Thierry Jonquet - Les OrpailleursThierry Jonquet, disparu trop tôt, est un des auteurs de polar francophone que Le Tigre préfère. Pas mal de romans noirs à son actif, et quelle qualité ! C’est le cas des Orpailleurs, ouvrage intelligent et terriblement prenant qu’on ne peut lâcher en cours de route. Un meurtre, un flic, une juge, de vieilles personnes au destins tragiques, c’est beau et dur en même temps.

Il était une fois…

Paris, fin XXème siècle. On découvre un corps soigneusement massacré dans un vieil immeuble. En plus d’être identifiable, couvert de vers et ayant une mains droite manquante, on arrive à savoir que c’est une jeune femme. L’inspecteur Rovère, chargé de l’enquête, fait vite face à un second meurtre, avec le même mode opératoire. Pendant son temps une magistrate s’installe sur Paris et se retrouve vite sur l’enquête. Très vite tous doivent trouver quelque chose avant que les cadavres s’amoncellent.

Critique des Orpailleurs

Lu il y a fort longtemps, Le Tigre se désole d’avoir oublié le gros des péripéties. Toutefois, en connaissant le fin mot de l’histoire, relire cet ouvrage perdrait de sa saveur. Un peu comme avec le roman Mygale. Je me souviens juste d’un excellent roman, dont l’intrigue m’a laissé sur le c… Un des meilleurs polar du père Thierry.

Œuvre promue d’ailleurs, et à raison. Le noir et le suspense sont magistralement dosés, et Jonquet laisse l’impression qu’il ne prend pas son lecteur pour un abruti fini. Tout se dénoue naturellement et à la fin on ne peut que saluer l’artiste pour nous avoir, en un nombre de pages relativement restreint, si bien mené dans son monde.

Encore un socle de la littérature policière, le mélomane en quête de bons plans ne peut laisser sa bibliothèque orpheline de cet ouvrage. Polar francophone de surcroît, avec des lieux (le croustillant Paname) et personnages qui résonnent encore mieux dans l’esprit du lecteur français.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le fil d’Ariane. L’auteur, à partir d’un meurtre, nous emmène dans une noire aventure pleine de rebondissements. Les découvertes des autorités (le flic, puis la juge) ne tiennent à pas grand chose. Le lecteur, au début, est dans le noir le plus complet. D’autant plus que les différents personnages, magnifiquement présentés, ne semblent n’avoir rien en commun. Et progressivement tout s’agence, pour une fin évidente (c’est toujours ce qu’on se dit à la fin…, mais là le lecteur capte tout seul) et pas trop tirée par les cheveux.

Pas trop « capillotracté » dans la mesure où la vengeance est le moteur de certains personnages. A partir d’évènements qui remontent quand même à l’holocauste, l’immense désespoir / tristesse d’individus vont les amener à également remonter un certain fil et punir quelques responsables au passage. Même si ces responsables le sont de loin. Mémoire contre jeunesse (victimes et le juge notamment), on oscille entre haine et relative compréhension.

…à rapprocher de :

– Des « Jonquet » de qualité, Le Tigre vous renvoie vers Mygale ou Mon vieux. En outre, certains protagonistes du titre ici résumé reviennent dans Moloch. Comedia est à éviter.

– Des polars noirs avec un tel suspense, Joe R. Lansdale (exemple ici ou ) est également à découvrir. Humour en plus (Français en moins).

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Jean Teulé - DarlingLe Tigre associe le père Teulé à une valeur sûre, et quoi de mieux que commencer par un livre des plus « shocking ». On est ici largement servi. Suivant le court d’une vie totalement misérable, l’auteur nous entraîne dans un monde réel, sombre, et le lecteur espère, malgré la présentation de l’histoire, que la Darling en question n’ait pas vraiment existé. Même s’il en est des milliers comme elle.

Il était une fois…

« Darling », c’est une vieille femme qui serait venue à l’auteur pour lui raconter son histoire. Mêlant dialogues et récits de sa vie, Jean Teulé décrit l’histoire de cette femme à qui la vie n’a pas été tendre du tout. De son enfance à ses rêves, son mariage exécrable, celle qui souhaitait se faire appeler Darling en a (hélas littéralement) chié. Mais la volonté de survivre, de s’en sortir, sera-t-elle plus forte encore ? (Le Tigre aime de temps en temps finir sur un pseudo suspense de bon aloi).

Critique de Darling

Pour moins de 250 pages, le moins que l’on puisse dire est que ça se lit plus que vite, en plus d’une écriture au demeurant facile à saisir. Style en adéquation avec le message que veut faire passer l’auteur, qui se contente de décrire la vie d’une femme, à la demande de cette dernière de surcroît. On irait presque croire que c’est un vrai témoignage (ou pas ?).

Derrière une histoire émouvante et bien tordue parfois, c’est toute la misère d’une partie de la France qui est décrite, des malédictions générationnelles jusqu’à une justice locale souvent à côté de la plaque. A ce titre Le Tigre vous prévient tout de suite, des passages sont franchement glauques, sans bien sûr atteindre les sommets d’un Will Self ou Chuck Palahniuk. Néanmoins de quoi calmer le lecteur qui aura envie d’une petite pause de bonheur.

Là où Teulé se débrouille bien, c’est que jamais (au grand jamais) nous ne tomberons dans un pathos excessif ou un misérabilisme digne d’un Dickens. L’auteur se permet même de paternelles remontrances vis-à-vis de Darling qui les accepte bien volontiers.

En conclusion, si ça ne mange pas de pain de lire cet ouvrage, faites le sur la plage ou un endroit agréable de préférence pour « contre balancer » l’ambiance de la seconde partie. Et pas avant d’avoir 20 ans si possible hein. C’est pas qu’on voit une jolie vache sur la couverture qu’on va offrir ça à sa nièce qui habite dans le fin fond du Limousin.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’espace rural hexagonal français des trente glorieuses. Ça fait terriblement sujet d’agrégation de géographie, Le Tigre en convient. Blague à part, c’est pour Darling la solitude, l’ennui de ne rien avoir à faire aux alentours. Du coup elle se met au radio-amateurisme, jusqu’à être un point d’ancrage pour les routiers qui passent aux alentours. Symbolisant la liberté et la découverte d’autres lieux (elle va jusqu’à leur courir après), c’est naturellement qu’elle épouse l’un d’entre eux.

Les violences conjugales. Donc Darling se marie, et là ça part allègrement en quenouille. Son époux ne fait hélas pas partie de la caste des doux et des fins, et ira toujours plus loin dans l’humiliation et la violence. L’horreur atteint un charmant petit pic lorsqu’à la suite d’une partie de poker perdue, le mari fera faire à Darling, sous le regard des ses potes, des choses que Le Tigre ne peut écrire sur ce blog. Tout ça sans qu’elle puisse avoir une aide valable, l’homme ayant une supériorité scandaleuse dans ces contrées.

