Martin Amis - The Pregnant WidowVF : La veuve enceinte : les dessous de l’histoire. Acheté avant même d’attendre la traduction, Le Tigre pensait ne prendre aucun risque avec Amis. Même sur près de 500 pages. Grossière erreur. Long et chiant, j’ai abandonné à la moitié. Qu’on ne m’y reprenne plus.

Il était une fois…

Keith Nearing se rappelle lorsqu’à 20 ans il était en Italie. Dans un magnifique château, il hésite entre trois jeunes femmes : sa petite amie la blonde Lily, la sublime brune Shéhérazade (objet de ses fantasmes) et Gloria. Que va-t-il se passer ? Le Tigre l’ignore, il n’est pas allé au-delà de la 200ème page.

Critique de Ze Pregnant Widow

D’habitude Amis me procure un certain plaisir. Un des fers de lance de l’anticipation sociale, en principe lire ça en anglais aurait du être faisable. C’est sans compter que cet ouvrage n’a rien à voir avec de l’anticipation sociale

L’histoire, en effet, n’est qu’ennuyeux souvenirs d’un homme qui a été plus ou moins traumatisé par ce qui s’est passé un certain été pendant les seventies. C’est tellement long à démarrer, avec des personnages détaillés en profondeur au point de s’y perdre, que je soupçonne l’auteur d’avoir pondu un truc plus ou moins bibliographique. Dialogues interminables et pauvres de sens, descriptions qui ne me parlent pas, définitivement sans intérêt.

Alors sur le style, il est vrai que cet écrivain a un certain talent. Certes souvent bien écrit, des passages agréables mais dans l’ensemble je suis passé à côté de pas mal de paragraphes. Quant à l’humour vanté par l’éditeur, que tchi. Martin Amis reste un grand auteur à qui il faut pardonner ses égarements. Et pour le lecteur, ne pas s’en tenir à ce mini échec.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Jamais évident de broder quand on ne connaît pas le tiers du scénario. A part l’ennui, un seul thème a retenu mon attention. Le quatrième de couv’ en parle, je ne me foule pas.

Ce sujet, c’est la libération sexuelle des années 70. Pour ce que j’ai lu, le pauvre Keith paraît être la victime d’un huis clos assez torturé. Les trois femmes le font tourner en bourrique et leur maturité (sexuelle notamment) est nettement plus développée que celle du protagoniste principal. Et elles en profitent. Petites bassesses entre amis, à dire vrai je n’ai gardé que très peu de souvenirs des péripéties.

Pourquoi avoir lâché sinon ? En principe, même les textes les plus retors de cet écrivain ont été fièrement achevés par mes petites griffes. Seule différence, je les lisais en français. 500 pages d’un roman en anglais, c’est équivalent, en temps de lecture, à plus de 1.200 pages d’un format poche dans la langue de molière. On comprend aisément alors que lorsque ça ne passe pas, l’envie d’abandonner se fait plus pressante. Et comme j’ai appris qu’il n’y a pas de miracle à attendre pour la seconde moitié, ça fait un titre de plus à mon Mur des Renonciations.

…à rapprocher de :

– De Martin Amis, Le Tigre recommande plutôt La maison des rencontres, Train de nuit ou La flèche du temps.

– Mais pas Chien Jaune, que je n’ai pas réussi à terminer non plus.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici. En français et en format poche. Peut-être que c’est plus lisible.

QLTL - GladiatorTigre-san s’attaque au péplum, tout particulièrement Gladiator de Ridley Scott avec le très expressif Russell Crowe. Contrairement à ce que laisserait croire l’accoutrement du gladiateur dans le dessin (notamment le bouclier d’une grecquitude certaine), ce film se passe dans l’empire romain où Commode est aux manettes.

Le Tigre garde un souvenir très ému de ce film puisque c’est toute la classe de latin qui est allée au cinéma. Dont le professeur. Merdum calamitumque. En effet, notre brillant maître n’hésitait pas à nous pourrir la séance en intervenant dès que quelque chose clochait (anachronismes, prises de liberté du réalisateur, etc.). Et il a sorti l’arsenal à critiques dès les dix premières secondes : la date de l’intrigue annoncée, un ricanement funeste se faisait entendre dans la petite salle. Le prof, voyant une date qui se terminait en AD, s’étouffait déjà avant même d’avoir commencé son popcorn.

La suite ne fut qu’interventions bruyantes du grand érudit. Si Ridley avait donné 12 serstèces par remarque, le maître latiniste aurait été bon pour une retraite anticipée : personnages non crédibles, approximations politiques ou autres scènes de batailles foireuses. Pour avoir passé (perdu, c’est selon) des centaines d’heures sur Rome : Total War, il est vrai que faire charger sa cavalerie dans les bois est une belle connerie tactique. Si Sun Tzu ne daigne en parler dans son Art de la guerre, c’est qu’il se disait que même le stratège le plus mauvais du royaume le moins aguerri n’oserait balancer ses canassons dans une pareille configuration.

Pour le genre « péplum », Le Tigre s’est fait davantage plaisir sur deux séries TV. Spartacus d’une part (celle des années 2010), pour le côté fun. N’attendez pas de la fidèle reconstitution, c’est « blood & sex in Capua ». Avec une photographie proche de 300, ça passe plutôt bien. Pour ma part, petite préférence pour la saison prequel. Rome, d’autre part, devrait à l’inverse figurer dans les devoirs maison de tout collégien. C’est tellement bien fait que les diffuseurs ont été vite asséchés, demandant qu’après la seconde saison on arrête les frais… De l’invasion de la Gaule par Julio jusqu’au couronnement d’Auguste, tout y est. Et avec des acteurs splendides qui ont fait leurs armes dans les meilleurs théâtres londoniens.

En conclusion, comme le présente l’iconographie, faites l’amour à vos livres avant la guerre ! Et fermez-la au cinéma.

