Les pages wiki anglaise et française étant déjà bien remplies, Le Tigre s’efforcera d’être extrêmement subjectif. Alors autant le dire tout de suite : dès le premier tome, j’ai trouvé que cette série est une vraie petite bombe. Rire, dégoût, intelligence, c’est du grand art. Dessins parfaitement en phase avec la direction cyberpunk de la série, c’est le genre de livres subversifs et drôles dont on peut être fier de posséder.

Il était une fois…

Six tomes, six paragraphes, je vais tâcher de rapidement les résumer, sachant qu’il vaut mieux les lire dans l’ordre. Pour le lecteur qui souhaite se faire une cure de Transmetropolitan, lisez juste le résumé du premier tome. Ne vous spoilez pas en découvrant la suite.

TOME 1 : le Come-back du siècle

Ellis & Robertson - Transmetropolitan1Spider Jérusalement (SJ) était un grand journaliste qui avait son petit succès. On l’oblige à sortir de sa retraite (pas dorée du tout) et retourner dans l’enfer de la ville pour couvrir certains évènements. Malgré lui il se replonge dans la corruption (drogues, désirs,…) de la métropole et commence à donner un solide coup de pied dans la fourmilière en couvrant la révolte des transités, des illuminés qui pour moitié ont l’apparence d’extra-terrestres.

Tome 2 (et début du SPOIL) : La Nouvelle Racaille

Ellis & Robertson - Transmetropolitan2SJ couvre les élections présidentielles. Pour contrer la Bête, le candidat président qui a fait du pays un endroit dégueulasse, des primaires sont mises en place dans le parti adverse. Ces candidats seront méticuleusement scrutés par le journaliste. Et contre la politique pourrie en place, SJ découvre et fait vite découvrir à quel point les petits arrangements et grands scandales sont légion. Il faut rajouter l’arrivée d’une nouvelle assistante, quelques éléments sur la passé de SJ (l’enfant sans tête kamikaze qui l’attend pendant le livre 1 par exemple), les addictions toujours plus fortes du héros, les mouvements néo terroristes contre le système en place, etc.

Tome 3 : Seul dans la ville

Ellis & Robertson - Transmetropolitan3Le plus dense en termes de pages de la série. SJ est une star, mais déjà il va enquêter sur celui qu’il a aidé à faire élire, et ce qu’il découvre n’est pas joli joli. Utilisé à ses dépens comme une marque (films X, accessoires pour enfants, marques SJ et pseudo téléfilms le montrant comme sympathique), SJ se sent humilié et doit se racheter une anti conduite. Il faut ajouter les exactions policières du Sourire, les découvertes toujours plus dérangeantes, bref cela se termine en apothéose par son éviction du journal.

Tome 4 : Éloge funèbre

Ellis & Robertson - Transmetropolitan4Viré du Word, SJ avait tout anticipé et continue son travail au sein de la presse underground (webcanal pirate). Son ex rédacteur l’aidant plus ou moins, SJ parcourt les bas fonds de la ville et récupère les témoignages d’une population miséreuse. Tout ça pour arriver à l’insoutenable, et la découverte des agissements éhontés des soutiens du président en exercice, ce dernier se révélant toujours plus fou. Tentatives d’assassinat, tempêtes de proportion biblique, fausses grèves des flics, un politicien prépare quelque chose de terrible.

Tome 5 : Le Remède

Ellis & Robertson - Transmetropolitan5SJ est malade, il ne reste pas beaucoup de temps avant qu’il ne perde la raison. Le chef de l’État, qui a réussi à effacer les archives de tous les journalistes, sera son dernier scalp, ce dernier tentant de tout faire pour discréditer SJ (et effacer les preuves de sa démence). Lâché par le Word, seul avec ses assistantes, le journaliste, libre de toute éthique, saura-t-il contourner les pièges tendus par le Président ?

Tome 6 (avec gros SPOIL) : Une dernière fois

Ellis & Robertson - Transmetropolitan6Le président étant dos au mur, SJ rassemble ses dernières forces pour le faire tomber, happy end forcément. SJ finit ses vieux jours en tant que légume à la campagne, et la scène se finit sur la visite de son rédacteur.

Critique de Transmetropolitan

Le premier épisode démarre en trombe, et sur six tomes ça ne veut plus s’arrêter. Humour dévastateur, bêtise ambiante, avec un anti-héros pas si antipathique que ça si on considère son environnement. Un réel plaisir sur toute la ligne, et ce sans longueurs.

Le scénario est simple : avec son acuité légendaire le journaliste dévoile la face cachée de la ville et met en ligne directe ses articles, savoureux et acides.Les deux derniers tomes sont plus sombres, où la maladie de SJ lui tient lieu de deadlines. Les scandales sexuels et politiques deviennent plus glauques, la disparition de toute barrière morale est présentée de manière brute et sans prendre de gants.

Quant à la fin, qui est magnifique, toute en puissance, c’est un plaisir pur ! La chute précipitée du vilain politique, son dernier esclandre, sont très appréciés. Mais c’est surtout le premier tiers du livre qui apporte un « plus » important, avec les articles de SJ qui retracent cinq années de retour à la Ville, cinq années de haine, de folie et de génie.

L’individu SJ et les personnes qui l’entourent sont de vrais gags sur pattes. Violent, soumis à des rages folles, inénarrable usager de drogues,…Le journaliste est loin d’être un exemple. Son entourage non plus, par exemple une de ses « sordides assistantes » est là pour vérifier qu’il se shoote suffisamment. L’attitude scandaleuse du héros rend la lecture jubilatoire, où le respect fait grandement défaut.

Ellis n’ose toutefois pas tout, et parvient à rendre SJ digne d’être soutenu : celui-ci fait parfois preuve d’une grande humanité, et en général de gentillesse envers les « 99 % » (démunis, minorités, enfants).

Le dessin, ah le dessin. Tout ce que Le Tigre préfère : lignes claires, assistance de l’ordinateur, couleurs flashies. A l’image du visage du personnage, avec ses lunettes roses et vertes qui enregistrent tout. Assez proche d’un dessin de l’éditeur « les humanoïdes associés », où les perspectives et décors sont finement ciselés et tout en couleurs « chimiques ».

Cette collection est à lire et à relire, on en sort pas vraiment indemne. A éviter si vous recherchez du crédible, voire du sérieux, et que la violence gratuite vous écoeure à partir d’un certaine dose.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Tout d’abord le genre particulier qu’est le cyberpunk, sous catégorie de la SF. Je ne vais pas vous expliquer ce qu’est le cyberpunk, pour ma part c’est juste une vision sombre et passablement bordélique de l’avenir. Avenir où les lois ont moins de prise, les puissants verrouillant le système et laissant la populace utiliser intensivement le système D. Avenir visuellement flippant, comme le visage des « transités », à moité hommes de roswell. Exactement ce que présente Transmetropolitan.

