Geoffrey Lachassagne - Et je me suis cachéLa bibliothèque du jeune éditeur Aux Forges de Vulcain est éclectique, ce titre en est une preuve supplémentaire. Aventures de trois jeunes, chacun ayant son propre style, voilà un voyage déroutant dans un univers plus ou moins onirique où fureur et poésie font bon ménage. La Corrèze comme on la voit rarement, original.

Il était une fois…

Titi (14 ans) et son petit frère Jérémie (7 ans) vivent chez leur grand-mère dans un trou perdu au fond de la Corrèze. Nos deux jeunes héros ont comme échappatoires quelques amis, et leurs factices guerres contre qui des Indiens, qui des Chinois, qui des Viets.. Derrière toutes ses aventures plane le fantôme de Jules, leur grand frère parti à Paris qui a promis de venir chercher Titi.

Critique d’Et je me suis caché

Waow, Le Tigre ne s’attendait pas à un tel roman. Eu égard le quatrième de couv’, je m’attendais à quelque chose d’assez classique, voire « plan-plan ». Que nenni ! L’histoire, déjà, n’est pas toujours évidente à suivre. Difficile de reconnaître les délires de jeunes adolescents (et enfants) de la réalité, il en ressort une étrange impression que le lecteur est à la merci de l’auteur. A la rigueur, j’ai l’habitude.

Geoffroy Lachassagne, en sus, a un style absolument inimitable. Vocabulaire qui ne correspond à aucun canon culturel que j’ai rencontré, entre franc-parler paysan et argot de poète maudit (par exemple, qui parle encore de « pétarou » pour une mobylette ?). Sous couvert d’un scénario plutôt linéaire au début, l’écrivain nous livre deux points de vue, ceux de Jérémie et Titi. Et pour chaque protagoniste, les évènements (souvent les mêmes) sont contés avec les mots, le recul qu’on attendrait de la part des personnages.

Si le tout peut sembler décousu mais plutôt prenant (notamment l’arrivée de la belle Aurore ou du mystérieux Moïse), que dire de l’introduction du troisième narrateur, en l’espèce le grand frère Jules qui fait son entrée dans le dernier tiers de l’œuvre ? C’est à ce moment que j’ai été plutôt interloqué (c’est rare, donc un compliment) dans la mesure où les passages écrits par ce personnage ressemblent à des diamants pas encore taillés : phrases violentes qui dégagent une certaine poésie « écorchée vive », à destination d’on ne sait qui, la lecture est plaisante mais peut rendre mal à l’aise.

En conclusion, il faut : i) avoir les idées larges ii) être prêt à être transporté assez loin iii) accepter le flou historique (sociétal même) et géographique pour apprécier ce roman qui pourrait bien, en 2100, être redécouvert par nos descendants en mal de poésie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Concernant les affres de la jeunesse, avec un style qui leur est propre, Le Tigre préfère vous renvoyer vers les romans de Stephen King, maître en la matière. Geoffrey L. se débrouille correctement, à sa façon, avec un phrasé plus subjectif et sans traitement « post production ». Pas étonnant, donc, que la phraséologie (oh qu’il est beau ce mot) soit légèrement déroutante : ponctuation maltraitée, répétitions dignes d’un gamin, etc.

Le titre du roman. Nul besoin de se casser la tête, comme dans Les Bienveillantes de Littell, la référence au titre nous tombe dessus à la dernière page. Malin non ? Et je me suis caché, c’est ce que balance Adam à Dieu lorsqu’il découvre, après avoir bouffé du fruit de la connaissance, qu’il est nu. Plutôt que Dieu, il conviendrait de dire « Yahvé » dans la mesure où nos narrateurs (en particulier le petit Jérémie) semblent yahvistes. Il s’agit d’une doctrine attachée aux premiers passages de l’ancien testament, où le tout puissant est ainsi désigné.

[ATTENTION miniSPOIL] Et c’est dans les dernières pages que la puissance, mais aussi la tristesse du roman prennent superbement forme. D’après ce que Le Tigre a compris, le benjamin se barre aussi à Paname, promettant à Jérémie (comme jadis son grand frère l’a fait) de venir le chercher plus tard. Le cadet, imprégné de religion, paraît alors comprendre que le bled où il se trouve, c’est la mort, et que le bien l’attend du côté de la capitale. Et je me suis caché prend tout son sens dans la mesure où, à sept ans (l’âge de raison), le minot a saisi, selon lui, la différence entre le bien et le mal. [Fin SPOIL] Dérangeant après avoir lu les aventures de Jules à Paris, entre paradis artificiels et morts précoces.

…à rapprocher de :

– Des souvenirs de jeunesse, racontés dans le vocabulaire adéquat à l’âge du narrateur, il y a l’excellent La vie de ma mère !, de Thierry Jonquet. A ne pas rater.

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Daniel Lesueur - Traci Lords & Jenna JamesonSous-titre : American Sex Stars. Deux biographies en un seul essai, en l’espèce celles de Misses Lords et Jameson, deux femmes ayant sévi au même moment mais avec des parcours différents. Court et abondamment documenté, ça se lit bien vite à tel point que Le Tigre ait peur de ne pas avoir retenu grand chose.

De quoi parle Traci Lords & Jenna Jameson, et comment ?

Daniel Lesueur est un habitué des biographies de personnages incontournables du monde du X (cf. infra). Dans American Sex Stars, meet Nora Kuzma (d’une famille d’origine ukrainienne) qui deviendra Traci (un « i », c’est plus classe) Lords (du nom d’un de ses acteurs préférés) et Jennifer Massoli (Jameson, pour doubler le « j » et parce que le whisky, ça fait tellement rock & roll).

Grâce à deux biographies (en anglais seulement disponibles) complètes, l’auteur nous a concocté un voyage chronologique de 14 chapitres (aucun thème ne s’en dégage) où il zappe d’une star à l’autre sans que cela ne nuise à la compréhension du texte. Il faut noter que Daniel L. est à la base un journaliste musical, et cela s’en ressent fortement avec les nombreuses références livrées (paroles de chansons, bons mots de musiciens entre autre,…). De la part d’actrices ayant fréquenté quelques leaders de groupes de rock bien connus (Mötley Crüe par exemple), c’est toujours bienvenu.

Hélas, si le travail de conteur a été correctement effectué, c’est à partir de sources souvent discutables (ne s’en tenir principalement qu’à la parole des intéressées est forcément casse-gueule sur les bords) et sans une certaine prise de recul attendue par Le Tigre. En parcourant deux-trois sites, des incohérences paraissent exister, la légende des deux héroïnes du titre semble déjà en route.