D’où le dernier thème, qui est la glauquitude, ou la glauquerie. Pas besoin de dictionnaires, vous vous imaginez bien de quoi je parle. Teulé n’est pas forcément versé dans ce style, certes il a un style et un vocabulaire assez « lâche », mais dans ce roman il semble se régaler. Alors soit on aime, d’autant plus que l’horreur s’invite à l’improviste (chez Stephen King, par exemple, on garde une place pour celle-ci) ; soit le cœur n’est pas assez accroché et on laisse de côté en se disant qu’on reprendra plus tard.

Le Tigre, bien sûr, appartient à la première race.

…à rapprocher de :

– Jean Teulé a ses entrées sur QLTL : L’œil de Pâques ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).

– Les violences aux femmes, sans que personne ne daigne réagir, lisons le très instructif Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, de Didier Decoin. Ou, dans la pure fiction, La maison de Nicolas Jaillet. Légèrement plus court.

– Les descriptions dures, la réalité implacable, une quête mal partie, les livres où le pauvre lecteur n’est pas épargné, pensez à acheter (et lire accessoirement) Satan dans le désert de Boston Teran.

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Comès - SilencePrêté par une connaissance, très vite lu, acheté encore plus promptement. C’est dire. Roman graphique plus qu’une BD, histoire universelle qu’on pourrait décliner dans toutes les contrées, civilisations, personnages aux motivations complexes qui finissent bien mal, court mais intense, on ne peut qu’adorer.

Il était une fois…

France, période indéterminée, dans Beausonge, village perdu au milieu des Ardennes. Silence, c’est un sourd-muet homme à tout faire d’Abel, le « notable » du village. Doux et trop gentil, aimant la nature, en particulier les animaux de la forêt, Silence rencontre une mystérieuse femme qui se dit sorcière. Celle-ci ouvre son esprit à ce qu’il ne connaît pas : l’amour, la haine, la vengeance, ces deux derniers sentiments justifiés par les agissements des habitants de Beausonge il fut un temps.

Critique de Silence

Bon, très bon même. C’est une BD d’une exceptionnelle intelligence, un conte sublime qui se lit d’une traite et laisse un peu groggy. Romance, tolérance, vengeance, plaisir immense, Le Tigre est à court de rimes. L’amour, la mort, la magie, la vengeance, tous ces ingrédients sont mélangés pour former une histoire qui sort des sentiers battus.

Le dessin, noir et blanc, est tout simplement éloquent. Ligne claire, story-telling efficace en deux parties où même le glauque est montré, sinon suggéré. D’ailleurs j’ai cru comprendre qu’une édition a sorti Silence en couleurs, sceptique je suis quant au résultat.

Les dialogues sont brefs, sans fioritures et empreints d’une certaine poésie (si si, le théâtre de la vieille par exemple). La bonne idée de Comès, en plus de montrer le héros en gentil idiot, a été d’adapter ses pensées à son esprit, à savoir écrire comme on entend, avec toutes les fotes d’ortograf que ça entraîne.

Pour conclure, on n’est pas vraiment loin du petit chef d’œuvre. Le lecteur pas vraiment porté sur les illustrés peut mettre ses scrupules de côté et jeter un œil sur ce que cette catégorie peut faire de mieux. En roman, sans dessins, le résultat n’aurait pas été aussi touchant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La bêtise (ici campagnarde). Les habitants de Beausonge, sauf Silence, sont d’une méchanceté et d’une fermeture d’esprit étonnantes. Intolérants envers ceux qui ne leur ressemblent pas, ils frappent vite et fort. Regroupés en KKK avec en guise de capuches des sacs de farine (petite rigolade vite fait), ça va de la moquerie jusqu’au meurtre. En sus, tout ce monde est superstitieux à souhait, avec des relents de magies noires pour se protéger de l’inconnu.

En fait, la magie existe bien dans cette BD, et donne lieu à des affrontements bien plus « trash » qu’un Harry Potter. La partie sur l’élimination du rival donne à ce titre quelques petites sueurs. La sorcière (pas vraiment une dans le sens « méchant ») est pour le héros une sorte de chamane qui va élever son esprit, avec des plantes aromatiques peu recommandables. Univers onirique où tout semble possible, bienvenue chez Comès.

L’amour, la mort, la vengeance ! La trame du scénario, dévoilée de manière pas forcément linéaire, est une histoire assez dure où une femme perd progressivement tout. La haine la faisant survivre, l’esclave Silence sera son amant et le vecteur de sa vengeance. Or le héros ne pourra céder à la cruauté, et c’est dans l’ignorance du simple d’esprit que les habitants de Beausonge seront agréablement (pour le lecteur) punis.

…à rapprocher de :

Silence, y’a du « rednecks » en VF, obtus et vilains, un peu comme dans les ouvrages de Tristan Egolf, ici et par exemple.

– BD sombre, cruelle et belle à la fois, Le Tigre pense à Maus, de Spiegelman ou Escapo, de Paul Pope (moins bien). Ligne claire, noir et blanc, souvent de grands crus.

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Sue Grafton - S comme silenceVO : « S » Is for Silence. Par hasard ce roman a été lu, le résultat ne fut hélas pas fameux. Écriture facile, scénario insipide, rien à faire, la lecture de cette écrivaine s’arrête là. Se présente ainsi l’opportunité de ce résumé, mais comme Le Tigre aime à le répéter, rien ne sera laissé sur le bord du chemin.

Il était une fois…

Très rarement j’ai la flemme de résumer et copie honteusement le 4ème de couverture. Comme ici :

« Le soir du 4 juillet 1953, jour de la Fête nationale américaine, Violet Sullivan mit ses plus beaux atours et partit assister au feu d’artifice. Personne ne l’a jamais revue… Trente-quatre ans plus tard, dans la petite ville de Serena Station, en Californie, la jeune femme fait toujours parler d’elle. Pour beaucoup, elle aurait décidé de disparaître avec son amant : elle était très belle, sûre d’elle et régulièrement battue par son mari. Mais pour sa fille, Daisy, cette explication n’est pas satisfaisante. Au risque de découvrir une mère qui, vivante ou morte, pourrait ne correspondre en rien à l’image qu’elle s’en est faite, elle décide d’engager la célèbre détective Kinsey Millhone pour faire le jour sur cette affaire… »

Voilà c’est fait.

