Les Sutras du TigreSutra au titre clair et concis, Le Tigre s’apprête à traiter un épineux sujet. Again. Au cas où certains lents d’esprit ne l’auraient pas compris, quand je dis « lire », je parle de littérature (et pas d’un journal ni de son mobile, sauf s’il y a un roman dessus). Et « écouter » de la musique, pas une conférence ni un podcast d’émission en mp3. Allons-y.

Musique et littérature ?

D’où me vient cette idée ? Je n’insulte jamais l’avenir et me prépare souvent au pire. C’est pourquoi, dans la maison de l’arrière-grand-père (qu’on appellera ensuite Hamilcar), le jeune Tigre fouillait régulièrement les recoins lors des longs week-ends dans la baraque du vieux..euh, de pépé Hamilcar. Seul, j’effectuais un large inventaire des biens et possessions du lieu en vue de savoir quoi récupérer de valeur mieux connaître mes origines au cas où l’ancêtre clamserait plus vite que prévu.

Une vraie caverne d’Ali Baba. Non, mieux ! A mes yeux le grenier du vieux me semblait être l’entrepôt de l’Atlantide avant qu’une marée de fort coefficient vienne y foutre le daroi. Il y avait de tout : des courriers en lettres gothiques écrits par une certaine Mme « Kommandantur » ; quelques revues style Échos des savanes, Playboy ou Lui, ce dernier magazine m’ayant procuré d’humides émois avec quelques planches de Manara ; une femme dénudée, d’apparence asiatique et en ivoire (j’ai appris plus tard que c’était l’usage, par pudeur, dans les cabinets médicaux japonais) ; de grosses sucettes en fer blanc que je mâchonnais (en fait des prothèses de hanche prélevées avant incinération…), et tutti quanti.

Et soudain, le 12 février 1989 vers 16h33, un vieux parchemin attira mon attention. N’y comprenant goutte mais supputant que celui-ci me sera d’une grande utilité d’ici une quinzaine d’années, je le substituais en le rangeant dans mon carnet de devoirs. J’étais de toute façon fermement décidé à ne pas ouvrir ce dernier de la semaine. Ce geste en d’apparence anodine est tout bonnement la pierre angulaire du présent Sutra. C’est pourquoi, chose assez rare sur ce blog, je l’ai reproduit dans son intégralité :

qltl-cerveau54Ce schéma rejoint bien ce qu’on sait du CV d’Hamilcar : éminent et meilleur neurologue du pourtour de Nevers (des mauvaises langues disent encore « parce que c’était le seul »), boucher à ses heures (pas en tant que soldat), personnellement responsable de la hausse de la natalité de trois départements, bref un homme complet et donc accompli. A une période où on pouvait inventer de tels titres non reconnus par l’Académie de médecine, il arrivait à l’arrière-grand-père du Tigre de coucher sur papier ses remarques les plus pertinentes en matière de neurosciences.

Pourquoi écouter la zik’ avec un roman en main ?

Pourquoi ce dessin, et comment l’interpréter ? D’abord, questionnant le voisinage de pépé, il s’avère qu’il passait le gros de son temps à faire des expériences in vivo (comme dans L’Homme terminal de Crichton) avant de disséquer les cervelles des truies de sa bétaillère. Et ce au lieu de les vendre à la foire bimensuelle de Saint-Eloi, ce qui causa quelques difficultés financières. Peut-être a-t-il hâtivement étendu à la race humaine ses premières constatations, mais Le Tigre se reconnaît dans le parchemin.

En effet, la description est sans appel. Sachant qu’on ne peut mobiliser qu’une partie de son cerveau à la fois, les zones « lire » et « écouter de la musique » n’ont hélas aucun point commun. C’est soit l’un, soit l’autre, point barre. Pépé Hamilcar, sublime philanthrope (quoique misogyne…) devant l’éternel, a également compris que la fonction reproductive occupe une place prépondérante, pour ne pas dire reptilienne, dans notre processeur humain. C’est ainsi que lire en copulant ou se palucher (tutoyer le capuchon pour les ladies) allègrement en lisant Chambre 121 reste parfaitement possible. Comme faire l’amour avec de la musique en fond de toile.

Toutefois, je sentais qu’il y avait quelques lacunes dans cette illustration dont je m’étonnais qu’elle ne figurasse point dans le dictionnaire Larousse médical de 1930. Certes je ne peux en général parcourir les lignes d’un délicieux ouvrage soigneusement sélectionné avec de la musique autour. Mais ma propre expérience empirique, confirmée par un personnage dont je n’osais remettre la parole en doute (on ne voyait que trop rarement arriver la taloche du vioque mécontent), ne suffisait pas à faire taire mes doutes.

Tout d’abord, il m’est arrivé (à mon insu) de boucler quelques chapitres avec la radio entendue dans certaines stations de RER, voire en plein wagon à côté d’un accordéoniste qui n’a rien à envier à VGE. Ensuite, plusieurs connaissances m’assènent régulièrement lire avec les écouteurs à fond les ballons. Enfin, pourquoi l’Homme qui d’habitude est multitâche renâclerait face à une telle configuration ? Lire ou écouter de la musique, voici comment ne pas avoir à faire ce choix.