Contrairement à un Philip K. Dick où on démarre souvent du bas, ici SJ est un privilégié. Profitant du système qui ne sera jamais indifférent à lui, le journaliste a de nombreux passe-droits bien amusants. Par exemple, l’utilisation d’un clone avec transfert de personnalité pour éviter un voyage en Californie où il se serait fait vite arrêté dès l’aéroport. Ce n’est pas sans rappeler au Tigre l’idée présente dans Carbone modifié (et suivants) de Richard Morgan.

Ensuite, le politiquement incorrect. Le héros n’en est pas vraiment un, et finit, après avoir rempli son office, assez piteusement. Ses actes et paroles, notamment sous l’emprise de la colère, sont orduriers comme on en voit / entend rarement. En outre, constituant une critique à peine voilée du monde contemporain fait de corruption et de trafics divers, le monde politique décrit dans ce comics est une vraie catastrophe. Faire tuer femme et enfants pour assoir son capital sympathie en période d’élections, Le Tigre ne voit pas comment mieux atteindre le fond.

La frontière avec l’insulte gratuite et le vulgaire n’est jamais franchie puisque le scénario, la philosophie des protagonistes et les dialogues restent en tout point intelligents, du moins intéressants. Par exemple lorsque SJ se lâche dans le troisième tome, ce n’est pas pour faire plaisir au lecteur, seulement reprendre sa stature subversive honnie par les masses et ne pas finir comme un objet marketing.

Enfin l’éthique particulière du journaliste, protagoniste d’exception. SJ est un chantre de ce qu’il nomme La Vérité, et en particulier la transparence pure exigée selon lui par son métier. Cela n’est pas sans rappeler la faction des Universitaires (information libre et ouverte à tous) dans Sid Meier’s Alpha Centauri (le vieux jeu vidéo des années 90) ou plus récemment Wikileaks et consorts. D’ailleurs, lorsque viré du journal, le trublion se met à émettre à partir d’un web canal pirate insaisissable, la résonance avec le début des années 2010 est plus forte que jamais.

Paradoxalement SJ abhorre les suiveurs, mêmes ses propres « followers » qui ne prennent pas assez de recul. SJ excelle ainsi lorsque détesté, en éternel outsider qui doit sans cesse réinventer des manières de choquer. Un petit côté Mélenchon / Le Pen. Pour cela il n’hésite pas utiliser les armes de l’ennemi, comme par exemple créer une zone exempte de réseaux où les gens paniqués n’ont plus accès à l’information. Assez proche du principe de la TAZ (temporary autonomous area), les connaisseurs apprécieront.

…à rapprocher de :

– Avec Darick Robertson au dessin, il y a Happy ! (Grant Morrison au scénario), très sombre et pas aussi réjouissant que Transmetropolitan. Quant à The Punisher : Au Commencement, juste parfait.

Megalex, le visuel est assez proche ainsi que la description d’une civilisation décadente. BD plus courte et de moins bonne qualité, ça se laisse lire ceci dit.

– L’immoralité la plus totale se retrouve dans Six-Gun Gorilla, version western déjantée par Spurrier et Stokely.

– Hunter S. Thompson, grand journaliste « gonzo » qui serait l’équivalent des années 70 de notre ami Spider Jerusalem. D’ailleurs le personnage du premier Président, cynique et malhonnête, n’est pas sans rappeler Nixon. Le Tigre le dit sans avoir lu wikipedia.

– Ainsi, les relations en SJ et ses boss ressemblent de temps à autre à ce que décrit H.S.T. dans Gonzo Highway, recueil de missives du journaliste.

– Les autres œuvres d’Ellis, pas forcément aussi décalées.

Enfin, si le titre n’est plus disponible, vous pouvez trouver cette saga en ligne ici : tome 1, tome 2, tome 3, tome 4, tome 5 et tome 6.

George Pratt - Batman : Harvest breedVO: même titre. Œuvre tout à fait à part dans la (longue) bibliographie du Bat, Harvest Breed est différent : histoire assez bizarre et décevante, dessin inhabituel mais intéressant, il est dur d’émettre une appréciation sur cet opus. Aucun super vilain qu’on connaît, juste le commissaire Gordon comme personnage connu, on n’est pas loin du « one shot » qui n’engage que son auteur.

Il était une fois…

Batman est face à un tueur en série qui semble suivre un ordre géographique pour ses actes. Ce mode opératoire est le même d’un homme que le Bat a, sans succès, tenté d’arrêter six ans plus tôt. L’enquête le mènera des champs du Viêt Nam au culte vaudou, tout en puisant au plus profond du chevalier noir.

Critique de Batman : Harvest breed

Je ne sais plus pourquoi j’ai acheté ce comics, et après lecture je me demandais encore quoi en penser. Un peu déjanté, court et intense tout en ayant quelques longueurs, comment est-ce possible ? On est loin de l’univers « classique » du gros bat, et les références à d’autres œuvres sont tout simplement inexistantes.

En moins de 100 pages, on peut regretter que le scénario paraisse un peu fade. Le thème du fantastique est poussé un peu trop loin, entre cultes vaudous, flashbacks à d’inquiétants guérisseurs viets  ou monstres sortant tout droit de l’enfer. Quant à l’évolution du héros, torturé sans qu’on ne sache vraiment pourquoi, celle-ci peut laisser légèrement pantois.

Les dessins, en revanche, c’est le gros (et seul ?) bon point : de vraies fresques poignantes, pas too much et qui s’insèrent à peu près bien dans le scénario. Rien que la patte de l’auteur, ça vaut largement le coup d’œil. Couleurs solaires tirant sur le « pisseux » sombre, c’est assez inédit dans ce genre de comics.

Conclusion : on peut passer à côté de cet ouvrage qui n’apporte rien à l’histoire de l’homme chauve-souris, sauf si le lecteur non intéressé par l’univers du comics aime ce genre d’illustrations.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le culte vaudou qui s’invite dans cet ouvrage est à la limite du compréhensible. Meurtres à commettre suivant un « pattern » bien particulier (que je n’ai toujours pas compris), personnes qui arrivent à extraire leur corps astral, prêtresse dont le pouvoir en a traumatisé plus d’un, Le Tigre a eu parfois l’impression de lire la BD du film Vivre et laisser mourir, James Bond avec le très flegmatique Roger Moore.