Critique de S comme silence

Le Tigre n’est pas obtus, et n’hésite pas à lire des séries appréciées par une certaine catégorie de personnes.

Il est des ouvrages qui laissent un souvenir tout à fait périssable dans l’éponge qu’est mon cerveau. Non seulement j’ai lu ce titre plus que rapidement, mais en plus je n’ai gardé aucun souvenir de l’intrigue ou des personnages. Sauf peut-être qu’à l’époque ça me semblait bien mené, avec une double narration (chronologies différentes) qui culmine par la découverte du méchant à la fin (as usual).

J’en parlerai un peu plus après, mais ce genre de littérature n’est décidément pas fait pour moi. Trop conventionnel, suspense sans envergure, écriture lourde (il y a de ces longueurs, nom de Zeus) et à la limite du niais, Sue Grafton n’écrit pas pour l’homme de 25 à 40 ans un tant soit peu exigeant.

Pour conclure, comme toute bonne série, il vaut peut-être mieux commencer par le premier et voir si ça passe. Ce post s’attache autant à (mal) résumer ce livre qu’à faire part de l’existence d’une telle série. A bon entendeur…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’écriture à la pelle. Sue Grafton semble être au polar U.S. ce que Frédéric Dard au roman de gare : une stakhanoviste de première. Là où la mère Grafton fait fort et bien, c’est dans son plan marketing de fidélisation de la cliente : avec son abécédaire du crime, à savoir une lettre par crime et par roman (on doit avoir fait le tour des lettres depuis le temps), on a forcément envie de tous les avoir. Surtout quand le détective à qui on fait appel est un personnage récurrent.

La littérature pour les femmes. Grafton, Higgins Clark, Thompson (Carlene, pas Jim hein), Nothomb, voire Levy & Musso Cie, une bonne dose d’écrivains s’imaginent que pour réussir il convient de savoir, en plus d’avoir ses entrées dans les média, que : les lecteurs sont des femmes qui ont du temps et (argent pour acheter le gros format), qui liraient pendant leurs pauses (grandes, comme vacances, petites, dans les transports), et donc il ne faudrait pas trop solliciter le cerveau.

Du coup les librairies pullulent depuis toujours d’ouvrages dans ce style. « Fast food reading » qui pour certains marque l’arrêt du cerveau. Ce n’est pas totalement faux, néanmoins Le Tigre se garderai bien de mettre cette littérature au pilori : ça reste de la lecture correcte (entendons, ça raconte une histoire de manière fluide), les grands lecteurs (gros plutôt) comme Le Tigre ont aussi besoin de se détendre de la sorte, et enfin on est dans du polar « soft » qu’un adolescent pourrait lire.

…à rapprocher de :

Rien en fait, à part que lire ce truc me fait penser, dans le style productivisme / qualité discutable, à Carlène Thompson, l’écrivaine des mamans (exemple de Ne ferme pas les yeux.). Ou pire, Mary Higgins Clark, même si ses ouvrages ont l’air un peu plus léchés. Voire Nicci French, dont certains livres semblent néanmoins valoir le coup d’être lus. Aide-moi… n’en fait pas partie.

– Préférez, pour les séries numérotées, James Patterson avec ses héroïnes du Women Murder Club : Premier à mourir, Seconde chance, Troisième degré, etc.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman de maman en ligne ici.

Yann Martel - Béatrice et VirgileVO : Beatrice and Virgil. Toujours aussi original de la part de cet auteur, bien que moins compréhensible sur certains chapitres. Nettement plus sombre aussi, mais quel vocabulaire ! Dérangeant , cet ouvrage aborde un sujet délicat et le traite de manière unique, quitte à choquer ou perdre le lecteur.

Il était une fois…

Henry est un écrivain dont le premier livre fut un succès. Hélas son second manuscrit, qui a trait à l’holocauste, est refusé. C’est après sa décision de ne plus écrire qu’Henry reçoit une lettre d’un taxidermiste qui a écrit une pièce de théâtre mettant en scène deux animaux (les fameux Béatrice et Virgile). Henry rencontre ce mystérieux taxidermiste, et va découvrir que derrière ce personnage et sa pièce se cachent d’inavouables choses.

Critique de Béatrice et Virgile

Après une bonne expérience, Le Tigre a absolument tenu à acheter le roman de Martel qui suivait (avant même sa sortie en poche). Le résultat ? Superbe.

Pas sublime, seulement superbe, Le Tigre, en quête éternelle d’œuvres qui détonent sérieusement, a été à la fois ravi et déçu par rapport à ce qu’avait produit le sieur Martel. Violence gratuite, passages pas très soutenables, ce n’est pas pour tout le monde.

L’auteur livre un ouvrage finement pensé qui recoupe pas mal de thèmes. L’agencement global, quoique chaotique, a été pour Le Tigre séduisant puisque formant un résultat hors du commun. On sent que Yann Martel a fait un petit doigt d’honneur à toutes les convenances littéraires pour produire une (courte) histoire qui, en plus sans doute de le tenir à coeur, aborde un sujet sous un angle inédit.

Quant à la fin, celle-ci fût relativement décevante quoiqu’inattendue. Mais surtout après le dénouement, on ne sait pourquoi l’ouvrage se termine par des jeux pour Gustav, faits de devinettes plus horribles les unes que les autres. Le genre de questions qui sont à une discussion entre amis ce que l’affaire Dreyfus était à un déjeuner dominical en famille. Comprenne qui voudra.

Cet ouvrage, bien que moins original et « beau » (c’est à dire arrachant une larme au lecteur) que le premier de l’écrivain, mérite d’être lu. Peut-être pas à acheter, empruntez-le donc à quelqu’un. Soit ça ne passe pas au bout de 100 pages, et vous pourrez abandonner dans la mesure où la fin n’aide en rien question clarté ; soit ça passe très bien, et la couverture orange (le grand format hein) vous offrira un sentiment de fierté possessive.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le respect des animaux à travers la taxidermie. Yann Martel présente un taxidermiste tout ce qu’il y a de plus « space ». Les échanges entre cet individu et le héros sont savoureux et détaillés comme ce n’est pas possible. Les tenants et aboutissants de ce métier, la manière de procéder pour empailler l’animal, le travail « d’ordre public » que cela peut représenter par le prolongement de l’existence de ces petits êtres,… Un chapitre entier, dédié au métier, est fort bien documenté.

Le repenti du mystérieux taxidermiste, ensuite. [Léger SPOILER] Au fil des pages un certain malaise s’installe, le lecteur découvrant que l’individu est un peu plus malade que prévu. Sa pièce, mettant en scène une ânesse et un singe, s’avère être une forme d’autobiographie sur des actions passées passablement terrifiantes.