Comment lire avec des écouteurs dans les oreilles ?

Puisque le sujet est « lire en écoutant », et non l’inverse, c’est sur l’écoute qu’il va falloir travailler. Celle-ci doit s’adapter à la lecture, activité qui à mon sens est bien plus vorace en ressources intellectuelles. Après de longs débats avec ce que l’Europe fait de mieux dans le domaine des lecteurs tout-terrain, voici les enseignements du Tigre :

Primo, l’intensité sonore. A partir de 69 dB (grosso merdo une salle de classe mal tenue par un professeur correctement dépassé) c’est trop, la musique va prendre le pas sur le reste. Celle-ci doit être un bruit de fond, la musique d’ascenseur de vos lectures. Supprimer les interférences extérieures, oui ; interférer avec le livre, non. En plus, c’est mauvais pour vos tympans. Tous ces jeunes à mèches avec leurs énormes casques qui passent de la tektonik, laissez les profiter de la vie : à quarante piges, ils pourront même plus entendre leurs femmes simuler un orgasme.

Secundo, il est indispensable d’écouter des morceaux que vous connaissez bien. Représentez-vous un peu la scène sinon : vous vous mettez un nouveau live electro de Miss Kittin dans les oreilles, les premières minutes se passent plutôt bien et votre doigt tourne les pages à un rythme satisfaisant. Et soudain, remix sublime d’un morceau de new-wave. Un truc inconnu de votre esprit, des mélodies aguicheuses faites de boîtes à rythmes mélangées à un vieux synthé retapé par les bons soins de la DJette.

Et oui, vous venez de subir une embuscade sonore. « Hummm, c’est fresh ça, ai bien envie de savoir ce que c’est ! En attendant, j’augmente le son comme un sagouin » : voilà ce que vous vous dites (plutôt que mettre pause et attendre la fin du trajet). La musique devient prioritaire, par sa facilité due à la passivité votre bouquin sera abandonné comme un fidèle clébard le premier jour des vacances sur la première aire d’autoroute. Triste.

Afin de se garder d’un tel désastre, Le Tigre vous conseille (avec insistance) de programmer des tubes que vous maîtrisez : pas de surprises, que de la routine. En sus, si vous êtes vraiment au top, vous saurez quand le rythme s’apprête à monter (ou baisser), et ainsi vous anticiperez votre vitesse de lecture. Si en outre vous vous forcez à terminer un chapitre avant le quatrième refrain, que demander de plus ?

J’avais fait peu ou prou la même remarque concernant les voyages en transports en commun : si vous découvrez le paysage au lieu de le voir défiler pour la centième fois, il y a fort à parier que vous lèverez plus d’une fois votre nez de l’ouvrage.

Tertio, même si vous connaissez bien le morceau, évitez autant que faire se peut les titres musicaux excessivement chantés (les titres à textes). Imaginer la catastrophe : les rimes faciles de Bénabar en lisant un livre de Stephen King ; les niaiseries de Carla Bruni en parcourant la prose de Dan Simmons ; la voie néodéprimée de Raphaël en tournant les pages d’un Canardo, vous n’arriverez plus à prendre vos auteurs préférés au sérieux après ça. Pire, il y a un risque non négligeable de mélange !

Niet. A partir d’un certain « intellectualisme », les couplets sont des invitations à écouter (et non plus entendre), voire comprendre et savourer les bons mots du troubadour. Concurrence exacerbée entre les lignes lues (que souvent on subvocalise) et les conneries murmurées (ou criées) par le chanteur. Or votre cerveau (donc l’attention) n’accepte, à partir d’un certain seuil de concentration, que les monopoles. L’astuce consiste à passer de la musique en anglais, l’auditeur francophone moyen abandonnant très vite tout espoir de traduction simultanée.

Conclusion en mi dièse

Si la dernière partie peut vous sembler un peu faiblarde par rapport à la fable familiale que Le Tigre a concoctée, c’est parce que je m’efforce de ne jamais écouter de musique en lisant. Dans d’autres Sutras, je parlerai des écrivains qui indiquent ce qu’ils écoutent en écrivant, et quel type de musique écouter selon l’auteur.

Sempiternelle conclusion de la conclusion, pourquoi le Sutra #54 ? Référence musicale oblige, Le Tigre a tout de suite pensé au Studio 54, célèbre discothèque new-yorkaise qui a sévi entre 77 et 86. Drogues, sexe débridé, cette boîte est un peu à la musique ce que les Sutras sont au conseil littéraire : réservés à un public rare mais d’exception, endroit où la désinhibition est complète, bref la crème de la crème. Heureusement que Le Tigre n’a pas de chevilles.