Manara - Le parfum de l'invisible : L'intégraleVO : Il profumo dell’invisibile. Autre (petite) BD coquine de Manara qui cette fois exploite un fantasme vieux comme le monde : être invisible. Dessin excellent, hélas encore une fois le titre ne brille pas par la bonne tenue du scénario. Ne parlons pas alors de la seconde partie. Néanmoins, un classique reste un classique.

Il était une fois…

Un professeur de physique, éperdument amoureux d’une connaissance d’école (vraie garce devenue célèbre danseuse étoile), invente une potion d’invisibilité. En l’espèce, une pommade qui sent fort le caramel. Notre ami (encore vierge) veut s’en servir pour rester aux côtés de la belle. Mais c’est sans compter une de ses amies, Miel, qui découvre très vite son petit jeu. Dans le livre 2, une jeune femme, attirée par les possibilités d’enrichissement de son invention, le retrouve et tente de lui extorquer la fameuse potion.

Critique du parfum de l’invisible

Si signor, Le Tigre ne pouvait laisser ces petites 100 pages de côté alors que Le Déclic est également résumé sur QLTL. Si vous êtes peu ou prou de la même génération du Tigre, il n’est pas impossible que vous ayez vu passer, le dimanche soir sur une chaîne (qui montait à l’époque), après Culture Pub, Le Parfum de l’invisible en dessin animé. Assumez.

Le scénario est, à l’instar du Déclic, plutôt original et fait appel à ce que je nommerais de la SF. Un doux rêveur fou amoureux d’une danseuse souhaite rester auprès d’elle. Miel, une autre jeune femme, découvre le secret du professeur et cherche à le confondre. Ensuite, elle l’aidera dans sa quête en lui montrant qui est réellement sa dulcinée. A partir de là, il professore se lâche. Avec toujours les femmes en victimes des coquineries de l’homme invisible.

Quant au livre 2, indépendant du premier, celui-ci ne présente que très peu d’intérêt. Toujours la potion, avec une idée d’attentat derrière, pour des scènes érotiques plutôt limitées (le dessin final reste très joli). J’ai trouvé l’idée de planquer un bâton de dynamite dans le…hum enfin vous voyez…d’une femme un peu facile, sinon too much.

Heureusement que le dessin reste superbe. Noir et blanc, ligne claire dépourvue de fioritures et réaliste, c’est net et sans bavures. L’érotisme n’est pas aussi prégnant que dans Le déclic, aussi Milo s’est seulement « lâché » lorsque le professeur explique les plaisirs insoupçonnés de l’invisibilité et ses pérégrinations sexuelles auprès de la gente féminine. La planche fait alors la part belle aux postures féminines, avec de succinctes explications qui les accompagnent.

Ce qu’il faut retenir, c’est une histoire un peu confuse mais servie par des illustrations de maître. Un titre un peu décevant donc, même si Le Tigre préfère s’ennuyer avec la centaine de page de cet ouvrage que les 250 du Déclic. Mais en posséder un est une invitation à acquérir l’autre…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’invisibilité. Milo M. se fait plaisir en reprenant ce thème sous l’angle des plaisirs charnels. Si l’objectif du héros est au début chaste au possible, découvrir l’envers du décor (car le tout se passe dans un univers théâtral très italo-baroque) l’amène progressivement à lâcher du lest question inhibition. A partir de ce moment, presque tous les fantasmes sont réalisés, et ce pour notre plus grand plaisir. Le Tigre n’en dira pas plus, surtout que l’accomplissement des espiègleries du protagoniste paraît de nos jours assez sage.

…à rapprocher de :

– Manara est surtout connu pour sa longue œuvre qu’est Le déclic.

– Si vous voulez quelque chose d’un peu plus fort que l’érotisme, Le Tigre ne peut que vous proposer Chambre 121 d’Igor. Pour l’instant.

– La pommade qui sent le caramel me fait penser à une blague de Coluche, je suis désolé c’est plus fort que moi : « si Jeanne d’Arc avait été diabétique, tout Rouen aurait pué le caramel ». Tiger out.

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Stark & Cooke - Parker : Le CasseVO : The Score. Troisième opus des aventures de Parker (personnage imagine par l’auteur U.S. Westlake) dessinées par Darwyn Cooke. Ici, un gros coup, tellement énorme que ça risque de passer. Évidemment la machinerie se grippe de toute part, notre héros devant faire preuve d’encore moins d’empathie.

Il était une fois…

Cela fait six mois que Parker n’a pas eu une petite cambriole à faire. Certes il ne manque pas d’argent, mais l’ennui pointe le bout de son nez. Croyant être repéré par quelqu’un, il s’avère qu’un certain Paulus le cherche pour rencontrer Edgars, ce dernier souhaitant monter un casse improbable.

Critique du Casse

Troisième opus tout à fait respectable, quel plaisir de retrouver notre cynique antihéros dans ce qui s’annonce comme un scénario rondement mené. A part le début un peu « brouillon » à mon sens, l’histoire se déroule avec une fluidité quasi parfaite. Trop souvent Le Tigre a oublié que c’est tiré d’un roman (The Score) tellement les transitions entre cases (et les parties) coulent de source.

Parker est encore sur les rails, et devra se faire offense (cf. infra) pour participer à un très gros coup qui rentrera dans les annales du crime : Copper City est une ville de moins de 3.000 habitants et coincée entre les falaises. L’objectif d’Edgars (qui cache bien son jeu, sans spoiler) ? Braquer toute la bourgade, une plume dans le cul ai-je envie d’ajouter.

Comme pour le premier opus, on retrouve un dessin simple mais efficace : cases bien ordonnées, beaux paysages, personnages très fouillés, c’est du grand art. Peu de cases d’action à couper le souffle, le texte s’en chargeant parfaitement au demeurant. A la différence des deux premiers titres aux teintes sombres et bleues foncées, Cooke a ici (en plus du noir et blanc) utilisé un ton orangé (du jaune au rouge).