Les marionnettes du théâtre, amenées à produire ce qu’il y a de plus abject dans le comportement des hommes, peuvent profondément troubler le lecteur qui découvre, outre l’excellence du style, une parabole sur l’enfer. Glauque mais unique, que demande le peuple ? [Fin SPOILER].

L’holocauste auquel un des personnages a pris part, finalement. L’histoire de Béatrice et Virgile, c’est celle entre le tortionnaire et la minorité oppressée, et mettre des animaux à la place des hommes, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? Dans la veine des crimes nazis, on peut estimer que les dernières pages auraient pu aller plus vite, le final se terminant pour le tyran comme pour ses victimes, c’est à dire dans les flammes. Le lecteur avait compris depuis longtemps.

…à rapprocher de :

– Sur « l’interaction », certes limitée, avec le lecteur, notamment des digressions ou « devinettes » qui sortent du format romanesque, on peut répertorier Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon.

L’histoire de Pi, premier roman de Martel, où le thème de la narration est en filigrane.

Si c’est un homme, de Primo Levi, pour étudier l’holocauste du point de vue des victimes.

– Les animaux dans la shoah à la place des hommes, vous l’aurez reconnu, c’est bien l’incroyable Maus, d’Art Spiegelman.

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Yann Martel - L'histoire de PiVO : Life of Pi. Un tigre en image. Miam. Une histoire de naufragés et de religions. Re-miam. Même pas de mathématiques, Pi étant le diminutif de Piscine. Bah, pourquoi pas, on m’en a dit que du bien. A mon tour de vous dire que c’est sublime à lire, et pas parce qu’il y a un tigre en jeu. Beaucoup d’émotions, un peu de rires, sociologie humaine et animal, « survivalisme », généreux et beau.

Il était une fois…

Pi, c’est Piscine Molitor Patel, fils du directeur du zoo de Pondichéry. Lorsque la famille quitte l’Inde pour s’installer au Canada, ils emportent notamment dans leurs bagages Richard Parker, superbe tigre du Bengale. Hélas le cargo japonais fait naufrage, et Pi se retrouve dans un canot de sauvetage avec ledit tigre. 227 jours de dérive avec Richard s’annoncent….

Critique de L’histoire de Pi

Voilà tout ce que Le Tigre adore : originalité, écriture fluide, descriptions suffisantes sans être prépondérantes, un peu d’action et surtout quelques leçons à tirer à la fin de l’œuvre. Yann Martel, inconnu lors de la publication de ce petit pavé de presque 500 pages, a frappé fort, très fort même. D’où ce post de presque mille mots eu égard les profondes analyses qu’on peut tirer de L’histoire de Pi.

L’histoire principale (celle du 4ème de couv’) n’arrive pas tout de suite, et le lecteur sur quelques dizaines de pages va avoir une première partie séduisante : le jeune narrateur, en Inde, côtoie des personnages issus des grandes religions, et ouvre largement son horizon. S’ensuit l’épopée de Pi, avec le fameux Tigre. Et enfin une troisième partie, plus courte, qui s’attache à la suite des évènements et offre un retournement triste mais propice à la réflexion.

Le style est impeccable, et le vocabulaire utilisé relativement adéquat (précis tout en étant suffisamment compréhensible). Un petit bijou de lecture qui porte l’aventure et l’imagination à un niveau rarement atteint pour une œuvre qui n’est ni de la fantasy, et encore moins de la SF. Du fantastique, mais sans aller vers l’imaginaire « borderline » d’un Neil Gaiman.

Hélas (il y a toujours un hélas), Le Tigre déplore quelques à-peu-près dans la description du canot, très importante car Pi va y passer quelques semaines avec un gros félin, qui fait que le lecteur peut difficilement se représenter la configuration des lieux. Certains termes nécessitent en outre un dictionnaire à ses côtés. Quant au début, quelques longueurs sont sans doute à déplorer mais ne doivent en aucun cas être une excuse à abandonner si tôt la lecture.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce roman peut donc être partagé en trois parties, chacune ayant au moins un thème qui m’a particulièrement marqué.

Les religions. Les débuts de Pi sont propices au cosmopolitisme et à la découverte des cultures de ce monde, terrain fertile à l’intelligence et la tolérance. Tolérance n’est pas intelligence cependant. Ainsi le petit Pi a l’occasion, en Inde, de discuter avec des représentants des grandes religions. Ceux ci débattront également entre eux, non sans certaines étincelles, sous l’œil perspicace du jeune homme. Des passages où humour et spiritualité font très bon ménage. Rare.

L’éthologie. Le Tigre aime placer quelques mots savants, notamment celui définissant l’étude du comportement des animaux. En effet le pauvre Pi qui se retrouve seul avec un tigre a pour but, avant même de se nourrir, de faire en sorte que l’animal n’en fasse pas son quatre heures. Création de réflexes pavloviens (siffler tout en donnant le mal de mer, afin qu’un simple coup de sifflet calme le félin), comportements de mâle alpha, gestion de l’espace restreint, voici « cohabiter avec un tigre pour les nuls ». Outre un tigre, Pi est confronté à une île (et ses occupants) vers la fin de son périple, comme si l’aventure sur le radeau ne suffisait pas.

Le survivalisme. Tigre ou non, Pi est sur un radeau en plein milieu du Pacifique. Là Yann Martel a du s’aider de quelques témoignages de survivants, parce que c’est rudement bien expliqué. Système pour à partir d’eau de mer d’avoir de l’eau normale, boire les fluides des poissons, gestion du sommeil (et du soleil), exercice mental pour ne pas devenir dingue, Le Tigre n’aurait pu faire le quart du dixième de Pi en la matière.

La réalité et la fable. L’histoire est plus que décalée, pas vraiment crédible mais pourtant le lecteur y crois, même si sur la fin ça devient franchement bizarre. [SPOIL attention !] La dernière partie est plus que troublante : Pi, enfin sauvé, raconte son histoire. Néanmoins ça ne correspond pas aux évènements connus des sauveteurs, et une autre version des faits, bien plus prosaïque, fait son apparition : le naufrage n’aurait duré que quelques heures, sans tigre, et Pi, entraîné par un marin peu scrupuleux, se serait livré à des actes assez glauques (croyant qu’ils allaient rester longtemps sur le naufrage) [Fin SPOIL].

L’écrivain pose finalement la question de savoir, entre deux histoires, laquelle aura la préférence du lecteur et des proches de Pi en général. On retombe un peu dans la première partie, à la différence qu’ici on a le choix entre deux croyances à partir d’un même évènement : une histoire réelle, pas vraiment glorieuse, et la légende dorée riche d’enseignements. L’enjolivement, tous le pratiquent à terme. L’invention pure et dure dans ce roman, bravo à Yann Martel.

