DodécaTora« Cher Tigre, je suis une fan de ton site, et j’aurais un service à te demander. Disons que j’aime les bonnes choses dans la vie, notamment célébrer les envolées charnelles rendues possibles grâce à certains dons dont la nature m’a pourvue. Je souhaiterais que tu écrives un article afin de préparer le terrain, c’est possible ? Bisous. Clara M. »

Douze titres pour bander et mouiller

Pour une fois, Tigre est relativement fier du titre de ce billet. Distingué, finement suggestif, pas provocateur pour un sou, l’expression « lire un livre d’une main » est d’un raffinement qui a peu à voir avec le reste de mes billets. Puisqu’il est possible de lire en faisant l’amour, pourquoi ne pas lire en faisant l’amour avec la seule personne qu’on aime, comme dirait Woody Allen en parlant de l’onanisme ?

Toutefois je reconnais qu’il a été difficile de trouver ces douze titres. Le Tigre n’est pas du genre à se jeter sur le rayon « érotisme » d’une librairie ou donner une sévère claque à la collection Harlequin. Les romans donnés sont plus ceux d’écrivains que j’apprécie en général (Djian par exemple) et qui ont à un certain moment écrit quelque chose de très très chaud.

En revanche, vous trouverez de tout dans ce billet. Il y autant d’érotisme (limite suranné) mignon et pas trop suggestif (mais assez pour bandouiller) que de porno qui glisse vers le dégueu. Concernant ces derniers titres, dites-vous que l’auteur n’en est pas à son premier jet, aussi d’autres romans doivent exister à lire le soir, seul, sous sa couette.

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ D.A.F. de Sade – La philosophie dans le boudoir

Le classique que Tigre se doit de mettre en avant. Sade était un sacré coquin pour son époque, et cet essai (je n’ai pas lu l’intégrale, seulement la version à deux euros) est étonnant de réalisme et de précision. Le boudoir, c’est la pièce entre le salon, où on discute philo, et la chambre, où on… Du coup, le texte alterne entre scènes charnelles et considérations intellectuelles d’obédience libertaire.

2/ Manara – Le déclic

Un classique de la BD maintenant, avec le grandiose Milo et son album phare. Comme Le Tigre le répète souvent, c’est en lisant en catimini L’Echo des Savanes que j’ai découvert cette série qui hélas traîne en longueur vers le second tome. La maîtrise du trait par l’artiste est parfaite, des formes aux expressions de plaisir de Claudia. On pardonnerait presque à l’Italien d’être macho.

2/ Régine Deforges – L’Orage

Un jeune homme, héritant d’une vieille tante, découvre un journal intime. Et la Marie du journal est une femme complètement barrée et dont le décès du mari n’a rien arrangé. Elle va s’offrir à droite et à gauche pour son défunt époux dans des péripéties qui dépassent l’érotisme pour basculer vers le porno trahs. Il y a de grands moments de pornographie dans ce court roman, notamment lorsque Marie rejoint Lulu, l’idiot du village à la queue démesurée. Le père bedonnant, le chien, la bouteille de vinasse, tout y passe.

3/ Michel Houellebecq – Plateforme

La littérature française sait se faire coquine (et polémique par rapport à Michel H.). Plateforme traite du tourisme sexuel, notamment comment le héros et sa compagne vont en faire un business florissant. Et Le Tigre a cru dénoter deux ou trois scènes satisfaisantes, en vrac : le plan à trois avec la jeune femme de chambre cubaine ou un autre threeway avec une blonde plantureuse dans un hammam. La configuration FFM semble appréciée de cet auteur qui fait court mais terriblement efficace dans les descriptions.

4/ Henri Miller – Opus Pistorum

Présentée comme une œuvre sur la « grande dérive érotique sous les toits de Paris », Opus Pistorum représente les écrits les plus trashouilles du grand écrivain américain. Rédigés à l’intention d’un intermédiaire qui les vendra sous le manteau aux États-Unis, il s’agit d’expériences imaginaires sensuelles (et surtout sexuelles) de protagonistes dans le Paris des années 30.

5/ Guillaume Appolinaire – Les Onze mille verges ou les amours d’un hospodar

Publié en 1907, sûrement le titre le plus connu de l’auteur – qui à l’époque s’est contenté d’un G.A. comme signature, on ne sait jamais. Dans cet ouvrage assez long, l’histoire d’un prince (Mony Vibescu) mènera le lecteur dans différents lieux et avec des configurations pornographiques aussi diverses que variées : porno soft, homo, géronto, pédo, vampirisme, name it ! Pour toute les bourses en fait (hu hu).