Pour une fois, des évènements gravitant autour de cette histoire sont bien réels, c’est-à-dire que ceux-ci ne sont pas propres à l’univers du Bat et sont d’ailleurs rarement évoqués dans ses comics. jusqu’à ici constituer la trame principale du scénario. Il s’agit, vous l’aurez reconnu, de la guerre du Viêt Nam. Sauf que comme on lit un roman fantastique, il ne s’agira pas de classiques traumatismes de guerre, mais d’une vieille autochtone qui a transmis quelque chose de particulier à un médecin US. Les flashbacks dans ce domaine sont intéressants, on sort réellement du paradigme de Bruce Wayne.

…à rapprocher de :

– Tous ces démons face à Batman, brrrr, ça rappelle terriblement La Nouvelle Aube, de Finch & Fabox.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics sur Amazon ici.

Jean Tulard - Joseph FouchéFouché, pas si bien connu et pourtant quel parcours ! L’image de couverture représente un homme placide, à la limite du noble « fin de race » mais dont les actes furent souvent sans appel. Toutefois en plus d’une bio, c’est l’histoire de l’évolution de la police dans un environnement changeant qu’on découvre, avec une exhaustivité qui risque de perdre le lecteur.

De quoi parle Joseph Fouché, et comment ?

Joseph Fouché, entre autre grand flic de la fin du XVIIIème siècle, a eu une vie qui mérite largement un essai d’un demi millier de pages. Et oui, 500 pages, c’est beaucoup et à la mesure du travail exhaustif de Jean Tulard, historien plus qu’écrivain. Trop long et exhaustif pour Le Tigre, qui s’est vu obliger de lire ce pavé historique puisqu’offert.

Je ne vais pas vous faire un résumé du personnage, Le Tigre étant resté pantois devant la version wikipedia du livre, on ne peut lutter contre ce site. A décourager de créer des posts sur des œuvres de référence. Au menu donc, juste vous dire ce qui m’a marqué (chapitre suivant) et surtout comment je l’ai lu et apprécié. Je vous le dis de go, c’est un grand ouvrage, toutefois qui ne remplit pas les critères de contentement du Tigre (capter le lecteur et la dose d’humour notamment).

C’est en effet dans la critique, très personnelle certes, que le bât blesse. Le Tigre n’a rien contre les essais historiques, à part sans doute Les commentaires de la guerre des gaules du grand Jules qu’on m’a obligé de lire, dans la version originale de surcroît. Jean Tulard a fait un travail remarquable, et le résultat ressemble à un gros livre d’histoire, assez brut et sans la qualité narrative qu’un jeune homme pourrait attendre.

Ouvrage parfait pour tout chercheur / historien / gros curieux de cette époque, le lecteur basique (celui « seulement » curieux) va sans doute décrocher. Car l’attention de ce dernier peut vite se déroder lorsque c’est trop descriptif (« technique » ai-je envie de dire), surtout quand l’auteur s’attarde sur la création de la police moderne, avec tous les intervenants et leurs intérêts personnels.

Ce que Le Tigre a retenu

Le père Fouché était un sacré cas, à la limite du scandaleux qui serait vite grillé dans notre ère numérique.

Déjà, il passe pour un l’inventeur de la police politique, le suivi constant des opposants. Bref, dans la tradition française qui a de solides penchants à utiliser les moyens de l’État à des fins de servir le pouvoir. D’une part les crimes de droit commun semblaient l’ennuyer profondément ; d’autre part c’était un intriguant de premier ordre.

Intriguant sans arrêt en effet, trahissant dès qu’il le peut, régicide parce que c’était à un certain moment de bon aloi, anticlérical (Lyon en 1793 notamment) pendant la terreur, ayant fait l’objet de nombreuses disgrâces (1808 sous le Nap’), Fouché est l’exemple de l’homme qui, lorsqu’il ne peut créer les conditions menant à sa gloire, utilise à son avantage les évènements (comme le remarque si bien l’auteur).

En outre, à l’image d’un Talleyrand, Joseph F. fut un diplomate souvent frustré, particulièrement lors des guerres napoléoniennes avec ses prises de contact, inutiles au demeurant, avec l’Angleterre. Ayant une vision géopolitique correcte, le grand flic a fait montre d’une lucidité assez désarmante sur les enjeux de la France pendant cette époque trouble.

Au final, Fouché sera exilé à Prague puis Trieste, tout en jouissant d’une richesse immense (les titres qu’il a cumulés lui permettaient d’avoir droit à de nombreuses prébendes). Pour conclure, comme l’auteur le dit (à moins que ce ne fut-ce le principal intéressé), « l’histoire n’est jamais morale ».

à rapprocher de :

– A la limite, si le personnage vous intrigue, Le Tigre estime que Fouché, de Zweig, sera sans conteste plus abordable.

– Dans la catégorie « essais historiques », je me suis plus marré (façon de parler) avec L’année des quatre dauphins, de Chaline.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.

Vaughan & Henrichon - Pride of BaghdadVF : les seigneurs de Bagdad. Acheté sans attendre une seconde la traduction française (qui a l’air de bon aloi par ailleurs), voilà un roman graphique qui mérite d’être lu. Idée originale parfaitement mise en forme, les auteurs ont su faire montre de poésie et de drame, et présentent un émouvant plaidoyer contre la guerre en montrant ses conséquences les plus inattendues.

Il était une fois…

Printemps 2003, Bagdad. A la suite d’un bombardement des Américains, le zoo de la ville est éventré. Les animaux, libres, vont parcourir une ville en ruines, tout en discourant tels des humains. Pour certains que le lecteur va suivre, la liberté aura un prix excessif.

Critique de Pride of Baghdad

Rien à dire, il y a de la maîtrise. L’Irak en guerre , des animaux dans le zoo éventré de la capitale, leurs parcours, ce qu’ils se disent, leurs attentes et craintes, le retour à la « nature », c’est sublime.

Moins sublime mais tout aussi touchant, c’est la stupidité des hommes qui est à l’origine de cette histoire vraie. Le gâchis en métaphores, la dure réalité, les auteurs parviennent à faire passer, en BD, des émotions qui ne sont pas évidentes à représenter. Histoire bien menée, peut être quelques longueurs à regretter.

Quant aux dialogues, il n’est pas inutile d’en relire certains tellement il y a de doubles sens. Sans compter, hem bien sûr, que c’est en Anglais. Alors il en faut très peu au Tigre pour perdre pied quand ça devient un tant soit peu philosophique. Car ça ne manque pas ici.

Sur le dessin, c’est lumineux et à dominance jaune / orange, couleurs savane. Assez bien pensé au demeurant. Le rendu du physique de nos amies les bêtes est digne d’un naturaliste. Rythme un peu long au début, à la limite de la « contemplation » animalière, ensuite tout cela s’anime de manière plus que satisfaisante (les combats particulièrement).