…à rapprocher de :

– Yann Martel a également produit Béatrice et Virgile, tout aussi bien écrit et bizarre. Sujet très différent et bien plus sombre.

– Le début du roman, avec ses discussions passionnées sur les religions, fait penser à l’œuvre (plus élaborée hein) de Littel Sr, Les enfants d’Abraham (ici entre deux « extrémismes » a priori inconciliables).

– Sur la création d’une histoire, et puis laisser le choix au lecteur (ici téléspectateur) d’y croire ou non, voyons ensemble le très émouvant Big fish, de Tim Burton.

– Un film est tiré du roman, L’odyssée de Pi. Réalisateur : Ang Lee. Ça aurait pu être pire.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Stephen King - Les TommyknockersVO : The Tommyknockers. Encore un auteur culte dont Le Tigre a dévoré quelques chefs d’œuvre. Il est tout à fait normal que je me coltine ces 1.000 pages, surtout que le téléfilm m’avait correctement fait flipper étant enfant. Je n’ai pas été déçu même s’il y a de sacrées longueurs, et que certains ingrédients propres à Stephen King sont moins présents que d’habitude.

Il était une fois…

Haven, Etats-Unis. Roberta découvre dans la forêt une mystérieuse pierre, qu’elle tente d’excaver. Il ne faut pas long pour qu’elle se rendre compte qu’il s’agit d’un vaisseau E.T., et que ce dernier a une certaine influence sur les habitants de la ville. Tous sauf Gardener, le héros, qui parce qu’il a une plaque dans la tête, n’est pas concerné par ces changements. Les habitants deviennent de géniaux inventeurs, mais (toujours un « mais » chez King) se transforment progressivement…

Critique des Tommyknockers

Pour Le Tigre, il s’agit d’un très bon opus de l’auteur, bien loin hélas de Ça et surtout la phénoménale saga de La Tour sombre. Faut dire, en ai pas lu des tonnes. Horreur, imagination, quelques doses d’humour, juste de quoi avoir un mal de chien (pauvre toutou dans le bouquin d’ailleurs) à m’endormir. King est un maître de l’épouvante, du moins pour faire monter la pression.

Petit coup de gueule vite fait contre le quatrième de couv’, qui à partir d’une petite contine certes accrocheuse (et aguicheuse) vend quelque chose que Le Tigre a eu du mal à retrouver dans le livre. Disons le une fois pour toute, Les Tommyknockers (ci-après Tommy), c’est un mot inventé par un des protagonistes (un peu comme dans Ça), et c’est avant tout une fabuleuse invention de l’auteur grâce à laquelle tout est possible.

L’histoire semble assez basique, et sur la fin nous voyons que celle-ci est plus complexe que prévu, faisant appel à des notions qui ont plongé Le Tigre dans un certain esprit contemplatif. Sans spoiler, disons que les Tommy sont très facétieux, et que sans doute l’humanité (du moins celle présentée par King) n’est pas prête à intégrer les possibilités qu’on lui offre.

Le style, très King, est ici exagérément poussé dans les détails, on peut trouver le temps très long surtout quand le livre aurait pu faire 500 pages (comme Germinal aurait pu faire 10 lignes d’ailleurs). En outre, le thème de l’enfance, cher à Stephen, fait défaut, ce qui change pour une fois, mais rend les personnages sans doute moins sympathiques. Sauf peut-être le héros, si on sait qu’il est aussi mal en point que l’était King au moment d’écrire ce petit pavé.

Bref, un bon roman, sans plus objectivement, mais que Le Tigre a très subjectivement adoré. Notamment la fin en apothéose plus que satisfaisante. King a imaginé bien meilleur certes, mais ça reste de la grande littérature. Le lecteur impatient et exigeant pourra passer son chemin.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La solitude. Solitude avant tout du héros, Gardener, qui se retrouve progressivement seul contre la ville. A cause d’une plaque de métal dans la tête celui-ci est immunisé contre l’effet des Tommys, et la paranoïa s’installe de part et d’autre. Atmosphère passablement suffocante. Isolement de la ville également, les habitants deviennent tellement transformés qu’il ne vaut mieux pas qu’un touriste vienne voir ce qu’il se traume. Les rares qui s’invitent trop longtemps le regrettent amèrement. Une métaphore de l’isolationnisme US ?

L’imagination et l’inventivité. Les Tommy, grâce à leurs esprits ingénus, font construire aux habitants des trésors de technologie, que hélas ils ne maîtrisent pas forcément. Voilà l’excuse parfaite pour créer des situations cocasses, mais terrifiantes avant tout. Tous se souviennent du gamin qui envoie son frangin dans une autre dimension lors d’un tour de magie. Ces découvertes vont parfois aider, comme par exemple créer un hologramme d’une partie d’un bâtiment passablement détruit afin de donner le change vis-à-vis de l’extérieur.

Vers la fin du livre, même les voyageurs qui passent à proximité de la ville ont des « fulgurances » intellectuelles qui s’effacent en s’éloignant d’Haven (en même temps que leurs dents se déchaussent), un peu comme un trip de drogué qui comprend tout sur tout.

Ce qui m’amène au dernier sujet, les substances addictives. Pas besoin d’aller chercher loin sur le net, ce roman est une subtile métaphore sur les addictions de King, qui après l’écriture de ce roman a du remonter la pente (il était bien bas à l’époque). Le malaise dans la ville, la couleur verte (ici renforçant le glauque) omniprésente, le « pompage » de cerveaux, l’influence négative de quelque chose d’identifié mais dont on sait très peu de choses au final, mais oui ! C’est bien la drogue.

La comparaison est d’autant plus grossière que les habitants d’Haven vont finalement ressembler à des toxicos : peaux pâles qui virent au transparent, dents qui tombent, isolement grandissant, tous occupés à farfouiller on ne sait quoi dans leur garage. Sauf que ce qu’ils créent est bien plus élaboré qu’un labo de meth.

…à rapprocher de :

– L’horreur qui monte pour finir en apothéose n’est pas loin, pour le lecteur, que la superbe trilogie Ça. Sans compter les petites références à la ville de Derry. Mieux que La tempête du siècle, en fait un scénario destiné à la télévision. Shining (long mais suffisamment horrible), fait la part belle à l’addiction à l’alcool. Cujo n’est pas mal, mais peu flippant.

– Pas d’E.T., mais des évènements tout aussi (sinon plus) bizarres, dans une ville nommée Haven, regardons ensemble la série du même nom, tirée du livre Colorado Kid, bien qu’on s’en éloigne dans les grandes largeurs. Et puis l’actrice principale est une petite bombasse qui s’ignore. Ou fait semblant.