Jaune pour les vacances du début, le soleil tapant sur le paysage ainsi que le feu, rouge pour la violence et le sang, avec des mélanges de genres qui font du Casse un ouvrage à détenir. Hélas, comme souvent, le rapport prix / temps de lecture est bien faible.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le (hélas pas très) noble art du casse. Parker a des principes (pas trop sur un coup, le moins de morts possibles, et que lorsque c’est strictement nécessaire) et pour Copper City il va devoir faire quelques concessions. Pour 250.000 dollars, ça vaut le coup (les prix sont ceux des années 60). Quant au déroulement de l’opération, on prend la mesure du professionnalisme du protagoniste principal qui fait preuve de grande psychologie : parler avec les personnes détenues le temps du casse pour leur faire comprendre rapidement ce qui se passe, les regrouper, les appeler par leurs prénoms, bref humaniser pour éviter toute anicroche.

L’amour, et oui. Plus particulièrement, les femmes et le braquage. Déjà, un des braqueurs (de Grofield, Wiss, Elkins, Palm, je sais plus lequel) souhaite que sa girlfriend l’accompagne. Niet. Ensuite, humaniser les otages comme je disais, et pas en culbuter une en plein travail comme le fait un des gus. Du coup, la nana veut partir avec la bande, et là Parker fait montre d’un sang froid remarquable. Le risque est qu’elle change d’avis,  les balance par mégarde dans dix ans pour une garde à vue qui n’a rien à voir, ai le mal du pays, etc. Dans ce cas, ce n’est plus au héros de la tuer, mais bel et bien à son petit ami de le faire.

Vous l’aurez remarqué, c’est une affaire entre couilles, et une femme vient le plus souvent plus compliquer les choses qu’arrondir les angles. Un peu macho sur les bords ?

…à rapprocher de :

– La saga de Parker commence par Le Chasseur, suivi de L’Organisation et Fun Island.

– Le seul moyen d’enfin apprendre le prénom de Parker, c’est en regardant le comics Catwoman illustré par le même Cooke.

– Le braquo qui part en couille, c’est dans la BD Ma révérence. C’est français, Môssieur, et ça assure pas mal.

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Lee Bermejo - Batman : NoëlVO : Batman Noël Deluxe. Batman objet d’un conte de noël, voilà qui est intéressant. A la manière du Scrooge de Dickens, le chevalier noir va recevoir la visite de trois individus qui vont l’éclaircir sur le sens de son combat dans Gotham City. Dessin sombre et parfaitement détaillé, scénario fluide et prenant, une vrai confiserie de fête.

Il était une fois…

Un homme pauvre, devant seul s’occuper de son fils malade, accepte pour s’en sortir un petit boulot de la part du Joker. Hélas le Bat veille, déroute l’homme et le laisse partir en tant qu’appât. Il fait grand froid, Noël approche et Bruce Wayne déguisé a attrapé un très mauvais rhume. C’est à ce moment qu’il fera, en compagnie de gens plus ou moins proches de lui, un voyage dans le passé, le présent puis l’avenir.

Critique de Batman : Noël

Encore un excellent Batman, et ce grâce à Lee Bermejo qui cette fois-ci s’est attelé seul au scénario du comics. Il reprend en effet le conte de noël de Dickens, avec Bruce Wayne dans le rôle d’Ebenezer Scrooge.

La mythologie du héros est ainsi exploitée sous un jour nouveau, avec Gotham ressemblant au Londres du 19ème siècle. Sur fond de traque de l’ennemi originel (le Joker), Batman utilise un homme qui s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Les trois visions de Dickens, l’ambiance miséreuse d’une famille monoparentale et démunie, le décor victorien, ça change définitivement de ce que Tigre a lu chez DC Comics.

Tout se passe de nuit, et malgré la référence à l’auteur anglais notre héros est résolument moderne : ni artifices ni super pouvoirs, juste un doux dingue surentraîné (avec une armure très « militaire ») et passablement énervé. C’est sur le dessin que le travail est réellement phénoménal : réalistes à souhait, les personnages sont travaillés comme rarement. Quant à l’architecture et autres menus détails, c’est un travail d’orfèvre qui a du prendre du temps.

Petit bonus final, les quelques indications en fin d’ouvrage sur les étapes « dessinatoires », avec d’instructives remarques de l’auteur sur ce qu’il a voulu faire, et comment il appréhende certains protagonistes.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

En fait de thèmes, je vais vous parler des visions de l’homme chauve-souris. Alors si vous préférez garder la surprise lors de la lecture de cet opus, ne continuez pas [SPOIL].

Le passé, avec Catwoman. La jolie chatte commet encore un cambriolage et annonce qu’elle a un renseignement sur le Joker. Le Bat est pressé et la brusque plus que de raison. Selena, mécontente, lui rappelle les années passées, comment il « s’amusait » à lui courir après. Avec Robin, c’étaient les maîtres de Gotham et nos héros se régalaient de leurs aventures, rieuses et joueuses en fait. La référence aux comics et films des années 80 à 90 est très juste. Hélas, plus de jeu aujourd’hui, Wayne est en très petite forme.

Le présent, avec Supeman (je n’arrive pas à m’y faire, de ces cross-overs). Le superhomme, s’inquiétant de la santé du Bat, le prend dans ses bras et lui montre deux choses : le « criminel » à la solde du Joker, en fait un brave gars qui ne pense pas à mal contrairement à ce que « Scrooge » pense de lui. Et puis un de ses plus fidèles alliés, Gordon, qui doute constamment de notre super-héros. Wayne s’aperçoit qu’il n’est pas si reliable, son combat contre le crime en faisant un individu pas forcément digne de confiance.

Le futur, enfin, avec le Joker. Ce dernier vient cueillir notre héros, et en profite pour présenter une vision du futur sans le chevalier noir : vision pessimiste, une anarchie sans nom où les gangs de « gentils » sont encore plus amoraux que Batman. Quant à Gordon, il est emprisonné pour avoir offert, à de multiples reprises, son aide à l’homme en cape noire. En passant l’arme à gauche, Gotham est laissée dans un pire état que pouvait s’imaginait Wayne. La question finale étant : que vais-je laisser au monde en partant ?

