Alastair Reynolds – On the Steel Breeze

Gollancz, 528 pages.

Alastair Reynolds - On the Steel BreezeDans un futur relativement lointain (milieu du 24ème siècle), l’Humanité est parvenue à maîtriser une technologie lui permettant de voyager à une vitesse se rapprochant de celle de la lumière. En suivant trois clones évoluant dans trois différents environnements, c’est une période charnière de l’Humanité qui se déroule sous nos yeux – la conquête hors du système solaire. Puissant et vertigineux, as usual.

Il était une fois…

Chiku-rouge est montée à bord d’un véloce vaisseau pour rattraper sa grand-mère Eunice, partie explorée le lointain espace. Chiku-vert voyage dans un holoship (vaisseau-monde) qui mettra des centaines d’années à atteindre Crucible, une planète d’où l’Homme pourra essaimer. Chiku-jaune est quant à elle restée sur Terre pour mener une vie paisible dans un environnement changeant et plein de nouvelles promesses. Ces trois personnes sont des clones dont l’esprit est synchronisé, et ignorent qui est « l’original ». Trois destins surprenants, trois histoires qui vont changer le cours de l’Humanité.

Critique de On the steel breeze

Voici le deuxième tome de la saga des Enfants de Poséidon, triptique de grande ampleur par un des auteurs de SF que Le Tigre préfère. Si le premier opus était basé sur notre planète (la Lune également) et s’intéressait plus particulièrement aux protagonistes, ici le lecteur remonte d’un cran vers du space opera démesuré par les idées mises en œuvre : un peu d’E.T., des grandes manœuvres de factions improbables, une I.A. prête à chier dans les bottes de l’Humanité, etc.

Dès les cinquante premières pages, Reynolds pose les grandes trames de l’intrigue avec les descendants d’Eunice Akinya (la grand-mère, dont les enfants étaient Geoffrey et Sunday du tome précédent) : Chiku-rouge est portée disparue, on suppute que son vaisseau s’est crashé. Mais Chiku-jaune voit un fantôme qui serait la « synchronisation » défectueuse de la première perdue on ne sait où. Quant à la dernière protagoniste, l’holoship (qui appartient à une caravane de vaisseaux semblables) devant parvenir sur un nouveau monde a comme un défaut : il ne restera pas assez de carburant pour décélérer. Et y’a un risque de dépasser l’objectif à moins d’un saut technologique post-Chibesa (trouvaille du tome précédant qui a permis l’envoi de tels navires). Noah, leur enfant, a quitté la terre ferme pour rejoindre les nations aquatiques, ajoutant l’intensité dramatique.

Tout se suit à bonne cadence, si bien que les intrigues se multiplient et s’entremêlent alors que les péripéties se situent à des décennies d’écart (synchronisation dans l’espace infini oblige) : une explosion dévastatrice sur un des navires permet certes de lever quelques secrets bien gardés, mais surtout il apparaît que la raison du voyage est peut-être fondée sur un mensonge. Parallèlement, qui va bien pouvoir résoudre les équations dépassant le modèle de Chibesa et les appliquer aux réacteurs avant que ce ne soit trop tard (la politique des vaisseaux a tout de celle de l’autruche) ?

Le Tigre n’est pas un cador dans la langue de Shakespeare, néanmoins ce roman est aisé à lire, une promenade de santé de 500 pages qui m’a scotché. Les chapitres, relativement courts (près de 40) et le style simple de l’écrivain ont énormément aidé. Y’a quand un truc qui m’a gravement fait tilté même si c’est intellectuellement intéressant : l’utilisation continue du ve pour le personnage de Traverstine, au lieu de he ou she – et les déclinaisons qui vont avec, genre vis/ver. Déjà que ce protagoniste (scientifique maudit) est délicat à cerner, « il » serait en plus sexuellement neutre ?

Un petit mot final sur le titre qui signifie (plus ou moins) Sur un souffle d’acier. A mon humble avis, un tel souffle est le pendant numérique de l’expiration humaine : une intelligence artificielle naît, et ça fait froid dans le dos. Mais c’est surtout un passage de Shine On You Crazy Diamonds, morceau des Pink Floyds tiré de l’album Wish You Were Here. Sur twitter, l’auteur m’avait invité à l’écouter [ouais, je tweetais avec Reynolds putain]. Et bah l’ambiance froide et planante m’a rapidement évoqué les vaisseaux-monde évoluant dans l’espace infini, avec des touches ici et là de chaleur, des instants de beauté et d’espoir. J’écoutais ce que pourrait être la complainte des héroïnes, éloignées à des années-lumière et qui cherchent à communiquer entre elles. Avec Reynolds, jamais le « sense of wonder » n’est aussi puissant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Punaise, le félin aime tellement cet auteur qu’il pourrait en discuter des plombes. Il est dur d’être sélectif (discriminant ai-je envie de dire), tentons quand même :