La Tour sombre, du même auteur, reste incontournable.

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Philippe Squarzoni - Saison bruneUne saison brune, c’est une saison indéfinie entre l’hiver et le printemps, pendant laquelle le ciel est brun et que le printemps se laisse désirer. C’est aussi la couleur de la pollution, et derrière toute la problématique du réchauffement climatique. Sous forme d’une BD, bien plus aisée à lire qu’un ouvrage sur ce sujet, Saison brune est un tour de force de Squarzoni qui, je l’espère, élèvera un peu plus les consciences.

De quoi parle Saison brune, et comment ?

Philippe Squarzoni, en écrivant Dol, a voulu aller plus loin dans la lutte contre le réchauffement climatique par les autorités françaises. Le sujet, bien plus complexe qu’il aurait pu imaginer, avec des tas de découvertes à la clé, l’ont entraîné à faire une autre BD, tâche qui lui a pris à peu près six ans.

Il en sort un ouvrage, un pavé veux-je dire, dense et apparemment complet. Squarzoni a mené des interviews un peu partout, avec des intervenants plus spécialisés et légitimes les uns que les autres (spécialistes du GIEC, climatologues, économistes, politologues,…). D’abords les faits bruts, irréfutables, ensuite les interviews, puis les ouvertures pour prévenir le réchauffement, tout cela entrecoupées de considérations plus personnelles de la part de Philippe.

Là où Squarzoni fait fort, c’est qu’il a réussi tout ça en faisant une BD. Outre ses recherches dans tous les sens, c’est le dessin qui a du prendre énormément de temps : portrait des intervenants, excuse pour « balancer » du texte, nombreux paysages magnifiques, illustrations (souvent pertinentes) des travers de nos sociétés, tout est finement rendu avec un luxe de détails que Le Tigre salue. Et rien ne semble avoir été zappé.

Du coup Le Tigre était un peu gêné aux entournures : un documentaire, donc un essai, et une BD à la fois, dans quelle catégorie mettre cette œuvre ? Ouvrage original bien plus digeste qu’un énième rapport sur le réchauffement climatique, il y a de quoi gamberger. Le Tigre lisant plus de BD que d’essais, autant nonchalamment remplir cette dernière catégorie.

A lire pour tout citoyen un tant soit curieux. Bien sûr c’est loin d’être parfait, et Le Tigre a très moyennement apprécié : le manque total d’humour, de détachement au moins, avec un ton sobre, parfois trop introspectif et pas très fun de la part de l’auteur qui ne cache pas ses convictions politiques. Et puis c’est long, mieux vaut lire d’une traite que par à coups, au risque de légèrement s’ennuyer. Tout en étant démoralisé.

Ce que Le Tigre a retenu

Le malaise total, on est bien mal barré. Et les solutions envisagées remettent en question une grosse partie des fondements de nos sociétés modernes. Le livre est plus que dense, résumer ce que j’en retire est impossible, essayons dans les grandes lignes.

D’abord les faits, les données brutes qui attestent sans contestation possible le phénomène du réchauffement climatique.Les conséquences à venir de cet état de fait, qui vont encore creuser un peu plus les inégalités entre pays du nord et ceux du sud. Les désordres géopolitiques, la protection des plus riches face à ce qui va arriver (exemple de la gestion de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans), la reconfiguration des espaces géographiques, ça va gravement partir dans tous les sens.

Ensuite les moyens à mettre en œuvre pour éviter une catastrophe écologique. Le nucléaire, solution court-termiste (pas d’uranium en quantité suffisante, pollution de la chaîne d’approvisionnement,…) ; l’éolien et le solaire, insuffisants et considérés comme énergies d’appoint ; l’hydraulique, ressource exploitée à son maximum par exemple. Seule la sobriété, la réduction de la consommation d’énergie (et de biens) peut constituer la moitié du boulot, et c’est loin d’être gagné.

Enfin l’état des lieux et ce qui rend quasiment impossible une évolution dans le bon sens. Et là Le Tigre n’est pas forcément d’accord avec Squarzoni qui tire à boulets rouges, à juste titre sans doute, sur le capitalisme mondial, partie selon lui du problème. L’économie mondiale repose sur en effet sur l’abondance et le système politique sur la liberté, et il sera difficile de faire basculer les mentalités vers du « moins de croissance ». La finance mondiale, la logique des grands patrons, de l’actionnariat et des politiques ne correspondent hélas pas à la définition du « libéralisme » (dans son premier sens, plus noble), ces premiers pédalant furieusement dans l’autre sens.

Le risque, qui va très probablement avoir lieu, va poser un problème immense : puisqu’on ne va de toute façon pas réagir à temps, les changements de mode de consommation se feront par le haut, dans un style autoritaire, sans réelle adhésion de la population. D’autant plus si les inégalités entre puissants et reste des individus restent aussi élevés. La démocratie va en prendre un coup, au risque de passer d’un « capitalisme vert » à une forme de « dictature écologique » sans débats.

…à rapprocher de :

Les livres, documentaires,…sur le réchauffement climatique sont légion, Le Tigre ne va pas se fouler à faire la liste de ce qu’il a vu / lu. Bon, à la rigueur, L’écologie en bas de chez moi, de Gran (parce que c’est hilarant).

Dol, du même auteur, sous forme de BD également, pas lu par Le Tigre (hélas ?).

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Ken Bruen - La main droite du diableVO : The Devil. La dernière aventure de Taylor finissait mal, et le lecteur pouvait réclamer une suite à la mesure de la saga du détective privé. C’est chose faite, avec un opus très dense et toujours aussi bien renseigné. Touchant à un sujet très sensible, l’enquête s’efface, comme toujours, face aux difficultés personnelles de l’antihéros qui souffre comme jamais.

Il était une fois…

Le détective privé Jack sort de l’asile où il errait, en proie à la culpabilité des derniers évènements du roman Le Dramaturge. Toujours sobre, c’est une Irlande plus transformée que jamais qu’il retrouve à sa sortie. Lorsque notre détective accepte sans grand enthousiasme une enquête sur un prêtre trouvé décapité dans son confessionnal, il ne sait pas qu’il est sur le point de réveiller ses vieux démons.

Critique de La Main droite du diable

Toujours excellent, ça en deviendrait presque lassant. Comme résumer les romans de Bruen à la longue d’ailleurs. Même ambiance d’Irlande dorée avant le cataclysme de la crise financière, avec le narrateur toujours plus pommé. Rien à dire sinon, toujours aussi noir, cynique, violent parfois et terriblement humain.