…à rapprocher de :

– La même idée a déjà été imaginée par Tim Sale et Jeph Loeb, dans Des Ombres dans la Nuit, qui est pas mal du tout – surtout grâce à Catwoman.

– Pour revisiter l’histoire du héros sous un œil neuf, Le Tigre vous propose de lire Qu’est-il arrivé au chevalier noir ? de Neil Gaiman.

– De Bermejo, avec Azzarello comme scénariste, il y a l’excellent Joker.

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Stark & Cooke - Parker : L'OrganisationVO : The Outfit. Deuxième opus de la saga dessinée de Parker, cette fois ci en prise directe avec l’Organisation (d’où le titre). Darwyn Cooke a fait fort en proposant, outre son dessin si reconnaissable, quelques planches imitant d’autres styles bien sympathiques. A la limite du roman, le texte a toute sa place dans L’Organisation.

Il était une fois…

Début années 60. Après avoir allègrement chié dans les bottes de la puissante mafia du pays, Parker s’est reconstruit une nouvelle vie (et un visage par la même occasion). Hélas il est repéré et apparemment on lui veut toujours du mal. En même temps, à avoir fait un petit coup pour se refaire, il ne faut pas s’étonner outre mesure. Face à la toute-puissante Organisation, notre héros décide de s’activer et renverser la tendance : c’est lui qui va les poursuivre. Jusqu’à apporter la paix relative qu’il mérite.

Critique de L’Organisation

Le Tigre n’est pas fin connaisseur des titres de Westlake (euphémisme) sous le pseudo de Stark, toutefois j’ai cru comprendre que l’illustrateur a pris le pari de résumer The Outfit, avec quelques éléments de la fuite du héros et de son changement de visage à l’aide d’un chirurgien (The Man With the Getaway Face, qui semble être un prélude à L’Organisation). D’où environ 10% de plus que par rapport au dernier opus sans doute.

Dans ce titre, le taciturne Parker est inquiété par la mafia qui veut toujours le dessouder. Il lâche donc les chiens, à savoir ses connaissances de « travail » en leur donnant une excuse pour braquer les biens de l’Organisation. Et un peu comme dans V pour Vendetta, notre héros va s’assurer, en cas de mort précoce du capo di tutti capi, que son successeur lui lâchera la grappe.

J’avoue avoir été un peu largué au début, les retours en arrière et nouveaux personnages peuvent prêter à la confusion. En outre, si je n’ai pas indiqué le numéro des tomes dans le titre, c’est que j’ai la faiblesse de croire qu’on peut les lire indépendamment. C’est vrai en partie, surtout avec le troisième tome qui est plus autonome.

Sur le style, Darwyn Cooke a innové. En plus du dessin habituel avec des cases qui s’espacent sur une page et les couleurs bleu nuit, l’illustrateur a pris quelques belles libertés. Afin d’expliquer comment les « amis » de Parker vont, en un temps très réduit, faire une douzaine de casses, Cooke est sorti des sentiers battus : fausse une d’un journal (donc quasiment pas d’illustration) ; comic strips qui fleurent bon les années 40/50 ; dessins souvent enfantins et minimalistes qui se lisent sur deux pages (attention donc).

En conclusion, remercions Darwyn de ne pas s’être endormi sur les lauriers du premier tome et de nous avoir offert, dès le premier tiers de la BD, quelque chose de neuf et tout aussi aisé à suivre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La mafia. Le lecteur en apprendra un peu plus sur la terrifiante organisation, structure éminemment organisée qui dans les années 60 a sous sa coupe le territoire américain. Tellement bien structurée que ses affaires marchent toutes seules et les employés sont souvent d’honnêtes citoyens touchant salaires, mutuelles, retraite, etc. Le fait que cela marche comme une grande entreprise (et non plus un syndicat) ne va pas sans poser de problèmes dans la mesure où la plupart des salariés, pépères, n’ont rien de criminels et réagissent à un braquage comme un quelconque sous-cadre de banque.

Les combines criminelles. Les casses des indépendants permettent à Richard Stark d’expliquer le fonctionnement de l’économie souterraine. Déjà, il nous présente comment est organisée une activité délinquante : paris de turf officieux, loterie clandestine, bar qui fait bordel et salle de jeux, acheminement d’héroïne d’un État à l’autre, c’est plus qu’instructif. Ensuite, on expose au lecteur comment se déroule un casse (notamment celui du début) : préparation intense, bien choisir ses partenaires, éviter de faire du grabuge, assurer ses arrières par exemple. Méthodes développées dans le troisième tome by the way.

…à rapprocher de :

– Les pérégrinations de Parker commencent avec Le Chasseur, le présent titre, puis Le Casse etFun Island

– Les explications de l’économie souterraine des années 60 m’a fait penser à un essai de Levitt, Freakonomics.

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Sève Maël - Le sexe des femmes révélé aux hommes…ou comment combler une femme durablement (même si c’est une bataille de tous les jours). Essai court et assurément instructif, écrit par une femme qui appelle un chat un chat (excusez le jeu de mots), presque un livre de chevet des mâles de France et de Navarre. Les filles aussi y trouveront quelques bons conseils.

De quoi parle Le sexe des femmes révélé aux hommes, et comment ?

Petit mot sur l’essayiste : Sève (rare et fort joli prénom au demeurant) a ouvert son cab’ de thérapeute sexologue après de brillantes études de psycho. Écrivaine également, la jeune sexologue a écrit cet ouvrage après des heures et des heures d’exercice dans le cadre de son métier. Vous l’aurez compris, Miss Maël sait définitivement de quoi elle parle, et sur ce qu’elle connaît, elle le rend plutôt bien.

En effet, Le sexe des femmes… est d’une simplicité déconcertante : rien à voir avec des poncifs sexolo-psycho-sociologiques qu’une vieille philosophe en mal de reconnaissance pourrait déblatérer, ça se lit facilement et ce dès le premier chapitre qui par exemple s’évertue à faire le point sur le corps des femmes. Inversement, cet ouvrage ne tombe jamais dans le documentaire de seconde zone comme on en lit si souvent, sur la plage, dans certains (pour ne pas dire la plupart) magazines féminins.