Pour conclure, j’ai été assez déçu par cet essai qui comporte de nombreuses imprécisions et est, contrairement à d’autres titres de l’éditeur, dépourvu de toute photo (pas forcément érotique, mais pour se rendre compte des protagonistes). Néanmoins, le tout est une sympathique balade dans l’Amérique de la côté Ouest des années 80 et 90.

Ce que Le Tigre a retenu

L’éternelle question, toujours posée, de savoir comment en arriver au porno pour une (très) jeune femme. Les deux disent avoir été victimes de sévices sexuels, sans parler du délicieux pouvoir qu’elles découvraient avoir vis-à-vis de la gente masculine. Jenna J. souligne toutefois, qu’après de nombreuses séances de thérapies, que les traumas sexuels subis n’y seraient pour rien dans son choix de carrière. Sachant que la miss ne dit pas forcément la vérité, et eu égard le terrifiant documentaire suédois Shocking Truth sur le monde du X, on peut légitimement en douter.

Dans les deux cas, il faut noter une maturité sexuelle fort précoce. A ce titre, L.A. est réellement tombé des nues en apprenant que l’actrice la plus en vue était en fait mineure, alors qu’elle avait tout d’une star de vingt-deux ans. En outre, les deux demoiselles sont plutôt portées sur le rock (Jenna, les bikers, les tatoueurs, quelle histoire…).

Ce qui m’a marqué, outre les violentes mésaventures (viols, tabassage en règle, utilisation effarante de drogue pour Jameson, à la limite de la mort) de Traci et Jenna, c’est la manière dont elles ont su rebondir. Traci, riche avant d’être majeure, a eu la bonne idée de tourner un film (Traci I love you) en s’arrogeant tous les droits, puis a tout fait pour tourner dans des films et séries « normaux » afin de se refaire une virginité (si je puis dire). Comme Monica Mayhem, elle est mariée et mère.

Quant à Jenna, si elle semblait bien plus mal partie, elle est parvenue à décrocher de la dope, à éviter ses anciennes mauvaises fréquentations et surtout à monétiser son image. Si les deux ont fait plus d’une fois la couverture des grands magazines, Miss Jameson est allée plus loin en amassant les récompenses, puis créant sa boîte de prod’, son site internet, et ce avec l’aide d’une autre femme dont elle n’est pas insensible aux charmes.

…à rapprocher de :

– De Daniel Lesueur, il y a l’excellent John C. Holmes (35 cm de talent quand même). Plus sombre, plus complet quelque part.

– Star du X, mais ici autobiographie, penchons nous (hem) sur les confessions intimes de Monica Mayhem. Même éditeur également.

– Rapidement, et puisque c’est Camion Blanc qui l’édite, si vous souhaitez en apprendre plus sur la méthamphétamine (déjà dans les années 80, JJ y succombait), il y a Accroc au speed, de Mick Farren.

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Higson & Walker - James Bond les origines : SilverFinLe Tigre aime Bond, qu’on se le dise. C’est tout naturellement que j’ai planté mes griffes sur cette BD traitant de la jeunesse d’un de mes héros préférés. Dessin classique et efficace, scénario prenant malgré quelques défauts, un agréable moment de littérature en somme. De 15 (pas avant, c’est un peu dur sinon) à 77 ans.

Il était une fois…

Les parents du jeune James sont décédés, aussi ce dernier vit chez son oncle qui l’envoie à Eton, prestigieuse école pour garçons. Le dépaysement par rapport à l’Écosse est important, et non loin de l’école se trame un complot assez moche que notre détective en herbe va tenter d’élucider.

Critique de James Bond les origines : SilverFin

Bon. Pas excellent, ni ennuyeux, juste bon. Pour quelqu’un fan de 007, ça passe allègrement. Le lecteur qui cherche un « polar dessiné » passera son chemin. Impression fugace que face à un tel monument de culture qu’est l’espion anglais, les auteurs n’ont pas souhaité prendre de risques inconsidérés en s’occupant de sa jeunesse

Charlie Higson est pourtant un habitué de 007, il a écrit quelques romans à son sujet, et en particulier sa jeunesse. Aidé de Kev Walker, il nous a concocté une histoire simple sur les premiers pas du héros dans son école, Eton. Près de celle-ci, le père d’un des étudiants (déjà en compétition avec James) joue l’apprenti sorcier en vue de créer une race de super soldats. Exploits sportifs, amitiés naissantes, conseils de la famille, la légende de l’espionnage se met en marche.

Sur l’ambiance générale, Le Tigre a été d’accord avec ce qu’on pourrait imaginer de la tendre (pas tant que ça) enfance du héros. Intelligent, taciturne (presque déprimant), seul avant tout, mais plein de ressources. Un jeune homme déjà expert en boxe, malgré le fait qu’aligner une droite à un daron bien en chair me semble un poil too much. Les références au Bond tel qu’on le connaît parsèment le bouquin, toutefois on se demande parfois si ce n’est pas une ligne du cahier des charges dont l’auteur s’est vite débarrassé (Le Tigre pense à la jeune fille sur son zoli cheval, pas vraiment utile dans l’histoire).

Pour conclure, le gros point positif de SilverFin reste le dessin : lignes claires à la papa, des paysages correctement rendus, des personnages expressifs (peut-être à part Bond lui-même qui a constamment un air néodéprimé), l’immersion est OK. Quant à la couleur, on dénote une majorité de teints froids, tendant à la limite sur le glauque (grisâtre puis verdâtre) à mesure que l’intrigue avance. De l’inhospitalière écosse on glisse ainsi progressivement vers les expériences bizarres dignes d’un film de 007…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La génétique. D’une part, Bond est issu d’une famille d’agents secrets, et comme s’il n’y pouvait rien les aventures de ce genre lui tombent sur le râble. A côté de cela, son ennemi du début est poussé par son père à être un surhomme, ce que le jeune garçon a bien évidemment du mal à assumer. Entre suivre le paternel et souvent le décevoir (ce dernier ne semblant jamais satisfait) et contrer franchement ses plans, le choix est difficile.

D’autre part, ce que mijote le « méchant » est digne d’un Meurs un autre jour ou Moonraker : à la limite de la SF, un individu aux sombres desseins cuisine ses potions en vue de créer de vaillants guerriers tout en muscle et sans peur, avec les petits ratés que cela peut comporter. Ceux s’approchant trop du « château-labo » disparaissant mystérieusement (tiens, comme dans On ne vit que deux fois…), la curiosité du jeune héros va forcément l’amener dans l’antre du loup. Fin surprenante et qui détonne un peu, au moins ça se termine en beauté.