Humain en effet, avec des personnages tous plus réels les uns que les autres. Les parents endeuillés dont un ami a accidentellement tué la fille, une flic lesbienne aidant Jack et qui voit des vertes et des pas mûres, le souvenir d’une mère catholique fervente assez flippante, et encore d’autres.

L’histoire (à moins qu’il ne s’agisse de deux enquêtes encore) est assez basique, et n’est encore qu’un prétexte entourant le personnage du héros. Celui-ci lutte comme jamais contre ses anciennes addictions, nous livre d’utiles références littéraires et musicales, bref communique aussi bien avec le lecteur qui est ravi.

A lire donc si le lecteur a aimé les opus précédents, et c’est non sans impatience que Le Tigre attend une suite.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La culpabilité poussé à un point à la limite du soutenable. A cheval avec le précédent bouquin de Bruen, Jack Taylor est responsable du décès de la petite Serena, qu’il n’a pu surveiller correctement. Fille de ses amis, celle-ci hante Taylor au point qu’il passe quelque temps dans un asile psychiatrique. Ancien toxico qui a du mal à extérioriser, Jack Taylor aura le plus grand mal à montrer qu’il souffre comme les parents. Assez poignant comme situation, Le Tigre ose le rapprochement avec le délire du héros en période de sevrage dans Trainspotting.

La pédophilie dans l’institution catholique. 2003, nous sommes en plein dans les scandales qui bousculent l’Eire. L’œuvre est en grande partie tournée vers ces horribles actes commis par des personnes dont la population a (avait ?) la plus grande confiance. Traumatisme des victimes, enfouissement de certains souvenirs, vengeance totale contre ces prêtres, c’est fort instructif. Il fallait surtout oser aborder ce sujet délicat, et Bruen s’en tire plus qu’honorablement.

…à rapprocher de :

– Les affres de l’asile psychiatrique, avec un mort sur la conscience, c’est un peu l’histoire de Walter dans la très captivante série Fringe.

– Bruen, c’est que du plaisir. Dans l’ordre s’il vous plaît : Delirium Tremens, Toxic Blues, Le Martyre des Magdalènes, Le Dramaturge.

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Shalom Auslander - La lamentation du prépuceVO : Foreskin’s Lament: A Memoir. Conseillé par son vieux libraire (de confession judaïque en plus), voici un ouvrage plus ou moins autobiographique centré sur les difficultés de l’éducation orthodoxe dans l’Amérique contemporaine. La gravité du sujet est contre balancée par une sévère dose d’auto dérision et d’humour, rendant la lecture plus qu’agréable même pour le lecteur profane.

Il était une fois…

Le lecteur va suivre les tribulations de Shalom, né près de NYC dans une famille juive orthodoxe. Élevé dans la peur du tout-puissant, Shalom a une relation particulière à la religion : rébellion à coup de nourriture non casher, scrupuleux respect des interdits, apprentissage par cœur de la classification des aliments,… Jusqu’à aujourd’hui, quand il ne sait pas quel sort réserver au prépuce de son fils. Émancipation ou respect de la tradition par terreur religieuse ?

Critique de La lamentation du prépuce

Ouvrage de très bonne facture, à acheter sans se poser de questions. Shalom Auslander a écrit quelque chose qui paraît comme une sorte « d’exutoire » par rapport à sa stricte jeunesse. Le Tigre ne sait à quel point son roman est autobiographique, en tout cas c’est trop bien décrit pour ne pas être vrai.

L’histoire et les nombreuses situations dans lesquelles se retrouve l’auteur sont à se tordre de rire parfois. Shalom, un brin névrosé à cause de son éducation religieuse, zigzague entre rébellion et asservissement par rapport à cette dernière. Avec ce que ça comporte comme franchissement d’interdits, et la culpabilité qui va avec (se faire un énorme Mc Do, se masturber à n’en plus finir devant des revues pornos,…) Tout ça sous le sceau de la prise de distance et de l’humour, éléments plus qu’appréciables.

Quant au style, un petit plaisir également : un phrasé assez proche de Palahniuk, à savoir des phrases courtes, pas mal d’insultes et une bonne dose de cynisme. Les chapitres ne dépassent pas les quinze pages, globalement on a pas le temps de trouver le temps long et ça peut se lire d’une traite même si j’ai trouvé que la fin comportait quelques longueurs (le happy end américain qui fait qu’on peut également zapper les dix dernières minutes d’un film).

Très instructif, le lecteur curieux ne doit pas laisser ce petit bijou lui passez sous le nez. Quant au titre, n’espérez pas de longs développements sur le sort du prépuce lors de la circoncision, le sujet est plus que rapidement abordé dans l’œuvre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’orthodoxie juive nord-américaine. Une grande partie du roman porte sur l’éducation du petit Shalom, avec toutes les contraintes associées. L’immersion dans le milieu hassidique est parfaite, et pour le profane assez terrifiante. Les nombreux interdits, les obligations religieuses contribuent à créer des situations inextricables, qui peuvent faire largement sourire le lecteur. On apprend énormément sur les contraintes du juif pratiquant dans le monde contemporain, et la schizophrénie de certains croyants.

Schizophrénie car ce roman, en plus d’offrir au lecteur des clés pour comprendre certains aspects du hassidisme, expose les manières de « s’arranger » pour les rendre plus aisé à suivre. Le Tigre se souvient notamment de :

Le principe des bénédictions suivant la nature des aliments, où Shalom doit éviter les pièges tendus par son professeur (bonne partie de rigolade aussi). Ou encore le respect du shabbat, qui oblige à faire 30 bornes à pied pour avoir le bon aliment. Et comment allumer la TV la veille et la laisser toute la journée pour regarder le base ball le samedi soir (je connais des individus qui, de nos jours, la programment pour un allumage auto le samedi).

L’auto-dérision dans la religion. Ce livre est très critique sur les pratiques juives et vient d’un « enfant du sérail ». L’humour omniprésent tend certes à dédramatiser les affres de son éducation, toutefois sur certains passages c’est franchement corrosif. Le Tigre salue donc la tolérance d’une religion qui parvient à créer un tel écrivain qui livre de manière aussi exhaustive certains de ses côtés négatifs. Publier contre les siens, comment Auslander a « dupé » aussi longtemps son dieu, c’est admirable. Reste à savoir comment une personne de confession judaïque juge ce type de romans.

…à rapprocher de :

Attention Dieu méchant, autre roman d’Auslander lu par Le Tigre. Bien plus acide.

– Les oeuvres tirant à boulet rouge sont peu nombreuses, Les versets sataniques de Rushdie n’a pas eu le même genre de réaction dans le monde musulman.