6/ Esparbec – La Pharmacienne

Le Tigre a lu quelques passages d’Esparbec (Georges Pailler de son vrai blaze) dans les librairies, et à chaque fois j’ai dû repartir en marchant comme un crabe face aux étagères tellement j’avais la gaule. La Pharmacienne a l’air d’être un des plus excitant selon les connoisseurs. Attention : bien que âgé, Esparbec ne s’interdit rien. C’est du porno sans détour, les descriptions crues présentent des protagonistes aux attitudes équivoques et terriblement dérangeantes – voire choquantes, y’a du gros inceste doublé de SM.

7/ E. L. James – Cinquante nuances de Grey

Il aurait été anormal que je ne parle pas de cette chose. J’annonce tout de suite, je ne l’ai pas lu et ne suis pas prêt de le lire. C’est pour cela que le lien pointe vers un dessin de Tigre-san. Apparemment certaines personnes ont vu la zone érogène de leur cerveau s’activer furieusement, j’attends vos impressions à ce sujet.

8/ Michel Houellebecq – Les particules élémentaires

Il faut un temps où j’ai dévoré notre Houellebecq national. Et ce titre fut un des premiers. Jeune et impressionnable à l’époque, Tigre garde un souvenir ému d’un des frères, érotomane sur les bords qui parvient à satisfaire sa libido longtemps contrariée. L’auteur a un style assez plaisant, et le pessimisme ambiant de son univers illustre parfaitement la petite mort qui clôt toute aventure charnelle.

9/ Didier van Cauwelaert – Rencontre sous X

Le titre ne trompe pas, Didier s’est essayé à l’érotisme au travers du prisme d’une histoire mignonne et amusante. L’univers du foot professionnel certes, mais surtout le monde du hard en France avec un héroïne qui tombe amoureuse d’un jeune Sud-Africain qui est son partenaire de tournage le temps d’une scène (comme doublure de quéquette). Van Cauwelaert excelle dans les descriptions qui donnent une impression d’ « usine à bidoche » dans l’industrie du X.

10/ Philippe Djian – Vers chez les blancs

Je n’ai pas vu arriver ce roman qui m’a profondément étonné. En effet je ne savais par Djian aussi bon concernant la littérature érotique, et malgré un scénario relativement pauvre lire ces 450 pages passe comme une lettre à la poste. Il est des scènes de sexe d’une rare intensité qui atteindront rapidement le cerveau reptilien de tout lecteur. Avec une belle mise en abyme de la manière dont on peut écrire de tels textes.

11/ Anaïs Nin – Delta de Venus

Dans les années 40, Anaïs est tellement à la dèche qu’elle écrit des nouvelles vendues un petit dollar pièce. Et faut vendre vite et bien, donc elle verse dans l’indécent. Première fois qu’une femme traite d’érotisme de cette manière en littérature, le Delta de Venus consiste en de courts textes qui abordent, assez crûment il est vrai, différents thèmes, de la bisexualité à l’inceste, en passant par diverses positions du Kama Sutra.

12/ Sève Maël – Le sexe des femmes révélé aux hommes

Le léger clin d’œil pour la fin. Si cet essai peut se lire d’une main, c’est que de l’autre il peut être utile de prendre des notes, voire pratiquer les exercices proposés. L’essayiste est une jeune sexologue rompue à l’exercice d’écriture et son ouvrage est presque d’intérêt général. On y apprend l’art des préliminaires, l’anatomie féminine et de nombreuses idées en vue de parfaire sa vie de couple.

…mais aussi :

– Houellebecq est certes à l’honneur, car d’autres de ses titres comportent quelques scènes d’un olé olé de bon aloi.

Enfin, ce DDT n’est pas à confondre avec les bandes dessinées qui font bander (en lien).

Dorison & Lauffray - Long John SilverSous-titre des quatre tomes : Lady Vivian Hastigs, Neptune, La labyrinthe d’Emeraude, Guyanacapac. Piraterie, trésor, antiques cités, crimes et trahisons. Dallas version Stevenson au 18ème siècle, c’est pas mal du tout. Hélas, Le Tigre a été énormément déçu par le final (comme dans Le Troisième Testament en fait).