Le métier d’espion. Premiers pas de l’espion donc, avec en filigrane cette phrase du père de Bond, rapportée par son oncle : « James, quoiqu’il arrive, ne deviens jamais agent secret ». Le héros souffre dans le roman, est plus qu’à son tour sur le fil du rasoir, vraisemblablement ça ne le dérange pas plus que ça. Les suites promettent…

…à rapprocher de :

– Débuts d’un héros, il y a Batman : Year One, du très grand Miller.

– Pour le plaisir, faites vous une semaine de tous les 007, dans l’ordre si possible.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici.

Ted Baker - Baron SamediSous-titre : L’enfant de la mort. Nom de zeus, pouvait-on imaginer quelque chose plus sombre et subversif ? Dans la France des années 60, un Baron névropathe concocte une vengeance contre la capitale. Dessin qui ne cache rien, perversions incalculables, âmes sensibles s’abstenir. A la limite, heureusement que cette BD soit passée inaperçue. Mais Le Tigre veille…

Il était une fois…

Amérique du Sud, années 50. Un fête tourne à l’horreur, seul un petit garçon survit face aux mercenaires aux ordres de la République Française. Ce même garçon qui perdra son second père en France, vieux catcheur qui lui a tout appris. De là naîtra le Baron Samedi, dont le but est de se venger de la France du Général de Gaulle. Aidé de Maman Brigitte (femme au passé terrible) et d’une bande d’orphelins qu’il a recueilli sous son aile, le plan démoniaque peut se mettre en place.

Critique de Baron Samedi

Je ne parviens pas à me remémorer comment ce titre a été acheté. Sûrement par hasard, le fait que scénariste et dessinateur ne fassent qu’une personne ayant aidé. En tout cas, Le Tigre ne s’attendait pas vraiment à un tel déferlement (c’est cliché, certes) de violence en tout genre.

Pour la petite histoire, Dog Baker (est-ce son vrai nom ?) est un Américain qui a fait pas mal de prison, et en a « profité » pour apprendre la littérature française. Ce roman graphique, à l’aspect d’une bande dessinée franco-belge, est un court one shot que tout amateur d’histoires underground se devrait de posséder. Too much certes, mais réjouissant.

Le scénario, fluide, monte crescendo dans le glauque et la violence jusqu’à un final de pure horreur. Le Baron Samedi, icône vaudou représentant le prince de la mort, a été superbement adapté par l’auteur pour en faire un vecteur de sadisme mêlé à une vengeance au demeurant fort légitime. Baker va loin, très loin même, en explorant ce que l’Homme peut faire de plus sombre : à l’échelle d’un État, qui a recours à des mercenaires pour pouvoir s’approvisionner en uranium, acte engendrant un individu déjanté et dérangé que Le Tigre n’aimerait pas croiser.

Sur le dessin, il y a de quoi être surpris. Ligne claire, style réaliste comme dans un Tintin, l’hémoglobine et les descriptions à donner des hauts-de-cœur en plus. Quand Baker illustre le Baron qui arrache le coeur, encore palpitant d’une somptueuse jeune femme, il y a de quoi être interloqué. Sur la couleur, une excellente idée : du noir et blanc, à l’exception du jaune (pour les apartés du triste héros et représentant l’outil final de sa vengeance) et bien sûr le rouge – je vous laisse deviner pourquoi.

Bref, petite perle graphique et scénaristique à ne louper sous aucun prétexte. On pourrait reprocher à l’auteur d’avoir abandonné tout réalisme, toutefois j’ai l’impression que Baker a voulu donner sa vision fantasmée de cette période avec des personnages peu crédibles. Gros bonus dans les dernières pages, les dessins torturés d’une enfant qui a un lien spécial avec Brigitte, la compagne du Baron.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le traumatisme, outil de création d’un héros. Batman « naît » à la suite de la mort de ses parents. Ses ennemis (notamment le Joker) n’auraient sans doute pas existé sans le chevalier noir. Ici, le Baron est créé par son ennemi intime, la République Française, qui par ses représentants tue à deux reprises son père : une première fois en guise d’introduction, une seconde lorsque le maître lutteur du jeune héros est assassiné par un des mercenaires. Douleur physique et surtout psychologique, Baron Samedi n’est que muscles et rancœur.

Le personnage n’en est pas moins extrêmement intelligent, son plan de vengeance étant d’un démoniaque sans nom. La vengeance, voilà le thème de l’œuvre. Et comme tout méchant qui se respecte, celle-ci est minutieuse, les indices quasiment indétectables (sauf par le fin limier de la PJ) tellement l’acte final est immonde. Du terrorisme style guerre bactériologique comme les plus paranoïaques n’oseraient l’imaginer, le Baron nous régale même si Le Tigre a trouvé la vengeance excessive, l’antihéros étant pire que les militaires français. Pour ce qui motive le père Samedi, on pourrait dire de même que sa bizarre compagne Brigitte qui en a vu des vertes et des pas mûres. Hélas ce personnage secondaire m’a paru relativement mal développé.

…à rapprocher de :

– Le protagoniste principal, dont le visage a été brûlé par la chaux vive et au phrasé recherché, n’est pas sans rappeler le côté sombre du héros de V pour vendetta, autre BD de qualité.

– Dans la BD glauque, je ne vois (pour l’instant) que Hideout, manga de Masasumi Kakizaki, voire Ce que fait Simon (premier opus ici), de Niles et Hampton.

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Amit Chaudhuri - Les ImmortelsVO : The Immortals. Rare roman traduit en français du très connu (du moins dans le monde anglo-saxon) Chaudhuri, Les Immortels nous propose un voyage musical et sociétal dans l’Inde des années 80. Style au premier abord déroutant mais progressivement envoûtant, un ouvrage exigeant et porteur de précieuses clés pour comprendre le pays.

Il était une fois…

Bombay, années 80. Shyamji, fils d’un grand chanteur classique décédé, est amené à donner des cours de chant à Mallika Sengupta. L’époux de Mallika, Apurva, est un dirigeant d’entreprise reconnu. La rencontre entre le monde de l’art, avec ses représentants aux différents courants musicaux, et celui des affaires va donner lieu à de fructueux échanges. Notamment lorsque le fils Sengupta, Nirmalya, se décide également à suivre des cours de chant.

Critique des Immortels

C’est la première fois que je lis, en français, l’ouvrage d’un auteur indien, fin lettré de surcroît. Et le début fut dort difficile. Les 100 premières pages étaient en effet à la limite du supplice : de nombreux personnages aux noms rares (pour nous autres Occidentaux) qui apparaissent comme par magie, des prénoms qu’on penserait être destinés à des femmes donnés à des hommes (Apurpa, Nirmalya pour ne citer qu’eux), un fil conducteur ténu car parsemé de nombreux flashbacks, Le Tigre a peiné. Mais s’est accroché, pour son plus grand bonheur.