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Ken Bruen - Le DramaturgeVO : The Dramatis. Quatrième bouquin retraçant les aventures du grand Jack, hélas premier lu par Le Tigre, qui pour changer se souvient plus de l’histoire que du personnage principal. Jack devra trouver le Dramaturge, assassin méticuleux, tout en gérant sa « nouvelle » vie qui semble un peu plus saine. Petite déception sur cet opus, hélas recommandé pour lire les suites.

Il était une fois…

Après les (réjouissants) excès des précédentes aventures de Jack Taylor, ce dernier semble faire enfin attention à lui : plus de boisson ni de drogues, Jack a même une petite amie. Hélas les enquêtes continues, les péripéties pleuvent, et notre sobre détective privé cinquantenaire atteint plus que jamais ses limites.

Critique du Dramaturge

Le Tigre a commis l’erreur d’acheter ce livre avant les autres de Ken Bruen. Fatalitas ! Du coup, même une paire de mois après l’avoir lu, je m’en souviens plus que moyennement. Pire, je n’ai pas vraiment apprécié le lire. Ne faites pas comme moi, ne prenez pas (jamais au grand jamais pour reprendre Manatane) une série en cours.

Ensuite l’histoire me semblait sans grande envergure, un petit roman noir qui se lit bien vite et laisserait un petit goût d’inachevé. Quant au personnage principal, il m’a moins marqué que lors des autres romans de Bruen, sans doute parce que je ne connaissais pas le personnage.

Bref, pas le meilleur de Bruen, on a affaire à un roman « coincé » entre deux excellents opus bien plus agréables à lire. Hélas il faut passer par là, pour ne pas perdre le fil de Taylor, vrai sujet de la grande saga. En moins de 300 pages le lecteur pourra faire un petit effort.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour une fois, Le Tigre va limiter ses thèmes et peu parler de ceux du roman à proprement parler. Qu’est ce qu’on ne ferait pas pour remplir un post…

L’abstinence de Jack constitue un tournant dans la série de Bruen, et rien que pour ça il faut jeter un œil à ce petit ouvrage. 50 piges, sobre, apprenant à faire sans toutes ses substances, la rédemption du toxicomane fait froid dans le dos. Tête qui vibre, tentations (surtout nocturnes) permanentes, passages à tabac par un mari jaloux, seule la présence d’une femme aimante constitue le nouveau paramètre qui retient plus ou moins le héros.

Ce roman est surtout l’occasion pour Le Tigre de vous rappeler de lire dans l’ordre une série littéraire. Quoi de plus évident pour quelque chose comme Millenium, mais lorsque la série n’est pas clairement annoncée, alors tout se complique. Ce fut le cas lorsque Le Tigre a acheté ce roman, où certes les anciens romans étaient rappelés, le quatrième de couverture annonçant les évolutions du héros, mais rien de plus. Du coup, le quidam qui ne connaît rien de Taylor va la plupart du temps ne pas comprendre ce qui se passe.

Car Bruen survole en grande partie la partie « polar » pour mieux se concentrer sur l’évolution de ses personnages, le héros surtout, et en arrivant entre le fromage et le dessert le goût de la lecture n’est plus le même. Donc pour tout ce qui touche à Bruen, de grâce commencez par le premier. Faites un effort pour lire le second, meilleur, et là si ça n’accroche pas passez à autre chose. Arnaldur Indridason par exemple, plus attaché à l’intrigue policière avec un même personnage sur plusieurs romans.

…à rapprocher de :

– Autres romans de Bruen, dans l’ordre :  Delirium Tremens, Toxic Blues, Le Martyre des Magdalènes, La Main droite du diable.

– Sur la drogue et l’abstinence, regardons non loin de Écosse, avec Irvine Welsh et son affolant Trainspotting.

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Jean-Bernard Pouy - La chasse au tatou dans la pampa argentineLe Tigre aime bien lire Pouy, qui fait parfois montre de génie dans ses romans, un peu comme un Manchette. Première fois que je découvre ces nouvelles qui semblent avoir été primées, bonheur potentiel. Lu il y a quelques années (et rapidement relu), seule une nouvelle avait attiré mon attention. Le reste, bazardé au fond de mon cerveau limité.

Il était une fois…

Douze nouvelles, avec des sujets aussi divers que variés, centrés autour du polar.

Concert rock à l’Olympia qui part en sucette, une femme travaillant dans un péage qui craque, le voleur bloqué dans la salle des coffres, le chauffeur de car qui n’a décidément pas de chance,…

Critique de La chasse au tatou dans la pampa argentine (ouf)

Douze nouvelles, douze petites histoires bien cocasses, certaines complètement réjouissantes. Pour 160 pages, on n’est pas loin du « fast reading », surtout quand aucun lien entre ces textes n’existe.

Le Tigre le confesse, il ne se souvient que de très peu de textes dans cet ouvrage, signe que ceux-ci n’ont pas l’impact d’un Chuck Palahniuk. Néanmoins la nouvelle correspondant au titre est à lire impérativement. Surprise, humour bravache, la fin arrachera un petit sourire au lecteur.

L’amateur de polar noir sera bien évidemment ravi, le lecteur plus éclectique (comme Le Tigre par exemple bien sûr) un poil déçu. J’ai préféré ses romans, dont certains sont pareillement déjantés.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le vocabulaire familier, avec quelques tournures argotiques, qui est propre à certains auteurs francophones. C’est d’autant plus marquant qu’ici le père Pouy (vous noterez la très légère allitération) se fait plaisir, sur l’histoire comme sur le style. Tout en images, avec des termes peu usités en littérature, c’est assez dépaysant. Le Tigre n’ose imaginer la taille des globes oculaires d’un lecteur non francophone qui apprend notre belle (et compliquée) langue et achète ce roman histoire de voir où il en est.

Nouvelles assez « fun », mais derrière le rire dû à ces situations explosives, c’est le désespoir, le ras-de-bol de quidams qui constituent les points de départ de certaines nouvelles. Pouy, que Le Tigre n’imagine pas être de droite, présente des individus qui à leurs façons luttent contre le système, se rebellent sur un coup de tête ou depuis longtemps, pour le plus grand plaisir du lecteur qui voit les fâcheuses conséquences de leurs actes.

…à rapprocher de :

– Lisons d’autres romans de Pouy, notamment Spinoza encule Hegel et à sec ! Si Suzanne et les Ringards passe pas trop mal, hélas La clé des mensonges peut être évitée.

– Le grand n’importe quoi avec des personnages tout en argot, il y a Notre frère qui êtes odieux…, d’A.D.G. A éviter hélas.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.