San-Antonio - Les vacances de BérurierLe Tigre a lu énormément de San-Antonio dans sa jeunesse, et ne compte pas tous les résumer. S’il n’en fallait retenir qu’un, c’est décidément Les vacances de Bérurier. Scénario assez bien ficelé certes, mais ce sont tous les à-côtés qui font péter le score : jeux de mots délirants, vocabulaire déjanté, sur près de 350 pages ça ne s’arrête quasiment jamais. Un pur plaisir.

Il était une fois

Je vais (partiellement) reproduire le 4ème de couv’, et ce pour 2 raisons : l’histoire importe moins que le style. Et j’ai la flemme.

« San-A est appelé par son boss à une enquête au sujet d’une compagnie de bateaux de croisière : une stupéfiante série noire sévit à bord d’un de ses bâtiments le Mer d’Alors. Lors de chacune des quatre dernières croisières de ce fier navire, une personne a disparu du bord. La clique San Antonio au grand complet, Béru et Pinaud en tête, va embarquer pour tenter de tirer l’affaire au clair. Et franchement, il s’en passe de belles sur le Mer d’Alors… La croisière s’amuse, certes, mais pas seulement. »

Critique des Vacances de Bérurier

Lu vers mes 16 ans, relu dix ans après, le bonheur de parcourir ces pages est resté entier. Le lecteur prend coups sur coups avec ce titre qui fait la part belle aux délires du génial Frédéric Dard, ici écrivant sous son pseudo le plus connu, San-Antonio. Sorti en 1967, ça n’a quasiment pris aucune ride. Le scénario et le vocabulaire, excessifs, sont presque intemporels.

L’histoire est plutôt marrante, avec nos héros et leurs compagnons (la Pinuche, Béru et son énorme épouse, accompagnée du fétiche Félix, Marie-Marie, le boss,…) installés dans le Mer d’Alors (superbe paquebot) pour comprendre comment des passagers y disparaissent. Très vite à cause de Béru (la scène du diner est mémorable) les protagonistes deviennent personae non gratae (ça passe ce pluriel en latin ?) et sont enfermés dans les cales, jusqu’à ce qu’ils en sortent et se mettent au boulot.

Avec San-A, ce sont toutes les péripéties secondaires qui envoient du très lourd : Félix et son zob de taille inhumaine qui créé une lucrative entreprise d’exhibition, Béru qui devient propriétaire du navire, le PDG de la société qui est plus que de raison au désespoir, rien que le match de tennis du début est à se taper sur les cuisses. Imaginez, le roman commence par cette phrase qui annonce la couleur :

Vous connaissez tous ma devise ? Elle est la même que celle des Kennedy : « ne jamais se LAISSER ABATTRE ! »

Je pourrai en reproduire des centaines d’autres de cet acabit, hélas ce n’est pas le but de ce site. Néanmoins, dans les Sutras du Tigre, vous pourrez glaner ici et là quelques tournures de phrases empruntées au style de cet auteur. En conclusion, le meilleurs moyen de commencer San-Antonio. Si cette saga ne vous dit rien lisez au moins ce titre, condensé de ce dont est capable l’écrivain.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’excès. Ce qui marque dans Les vacances de Bérurier, ce sont les nombreuses désopilantes digressions que nous offre Dard. Jamais longues, toujours corrosives, ça se lit avec une parfaite fluidité. Parlons-en, du style de l’auteur : il peut vous balancer une phrase avec quarante verbes (dont vingt inventés) synonymes pour exprimer une idée ; faire parler un protagoniste (Béru ou le PDG) sur deux pages avec une intensité drolatique crescendo ; s’étendre sur des scènes (de cul, de repas qui se termine en mer de vomis) en usant et abusant de métaphores et autres figures de style, bref impossible dans la vie réelle de rencontrer de tels individus. « Et c’est bien dommage ! », se défend l’auteur dans une très courte préface.

L’humanisme. Derrière les culbutes et calembours de San-Antonio (héros narrateur auquel Dard s’identifie) se cache une philanthropie que je qualifierai de « tendre ». Si les personnages nous font autant rire, c’est qu’ils sont désespérément humains : les traits sont certes grossis à l’extrême, mais c’est pour mieux nous montrer les défauts (et qualités) de chacun. [Attention SPOIL] A ce titre, le fin mot de l’histoire est assez beau : il s’agirait (si Le Tigre a bonne mémoire) en fait de disparitions volontaires de la part de personnes souhaitant prendre leur distance avec la civilisation [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– Sur le vocabulaire délirant, peu d’égaux du père Dard. Arnaud Le Guilcher a quelques jaillissements du même genre dans son roman En moins bien.

– La fin est assez proche que celle du film San-Antonio de 2004. Qui est un nanard pur carat au passage. Une catastrophe dont les scientifiques s’étonnent encore.

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Boisserie & Pliquin & Brahy - Le temps des citésBD sans grosse surprise, ça se lit presque comme un documentaire touche-à-tout. Les auteurs, connais pas. Gangs à la française vs. caïds de banlieues, trahisons en tout genre, relation flics/délinquants avec leur familles respectives, tout ça ne casse pas trois pattes à un canard. Heureusement que le dessin n’est pas dégueu. Y’a pire certes.