Car joie ! Amit C. est aussi excellent musicien, et une fois ces dizaines de pages lues le lecteur commence à saisir la beauté de l’œuvre : ce roman, c’est aussi de la musique ! Le relatif ennui des débuts fait progressivement place à une lecture qui enchante. Pour ma part, même si je suis passé à côté de nombreux passages (n’ayant pas la culture nécessaire), je n’en ai pas moins été subjugué. Phrases longues et bien traduites, on n’est jamais bien loin de la poésie même si celle-ci a mis un certain temps à atteindre le cerveau tigresque.

Enfin, et à titre de critique inhérente à un tel sujet, Le Tigre a été plus d’une fois largué par le vocabulaire que tout néophyte serait incapable de saisir. Écrire en bengali, suivi de la traduction, ça passe. Les lieux aux noms chantant, j’aime bien. Mais lâcher dans la nature des termes comme namaskar, raga, taans, geets, nada, tabla et autres thekas sans les accompagner d’une note de bas de page à l’intention du lectorat français, ce n’est pas gentil du tout.

Un roman intéressant, tout curieux du sous continent indien découvrira cette époque de manière satisfaisante. Enfin, Le Tigre n’en parle que rarement, signalons le beau travail de Simone Manceau, la traductrice. Si Amit écrit en Anglais, jongler avec des phrases fleuves et des termes bengalis (hindis parfois ?) un peu partout a du représenter un défi constant. Je n’ose imaginer les échanges entre l’auteur et son traducteur.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le tableau de l’Inde des années 80. Comme je l’ai déjà évoqué, Mister Chaudhuri nous dresse un portrait fidèle et complexe d’un pays qui ne l’est pas moins. Bien sûr on peut parler des déséquilibres sociaux, du Bombay chatoyant où les embouteillages incessants jurent avec les chics dîners chez l’ambassadeur, voire de la position d’un haut cadre dirigeant dont la richesse n’est au final qu’un leurre payé par l’entreprise (voiture, chauffeur, domestiques, appartement). Le déclassement reste possible tout compte fait.

Mais Amit parle avant tout de musique, des différents styles : certains jugés « populaires » et indignes d’être enseignés, d’autres dits « classiques » avec des sommités qui les chantent et ravissent les connaisseurs. Derrière cette culture, le cinéma de Bombay (le fameux Bollywood) n’est jamais loin, avec Mallika qui caresse l’idée de chanteur pour une de ces superproductions. Quant à l’Inde partagée entre traditions et modernité, je n’ai pas vu grand chose en sus si ce n’est le fiston qui au business préfère la philosophie.

Ce qui a également marqué Le Tigre, ce sont les non dits de relations sociales, la subtilité des échanges entre individus de castes ou CSP (catégories socio-pro) différentes. Comme en Chine ou au Japon, s’adresser à quelqu’un en utilisant tel ou tel nom (didi par exemple) indique la position dans laquelle la personne souhaite se placer vis-à-vis de son interlocuteur. Lors d’un échange, ce sont des considérations de politesse, voire tactiques (demander un prêt) qui se mettent en place. Bien plus retord que le choix tutoiement / vouvoiement.

…à rapprocher de :

Sinon, rien de ce que j’ai lu ne semble se rapprocher (pour l’instant) de ce titre. C’est pour ça que je l’ai particulièrement apprécié. A part peut-être Le monde n’a pas de fin, de Tanweer, qui m’a également déçu. Ce doit être mon esprit étriqué peu enclin à cette littérature orientale.

– Toutefois, en plus accessible mais fort décevant, y’a Le tigre blanc, d’Aravind Adiga. Très porté sur la politique.

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Herman Koch - Le dînerVO : Het diner. Un écrivain hollandais qui a cartonné avec ce premier roman traduit en français, Le Tigre ne pouvait passer à côté. Le temps d’un dîner, agrémenté de quelques flashbacks soigneusement choisis, deux familles vont sceller leur sort. Glauque et dérangeant, Herman Koch a livré un livre sombre qui pose de terribles questions.

Il était une fois…

Deux frères, avec leurs femmes respectives, ont rendez-vous dans un des restaurants les plus prisés des Pays-Bas. L’un est professeur en disponibilité, le second pressenti pour être le prochain premier ministre du pays. Au fil du repas, ça parle tranquillement de choses et d’autres. Hors d’œuvre, entrée, plat, dessert,…il faut bien discuter de ce qui amène nos deux familles : leurs enfants ont commis quelque chose d’abject, et se pose la question de la marche à suivre…

Critique du Dîner

Excellent roman, sujet original et grave qui apporte un léger renouveau dans la littérature européenne d’anticipation sociale. Les adjectifs ne manquent pas : subversif, cynique, dérangeant sur la fin, Herman Koch a eu son petit éclair de génie et l’a plutôt bien exploité.

Deux couples, deux frères dinent dans un restaurant chic. Un politicien en pleine ascension, un ancien prof un poil bizarre, et leurs femmes. Pendant le diner, c’est péripéties, dialogues grandioses, flashbacks terrifiants, prises de décisions difficiles. Avec comme cerise sur le gâteau, la question la plus dure à se poser : jusqu’où aller pour protéger sa progéniture, la défendre, mentir pour elle, au risque de commettre bien pire au final ?

Si la trame de l’histoire en elle-même peut se résumer en une courte page, ce sont tous les « à cotés » qui rendent ce roman si dense et prenant. Près de 330 pages, l’auteur a eu d’une part le temps de planter l’environnement, en décrivant non sans un certain humour l’ambiance BCBG d’un resto de qualité où se rend la bonne bourgeoisie. D’autre part, c’est le déroulement des évènement à la suite du forfait de leurs enfants (lequel ? Le Tigre n’en dira pas plus…) qui est finement analysé, avec les conséquences pour chaque famille si cela venait à se savoir.

Le style m’a paru tout ce que je pouvais m’imaginer de « batave » (sans insulter nos voisins européens) : pessimiste, un peu terne parfois malgré une intensité dramatique crescendo. Quelques longueurs, disons qu’on peut comprendre de quoi il est question avant que les chapitres les dévoilent. Il ne fallait pas dépasser 350 pages pour une telle histoire. Bref, une œuvre à découvrir, sans compter l’happy ending plus que particulier (en est-ce vraiment un ?).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La parentalité. Le thème principal du roman réside sur un terrifiant dilemme. Les enfants des deux protagonistes ont déconné dans les grandes largeurs, en sus ceux-ci ne semblent pas bien se rendre compte du bordel qu’ils ont occasionné. Les médias s’emparent de l’affaire (qui a choqué tout le pays), et si on découvre qui est derrière cet acte ignoble, la carrière politique d’un des frères est plus que compromise. Là où Koch n’est pas mauvais, c’est en présentant notre politicien arriviste face à un frère professeur (donc de gauche) comme on s’y attendrait, puis progressivement inverser les rôles de la méchanceté.