Car Sève Maël a fait le pari de la proximité. Le Tigre a progressivement eu l’impression de non pas lire un essai, mais avoir une discussion (certes à sens unique) avec une bonne connaissance qui maîtrise son sujet. Chapitres plutôt courts, nombreux titres et sous-titres, points d’exclamation et rubriques « attention ! », c’est du pain bénit pour celui qui veut lire vite. Quitte à zapper (sans être largué par la suite) les passages qui présentent un intérêt moindre.

Allez hop, on finit sur quelques points négatifs. D’une part, à part les deux premières parties, Le Tigre a été plutôt dubitatif sur la pertinence de l’organisation des chapitres qui suivent. Ca fait un peu fourre-tout sur les bords. D’autre part, pour 150 pages bien aérées, je suis prêt à lâcher une quinzaine d’euros. Or le prix réel est plus que du double ! A ce tarif y’a intérêt de lire et relire le titre et d’aligner les orgasmes comme un philatéliste sa collection de timbres.

Ce que Le Tigre a retenu

Nous y voilà. Les détails. C’est un peu délicat de mon côté tigresque. Soit je livre tout, et là on dépassera les mille mots, ce qui n’est pas le but de ce blog. Soit je narre ce que j’ai appris, et là il serait tentant de minimiser l’apport de l’essai. Pour habilement se défausser, Le Tigre va se concentrer sur les petits plus et la leçon « ultime » :

Firstly, les conseils et propositions de l’auteure sont légion. Les points G et A (le connaissais pas ce dernier) ; comment bien faire un cuni, masser ou parler à sa copine ; les pratiques masturbatoires de la gent féminine ; les activités plus originales comme le BDSM, triolisme ou mélangisme (new too !) ; de la bonne utilisation des sex toys ; la communion des esprits (l’extase aussi), etc. Pour paraphraser Perret, tout, tout, vous saurez tout sur la zézette (moins mignon lorsque féminisé ce titre)…

Secondly, Maël assène régulièrement les conditions pour qu’une femme atteigne le septième ciel. La confiance, le respect, le sentiment d’être mise en valeur, ça peut paraître contraignant mais c’est si évident. Répéter qu’on aime son corps, contribuer à déminer progressivement toutes les composantes d’un complexe, le montrer en touchant, embrassant chaque parcelle du corps, oser gentiment et sans brusquerie, et tutti frotti euh quanti. Avec en filigrane l’amour, la gestion du couple et comment se comporter (sur le plan sensuel) pour faire durer celui-ci.

…à rapprocher de :

– Le Tigre ne voit, pour l’instant, que très peu d’égaux de cet essai. Je sèche. C’est bon signe.

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Stark & Cooke - Parker : Le ChasseurVO : The Hunter. Mise en image du charismatique personnage de l’auteur Donald E. Westlake, ce premier opus des aventures de Parker mérite une pétée d’applaudissements. Scénario bien ficelé, histoire prenante et réaliste, le tout servi par une illustration sombre et adéquate. Un bijou.

Il était une fois…

Parker est colère. Très même. Trahi par la femme qu’il aimait et doublé par son partenaire sur un coup qui a bien rapporté, notre voleur professionnel brûle de se venger. Tirant le fil, il se dirige vers New York avec cette idée fixe : en faire voir de toutes les couleurs aux traitres et aussi récupérer sa part du butin. Peu importe qui il peut déranger.

Critique du Chasseur

Acheté il y a longtemps, il est temps pour Le Tigre de faire un sort à la saga de Parker. Premier opus d’une série addictive, le meilleur du polar américain de Westlake (ici sous le pseudo de Richard Stark) superbement dessiné par le Canadien Darwyn Cooke. A noter que le titre du roman à l’origine de ces planches est, en Français, Comme une Fleur .

Parker, c’est un peu l’anti-héros parfait : cambrioleur de talent sévèrement burné, le narrateur principal recherche un homme à tout prix. Pour lui et Mal (l’individu poursuivi), quelques flashbacks nous permettrons de mieux comprendre leurs motivations…sans compter quelques belles surprises. Menaçant et tabassant à tout-va pour se venger, Parker va être confronté à l’Organisation, puissante mafia qui ne désire pas se séparer de certains de ses collaborateurs.

Sur le style, Le Tigre va reprendre grosso merdo ce qu’il a bien voulu dire pour cette série : Darwyn Cooke est un petit génie avec son style à lui. Si le trait paraît grossier de prime abord, avec un encrage plutôt lourd, le rendu de l’architecture (les plans de NYC sont superbes) et des personnages est quasiment parfait. Couleurs froides, entre le noir et un bleu foncé qui renforcent le sombre scénario.

Une excellente entrée en matière qui vous incitera à acheter la suite malgré un rapport nombre de pages et qualité de l’objet / prix que j’estime scandaleux.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vie de grand cambrioleur. En plus de la quête du héros, ses pensées les plus intimes permettrons de donner une profondeur tout à fait correcte à l’histoire. Parker, c’est une déontologie : un ou deux gros coups par an (pendant la préparation, pas de baise !), avec des personnes de confiance, pas plus de cinq personnes sur un coup, il vit de ses casses dans différents hôtels jusqu’à ce que l’argent ne vienne à manquer. Quant à son entraînement ou la manière dont il se déplace (la période de vagabondage notamment), pas grand chose à se mettre sous la dent hélas.

L’amour, et oui. Trahi par sa femme, le protagoniste continue de l’aimer tout en la haïssant profondément. Les réflexions en aparté avec lui-même présentent un homme à vif, désespéré et prêt à tout pour comprendre. Et lorsqu’il la retrouve, c’est une femme faible et abandonnée qui est face à lui. Lynn est en effet malheureuse, et malgré son amour pour Parker elle se doute qu’il ne la reprendra pas (si ce n’est la tuer). Sans spoiler, vers la fin du roman graphique nous en apprendrons plus sur les raisons de cette trahison. Triste.