Il était une fois…

Banlieue parisienne, cité des Mirabelles, début des années 80. Momo, Pap, Rachid et Patrick, quatre jeunes de la cité, vivotent de menus trafics. Ne manquant ni d’idées ni d’ambition, nos quatre amis vont progressivement élargir leur business jusqu’à traiter (et challenger même) la pègre française. De sauvageons (qu’est-ce que ce terme me fait marrer) un peu racailles sur les bords, les héros vont se transformer en puissants caïds qui vont attirer l’attention des mafias et de la police. A la Churchill, ce sera beaucoup de sang, de larmes et de sueurs froides.

Critique du Temps des cités

Une intégrale de moins de 15 boules en 144 pages, merci aux pigeons qui ont acheté les trois tomes séparément pour plus de dix sacs ! BD rapide à lire et dotée d’une fin qui n’en est pas vraiment une, la magie de l’achat compulsif a encore opéré. Le Tigre ne laissera personne sur le bord du chemin, que cela soit clair.

Le scénario m’a déçu, et c’est fort dommage : Le Tigre a eu l’impression que les auteurs souhaitaient placer un maximum de références de la criminalité des « téci » et des moyens pour les combattre : trahisons en tout genre, filatures policières, les go-fast sur l’autoroute, quelques scènes presque gores, il y a même les bourgeoises désireuses de se faire sauter par des racailles ! Hélas l’ensemble ne tient guère la route, et Le Tigre a cru déceler quelques raccourcis ici et là. Pas assez complet, le comble pour une intégrale. Mais pour moins de 150 pages, on ne va pas se plaindre.

Sur le dessin et l’harmonie générale des cases, c’est désespérément classique. Ligne claire, couleurs majoritairement ternes (quand ce n’est pas pourpre), à peine quelques effets de style (faire péter deux scènes d’action en alternant les cases) : le tout est plutôt morne en fait. Et ce à cause des expressions des personnages, j’ai eu la sensation de regarder des figurines du musée Grévin…

Vous l’aurez saisi, c’est loin d’être un chef d’œuvre. Si Le Tigre ne donne pas la pire notation à Le temps de cités (le jeu de mot sur les cerises est pitoyable), c’est parce que c’est un peu de ma faute : j’ai acheté ce truc au supermarché, et c’était la seule BD qui me semblait valable. Un bon point donc. Mais pour la grande surface en question, c’est gravissime.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La jeunesse déboussolée. Je ne vais pas sortir les poncifs politiques habituels, mais les auteurs décrivent bien le désœuvrement de ces jeunes, et l’attrait rapide de l’argent facile. Trois types : le délinquant, le jeune flic et l’avocat (évidemment véreux). Quelques figures tutélaires (la daronne, la grande sœur) essaient de cadrer nos protagonistes principaux, souvent sans effets. Et lorsque ces derniers offrent à la smala une belle maison en campagne, c’est qu’ils n’ont pas compris ce que veulent leurs proches.

Les caïds de la banlieue. Rongés par l’ambition, la bande des quatre (fallait que je la place) ne s’en tient pas qu’au trafic de quartier. Très vite ils pensent plus haut, plus loin, en s’approvisionnant directement en Espagne, quitte à doubler leurs fournisseur. Leurs méthodes sont plus expéditives, moins « fines » en quelque sorte et beaucoup de problèmes se règlent à la Kalach’. Le plus inquiétant dans tout ça, c’est la police qui met un certain temps à réaliser la menace de ce qu’ils croient être des voyous de seconde zone.

La police française, enfin. Œillères face à la réalité des banlieues, il y a du mauvais mais du positif : le flic-héros d’origine polonaise, l’antigang qui se bouge le cul à la fin. Vie ingrate (réveil à des heures indécentes), reconnaissance quasiment nulle, fugace impression de lire le story-telling d’un mix de Braquo et Engrenages. Avec la coopération européenne en sus.

…à rapprocher de :

– Jonquet a pondu une petite merveille de style sur l’ambiance des cités avec La vie de ma mère !

– Pour de vrais polars avec de zolis dessins, allez-voir du côté de Parker (Le Chasseur ; L’organisation ; Le Casse) ou un vilain Baron Samedi (ça se passe en France) de Dog Baker.

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QLTL - Deux frères« C’est quoi ce bordel, un dessin qui n’a aucun rapport avec un livre ? ». Cher lecteur, un peu d’empathie : un film qui parle de deux frères tigres, je ne pouvais rester indifférent à une telle œuvre ! Et puis le gribouillage en question reste sur un sujet livresque.

Deux frères, c’est l’histoire de deux tigres (forcément kawaï) séparés à la naissance. L’un officie chez un notable local, l’autre est employé dans un cirque. Le tout se passe dans le Cambodge colonisé des années 20, avec ses paysages oniriques, notamment le temple où vivait l’heureuse tiger family avant que de vilains humains ne débarquent tout saccager. Hélas je n’ai pas pu voir le film jusqu’à la fin, malgré ces majestueux animaux j’ai baillé plus d’une fois.