La décadence. Ce qui m’a spécialement marqué également, c’est le décalage entre l’atmosphère guindée dans laquelle baigne nos clients et les horreurs perpétrées par leurs rejetons. Décadence aussi car on discute, plus ou moins à froid, de comment il convient de réagir pour assurer autant l’avenir de ses enfants (dont un décide de jouer le maître chanteur de surcroît) que la justice la plus élémentaire. Décadence enfin, par la réaction finale d’un couple. Le pire est que le lecteur, à force d’être imprégné de tant de froide logique, la trouverait adaptée.

…à rapprocher de :

-Les dîners ou déjeuners qui tournent au vinaigre, Le Tigre croit se souvenir de Les majorettes, elles, savent parler d’amour de Szabowski.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

L'iconographie de Tigre-san - L'odyssée de PiVoici une des (nombreuses) affiches dont le réalisateur du Film L’odyssée de Pi n’a pas voulu. C’est hélas oublier que ce film est tiré du sublime roman L’histoire de Pi, de Yann Martel.

A ce titre, comme tout chef d’œuvre de littérature, Le Tigre est allé regarder le film un peu à reculons, de peur d’être terriblement déçu. Un tel monument de littérature, forcément casse-gueule de l’adapter sur grand écran. Or L’odyssée de Pi est plutôt correct. Quelques longueurs certes, mais les images (la photographie, on dit dans les milieux informés) et la 3D aident font qu’on passe globalement un bon moment.

Alors bien sûr les différences existent par rapport au roman, notamment la fin qui est plus dure dans ce dernier. En outre, Le Tigre salue la délicieuse mise en abîme de l’œuvre d’Ang Lee, qui fait intervenir l’écrivain en recherche d’une histoire susceptible de le faire croire en Dieu. La religion, hélas, n’est que superficiellement abordée par rapport aux superbes chapitres de l’ouvrage consacrés aux débats entre représentants des grands cultes.

Petite pensée à l’illustratrice dont le dessin a été savamment aiguillé par les bons soins du félin. Le thème, certes tiré d’une affiche du film, n’est pas sans rappeler les draconiennes conditions de prêt de votre serviteur.

Miller & Janson & Varley - Batman : The Dark Knight ReturnsVO : idem. Écrit en 1986, voici le premier remaniement du Bat par l’excellent Frank Miller. Notre héros qui coule une retraite paisible saura-t-il se montrer aussi bon que par le passé face aux nouvelles menaces ? Comics long et au dessin qui n’est pas vraiment mon genre, Le Tigre a été relativement déçu.

Il était une fois…

Batman est à la retraite, Gotham City ne va pourtant pas mieux. Mais alors, pas du tout. Si les ennemis historiques du Bat sont sur la voie de la rédemption, un étrange gang de mutants désire prendre le contrôle de la ville. Bruce Wayne, vieillissant, va-t-il céder aux alléchantes sirènes de son moi intérieur lui pressant de remettre le costume du chevalier noir ? Sera-t-il seul dans son combat lorsque le commissaire Gordon n’est qu’à quelques jours de la retraite ?

Critique de Batman : The Dark Knight Returns

Terrible déception. Depuis longtemps, Le Tigre dévore les reboots du chevalier noir, du moins ceux qui daignent être traduits en français. En tentant de revenir « aux sources » du seul héros de comics dont je suis les aventures, le choc des années fut hélas un peu trop violent. Écrit en 1986, j’aurai du commencer par ce titre.

Miller, pour l’époque, semble avoir eu les coudées franches concernant le scénario qui ne ressemble à rien de ce qui peut se faire. Parce que l’histoire est plutôt sombre, pessimiste à souhait, bref un tantinet déprimante. Batman renfile son costume, avec les couacs propres à la vieillesse, Selina (Catwoman) n’est plus que l’ombre d’elle même, l’environnement social et politique est désolant, heureusement qu’une jeune nouvelle Robin apporte un peu de sang neuf.

Si le « scénar » est plus que correct, Le Tigre ne peut hélas en dire autant du dessin. J’ai indiqué le nom de l’encreur (Klaus Janson) et le brave gus qui a mis la couleur, parce qu’ils ont fait un boulot conséquent. Néanmoins, le style ne m’a pas réellement convenu : trop fouilli, un semblant de « baclé », cases souvent petites et laborieuses à lire, quel dommage. Quelques bonnes idées bien sûr, par exemple les nombreuses interventions de micro-trottoirs des habitants de Gotham ou encore les apartés des héros, sur fond de couleur dédiée (jaune pour Robin, vert pour le Joker, etc.).

En conclusion, je m’attendais à bien mieux : même si on peut se demander ce que foutent certaines personnes dans le monde du Bat (Superman ou un certain Green Arrow que je connaissais pas), le monde décrit par Miller est saisissant. Toutefois mal desservi, à mon sens, par le tracé. Sur la forme, bel ouvrage de panini comics (une version est sortie chez Vertigo France) qui va durer longtemps.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vieillesse et le renouveau. L’auteur nous dépeint un Bruce Wayne qui goûte aux plaisirs de l’alcool et souffre plus que de raison en faisant des acrobaties de jeune premier ; Gordon qui fume toujours autant et sur le point de raccrocher ; un Joker à l’apparence catatonique ; Selina en mère maquerelle. Parallèlement, hauts les cœurs avec un nouveau Robin bien vigoureux, même double-face semble se remettre de ses blessures après une chirurgie réussie.

Les relations politique / média. Un des fils rouges du comics est l’accaparement, par les journalistes (au travers la TV) du phénomène Batman. La plupart des intervenants sont contre le personnage, que ce soient des personnalités plus ou moins reconnues (particulièrement un psy qui dit que l’extraordinaire Bat a créé les super vilains par son comportement) que le quidam interrogé par les reporters. Bêtise ambiante, Miller nous présente une société lâche avec des œillères grosses comme une crêpe bretonne.

Outre ces travers, les politiciens ne sont pas non plus à la fête. Le Président des EUA (idiot et va-t-en-guerre), le gouverneur de l’État, le maire de Gotham, tous maîtrisent la langue de bois et se refilent la patate chaude comme autant de couards. Face aux mutants, les maires successifs vont s’entêter à vouloir négocier alors qu’il paraît trivial qu’on n’argumente pas avec ces individus. Bref, un petit brûlot sur la politique américaine des années 80, sur fond de grave crise (jusqu’à la guerre) avec les Soviétiques.

