) est attaché pendant sa « vie » à son capitaine par un lien très fort. Les engins spatiaux vivants, ça me rappelle la série télévisuelle Farscape, créée par O’Bannon.

…à rapprocher de :

A Second Chance at Eden est un recueil de nouvelles qui se passent dans cet univers. Bon roman d’appoint pour en savoir un peu plus.

La Saga du Commonwealth, du même auteur, est dans la même veine. A la différence prêt qu’il y a des méchants E.T., enfin.

La Grande Route du Nord (tome 1 et tome 2 sur le blog) est également une réussite, même si les ingrédients de l’auteur n’ont pas changé – l’efficacité reste au rendez-vous.

– La notion de transhumanisme se retrouve chez Reynolds (L’espace de la Révélation ou La Cité du Gouffre pour commencer). Cet auteur livre une analyse plus cyberpunk et crédible.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette saga en ligne en commençant ici.