Quant au dessin, celui-ci traite de la difficulté, une fois élevé dans la jungle, de retourner à ce qu’on appelle la « civilisation ». Inversion totale des rôles, l’état sauvage (en particulier chasser le livre) étant ici une délicieuse zone de liberté littéraire où les livres poussent naturellement sur de magnifiques arbres : certain sont grands et malades (un mégastore au hasard, la FNAC bientôt), d’autres sont d’apparence plus robuste et proposent une grande variété de savoureux mets.

Le but, à terme, étant bien sûr d’avoir sa propre plantation. Contrairement à la vision relativement pessimiste de cette iconographie, ne pas avoir fréquenté de librairies dans sa jeunesse (et même pendant des décennies) ne fait pas de vous un individu peu porté sur la littérature. Il est toujours possible de trouver ce qui est susceptible de nous plaire, et si vous trouvez le temps (ce blog peut vous y aider) de lire, votre liste de romans lus peut s’allonger aussi sûrement que le déficit public de la France. Le temps perdu se rattrape toujours, oserai-je dire.

A titre d’exemple personnel, je me suis botté le derrière à lire sans arrêt qu’à partir de mes vingt ans : cinq ans après j’étais considéré comme un insondable puits de références littéraires et commençais à être invité dans les plus prestigieux dîners du gotha afin de dispenser mon savoir comme Raspoutine ses coups de rein. Ou l’inverse…

George Orwell - La ferme des animauxVO : Animal Farm. L’autre classique d’Orwell, plus digeste et à portée d’un lectorat bien plus vaste. A la manière d’un La Fontaine, l’auteur a imaginé une courte histoire avec des animaux, entraînés par des cochons, qui vont prendre le pouvoir dans la ferme. Critique à peine voilée de l’URSS, on peut raccrocher à chaque animal son personnage politique.

Il était une fois…

21 juin, dans la campagne de sa très gracieuse Majesté, gronde la révolte de quelques animaux. Les humains sont chassés, les cochons Snowball et Napoléon prennent le pouvoir. La constitution du régime est « Tout ce qui est sur deux jambes est un ennemi. Tout ce qui est sur quatre jambes ou possède des ailes est un ami. Aucun animal ne portera de vêtements. Aucun animal ne dormira dans un lit. Aucun animal ne boira d’alcool. Aucun animal ne tuera un autre animal. Tous les animaux sont égaux. » Mais l’utopie ne durera pas longtemps, entre crises politiques et difficultés financières, mais surtout l’attrait du pouvoir, tous ces évènements poussent les cochons à construire une solide dictature qui est le miroir à peine déformé de l’URSS des années 20 jusqu’à la fin des années 40.

Critique de La ferme des animaux

Un petit joyau d’Orwell, pas étonnant que ce titre soit sur les listes des livres à lire pour les collégiens (ou lycéens). Petit car en 150 pages la lecture est aisée, le lecteur ne sera à peine troublé par le style qui ne fait pas très forties.

Concernant le scénario, je ne vais pas vous l’expliquer par le menu, la partie précédente étant déjà bien fournie. Seule la fin mérite d’être relatée, avec le règlement du manoir qui progressivement s’efface pour laisser la place à un « Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres ». Lors d’un dîner entre cochons et humains, ceux-ci s’entendent si bien qu’il est difficile pour les autres animaux de reconnaître une espèce de l’autre.

Le Tigre, qui aime parfois briller dans les dîners de Mme la Baronne, a cru comprendre qu’il s’agissait d’un apologue (rien à voir avec l’apologie) : un texte narratif censé revêtir de précieux enseignements. Ici, c’est une partie de l’histoire de l’URSS qui est contée mais avec des bêtes (cf. infra). C’est bizarre d’ailleurs que personne n’ait eu l’envie de faire une suite à La ferme des animaux, il y a bien quarante années de soviétisme restantes qui attendent leurs fables animalières.

Comme 1984, voilà un texte que vous ne serez pas prêt d’oublier : plus de dix ans après Le Tigre a encore en tête les péripéties de nos cochons, vaches, poulets, canassons,… Seule l’analyse, plus fine, évolue avec l’âge.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les animaux et leurs homologues humains. Je ne m’en étais pas complètement rendu compte lors de la première lecture, mais toutes les bêtes ont leur équivalent du côté de l’URSS. Chaque cochon représente un apparatchik du parti (Staline, Trotsky,…) ; le cheval de trait (Malabar, rapport avec son cerveau malléable ?) est l’ouvrier soviétique qui a toujours cru au système et se fera plumer même dans la mort ; le corbeau qui incarne la religion, etc. D’autres sites se chargent mieux que moi de cette analyse, néanmoins l’ignorer n’empêche pas le plaisir de la lecture. Comme Fight Club

La dictature. Comme le communisme, l’idée de départ des dirigeants est belle et noble, on a envie que leur ferme (rebaptisée « manoir », déjà on est alerté) marche le mieux possible dans une harmonie parfaite. Mais comme toute utopie, le rêve fait place à la réalité teintée d’un effroyable cynisme. Les dictatures qui souvent sont initialisées par l’espoir trouvent leur alpha et omega dans La ferme des animaux, qui mieux que tout livre d’histoire rend compte, en un vocabulaire simple et efficace, des étapes séparant la félicité pour tous du bonheur pour une poignée.