…à rapprocher de :

– Une anime est sortie d’après cette histoire, et à la limite je la recommanderai plutôt que cet ouvrage.

– De Frank Miller, préférez Batman : Year One. Publié après, les débuts du héros sont plus « actuels ».

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics sur Amazon ici.

Acnéique & Kadabra - Paf et HenculePetite claque d’humour noir, Le Tigre se demande si on peut faire plus bête et méchant. Histoires courtes et assez « hard » pour public averti, voilà une BD (ou roman graphique) qui ne respecte rien. Mais absolument rien. En ce qui me concerne, j’ai applaudi des deux pattes. Vivement d’autres de cet acabit.

Il était une fois…

Paf et Hencule sont deux amis un peu barrés. Pour ne rien arranger, ils sont docteurs. Ce sont leurs facéties, choquantes mais à se taper sur les cuisses, sous la forme de courts strips, que le lecteur découvrira. Jusqu’à l’écœurement. En bonus, une courte histoire de Satin au Congo à la recherche du meilleur plat cuisiné d’Afrique. Si si.

Critique de Paf et Hencule

Conseillé par un libraire après avoir demandé un ouvrage (cf. infra) du même acabit, lu en quinze minutes à peine (soit 1 € la minute, aïe), ça valait largement le coup (au porte monnaie). Déjà, le lecteur attentif saura à quoi s’en tenir avec le nom des deux auteurs : Goupil Acnéique, et Abraham Kadabra. Come on

Paf et Hencule, ce sont Pif et Hercule qui ont grandi. Et ont très mal tourné au demeurant. Malsains, homophobes, racistes, aux jeux de mots très douteux, les deux affreux vont très loin dans la méchanceté. A noter une brève histoire au beau milieu du roman, et qui au déjanté ajoute une note d’humour très « néo colonialiste ».

Ensuite, le dessin et le style en général. Strips de trois cases, couleurs minimalistes, le texte semble plus important que l’illustration, même si cette dernière sait se faire acide. Exactement ce qui convient pour ce type de plaisanteries subversives, rien à dire.

Enfin, il y a quelques petits plus bien savoureux. Accrochez-vous : la note de l’éditeur, qui expose les raisons l’ayant amené à signer avec nos deux loustics ; un témoignage de Philippe Vuillemin (le dessinateur des Sales blagues de l’Écho quand même) qui déciderait, en lisant cette BD, de raccrocher définitivement ; les remerciements des auteurs à regarder de bien près.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’humour très noir. Plus d’un lecteur sera ébaudi par l’audace et le non respect de certaines conventions de la part de Goupil et Abraham. Je vais éviter de donner des exemples, en moins de deux vais avoir des problèmes. Allez, juste un : une ambulance au Mc Drive, avec les deux docteurs demandant rapidement leur menu, tout en signalant qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Pour ma part, c’est tout à fait mon style. Mais à ne pas mettre entre toutes les mains.

Encore une fois, l’éternelle question : peut-on rire de tout ? Pierre Desproges répondait « oui, mais pas avec tout le monde ». Si Audiard faisait dire à un tonton flingueur qu’on reconnaissait les cons à ce qu’ils osent tout, alors Acnéique et Kadabra sont des cons géniaux. Ou des génies très cons, puisque leur réponse à la fameuse question est : oui, du moment qu’on fait du fric. Bien répondu.

Le déjanté est également de la partie. Le scénario avec Satin part dans tous les sens, avec un dénouement plus que douteux. Et quelle idée d’invoquer et animer un grand reporter, Albert Londres, dans les pérégrinations d’un animal alcoolique et excessif ? Pour la petite histoire, Albert L. est décédé dans un incendie alors qu’il avait un article explosif en cours de rédaction. Le seul couple à qui il a confié une copie a été ensuite tué. Les Lang-Willar. Retenez bien ce nom.

…à rapprocher de :

– La suite, Deux hommes en colère, est également hilarante.

– Humour noir, nordique ai-je envie de dire, lisons (enfin regardons surtout) ensemble Et ça vous fait rire ?, d’Hugleikur Dagsson. Voire DJ set, du même gus.

– Puisque je parlais des Lang-Willar, Le Tigre ne sait pas s’il existe un rapport, mais c’est curieux de remarquer qu’un certain Thibault du même nom a également sévi dans l’horrible, avec son très glauque Un fauteuil pneumatique rose au milieu d’une forêt de conifères.

Enfin, si votre librairie est fermée ou ne vend pas ce genre d’horreurs, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Harold Jaffe - 15 Serial Killers : DocufictionsVO : idem. Essai novateur et somme toute décalé, bienvenue au pays des tueurs en série. 15 histoires courtes sur des meurtriers de masse, quelques surprises mais surtout une acerbe critique de la société du spectacle qui se délecte de ces individus peu recommandables. Sympathique, sans plus.

De quoi parle 15 tueurs en série, et comment ?

Harold J., né dans les forties et une vingtaine de romans et d’essais au compteur, s’est intéressé à quelques tueurs en série. Docufictions, c’est un terme outre-atlantique pour désigner un mélange de documentaire et de fiction. Un peu à l’instar des docudramas, ce que certaines chaînes de la TNT (pour ne pas les nommer) proposent le soir en revisitant un fait divers avec des images de reconstitution de qualité fort discutable.

Dans cet essai, l’auteur propose une quinzaine d’exemples de cas extrêmes de protagonistes ayant allègrement zigouillé tout ce qui leur passait sous le nez. Parmi eux, les classiques (Manson, Unabomber) et d’autres plus surprenants. A ce titre, dédier à chapitre au Nobel de la paix Henri Kissinger, c’est certes très drôle mais too much à mon goût. Derrière tous ces exemples, c’est la propension « voyeuriste » et la surmédiatisation de ces cas qui est mise en cause.

En effet, Mister Jaffe ne s’embarrasse pas de tournures de phrases elliptiques, tout est « balancé » crument et sans réelle finesse. Le lecteur, ainsi, pourra être mal à l’aise face à une débauche de violence qu’il, paradoxalement, a envie de lire encore et toujours. Le gros plus de cette Dodufiction, c’est le style changeant de l’auteur : tour à tour narrateur omniscient, à la place du meurtrier, journaliste,… chaque chapitre apporte son exercice de style unique. 10 à 15 pages par chapitre, écrit assez gros, ça se lit plutôt vite.