Tout bien pesé, un petit plaisir que le lecteur ne pourra oublier. Anglais ou français, pick up your language.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La liberté recouvrée, ou inédite. Lorsque les murs du zoo tombent, que faire ? Les animaux font face à une configuration inédite, et ce qu’il y a au-delà n’est pas franchement meilleur. Serait-on en présence d’une délicate et néanmoins très pessimiste métaphore ? En remplaçant le peuple irakien par les lions, qui une fois libres sont livrés à eux-même dans le chaos le plus total, voilà de quoi légitimer des régimes autoritaires mais stables.

Cette liberté permet ainsi de renouer avec quelques instincts. Avant l’ouverture des murs, les lions se livrent à des considérations philosophiques, notamment avec le bas de leur chaîne alimentaire (gazelles & Co). Une fois libre, place à la pratique ! Et les instincts de deux animaux appartenant à des espèces différentes les poussent à l’affrontement, très rarement la coopération. Tout comme deux peuples, deux ethnies, voire deux individus humains. Résolument pessimiste.

La guerre. Cette BD est une manière fort élégante de dénoncer les horreurs d’un conflit à grande échelle, et ce de manière pédagogique. Un enfant peut lire cette BD (oh il y a des zanimaux !) et recevoir une bonne leçon de notion de guerre juste (car propre et légitime). Quant à la toute fin, on aborde très brièvement la notion de dommage collatéral (Le Tigre n’en dira pas plus). Guerre qui influence les animaux enfin, par exemple lorsque les « jouets » de Saddam s’en prennent (de manière très guerrière) à certains protagonistes (instincts ou influence du maître ?).

…à rapprocher de :

– Des animaux qui discourent comme des humains, pour faire passer une leçon, mais oui c’est La Fontaine version XXIème siècle, mise à part l’intervention humaine dans notre cas.

– Des BD (voire romans) « one-shot » avec des animaux aussi bien représentés, je ne vois, pour l’instant, que Tigre, de l’auteur (mangaka) coréen Ahn Soo-Gil.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici (lien vers la traduction française).

Arto Paasilinna - La douce empoisonneuseVO : Suloinen myrkynkeittäjä. Primordial représentant de la littérature populaire scandinave, Paasilinna nous offre ici un bon petit roman sans prétentions. Drôlissime et tendre, le lecteur passe un excellent moment sur un sujet certes révoltant, mais traité avec la légèreté qui sied à l’esprit nordique. Quelques blousons noirs, une vieille femme trop gentille, mélangez le tout, et voilà !

Il était une fois…

Linnea est une pauvre veuve vivant assez chichement grâce à la pension de feu son colonel de mari. Hélas son neveu, accompagné de deux accolytes pas très finauds, squattent dès que la vieille touche ladite pension, bien sûr pour profiter toujours plus de ses largesses. Lorsqu’ils souhaitent de surcroît qu’elle les couche sur son testament, Linnea se rebelle, et plutôt que se suicider va contribuer à nettoyer son entourage…

Critique de La douce empoisonneuse

A l’image d’un Pennac (mais plus de sujets traités dans l’ensemble de ses romans en général), Paasilinna sait capter l’attention de son public et proposer des œuvres simples et touchantes. Pas de la littérature qui décoiffe, toutefois ce qui faut pour une bonne critique.

Le scénario est réjouissant, consistant en une petite vieille qui malgré elle trucide une bande de bons à riens. C’est là que c’est fort, puisqu’il ne s’agit pas vraiment de meurtres, juste de malheureux concours de circonstances au cours desquels les principaux responsables sont les victimes.

Victimes, bourreaux, Arto joue sur tous les tableaux et mélange le tout avec un cynisme qui n’est pas là pour choquer. Humour noir tout en restant soft. Désopilant et souvent gai, l’auteur finlandais bénéficie également d’une bonne traduction dans notre langue, il faut en convenir.

Le texte est assez court, se lit vite et « glisse » dans le cerveau aisément. Bref, détente livresque, très bon pour les jeunes adultes ou femmes qui se reconnaîtraient dans le personnage de Linnea. Un peu de revanche littéraire, ça ne fait pas de mal.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La jeunesse décadente. Le neveu de Linnea est un petit con doublé d’un junkie (désolé du vocabulaire, pas d’autres mots qui me viennent à l’esprit). Quant à ses amis, ça ne vaut pas mieux. Ce sont un peu les personnages « bêtes et méchants » qu’on retrouve dans certains dessins animés, même si ici c’est nettement plus sombre. Paasilinna, qui est avant tout un auteur à l’humour décalé, nous décrit néanmoins ces individus non sans les rendre suffisamment dignes de notre pitié, voire de notre pardon. Car être à ce point odieux, ça ne peut exister.

Le triste décalage de générations. Les actions de ces jeunes, déjà décrites, tranchent de manière choquante à ce que représente la digne dame qui est tout en douceur. Outrepassant et « pissant » sur toutes les conventions sociales qui régissent une vie en société à peu près harmonieuse, le lecteur sera d’autant plus choqué que Linnea souhaite avant tout sauver son neveu. Et on sait comment l’harmonie, la sobriété sont de mise dans ces pays nordiques. Leur chute sera au niveau de leurs excès, brutale. Plaisante en sus, grâce à la prose de l’écrivain.

…à rapprocher de :

– Histoire savoureuse et avec une bonne dose de comique de situation, lisons Les dix femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi (même auteur). Ou Prisonniers du Paradis.

– Un autre auteur scandinave s’est tenté au polar-comique-mignon, sauf que c’est une vraie bouse. Je vous présente Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Moench & Jones - Batman : La brume pourpreVO : Crimson Mist. Puisque je me faisais une petite cure de Batman, autant lire ce qui semble le plus original concernant l’homme chauve-souris. Impressions mitigées au final. Certes j’ai passé un bon moment, mais j’ai vécu bien plus intéressant avec ce héros. Wayne en tant que vampire, l’exploitation du thème est correcte. Encore faut-il commencer par le début…

Il était une fois…

Après une petite morsure du très connu Dracula, le Bat s’est transformé en vampire. Neutralisé par ses proches, Alfred & Gordon sont obligés de le libérer dans la mesure où plein de nouveaux criminels apparaissent à Gotham. Batman-vampire pourra-t-il rétablir l’ordre dans la ville, et surtout en restant un héros et non un monstre assoiffé de sang ?

Critique de Batman : La brume pourpre

Pas mal du tout, ça se lit en moins de vingt minutes, le temps d’aller au boulot. Encore une bande dessinée à 1 € la minute, heureusement que c’est du solide (contenu et couverture rigide).