…à rapprocher de :

– Nos auteurs ont continué dans cette délicieuse voie avec L’Organisation puis Le Casse suivi de Fun Island.

– De Westlake, je n’ai lu (pour l’instant) que L’assassin de papa. Mignon.

– Jamais nous n’apprendrons le prénom de Parker, sauf dans un épisode de Catwoman où la belle féline s’associe rapidement avec notre héros.

– Darwyn Cooke est aussi au scénario de Superman Kryptonite. Excellent.

– Cette histoire a fait l’objet de plusieurs adaptations, notamment Payback sorti au cinéma en 1999, avec Bruce Willis dans le rôle du héros.

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Alastair Reynolds - Century RainVF : La pluie du siècle. Alastair Reynolds s’essaie au roman noir / SF, et ce de manière très honorable. Dans un futur chaotique, une enquête va se passer sur une terre « parallèle » pendant les années 50, objet d’intenses rivalités entre deux groupes politiques. Un peu long (surtout en anglais), moins renversant que d’autres titres de l’auteur.

Il était une fois…

Nous sommes en 2300, et la Terre est devenue inhabitable après un holocauste nanotechnologique : la grande bleue est en effet envahie par les machines. Depuis, l’Humanité est splitée entre les Threshers, qui ne veulent plus entendre parlée de nanotechnologie et les Slashers, qui continuent à exploiter les nanites. Verity Auger, archéologue Tresher spécialisée dans l’exploration de la Terre, accepte une mission sur Phobos. Sur ce satellite de mars un étrange artefact envoie les gens vers une station de métro dans un Paris uchronique de 1959… Devant récupérer les documents laissés par un agent assassiné avant qu’ils ne tombent entre les mains des Slashers, la mission s’avère plus périlleuse que prévue…

Critique de Century Rain

Le Tigre aime bien résumer des titres en langue anglaise lorsque débarque le poche traduit. Je vous promets avoir lu Century Rain vers 2007, avec cet auteur je ne peux attendre la sortie dans notre langue. Ai été relativement déçu par ce titre, en même temps j’avais dévoré Pushing Ice (Janus en VF) quelques jours avant.

Reynolds a fait dans l’original et s’est ici éloigné du space opéra mâtiné de cyberpunk qui avait fait sa renommée. Du cyberpunk, il en reste un peu, mais cet ouvrage (du moins dans sa première moitié) est avant tout un roman noir assez surprenant. Le scénario, avec comme intrigue savoir si cette Terre de 1959 est un monde parallèle, un voyage dans le temps, une simulation ou autre chose, ne se règle réellement qu’à la toute fin. Occasionnant l’impression que l’auteur s’est un peu vite débarrassé du dénouement.

Roman noir (et historique, je rajouterai) donc, grâce à l’héroïne (Verity) qui se retrouve dans le Paris des années 50. Légère uchronie, puisque la France a botté le cul de Hitler : il n’y a donc pas eu de bond technologique de la WWII et les relations entre la France et l’Allemagne ne sont pas au top.  Dans ce nouveau monde la jeune femme va rencontrer un détective privé, Floyd, qui va l’aider à comprendre comment l’agent secret (une femme encore) est décédée.

Sur cette partie hard boiled, l’écrivain maîtrise tous les codes (ambiance, dialogues,…), même si Le Tigre est resté dubitatif face à Verity qui s’insère que trop bien dans l’environnement ou Floyd qui accepte et maîtrise bien vite les gadgets apportés par l’Humanité de l’an 2300. Quant au reste, la SF à la Reynolds fourmille d’excellentes idées, bien que le tout ait moins d’envergure qu’on pourrait légitimement attendre.

En conclusion, une agréable bouffée d’air sur des sujets (les mondes parallèles, Paris en 1959) qui semblent délicats à l’assemblage. La fin est correcte, toutefois 650 pages étaient-elles vraiment nécessaires ? Parce qu’en anglais, j’ai mis un beau paquet de temps à finir le titre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les nanotechnologies. L’Humanité, apprend-on, a pendant les années 2070 gravement déconné avec les nanites. Utilisés pour réparer le climat, cette technologie est vite devenue incontrôlable et le terrifiant scénario grey goo (la fameuse gelée grise qui s’étend, s’étend…) est devenu réalité. A partir de là, deux groupes s’opposent : ceux qui n’utilisent jamais au grand jamais des nanorobots, contre ceux qui recommencent mais avec des garde fous (du moins c’est ce qu’ils affirment). Le dernier clan repousse les frontières de la miniature, on rejoint le transhumanisme déjà développé dans d’autres titres de Reynolds.

Cette technologie est aussi utilisée pour les conflits, Le Tigre rapportant deux exemples mémorables : des enfants-tueurs (en fait des nanites assemblés) se baladent dans la nature, et la protagoniste principale semble parfois se trouver en plein milieu d’un chapitre concocté par Stephen King : violence extrême, apparitions monstrueuses,… En outre, un fabuleux virus nommé « Amusica » a des conséquences bien imaginées : les personnes touchées ne peuvent apprécier la musique, écouter du Chopin reviendrait à entendre un bruit strident, sans aucun sens. Quant à la fameuse « pluie du siècle », je n’en dirai pas plus…

L’uchronie « cyberpunk ».  J’en ai déjà parlé, mais il est intéressant de connaître le point de vue de l’auteur sur cette uchronie. Français victorieux en quelques semaines contre l’Allemagne nazie, du coup le continent européen n’est pas tout à fait en paix et les partis politiques fascistes sont prépondérants dans la vie politique de l’Hexagone. Pas de deuxième guerre mondiale, donc peu d’avancées techniques par rapport à notre Histoire.

…à rapprocher de :

– Reynolds a fait d’autres one-shot bien meilleurs, à l’instar de Pushing Ice ou House of Suns.

– Sur ce type d’uchronie, Le Tigre pense à La Part de l’autre, de Schmitt.

– Les nanites qui font de la merde, c’est La Proie, de Crichton.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman sur Amazon ici (en VF).