Bref, la critique venant à la fin, de cet essai Le Tigre n’a gardé que peu de souvenirs, sinon la déception d’un quatrième de couverture qui promettait beaucoup, et 200 pages qui se laissent passivement lire. Dommage.

Ce que Le Tigre a retenu

La fascination de la violence. Le Tigre se demandait, « pourquoi donc garder le titre en anglais ? ». Et bien, parce que ça claque plus. Tueur en série, c’est plus vendeur que meurtrier récidiviste, ou de masse. De tels individus exceptionnels, hors normes et au comportement que le commun des mortels n’oserait imaginer, mince c’est E.T. à portée de main ! Cette agressivité extrême, qui est l’incarnation de la négation de l’autre en tant qu’individu, c’est à la limite un sujet dont les Américains sont fiers. Regardez, il n’y a que nous qui produisons de tels personnages, ça et notre tradition historique de violence, voilà les clefs pour nous comprendre, c’est un peu ce que tente de faire dire l’auteur.

Par conséquent, Harold dénonce la célébrité indue du tueur en série. Répondant à une demande forte de la part de l’audimat, les médias se portent plus volontiers sur le personnage (le héros, presque, à la façon dont on déroule son CV !) que les victimes, dont on se fout royalement. Objets de la folie d’un homme, ces pauvres personnes présentent au mauvais endroit et moment perdent de leur humanité. Comme s’il fallait encore plus souligner l’aspect « inhumain » des exactions perpétrées sur ces dernières (très journalistique, cette phrase).

Les psychopathes. L’auteur tente de se mettre à la place de certains « illustres » représentants de cette race à part, l’exercice est ambitieux et parfois cocasse. Je ne vais pas vous expliquer le fonctionnement d’un socio ou psychopathe, il y a des bouquins bien meilleurs dans ce domaine (et dans ce blog, joie !).

…à rapprocher de :

The psychopath test, de Jon Ronson, est un peu plus « scientifique » mais tout aussi marrant dans certains chapitres.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.

Hugleikur Dagsson - Et ça vous faire rire ?VO : should you be laughing at this ? Il y a des ouvrages qu’on trouve par hasard. Et dans ce cas, qui feuillète, achète ! Nombreux dessins au texte percutant et violent, comment un si petit pays peut produire cela ? Il y a quelque chose de pourri au royaume d’Islande. Qu’est-ce que j’ai pu me marrer. Et oui, ça a fait rire Le Tigre toujours en quête de scandale littéraire.

Il était une fois…

Hugleikur Dagsson est Islandais. Né à la fin des années 70, avec un certain passif dans les journaux locaux. L’Islande. Pays magnifique où l’hiver les nuits sont longues. Très longues même. Muni d’un stylo et d’un cerveau dérangé, le fils de Dags (c’est bien comme ça que leur nom est créé ?) nous livre quelques pages où son humour troublant s’exprime dans toute sa majesté.

Critique de Et ça vous faire rire ?

Depuis le temps que Le Tigre prend claques sur claques question BD dérangeantes, sa fourrure a un peu terni tel un tapis trop longtemps exposé au soleil. Mais d’où sort cet auteur, sinon du trou du cul du diable en personne ? Excusez le vocabulaire.

D’abord le style, presque inimitable. Plus minimal comme coup de crayon, jamais vu ! C’en est même enfantin, ce dessin, alors imaginez l’impact lorsque les traits, représentant quelque chose d’immensément sordide, sont assortis d’un court texte encore plus violent. Ou alors une image simple (prenez un jeyser islandais avec le père et sa fille autour) et une seule phrase, drôle et terrible (genre « regarde, ma chérie, c’est le diable qui éjacule »). Rien que ça.

Hugleikur ose tout, son imagination débordante ravira le lecteur en quête d’humour borderline. A ce titre, ce n’est pas parce que les illustrations semblent gentillettes qu’il faut laisser cet ouvrage dans n’importe quel main. Avant 17-18 ans, il y a des références qui ne passent tout simplement pas.

Bref, près de 200 pages qui se liront à vitesse grand V, avec certaines blagues qui vous laisseront un peu sonné, il y a aura au moins une que vous trouverez de très mauvais goût. Pour Le Tigre, c’est le petit sur son lit, entouré de seringues et répondant à sa mère qui lui demande de venir à table : « pas tout de suite maman, je fais une partie d’échecs avec Han Solo ». Aïe.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les interdits. L’auteur les brave tous, non sans un certain brio. Blagues homophobes ? Check. Racisme délirant ? Done. Inceste, enfance brisée ? Voilà. Meurtres et usage de drogues ? Suffisait de le suggérer. Religion, sciences, folie ? Et hop. Même le satanisme s’invite… Bref, tous les domaines en prennent pour leur grade. A mon sens, voici la liberté de ton, décomplexée et sans limites, de ce que peut produire la culture nordique.

L’humour glauque et violent. Jusqu’à l’insoutenable parfois. D’une part, les sujets de mister D. sont éclectiques. Le lecteur ira de surprises en surprises, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre en tournant la prochaine page. D’autre part, contrairement à une liste de blagues, voire une BD un peu plus « recherchée » qui laisse le temps de gentiment reprendre son souffle, la simplicité du trait et du texte fait qu’on prend cases sur cases très vite dans la figure. Ça se lit trop vite, on déjà la dernière page est atteinte.

…à rapprocher de :

DJ set, la suite, est trop courte mais bonne.

– Dans le style très vilain, reprenons Paf & Hencule (French Doctors suivi de Deux hommes en colère) d’Acnéique et Kadabra. Avec plus de classe, je pense plutôt à Nicholas Gurewitch et sa Perry Bible Fellowship Almanack.

– Des dessins grossiers (mais avec des couleurs) au service du pire, nous pensons tout de suite aux Sales blagues de l’Echo, de Vuillemin.

– En plus gentil, il y a les Idées noires de Franquin (l’intégrale bien sûr).

Enfin, si votre librairie est fermée ou n’ose pas commander un tel ouvrage, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Les Sutras du TigreLe titre, le numéro du présent Sutra, il s’agit bien de ce que vous pensez top of the head. Pas vraiment évident de pondre un article sur l’acte charnel tout en lisant, sans tomber ni dans le graveleux ni dans les lieux communs. Un exercice qu’affectionne Le Tigre, c’est parti.

Faire l’amour en lisant ?

La Procréation Littéraire (ci-après PL), c’est tout simplement s’activer sur son (ou sa) partenaire pendant un petit moment de lecture. Le Tigre est un fier mâle, donc le partenaire sera au féminin. Aussi ne vous gênez pas, à votre convenance, pour « interchanger » les sexes du Sutra. De copain (étymologiquement, cum-panem, celui avec qui on partage le pain), vous pouvez lire copine (celle avec qui on partage la pi…euh, non, l’étymologie a ses limites).