L’idée de base est salutaire, et pour une fois on a le plaisir de voir enfin le chevalier noir libéré de toute morale. D’habitude le Bat fait enfermer ses petits vilains à Arkham, ici il les bouffe avant de leur couper la tête. Ça l’affiche plutôt mal bien sûr, et des alliances bien particulières vont se mettre en place pour faire disparaître, une fois pour toute, l’ange noir.

Le dessin, pour une fois, est tout à fait adapté au scénario et plaisant à regarder (aucune couleur claire, si ce n’est le rouge sang). Le Bat, méconnaissable, a été finement travaillé. Les dialogues, plus sombres qu’à l’accoutumé, réussissent assez bien à rendre compte de la souffrance physique et surtout psychologique du vampire.

Le problème principal, sans aucun doute, c’est de commencer une trilogie par le troisième tome. Ce que Le Tigre a fait. Pas très brillant, parce que j’ai eu l’impression d’être parachuté dans une nouvelle histoire où beaucoup avait déjà été dit. Il faut faire avec, et accepter certaines situations inexpliquées (d’où sortait Dracula ? Qu’est-il devenu ?). Saluons les auteurs qui ont fait en sorte de pouvoir lire ce tome comme un « one-shot », sans pousser à la consommation des deux précédents.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les « cross stories ». Ou croisements de personnages de comics. Ici on est bien au-delà puisque l’univers de Batman est mélangé à un personnage de légende, représentant historique d’une race qui a beaucoup de succès dans ces années 2010 (Twilight, True Blood, j’en passe et des meilleurs). Très malin de la part des auteurs, les possibilités étant quasi infinies. A quand un cross James Bond / Batman ? Le seul cross français que Le Tigre connaisse, c’est ce pauvre astérix dans l’album Le ciel lui tombe sur la tête. Une délectable catastrophe…

Les pulsions les plus meurtrières, bref celles d’un vampire. Le héros a soif, très soif. Son but ultime, on l’apprend à la fin, est tout simplement d’assécher méticuleusement la planète. C’est juste intenable, et c’est là que le héros prend le pas sur le vampire. Bien au courant de sa condition et de l’enfer dans lequel il vit, Batman refuse (sauf peut-être à la fin) de se complaire dans la destinée d’un vampire, offrant ainsi au lecteur un joli happy-end tout ce qu’il y a de bien commode.

…à rapprocher de :

– D’autres Batman avec le héros dans une configuration inédite, il y a Batman mort, imaginé par Neil Gaiman.

– Sur la fin, on pense à quelques opus de la série Blade, avec le très musclé Wesley Snipes.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics sur Amazon ici.

Boston Teran - Discovery BayVO : The Prince of Deadly Weapons. Très sympathique à nouveau de la part de Teran, bien que moins renversant que Satan dans le désert. C’est l’histoire d’une personne seule, très seule dans une ville pas très nette, qui doit absolument trouver ce qui se trame. Sur fond de mystère total, on peut trouver ça parfois longuet.

Il était une fois…

Rio Vista, Californie. Taylor Greene se suicide, seule sa petite amie Essie n’y croit pas. Puis arrive Dane, qui a un lien particulier avec le « suicidé » : on lui a greffé de Taylor, et souhaite s’installer dans la ville. Aidé d’Essie, Dane (dont la présence reste mystérieuse) va se mettre à la recherche de la dure vérité entourant le décès du jeune Taylor, dont la famille a bien des choses à cacher.

Critique de Discovery Bay

Du Boston Teran plus mystérieux et au moins aussi terrible que ce que je connais de l’auteur. Plus de 500 pages, c’est long malgré une taille de caractère assez grosse. Pour notre plus grand bonheur, l’écrivain a eu la géniale idée de « chapitrer » comme un Patterson, (presque 80 chapitres !).

Une personne se retrouve, malgré elle, dans un village de trafiquants (Le Tigre ne précisera pas de quoi). Bien sûr il y a une femme dans l’affaire, et l’auteur parvient à distiller, dans le noir de son œuvre, une romance tout à fait touchante. Ajoutez toute la violence latente de l’environnement, et un réalisme qui donne de sérieux frissons, c’est un vrai plaisir.

Ce qui marque dans ce roman, ce sont les non dits. Intensité dramatique poussée du coup. Peut être trop, disons que tous les personnages ont quelque chose de pas reluisant à cacher, héros en première ligne. Du coup le lecteur s’impatiente de savoir ce qu’il en est, d’autant plus que les protagonistes se font attendre niveau révélations. Ennuyeux, dirons certains.

Si vous souhaitez un réel roman noir, dur et réaliste, allez y. Un demi millier de pages (ça fait plus impressionnant présenté comme ça), il faut espérer entrer dans l’univers de l’auteur. Si au bout de 200 pages ce n’est pas le cas, vous pourrez abandonner.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le mystère dans tous ses états. On est réellement largué au début du roman, on ne sait pas où tout cela va mener, et les protagonistes n’aident pas vraiment. On sait qu’ils ont fait des choses terribles, mais ne comptons pas sur eux pour le dire. Et ça ne marche pas trop mal comme technique de conteurs, du moment que tout se décante au moment venu. En 500 pages, Teran avait largement de quoi le temps. Pourtant il restera quelques zones d’ombre, sans que ça frustre trop.

La tragédie familiale. Derrière le suicide de Taylor Greene, c’est toute une famille qui est en deuil, et pas pour les bonnes raisons. Si les activités de ladite famiglia ne sont pas des plus courantes, ce qui est arrivé au rejeton ne l’est plus finalement (courant hein). La bonne marche du business c/ les sentiments naturels familiaux, le choix est cornélien. Cette dernière phrase fait très convenue, mes excuses.

La cupidité des hommes. Ce qui « justifie » les actes des inquiétants individus présentés, c’est bien sûr l’appât du gain et la peur de tout perdre – entendez, passer par la case prison. Ce qui est regrettable c’est qu’il n’y ait pas de « prequel » à ce roman, quelque chose qui montre comment une famille (qu’on est en droit d’imaginer harmonieuse) peut en arriver là. Dallas, à côté, c’est l’histoire d’une famille de bisounours en visite à Disneyland. Même le héros, mains liées, agit dans son propre intérêt.

…à rapprocher de :

– Le Tigre a préféré Satan dans le désert, du même auteur. Plus percutant et sombre, on touche mieux le fond (si c’est un mieux).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Phil Hester - Days Missing 1Trouvé dans une librairie dédiée aux œuvres anglo-saxonnes (un magasin d’expatriés en somme), ça avait l’air pas mal. Et compréhensible surtout. Après lecture, on se dit même qu’on vient de prendre une belle claque scénaristique. Idée intelligente, références historiques plaisantes, et dernier chapitre formidable. Et dire que ce n’est que le premier tome.