…à rapprocher de :

1984 est sombre, pessimiste et beaucoup plus étoffé que le présent titre. Un chef-d’œuvre d’anticipation que Le Tigre hésite à résumer tant on a parlé de ce livre. Si je le fais, ce sera alors sous le sceau de l’humour.

– Plus court, plus marrant, mais avec les mêmes enseignements, il y a bien sûr Les fables de La Fontaine.

– Pour en apprendre un peu plus sur les dictateurs et leurs œuvres, L’Express a sorti Les derniers jours des dictateurs. 20 au total, édifiant.

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Ducret & Hecht - Les derniers jours des dictateursOuvrage presque « alimentaire » pour L’Express, cet essai ne fait pas que relater les derniers instants des autocrates en tout genre (vingt en tout, miam). Bref résumé de leur prise de pouvoir, description du hall of shame à coup de trahisons, persécutions et meurtres de masse, presque un abécédaire des grands malades du vingtième siècle.

De quoi parle Les derniers jours des dictateurs, et comment ?

Le magazine L’Express et un éditeur ont eu l’ingénieuse idée, dans le contexte des révolutions qui ont éclot un peu partout dans le monde, de sortir un livre sur les derniers jours des dictateurs. Sous la direction de Diane Ducret (essayiste sur les femmes des tyrans) et du rédac’ en chef de l’hebdomadaire (Emmanuel Hecht), une vingtaine d’auteurs a été invitée à raconter, en une quinzaine de pages à chaque fois, les ultimes instants des tyrans de ce monde.

L’organisation des chapitres suit une logique chronologique (date du décès ou de la fuite) efficace, et nous saurons tout sur la fin des gus suivants : Mussolini, Hitler, Pétain, Staline, Trujillo (République Dominicaine), Ngô Dinh Diêm (Sud-Vietnam), Papa Doc (Haïti), Franco, Mao, Houari Boumediene (Algérie), Pol Pot, Reza II (Iran), Idi Amin Dada, Tito, Leonid Ilitch (Brejnev), Marcos, Stroessner (Paraguay), Ceauescu, Noriega (Panama), Mobutu (Zaïre, future République Démocratique du Congo), Saddam Hussein, Ben Ali, Kadhafi et Kim Jong-il. De vrais G.O. d’un club de vacances. Merde, pas une femme dans le lot ! Les pays, c’est quand la « provenance » du vilain ne paraissait pas évidente (selon Le Tigre hein).

Il en ressort un essai relativement court (moins de 350 pages), où chaque chapitre a été écrit par une sommité en la matière (du moins il apparaît) avec sa courte bibliographie. Le style est pourtant relativement homogène, comme si Diane et Manu ont donné aux essayistes un cahier des charges aussi contraignant que le code pénal soviétique. Quelques bons mots, un humour fait de jeux de mots assez plaisants où perce un certain cynisme quant au sombre CV de ces infâmes chefs d’État.

Un chapitre commence généralement par une anecdote sur la fin du protagoniste, suivi de son pedigree avec ses hauts faits l’éloignant un peu plus du qualificatif de « démocrate », le dernier tiers s’attachant à raconter les moments finaux où un tel avait encore mainmise sur son pays. Le Tigre a lu en diagonale quelques passages, voire a lâché sur des dictateurs dont l’histoire me semblait moins intéressante (Ngô, le Shah d’Iran ou la thèse de l’empoisonnement de Brejnev). Dans l’ensemble, sympathique. Mais ne vous attendez à aucune révélation (particulièrement sur Khadafi ou Saddam H.).

Ce que Le Tigre a retenu

Alora, comment ils finissent leurs jours nos tyrans ? Avant de parler de leurs derniers instants, il faut remarquer quelques points communs. Le Tigre évoque rapidement la tolérance (voire le soutien) des démocraties occidentales ayant permis à des psychopathes de rester près de 30 ans aux manettes. A ce jeu-là, la France s’en tire avec les (dés)honneurs.

Le culte de la personnalité, bien sûr, avec plus ou moins d’intensité selon les contrées. Toutefois la constante reste les noms dont s’affublent les despotes pour se faire mousser. Duce, Führer, Timonier, Grand Secrétaire Général, Le Tigre (chacun son nom en fait) a particulièrement aimé les attributions à rallonge que Trujillo s’est donné : les énumérer prend 10 minutes, pile le temps qui lui était imparti lors de son discours à l’ONU. Roosevelt n’a donc laissé le temps à un plénipotentiaire uniquement pour réciter ces titres.