L’Anglais s’est fait plaisir en décrivant la manière dont plusieurs vaisseaux générationnels pourraient fonctionner. Que de bonnes idées ! Imaginez une caravane composée d’une douzaine d’holoships (avec à leur bord des millions d’individus) commandés par autant d’assemblées. Zanzibar, un de ces navires, possède 36 chambres qui sont régulièrement réassemblées selon les besoins de la population. Il y a même une 37ème cachée, et ce qu’elle contient est surprenant au possible – un rapport avec le tome précédant. En outre, quelques personnes privilégiées ont droit au skipover, c’est-à-dire une mise en stase pendant des dizaines d’années – aller sur Crucible prenant quelques siècles. Comme n’importe quelle communauté, les tensions politiques s’accumulent, jusqu’à (sans spoiler) provoquer une guerre civile.

Le sujet principal, objet des inquiétudes des protagonistes, reste la position assez trouble d’une certaine intelligence artificielle qui opère en sous-main. [Attention SPOIL] Il faut savoir que les images reçues par les télescopes qui yeutent du côté de Crucible (et l’artefact Mandala) sont analysées et rendues par Arachne, intelligence qui semble tout contrôler – et s’est développée au-delà de ces compétences d’origine. Il est notamment question de données qui sont volontairement modifiées afin de cacher ce qui se trouve réellement sur la planète. Mais pourquoi une I.A., qui gère en outre les Providers (machines envoyées en amont pour créer des infrastructures sur la planète) procéderait ainsi ? Comme souvent chez Reynolds, les réponses coupent le souffle [Fin SPOIL].

Outre l’émergence d’une I.A. plus ou moins consciente d’elle-même qui ne cherche qu’à se protéger (de manière froide), il y a la question de ce qui les rapproche et les éloigne du genre humain. Or, Alastair R. offre deux faces aux relations entre humains et robots.
1/ la lutte bien sûr, et l’impossibilité pour deux entités de se faire confiance – de million de migrants spatiaux désireux de s’installer sur une planète peuvent être froidement exécutés. Or, Chiku-jaune sera en possession d’un étrange artéfact capable de saboter le Mécanisme (le même du premier tome qui a pacifié la Terre.
2/ Sous l’impulsion d’une une autre intelligence, froide et patiente, un accord sera cependant mis en place aux fins d’assurer une « entente cordiale ». Et ce grâce notamment à un être mi-homme mi-machine, une persona dont le parcours a su montrer qu’une cohabitation est concevable.

…à rapprocher de :

– Commencez évidemment par le premier tome, Blue Remembered Earth. Moins décoiffant (sauf sur la fin), plus une aventure humaine où l’Afrique est reine. Quant au troisième tome, j’en salive déjà.

– Rien que pour le plaisir, je vous refais reparle du meilleur de Reynolds : le cycle des Inhibiteurs : L’espace de la révélation, La Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution. Faut reconnaître qu’il sait choisir des titres qui en envoient. Essayez The Prefect, qui est un stand-alone de belle facture. Voire les nouvelles du cycle, comme Galactic North ou Diamond dogs, Turquoise Days.

Il faut savoir que dans le second opus (qui peut être lu indépendamment d’ailleurs), il est question de la problématique de la décélération quand on atteint une vitesse proche de celle de la lumière. Et de la manière dont s’organise un tel voyage. La solution trouvée par le protagoniste, pleine d’audace mais moralement inacceptable, m’a profondément ravi.

– Quant au clonage, imaginez qu’au lieu de 3 il y ait des milliers de clones appartenant à une même « Maison » et parcourant l’espace infini pour rendre compte des activités humaines : c’est le sujet de The House of Suns, qui est tout simplement une tuerie. Même auteur bien sûr, et même thème de la propension humaine à vouloir détruire ce qu’elle a créé – à savoir des machines dont elle a peur.

– Toujours chez Reynolds, une fabuleuse aventure qui se compte en siècles et qui provoque un « whaow », c’est Janus, ou Pushing Ice dans la VO.

Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

10 réflexions au sujet de « Alastair Reynolds – On the Steel Breeze »

  1. Ah ben en voilà une bonne nouvelle alors, un auteur de SF que je ne connais pas !
    Le seul hic, c’est que pour avoir tenté l’expérience avec Asimov, j’ai du mal à rentrer dans les romans quand ils ne sont pas écrits dans ma langue maternelle, une idée d’une éventuelle sortie d’une traduction française Tigre ?

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