Il était une fois…

Days Missing, ce sont les jours manquants qu’un être mystérieux a utilisés pour sauver l’humanité, et ce à de nombreuses reprises. Présent depuis l’aube des temps, inconnu de tous, répertoriant ses interventions dans une immense bibliothèque, notre héros peut, lorsque les évènements le nécessitent, « voler » une journée et tenter de tout mettre en ordre.

Critique du premier tome de Days Missing

Une petite claque. Intense et hélas trop court, heureusement que des suites sont prévues. Le héros, pas tout à fait humain, sauve l’humanité depuis des millions d’années : son pouvoir quantique lui permet de revivre une journée sur terre (les fameux jours manquants) afin de rétablir, en 24 heures, l’ordre universel que les humains n’hésitent pas à gravement déranger.

Épidémie mondiale, expériences foireuses, chute de grands empires annonçant la guerre,… l’enseignement qui ressort de ses journées est très riche, et les liens imaginés par les auteurs avec certains grands moments de l’histoire sont tout simplement magiques (le code d’Hammourabi par exemple). Quant à la bibliothèque du héros, ça laisse songeur (environ cent mètres de diamètre sur une hauteur infinie, miam).

La fin est terrible, avec la mission ultime, bien plus dure que d’habitude, puisque le héros s’y reprend une dizaine de fois, le lecteur suivant son dernier essai. Avec à la clef l’évolution ultime de l’Homme, dernière expérience qui sans doute le supplantera (cf. infra).

Parlons de la forme : le dessin est parfois moyen, souvent assisté par ordinateur mais ne parvient pas à gâcher le plaisir. Beaucoup de postures du héros un peu too much, très manga sur les bords. Toutefois les dialogues, à la limite de la perfection, nous entraînent très rapidement dans l’idée très audacieuse de cette BD. A noter quelques bonus, comme un code à déchiffrer ou des indications supplémentaires sur le personnage aux yeux lumineux.

Le Tigre attend la suite, non sans une certaine crainte tellement le premier tome est réussi. A plus tard donc…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La gestion de crise. Quelques chapitres ont pour origine une catastrophe, toujours provoquée par l’Homme, en cours ou à venir. L’efficacité du protagoniste principal, son expérience en la matière, son modus operandi, il y a matière à apprendre dans la façon dont une crise peut être résolue.

La création d’une entité incontrôlable, ultime cata. Le dernier chapitre de l’ouvrage termine bien mal, et ce à cause de la création par des savants de la fameuse « grey goo ». Ce scénario, en réalité improbable, est assez populaire en littérature. Imaginez des nano-robots ayant pour but de se reproduire, si le logiciel est défaillant qu’est-ce qui empêche la gelée grise d’absorber la planète ? L’auteur nous montre une telle entité à court d’objectifs et qui le vit très mal. Écophagie de grande ampleur, les délais proposés par l’entité avant d’absorber le système solaire font froid dans le dos.

Petit point rapide sur la coopération entre auteurs. Le Tigre n’a indiqué, dans le titre du post, que le premier auteur du roman graphique. Car chaque chapitre a été imaginé par un auteur différent, ce qui explique les différences de qualité perceptibles dans l’œuvre. Pratique courante dans le monde de l’édition illustrée américaine, notamment concernant les super-héros, l’exercice semble plus délicat pour un nouvel héros. Pari ici en partie réussi.

…à rapprocher de :

– La suite, Kestus, est correctissime (en lien). Pas évident de suivre (d’un point de vue qualitatif) après ce démarrage en trombe cependant.

– Sur les mondes « parallèles » où l’histoire se déroule différemment, allez voir du côté de Black Science, c’est un régal (premier tome sur le blog).

La fin (faite de nanotechnologie) est assez proche, dans l’idée, de La Proie, signé Michael Crichton.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Will Eisner - L'appel de l'espaceVO : Life on Another Planet. Je ne pouvais passer à côté de ce roman graphique d’un illustre auteur et au titre alléchant. Sujet ambitieux, le contact avec une espèce extra-terrestre, ça promettait grandement. Malheureusement la déception fut immense, peut-être est-ce parce que l’ouvrage a très mal vieilli. A éviter pour le lecteur passionné de SF.

Il était une fois…

Nouveau-Mexique, un puissant télescope capte un message provenant d’une lointaine étoile, Barnard. A partir de cet élément unique et sans précédent, les réactions de tous ne semblent pas vraiment être à la hauteur. Comment contacter les potentiels E.T., s’unir pour parler d’une seule voix,… ?

Critique de L’appel de l’espace

Le Tigre ne s’attendait pas à ce type de romans graphiques. Tout en restant content d’avoir souffert de le lire, puisqu’étant un vieil ouvrage d’un auteur considéré comme un maître en la matière.

Le scénario se veut complet et prenant tous les aspects géopolitiques d’une telle rencontre, seulement Eisner en fait trop, et inexorablement perd le lecteur. Beaucoup de protagonistes à suivre, les histoires se recoupent et les liens entre celles-ci ne sont pas toujours pertinentes (Le Tigre pense à la présence de la mafia notamment).

L’histoire, parlons-en. Eisner pense vraiment à tout : luttes entre États ; petit pays qui décide de « quitter » la communauté humaine ; multinationale qui veut être la première sur les rangs ; mafia qui tente d’influencer la politique d’un pays ; sectes hippies complètement déjantées,… Tout ça à partir d’un message certes indiscutable mais bien pauvre (des suites de nombres premiers). So, then ?? Rien en fait, il manque juste, à mon sens, un épilogue, au moins savoir qui loge sur la lointaine planète, et comment ces derniers observent notre manège.

Autre raison pour laquelle la « note » du roman est négative, c’est le dessin. Hélas pas tout à fait ce que j’aime, ça part dans tous les sens. Ligne pseudo claire, personnages assez grossiers, discipline des cases pas respectée, ajoutez à ça le texte souvent excessif, on a parfois hâte que ça se termine. Le noir et blanc n’améliore pas la lecture, presque du Crumbs en fait.

Si vous aimez la SF, passez votre chemin, la fin est plus que frustrante et jamais vous ne verrez le bout d’un E.T. ou même de l’espace. Sans compter la crédibilité scientifique, quasi nulle. Pour le fan d’anticipation sociale ou d’Eisner, ça peut le faire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La guerre froide. Écrit au début des années 80, où Reagan commence ses facéties néo-guerrières, la découverte d’un signal E.T. exacerbe avant tout les tensions entre les deux blocs. Barbouzeries de bas étage (faire péter les installations spatiales de l’autre), course à l’armement (ici envoyer une capsule vers ladite planète), impossibilité de se mettre d’accord, ce n’est pas vraiment l’amitié des peuples. Les idéalistes qui pensaient que l’humanité pourrait enfin s’unir derrière un but commun en prennent pour leur grade.