Certains, même, utilisent un sobriquet au point de ne plus se souvenir de leurs noms (Pol Pot, Staline, Papa Doc), comme de méchants rappeurs. J’ai cru aussi remarquer que la prise de pouvoir de ces chers (et oui, la captation de l’économie semble automatique) dirigeants ne se fait pas de manière pacifique. En outre, beaucoup ont été « placés » au pouvoir par des alliés (plus ou moins proches) ne misant pas un kopeck sur l’avenir de leurs poulains. Choix de consensus, le dictateur trompe son monde et s’accapare le pouvoir absolu en moins de temps qu’il en faut pour réciter les décorations militaires de Mobutu.

Pour la plupart, les derniers jours sont loin d’être glorieux. La maladie (due à l’âge bien sûr), grande responsable, a fait des derniers jours d’édifiants exemples d’acharnements thérapeutiques. Sinon, ça pue la lâcheté, la misère et l’impuissance d’un eunuque. Souvent aux abois, nos autocrates perdent appuis sur appuis et il ne reste que des ors du pouvoir un quarteron de fidèles en panique prêts à filer à l’anglaise. Quand ils n’arrivent pas à s’envoler vers l’étranger (l’Arabie saoudite étant une destination de choix) avec femme(s) et dollars($$) à force de négociations, ça ne se termine jamais bien. Au mieux c’est la prison ou la résidence surveillée, suivie d’une mort dans les mois qui suivent.

…à rapprocher de :

– Diane Ducret s’est également occupée des Femmes de dictateurs. Mme Mao n’a qu’à bien se tenir.

– Pour entrapercevoir à quoi ressemble un pays sous la coupe d’une de ces charmantes personnes, il y a Un mort à l’hôtel Koryo de Church (Corée du Nord), Limonov de Carrère (l’URSS), Seul à Berlin de Fallada (Reich millénaire) ou encore Rhum Express de Thompson (n’importe quelle république bananière).

– Désopilant, drôle et corrosif, Le dictateur avec l’acteur Sacha Baron Cohen comporte des scènes bien en-deçà de ce qu’ont pu imaginer nos dictateurs.

– Quelques uns ont eu l’insigne honneur d’avoir un film dédié : Der Untergand (Adolf), Le dernier roi d’Ecosse (Amin Dada), etc.

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Dan Simmons - RevancheVO :Hardcase,Hard Freeze etHard as Nails. Dan Simmons n’est pas qu’un écrivain SF de génie, il lui arrive de revisiter le genre hard boiled U.S. avec une certaine réussite. Violent, écriture sèche qui se lit d’une traite, les aventures de Joe Kurtz ne portent guère à l’optimisme en plus d’illustrer la méchanceté humaine. Si en plus quelques astuces digne d’un guide de survie en milieu urbain, que demander de plus ?

Il était une fois…

Le Tigre, pour une fois, va tenter de résumer les trois opus en un seul paragraphe. Quant aux jaquettes des titres, celles-ci seront livrées dans les parties qui suivent.

Joe Kurtz est un privé qui a un sens tout personnel de la justice. Pour avoir défenestré un criminel, il a passé quelques années en prison. A peine sorti de la taule qu’il replonge dans le bain des enquêtes pas nettes commandées par des individus peu recommandables. Car en Californie, personne n’est tout blanc ou tout noir, et se faire de la place dans les rues ressemble à marcher sur des œufs.

Critique des Enquêtes de Joe Kurtz

Dan Simmons - VengeanceSi j’ai dévoré les tomes très rapidement il y a quelques années, j’en garde un souvenir fort sympathique. Vengeance, Revanche, Une balle dans la tête, voici les titres qui se suivent dans cet ordre. Cela reste déconseillé, néanmoins il est possible d’en attaquer un au pif, le lecteur n’aura pas l’impression d’avoir un wagon-bar de retard.

Petit mot sur Dan Simmons, qui chez Folio semble squatter tous les rayons de ma bibliothèque : Folio (et Pocket) SF, Folio Policier, Folio « normal » (quelques nouvelles), quel talent, quelle girouette même ! Ici l’auteur s’attaque au noble art du polar noir américain, avec un personnage puissant au centre de scénarios qui ne le sont pas moins.

Joe Kurz, c’est un brillant détective privé un peu borderline (entendez sanguin) fort débrouillard question gestion de conflits. Grâce à ces trois ouvrages, notre héros se retrouve dans des situations de plus en plus complexes et dangereuses : boss de mafia, flics plus ou moins véreux, agent de probation, tueurs à gages, psychopathes à la gâchette facile,…Il arrive même à ce beau linge de poser des problèmes au citoyen « normal », et Kurtz n’est jamais loin.

Le style est vif et vite prenant : chapitres courts, action omniprésente, violence à peine censurée, c’est efficace et prenant comme une série policière. Pour 400 pages par titre, le risque de se procurer le premier tome est relativement faible.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Dan Simmons - Une balle dans la têteLe hard boiled. Le Tigre a un peu de mal avec ce style de polars américains des années 50 à 70. James Hadley Chase, Jim Thompson, ça passe. Toutefois je m’y ennuie souvent. Or Dan S. a donné une marque résolument contemporaine au style (bien plus rapide et compréhensible), tout en gardant le meilleur : le roman gris, à savoir des personnages ni blancs ni noirs, hautement infréquentables (Le Tigre pense au mafieux Farrino, voire à sa fille érotomane sur les bords) mais hélas parfois nécessaires au bon déroulement des enquêtes de notre héros. .