Sapphire - PreciousVO : idem. Petit roman assez novateur et fort touchant, Precious se laisse d’autant plus vite lire que c’est tiré d’une histoire vraie. Le lecteur suivra une jeune mère (même pas majeure) pommée dans le ghetto. Réussissant à s’extirper de sa condition, le style du bouquin évoluera de pair avec la narratrice. Pas mal.

Il était une fois…

Precious a seize ans et en a marre : vivant dans le ghetto de Harlem, tabassée par sa mère, violée par son père, un enfant de ce dernier à charge (si Le Tigre se souvient bien), c’est pas la joie. Ah c’est pas tout : obèse, analphabète de surcroît, Precious est virée de son école après être une seconde fois mise enceinte. Récupérée dans une école pour ados en difficulté, sous la houlette de Miss Blue Rain, notre héroïne va apprendre à lire, mais surtout à écrire et transmettre son histoire. Tout en élevant dignement son rejeton.

Critique de Precious

Voici l’histoire d’une jeune black de Harlem (à qui rien ne sourit) qui apprend à 16 ans à écrire et lire. Et donc à surmonter pas mal de ses problèmes. Si le scénario semble plutôt « classique », c’est oublier que l’auteur, Sapphire, a plus ou moins (surtout plus) vécu ce qui est raconté. Sapphire, c’est Ramona Lofton, jeune écrivaine qui a fait un carton avec ce titre.

Du coup, ce que décrit l’auteur prend une acuité troublante, voire choquante : viols répétés de son père, daronne qui est une vraie garce avec elle, l’héroïne ne nous épargne rien et présente des faits bruts. Sans circonlocutions. Heureusement qu’il y a un semblant d’happy ending, sinon j’aurai l’impression de lire Moi, Christiane F. en version afro-américaine. A ce titre, si l’ouvrage est porteur d’un certain espoir, la rapidité avec laquelle notre amie s’en sort m’a semblé peu crédible : ni grosses remises en question ni obstacles insurmontables, un joli conte de fées.

Le gros plus de ce titre, c’est la progression du style de Precious : le début de lecture est extrêmement difficile car il s’agit de la transcription d’une écriture phonétique, qui progressivement évolue avec le niveau d’éducation de la jeune fille. Déroutant au début, surtout avec les interjections et autres insultes dont le lecteur est abreuvé. Le traducteur (ou traductrice), qui s’est bien démerdé au passage, a du sentir passer la difficulté du travail.

En conclusion, début de lecture ardu mais il convient de s’accrocher, continuer puis finir Precious. Excellent souvenir potentiellement à portée. En outre, les derniers textes écrits par les camarades de la narratrice valent définitivement le coup d’œil.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La misère afro-américaine. Violence sourde, effritement des relations parents-enfants, obésité, analphabétisme, reste plus qu’un peu de crack pour coller aux stéréotypes qu’on affublerait à cette catégorie de la population américaine. Hélas tout est vrai, et comble de l’environnement franchement hostile ce sont les ascendants de Precious qui apportent le pire. Terrifiant, ce titre n’est pas à mettre aux mains d’adolescents mineurs de 15 ans. Pas du tout une bonne idée.

L’écriture et la culture en général. La narratrice trouve un premier espoir grâce à une femme qui fera tout pour « l’éduquer ». Apprendre à lire d’abord, puis coucher ses impressions sur papier. L’écriture devient salvatrice, et on assiste presque à une résurrection du personnage. Les progrès du style sont magnifiquement rendus, en direct, dans ce roman. Une expérience quasiment unique pour le lecteur. On se rend alors mieux compte à quel point les mots peuvent être autant de munitions pour exprimer ses sentiments, et ce sans effusion de sang ni de larmes. Le vocabulaire, meilleure salle d’armes de l’homme moderne.

…à rapprocher de :

– A tout hasard, je vous signale qu’un film a été tiré de cette œuvre.

– Dans la décrépitude d’un ghetto, orienté « drugs », il y a quelques romans de Donald Goines. A lire absolument. Notamment L’accro.

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Shalom Auslander - Attention Dieu méchantVO : Beware of God. Shalom Auslander nous livre une bonne dizaine de nouvelles, dont une moitié à ne rater sous aucun prétexte. Centré autour du rapport conflictuel entre le Très Haut et l’auteur (ou ses personnages), ça se déguste avec des niveaux de lecture multiples. Le Talmud dans tous ses états. Ah oui, très drôle également.

Il était une fois…

Quatorze nouvelles, god related, mais toutes traitées différemment. Florilèges : 1/ Bloom a survécu à une mort certaine, ce qui n’entre pas dans les plans de Dieu. Ce dernier descend finir le boulot lui-même… 2/ Donut et Beignet sont deux hamsters ayant des rapports différents vis-à-vis de Joe, leur propriétaire. Aussi quand le nourriture ne vient pas, Donut prie tandis que Beignet se met à douter. 3/ Après une nuit de rêves impurs, Motty se réveille avec une poitrine velue et une furieuse envie de bricoler. Que vont penser les siens de son nouveau corps de chef de chantier goy ?

Critique d’Attention Dieu méchant

Très très bon. Un peu plus de 150 pages, une quinzaine de textes, do the maths… L’avantage, c’est que si on commence à trouver le chapitre pas terrible, celui-ci n’est pas loin d’être terminé. Le style, dense et efficace, s’adapte très bien au ton de l’auteur qui a de la suite dans les idées.

Auslander, c’est un peu le juif américain moyen qui a du être correctement traumatisé dans son enfance (cf. son autre roman, en infra) et a gardé une petite dent contre tout ce qui ressemble de prêt ou de loin à l’orthodoxie judaïque. Avec un humour décapant, ses textes enfoncent les portes de la synagogue (et par extension, de tout édifice religieux) et offrent au lecteur une place de choix pour observer le spectacle ; et ce en se mettant à la place d’un simple mortel, d’un animal, voire de Dieu en personne !