Le capitalisme rampant. La multinationale du roman est d’une caricature, c’est édifiant. Appât du gain à tout prix, soutient de régimes politiques autoritaires, cynisme à toute épreuve, on pourrait s’imaginer qu’Eisner n’est pas un libéral à la Madelin. Trafics d’influence, manipulations au plus haut niveau de l’État, en fait on pourrait reconnaître, de nos jours, ce qu’une entreprise de très grosse taille serait prête à faire pour garder ses privilèges. Sauf qu’ici les buts de la boîte ne semblent être rien d’autre que le monopole du lien avec une entité extra-humaine.

Au final, cette œuvre illustre avant tout la bêtise humaine. A part le héros ou d’autres doux rêveurs, la machine politique prend le dessus et produit ce qu’il y a de pire. Toutefois Eisner, dans ses descriptions, s’attache peut-être trop aux « grands ensembles » en mouvement, et laisse de côté les discussions philosophiques qui doivent naître d’une telle révolution. On assiste surtout aux luttes de pouvoir au niveau national (au mieux), à l’inexistence de l’ONU et aussi à la folie de certains mystiques qui s’oublient trop vite.

…à rapprocher de :

– D’Eisner, il faut mieux lire La Trilogie New-Yorkaise, ou Dropsie Avenue (Trilogie du Bronx).

– Les réactions peu intelligentes des pouvoirs publics, comme le pessimisme peut l’imaginer, se retrouvent dans Calculating God, de Robert J. Sawyer. Et puis dans un film avec Keanu Reeves (au passage).

– Si les E.T. ne viennent pas à toi, va les découvrir dans une expédition arctique. C’est Les montagnes hallucinées, de Lovecraft, mis en BD.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Finch & Fabok - Batman : La Nouvelle AubeVO : The Golden Dawn. Continuant sur une belle « bat-lancée », entendez je prends tout ce qui a été publié en français sur le personnage, j’ai été agréablement surpris par cet opus qui fait la part belle au fantastique. Petite romance où le chevalier noir montre quelques faiblesses supplémentaires, ça se lit vite et bien, en attendant (encore) les suites.

Il était une fois…

Aube (Dawn en Anglais) est un des premiers amours de Bruce Wayne. Alors lorsqu’elle est kidnappée par le Pingouin et Killer Croc, Batman ne peut que se lancer à sa recherche. Hélas il y a plus que ces deux super vilains, une secte invoque un démon qui va donner encore plus de fil à retordre (hop, petit cliché) au chevalier noir, pas habitué à cette « criminalité ».

Critique de Batman : La Nouvelle Aube

David Finch qui fait du Bat, c’est tout à fait honorable. Plutôt bien réussi même. C’est d’ailleurs le premier Batman lu avec une dose significative de fantastique, à savoir des forces occultes dont il a du mal à se défaire. Agréable, sans atteindre des sommets de contentement néanmoins.

L’histoire, bien qu’incomplète, reste simple et fait appel à deux vilains dont Le Tigre n’avait jamais entendu parler. Cependant, même si la lecture reste très fluide, on est de temps en temps un peu perdu dans la narration, ce qui est sans doute l’apanage des grandes séries (ce tome n’étant qu’une partie de quelque chose de bien plus grand).

Je me dis que je ne connais pas assez l’univers DC pour saisir les subtilités de la narration et que pas mal de trucs doivent me passer allègrement au-dessus du crâne. Le Tigre a encore de sérieuses lacunes en culture G dans ce domaine.

Quant au dessin, rien à dire, c’est très propre et les cases, assez chaotiques (sans que ça dépasse de partout), correspondent plutôt bien à l’ambiance générale. A acheter pourvu que vous preniez la peine de lire les suites. En effet la dernière case annonce d’autres chapitres prometteurs, hélas ça tuerait les éditeurs français de sortir tout d’un coup.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les sectes sataniques. Cet ouvrage tourne autour d’un homme qui souhaite ouvrir des portes qui ne donnent pas réellement vers le paradis. Là aussi tout devient confus, avec plusieurs démons qui en plus se tirent entre les pattes. En tout cas cette BD rend bien de la folie de groupes « religieux » qui sont prêts à tout dans l’occultisme, même s’ils perdent progressivement le contrôle de ce qu’ils ont initié.

La relation père / fille. Justement, par rapport à la perte de contrôle de certains individus, le père d’Aube est un joli allumé de premier plan. Ce dernier a de grands projets pour sa progéniture (et hop une jolie allitération), et ce n’est pas le genre de desseins qu’un père normal aurait. Emporté par un démon, l’individu va poser de sérieux problèmes au Batman, qui a en sus un . Assez malsain au final, et résonance toute particulière avec le rejeton de Gordon dans Sombre reflet.

…à rapprocher de :

– De ces deux loulous, Tigre préfère Le chevalier noir, plus déjanté. Pour certains, La Nouvelle Aube ne serait que le « tome zéro » de cette série qui commence (ou continue) par Terreurs nocturnes (assez sexuel), puis Cycle de violence (très légère déception légère) ; et Folie furieuse (toujours plus violent).

– Les actes du père de Golden Dawn font penser aux facéties d’Aleister (tiens, même prénom) Crowley, sujet de quelques essais de l’éditeur Camion Blanc.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Boston Teran - Satan dans le désertVO : God Is A Bullet. Premier roman de Teran, premier lu par Le Tigre. Et bah le 4ème de couv’ ne ment pas, cette histoire marque. Et pas qu’en bien tellement c’est sombre et crédible. Histoire d’un père qui va traverser l’underground pour récupérer sa fille, satan se trouve réellement dans le désert du Nouveau-Mexique. Mais qui est Boston Teran pour écrire ça ?

Il était une fois…

Bog Hightower, flic en Californie, n’a décidément pas de chance. Femme assassinée et fille enlevée, il va devoir courir la région, jusqu’au Nouveau-Mexique, pour retrouver ce qui reste de sa famille. Ce qu’il va affronter et subir dépassera l’entendement, en un mot, le mal.

Critique de Satan dans le désert

Très dur à lire, le fond de l’histoire fait froid dans le dos. Une œuvre à la Palahniuk niveau « grand choc », mais sans l’humour de ce dernier. Autant le dire sur le champ, âmes sensibles s’abstenir, ou lire Trois femmes du même auteur. Ce qui est décrit est glauque, bien plus qu’un polar noir, c’est un plongeon dans l’horreur et l’atroce réalité des truands qui naviguent entre les EUA et le Mexique.