A ce titre, il convient de clarifier le sens sémantique de la PL. « Procréation », puis « Littéraire ». S’il y a un ordre, ce n’est pas pour rien. Il s’agit d’abord de procréer, puis de lire. Bref, le faire en lisant, et ne pas lire en le faisant. Vous suivez ? Entre ces deux activités, il y en a quand même une prépondérante qui va vous bouffer un peu plus de ressources (et mobiliser plus de sens) que l’autre. Si c’est la lecture, interrogez-vous un peu sur la qualité de vos ébats.

Dans cet article, rien sur la littérature érotique (qui fait l’objet d’un autre article), juste quelques modestes conseils pour faire l’amour tout en s’adonnant au petit plaisir de la lecture. Je préfère l’annoncer tout de suite, à part si vous êtes doctorant avec seulement 5h par jour à faire autre chose que travailler sur votre thèse (dont 4h30 à dormir), se taper discrètement un roman (ou essai) pendant l’acte sans que le partenaire ne le remarque est impossible. Autant tenter d’éternuer tout aussi discrètement dans une bibliothèque universitaire dans laquelle notre doctorant travaille.

Pourquoi mélanger sexe et littérature ?

Pourquoi s’essayer à la littérature sous couette alors ? Quel est le petit plus d’un tel acte ? En effet, au premier abord, lecture et intimes exercices physiques ne semblent pas faire bon ménage. Au même titre que la migraine. On a tous l’image d’Épinal de son conjoint, en pyjama pas übersexy pour un sou (ou pire, une robe de chambre) installé à côté de soi sur un canapé ou un pieu (pas celui de la version X de Twilight) et en train de compulser les pages d’un truc dont la plupart du temps on se fout.

Ou alors, concernant la vie d’un couple (tous nés avant les années 50) après le film de TF1, on se plaît à voir Madame en bigoudis sur le dernier Amin Maalouf, et Monsieur à lire le dernier tome de la biographie du Général. Bref, le livre ne paraît pas être « l’agent provocateur » des voluptueuses envolées des chairs moites de plaisir (c’est bon, je maîtrise le vocable de la bibliothèque rose).

A la rigueur, vous pouvez laisser traîner, sur la table de chevet de l’autre, un mignon roman érotique (ou un marque page sur les scènes les plus torrides d’un Houellebecq), mais une fois le message compris, le pauvre petit bouquin ne sera remisé qu’au rang d’impuissant spectateur. A peine un catalyseur, et la seconde fois la mayonnaise (sans jeu de mots) ne prendra pas aussi aisément.

Comment niquer avec un bouquin ?

L’esprit du Tigre est carré, d’où quatre chapitres sur les moyens de marier sexe et littérature.

La base littéraire érotique. Il y a toujours le livre offrant conseils, illustrations (dessins, voire photos, miam) à l’appui. Kama Sutra ou autres Livres des délices interdits de la cour de Soliman Le Magnifique, on prend une page au hasard, on s’étire un peu et en avant la musique. Je l’admets, ce n’est aujourd’hui guère subversif, il y a à peine de quoi s’encanailler. Toutefois, dans certains milieux, ça reste extrêmement underground comme approche.

Souvent, ce sont dans les descriptions écrites, que vous lirez tout en essayant de placer votre jambe gauche derrière son buste tout en accrochant votre main droite à son omoplate opposé, que le fou rire peut survenir. Vous désacraliserez l’acte en l’intellectualisant à outrance, créant de facto une complicité grandissante. Prendre un page au pif, essayer, recommencer, j’ai conscience que c’est un peu ennuyeux à la longue, et surtout trivial. Je peux faire mieux.

La PLA. Ou Procréation Littéraire Assistée. La PLA, c’est lorsque la lecture uniquement vous dira quoi faire. Ça peut être un livre à clefs. Vingt minutes que vous avez commencez, que des préliminaires ; et enfin votre page vous donne rendez-vous au chapitre 33 pour savoir où mettre votre doigt, chapitre 68 si vous avez fait face avec votre pièce de 1 €. Le Tigre, plus geek, préfère les logiciels de randomisation d’actes à accomplir : vous êtes tous les deux face à votre écran, et toutes les vingt secondes une action à effectuer apparaît. Prise d’initiative proche de zéro, activité de lecture intense surtout quand l’écran est splitté (un cadre pour la femme, l’autre pour l’homme), imaginez un jeu à mi chemin entre le Twister et le Rapido.

Le « j’y suis j’y reste ». Vous sentez que votre amoureux(se) est sur le point de vous faire une proposition que vous ne saurez refuser, et là il faut la jouer fine. Prenez un livre que vous avez déjà commencé, lisez le avec intérêt, et dès que le désir de l’autre se fait plus pressant, demandez lui si vous pouvez terminer au moins le chapitre pendant les préliminaires. Pour ne pas passer pour un malotru de premier ordre, faites bien comprendre que vous sacrifiez sur l’autel de son plaisir une lecture qui s’avérait satisfaisante. Proposez lui ensuite des positions permettant de terminer le chapitre (plus long que prévu bien sûr), tout en lui susurrant à quel point il/elle devrait essayer de faire la même chose.

Les pages à fleur de peau. Derrière ce terme hautement romantique se cache une conception tout à fait sympathique de la littérature. L’idée est de choisir une courte histoire, si possible avec un certain suspense (un poème peut remplir son office), et l’écrire sur votre corps. Il y a des stylos adaptés pour cet exercice, de grâce n’utilisez pas du chocolat, c’est digne d’un film érotique germano-polonais des années 80. Vous avez compris, Madame (ou Monsieur) sera obligé d’inspecter scrupuleusement chaque partie de votre corps (et vous le faire savoir) pour lire l’intégralité de votre œuvre.

En suivant mon raisonnement, vous aurez tout intérêt à y écrire une devinette, avec la solution qui apparaît dans son intégralité à un certain moment d’excitation. Pour les femmes, si vous avez la flemme ou ne savez écrire la fin, faites vous tatouer une grille de Sudoku sur le ventre (ou le dos), puis consentez quelques minutes à votre partenaire de jeu pour la remplir. Concentration aidant, vous ferez ce que vous voulez de son corps.

Conclusion coquine

C’est la dernière fois que Le Tigre demande à sa compagne de lui choisir un thème de Sutra. Si ce que je raconte est plus qu’improbable, c’est bien que lire et baiser procréer (enfin s’entraîner) en même temps, ça ne se fait décidément pas.