Le Tigre, grand fan de feu Coluche et donc habitué à la provocation corrosive et réjouissante, a pourtant trouvé qu’on frisait parfois le scandale. De quoi largement choquer les esprits les plus étriqués. L’holocauste est en particulier traité de manière fort cavalière, il faut oser aborder ce thème ainsi.

D’autres nouvelles sont porteuses d’idées et de pensées très enrichissantes (la nouvelle de Charlie Brown ou celle avec des Golem portent un savoir talmudique ), faisant d’Attention Dieu méchant (la majuscule est là, ouf !) une bouffée d’air humoristique tout en dérision.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le « canardage » de la religion Auto-dérision totale, ce titre donne dans la critique de certaines pratiques religieuses qui selon l’auteur semblent aberrantes : Le Tigre se souvient notamment de la nouvelle de ce type de confession judaïque qui compte scrupuleusement ses points pour accéder au paradis. Hélas ça ne se déroule pas comme il le souhaite, et face à l’injustice de sa vie dédiée notamment au Shabbat, une de ses répliques est la suivante : « Moi, je n’ai jamais vu un seul épisode de Deux flics à Miami ! ». Mignon.

Shalom A. tend enfin à faire passer un message au travers de nouvelles où le narrateur principal est Dieu (on oublie celle où c’est un poulet, drôle mais peu porteuse d’enseignements). En effet, si cette entité existe, et qu’elle nous a créé à son image, alors il y a de quoi s’inquiéter. Le Dieu méchant, simple reflet de l’Homme : aussi vicieux, bordélique, occupé à faire autre chose que le nécessaire que nous. Et à l’instar des ordinateurs ou autres objets que l’être humain a créés, Dieu doit être également exaspéré par nous (notre connerie ai-je envie de dire).

…à rapprocher de :

– Pour mieux comprendre l’auteur et certaines de ses motivations, celui-ci a écrit un superbe roman (quasiment autobiographique) sur les contraintes de la religion juive : La lamentation du prépuce.

– Le style léger, des nouvelles fantastiques sur des sujets souvent graves, mince j’ai eu souvent l’impression de lire le scénario de la suite de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander), de Woody Allen. Version religion.

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Brubaker & Lark & Phillips - Scene of the CrimeÉdition deluxe (voui madame, parfaitement) d’une BD créée par trois pontes dans le milieu, hélas Le Tigre n’a pas vraiment pris son pied (ou sa patte). Scénario intéressant, dessin nickel, mais il manque ce petit truc qui en ferait un ouvrage inoubliable. L’explication est sans doute qu’il s’agit des premières armes de Brubaker.

Il était une fois…

Jack Herriman est un détective privé pas comme les autres. Habitué des scènes de crime grâce à son oncle qui est le photographe attitré de la police de Frisco, le père de Jack était en outre un grand flic. Employé par une connaissance, notre ami doit retrouver une jeune femme que ses mère et sœur recherchent. Mission simple en apparence, mais personne ne semble jouer franc-jeu, et derrière la famille se cache quelques inavouables secrets où se mêlent scandaleuse communauté hippie dans les 70’s, gourous du sexe et maltraitance infantile.

Critique de Scene of the Crime

Dernièrement j’ai posé mes griffes dans la magnifique (et coquette) ville de Dublin, avec la ferme intention de laisser un souvenir légendaire aux différents comic stores peuplant la place. De souvenirs il n’en fut guère, la capitale irlandaise étant nettement moins bien pourvue que celle de la perfide Albion.

J’en suis sorti avec ce qu’on m’a conseillé comme le nec plus ultra de ce qui venait de sortir fin 2012. Et bah je m’attendais à mieux. Le scénario d’Ed Brubaker, les illustrations de Michael Lark et Sean Phillips (tous trois détenteurs d’un Eisner Award au moins) promettaient du lourd, et en fait c’est passable. Car j’ignorais qu’il s’agit en fait de la nouvelle édition d’un comics des années 90. Ô rage, ô vieillesse dessinée ennemie.

Le scénario : basique, un vrai roman noir mis en images, avec une profondeur des personnages excellente. Hélas ça manque d’envergure, sans compter que j’ai été une ou deux fois largué par le fil de l’intrigue. Le privé mène son bout de chemin, découvre plein de choses, est plusieurs fois en grande difficulté avant d’être aidé par ses proches. Le héros est loin d’être parfait, son histoire personnelle est belle (quoique triste) à découvrir.

Le dessin : ligne régulière, les illustrateurs offrent un excellent rendu de San-Francisco par mauvais temps. Expression des visages correcte, c’est du beau boulot. Enfin, j’ai vaguement survolé les bonus en fin d’ouvrage : à part une courte histoire très sympathique, la genèse du projet ainsi que l’évolution d’une planche ne m’ont pas plus intéressé que ça. Il y a mieux dans le monde des comics, Le Tigre estime que vous pouvez superbement ignorer Scene of the Crime.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Un thème en fait, vais pas me casser le popotin à spoiler l’histoire ou raconter, par le menu, la douce vie des protagonistes.

A part celle du héros, au parcours ayant des relents de tragédie grecque : père victime d’une voiture piégée sous ses yeux ; descente aux enfers dans l’univers de la drogue ; abandon de sa femme (qui au passage a toujours une vilaine dent contre lui) ; peu porté sur le combat (à part taper un clochard, là il sait), le protagoniste principal est à plaindre.

Chose amusante, la seule femme (après son ex) qui lui plaît bien, et bah elle a le cerveau encore plus en vrac que lui. Je ne spoilerai pas, mais disons qu’il y a des sales histoires de famille dans l’air…

…à rapprocher de :

– Dans les polars sombres, je préfère (autant pour le scénar que l’illustration) la série des Parker, de Darwyn et Stark : Le Chasseur ; L’organisation ; Le Casse.

– Ed Brubaker, c’est aussi, avec Sean Phillips, Fatale. Le premier tome est satisfaisant.

– Ed B. s’est aussi attaqué à Catwoman, et c’est relativement correct. Par exemple le tome 3.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à comics en VO » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.