L’histoire est basique, et grâce à celle-ci le lecteur suivra le parcours d’un flic qui va remuer ciel et terre pour retrouver son rejeton. Aidé par une toxico qui est autrefois parvenue à s’échapper du ravisseur, le flic va passer dans des lieux et rencontrer des individus tout ce qu’il y a de peu recommandables.

Quant à la forme, rien à dire, c’est sec, précis et sans longueurs. L’auteur décrit ce qu’il faut pour mettre mal à l’aise le lecteur, et ce de manière si naturelle, si crédible qu’on est persuadé, en fermant le livre, que les pratiques que celui-ci décrit existent réellement. Chapitres assez longs, sans l’être excessivement. Pile ce qu’il faut.

Un polar troublant car extrêmement sombre, on n’est plus le même après sa lecture, disons que Le Tigre a pris conscience des limites sans cesse repoussées de la folie humaine, ici superbement racontée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La poursuite de l’être cher, raison unique du héros. Ce dernier, en cherchant sa fille, va se dépasser et commettre des actes auxquels rien ne le préparait. On n’est pas vraiment loin du roman d’apprentissage, avec des découvertes de plus en plus terrifiantes, celles-ci renforçant un peu plus Bog. En fait assez proche de Taken, film de Pierre Morel. Sauf que dans ce roman, une fois que le héros réussit, les dégâts sur sa fille annoncent un long travail de réhabilitation. Pas vraiment de happy end, juste tout à reconstruire.

Le mal, le vrai. Le monde souterrain que présente Teran est proprement barbare. Pire que les meurtres ou rites sataniques, c’est la folie de certains personnages et les tortures qu’ils parviennent à imaginer qui ne laissent pas indifférent (dans le mauvais sens du terme hélas). Notamment le méchant principal, Cyrus, dénué de toute morale et au mysticisme passablement pervers. Il est des scènes qu’on n’oublie pas, comme le passage de deux émigrés mexicains : Cyrus se débarrasse de l’un d’entre eux, quant au second il lui fait prendre des drogues afin qu’il souille (encore) plus une victime. Assez choquant.

L’anonymat de l’auteur. Boston Teran est un Américain, qui a passé son enfance dans le Bronx. On ne sait rien de plus, l’auteur étant ce qu’il y a de plus discret. C’est là que c’est déroutant, par ce que ce roman me fait parfois penser à un documentaire tellement c’est précis. Soit Teran a une documentation et une imagination efficaces, soit c’est un (ancien) flic qui en a vu de pas jolies dans son métier, soit (et c’est là qu’on comprendrait l’anonymat encore plus) il fait partie du milieu et se contente de coucher sur papier ce que ses « collègues » lui racontent (si ce n’est pas lui).

En attente de la révélation du personnage donc.

…à rapprocher de :

– Boston Teran a également écrit Discovery Bay, assez sombre et mystérieux.

– Si ça le fait pas, alors Trois femmes, du même auteur, est plus simple et accessible pour le lecteur lambda.

– Les exactions version « Mexique », il y a quelques exemples dans Tsunami mexicain, de Joe R. Lansdale.

– La quête de l’être cher, les horribles rencontres, tout ça en version française, c’est La part des chiens, de Marcus Malte. Sans plus, y’a mieux de cet auteur.

– Les psychopathes sévissant à la frontière mexicaine me font penser au très inquiétant Xavier Bardem dans No country for old men.

Si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Alain Wegscheider - Mon CV dans ta gueuleUn titre alléchant, un quatrième de couverture qui propose une idée révolutionnaire (éliminer le salarié pour postuler à son poste fraîchement vacant), on ne peut rester indifférent à l’objet-roman. Après lecture (puisqu’achat), bilan très mitigé. L’histoire est certes amusante, il n’empêche qu’en 220 petites pages ça semble un poil bâclé et léger.

Il était une fois…

Notre héros, en recherche d’emploi, a une brillante idée : choisir un poste qu’il maîtrise où quelqu’un va sûrement décéder (il aidera probablement), puis envoyer son CV. Quoi de mieux qu’être sûr d’être pris. Embauché dans la nouvelle société, rien ne va comme il le souhaitait évidemment. Si on rajoute une histoire d’amour très bancale, comment rester sain d’esprit ?

Critique de Mon CV dans ta gueule

Ce roman fut une sympathique bouffée d’air littéraire. Un sujet original, hélas d’une part sous-exploité, d’autre part l’histoire part dans tous les sens et on se demande où veut nous emmener l’auteur belge. Le Tigre, (très) jeune à l’époque, a bien aimé, hélas il en serait autrement de nos jours. D’autant plus qu’Alain W. semble n’avoir rien écrit de valable depuis. Tant pis.

Revenons à nos moutons : un homme, par des actes illégaux, parvient à rentrer dans une entreprise pharmaceutique. A mi-chemin entre folie et paranoïa, son parcours au sein de la boîte (et ce qu’elle vend comme horreurs) vire au cauchemar. Quant à l’histoire d’amour, celle-ci est plus qu’improbable en plus de mettre mal à l’aise. On a affaire à une famille de doux dingues difficile à se représenter tellement c’est parfois malsain, et plus d’une fois je me suis interrogé sur les capacités intellectuelles du protagoniste qui subit sans vraiment broncher.

Sur le style, on est fort loin de la grande littérature. Certes ça se lit vite et c’est correctement écrit, à l’image d’auteurs français plus populaires tels que Beigbeder ou autres. A lire sans grande conviction, à moins de vouloir furieusement se détendre et refuser de caler sur le style familier.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La violence dans l’entreprise. Le héros fait tout pour entrer dans la boîte, et dedans c’est un joli panier de crabes où il ne sortira pas vraiment indemne. Critique à peine voilée de la société capitaliste, le roman montre jusqu’où peut aller une compagnie qui souhaite à tout prix protéger son petit business. Quant aux pouvoirs publics pour l’arrêter, ceux-ci paraissent inexistants. A part peut-être le procès final qui ne penche pas du côté du héros.

La « médicamentation » à outrance. La boîte en question étant un laboratoire pharmaceutique, tout est bon pour vendre, quitte à « piluler » ses employés récalcitrants. C’est là que c’est assez flou dans mon esprit, disons que la fin, particulière, laisse deux options de lecture, qui toutefois ne m’ont pas laissé une marque indélébile. C’est dire si c’est bien amené et écrit…

…à rapprocher de :

– Le film Le couperet, avec José Garcia (mi années 2000), reprend le thème de l’élimination des concurrents pour avoir un job. Film d’auteur correct et sans prétention, l’humour noir doux-amer passe plutôt bien.

– Sur l’univers professionnel infâme, et en plus violent, il y a La chance que tu as, de Michelis.

– Puisque je parle de Beigbeder, faut mieux se taper 99 Francs sur la critique de la société consumériste. Et encore, vous serez loin du compte.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.