Il était une fois…

Dans la vieille Angleterre sang bleu du 18ème siècle, lady Hastings se fait intensément plaisir dans son lugubre château. Puisque son mari Byron est supposé mort en Amérique du Sud, elle papillonne doucement, au point d’avoir un marmot en préparation. Et quand le frère de Byron débarque (accompagné d’un mystérieux Indien, Moc) pour rendre visite à Vivian, celle-ci est en danger : déjà le beau-frère connaît les mœurs dissolues de la belle et compte bien la laisser sur le carreau. Mais surtout elle apprend que son époux est en vie et a découvert la cité de Guyanacapac, en pleine Amazonie. Cet endroit regorgerait d’or, et miss Hastings est bien décidée à récupérer sa part.

Critique de Long John Silver

Long John Silver est une tétralogie dont le dernier opus est sorti vers avril 2013. Si l’exercice semble avoir été bien maîtrisé de bout en bout par nos deux artistes, la fin a laissé au Tigre un goût amer : certes généreuse et impressionnante, mais sans la petite étincelle qui aurait pu me laisser sur le cul.

Le scénario est finement construit, car chaque BD s’occupe d’une unité chronologique de l’aventure de nos héros. Vivian Hastings, d’abord, qui contacte le docteur Livesey pour pouvoir sereinement embarquer vers l’Amérique du Sud. Sereinement, c’est à dire en embauchant une bande de pirates avec à leur tête un vieux briscard qui est plus ou moins rangé, à savoir le grand Long John Silver (LJS pour les intimes), celui du livre de Stevenson. Silver parvient à trouver un navire, se fait « embaucher » par le beauf de Vivian, et c’est parti pour une destination qui ne se trouve que sur un vieux parchemin.

Les péripéties des titres sont nombreuses et c’est pour cela qu’il faut mieux se lire la tétralogie d’un coup. J’ai du reprendre la lecture d’un tome précédent à chaque fois, ce qui est dommage. Quant au dessin, je suis partagé : d’une part, Mathieu Lauffray a énormément de talent lorsqu’il faut faire un majestueux tableau (une planche entière) du paysage ou d’une scène d’action. Mais d’autre part, à y regarder de plus près certains passages semblent moins travaillés, plus raturés, ce qui nuit aux expressions des personnages qui m’ont parfois paru caricaturales. Mais je dis ça parce que j’aime la ligne claire et les images de synthèse.

Pour conclure, un bonne série qui s’est faite attendre (plus de cinq ans en tout), à juste titre eu égard la qualité du scénario (en pardonnant la conclusion décevante) et le trait précis de l’illustrateur. Évidemment il convient mieux de se procurer une intégrale qui ne manquera pas, un jour, de sortir.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les aventures de pirates. Dorison a bien révisé son sujet, c’est indéniable. L’immersion dans l’univers de ces hommes d’honneur est réjouissante : gestion du personnel (éviter les mutineries) ; manœuvres compliquées à faire faire à l’équipage ; culte du secret et de la parole d’un homme,… Mais la piraterie n’est pas que dans les eaux, en effet le premier tome plante l’intrigue et montre comment l’équipage est préparé ; tandis que le dernier qui se passe avant tout sur la terre ferme. En s’attaquant à la légende de Silver que l’auteur a fait renaître pour l’amplifier avant de tuer le personnage une seconde fois, il ne fallait pas moins de 4 tomes.

Il ressort de ces aventures que presque tous ont un double jeu. Lady Hastings, évidemment, qui ne souhaite retrouver son époux que pour mieux s’approprier le butin (s’il faut le tuer au passage, alors soit). Silver, qui jusqu’à un certain moment cache sa condition de pirate. Le bon docteur, Moc, personne n’est réellement neutre dans cette histoire. Or, certains connaissent les petites cachotteries d’autres, du coup tous se tiennent par la barbichette, ce qui contribue à rendre la tension palpable.

Enfin, remercions Xavier Dorison pour avoir imaginé une héroïne de qualité. Lady Vivian Hastings est quasiment une sorte d’anachronisme de cette Angleterre patriarcale. Pourtant cette femme parvient à mettre en place un plan malin et efficace au nez et à la barbe du beau-frère, puis gère tant bien que mal sa grossesse pendant le voyage. LJS sera alors encore plus sympathique, étant le rare à tenir jusqu’au bout sa parole vis-à-vis d’elle.

…à rapprocher de :

– De Dorison, Tigre se souvient du génial Troisième testament. Sanctuaire, (trois tomes il me semble) sinon, m’a paru être plus décevant malgré une idée originale qui dépote.

– J’ai presque eu envie de lire L’île au trésor, de Stevenson, en refermant la dernière page du quatrième tome.

Pour finir, si votre libraire est fermé, vous pouvez trouver ces quatre BD via Amazon : premier, deuxième, troisième et dernier tome en liens.