L’uban war. Dan Simmons est bien documenté, et nous expose les faits et gestes du protagoniste comme si on y était. Ingénieuses trouvailles pour désarmer un gus dans les WC d’un bar (le coup de la menue monnaie dans une chaussette, ça marche !) ; méthodes de négociations avec les criminels les plus chevronnés ; combats corps-à-corps ou avec des armes à feu (manière de se mouvoir avec ou sans flingue), notre héros est quasiment increvable. Tellement endurant que le dernier opus démarre après qu’il se soit pris une balle dans la carafe, c’est dire…

…à rapprocher de :

– Comme je le disais, Dan Simmons a une bibliographie impressionnante. En vrac, la SF avec les Cantos d’Hypérion, l’horreur avec L’échiquier du mal.

– Un autre polar de l’auteur, L’épée de Darwin, vaut le coup d’être lu. Même si c’est loin d’être le meilleur.

– Simmons verse aussi dans le thriller d’anticipation sociale. Flashback se dévore, toutefois c’est insupportable sur les idées de l’auteur.

– En plus de Joe Kurtz, le lecteur pourra rencontrer le détective irlandais (ancien flic) Jack Taylor, de l’écrivain Ken Bruen. Quelques titres en vrac : Delirium Tremens, La main droite du diable, Le martyr des Magdalènes.

– A tout hasard, les thrillers plus « juridiques » peuvent se trouver chez Lashner, notamment Rage de dent. Même genre de héros déconnant.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette série de romans en ligne ici : premier opus, deuxième et troisième.

Maurice G. Dantec - Satellite SistersOh my god, quelle torture. Le Tigre a lu quasiment tous les Dantec, et pensait ne pas prendre de risques avec Satellite Sisters. Narration byzantine, univers et histoire pas crédibles du tout, style imbitable même pour le connoisseur, voilà un roman qu’en principe je n’aurai pas du terminer. Ni polar, ni SF, ni ésotérique, ni délirant, non. Mais tous les défauts de chacun de ces genres, oui.

Il était une fois…

Allez, copier-coller d’une partie du quatrième de couverture, ça me gonfle de faire des efforts pour ce pavé :

« Fuyez l’atoll, sillonnez les déserts, les mers australes et la grande forêt amazonienne. Quittez la Terre pour la guerre des cartels, casinos et hôtels du Las Vegas orbital. Effacez vos ennemis. Abandonnez toute chance de retour. Toorop, Alice Kristensen, Marie, Sara et Ieva Zorn, la neuromatrice, Darquandier, Andreas Schaltzmann, mais aussi Richard Branson, Elon Musk, Fedor Emelianenko, le groupe Muse en show pyrotechnique à 600 kilomètres d’altitude.. »

Critique de Satellite Sisters

Depuis le temps que Le Tigre lit du Dantec sans avoir vraiment bronché, il fallait que ça cesse. L’auteur a dépassé les bornes avec Satellite Sister, et je vais plus parler du style que de l’histoire. Alors si le prochain paragraphe évoque le scénario du roman, la suite ne sera qu’énergiques coups de burins sur le piédestal que Le Tigre avait pourtant dressé à l’intention de l’auteur franco-canadien.

Quelques années après Babylon Babies, Toorop, Darquandier, les jumelles Zorn et toute la clique vivent reclus dans une île au milieu du Pacifique. Mais l’ONU.2 leur en veut, et nos héros guidés par la narration schizophrène de la neuromatrice vont quitter la terre pour un espace orbital de luxe, puis la lune, et enfin mars.

Premièrement, l’histoire. Séduisante au premier abord, mais que d’incohérences et de longueurs excessives ! Quant aux personnages, peu crédibles (ils semblent réagir tous pareillement) bien que l’auteur nous introduise des individus réels (Branson, Paul Allen,…). Pour faire encore plus complexe, Dantec a eu la douteuse idée de nommer ses chapitres dans toutes les langues possibles : alty, triggir of fimmti, dua puluh tiga,…mais quel est l’intérêt ?

Deuxièmement le quatrième de couverture. Celui-ci explique que « Satellite Sisters peut être lu comme un roman autonome, indépendant des romans précédents ». Ha ha ! Le couillon qui s’attaque à SS indépendamment  me fait penser à un client qui se goinfre le dessert avant le steak tartare. Ce titre est la suite logique de Babylon Babies : les personnages sont les même, les références au premier opus sont légion, je ne comprends pas (à part faire vendre) comment l’éditeur peut oser écrire ça.

Troisièmement, le style. Du pur Dantec, mais en pire. Avec les précédents titres, c’était plutôt beau et cela avait un sens. Alors soit Le Tigre vieillit et repère quand pépé Maurice tente de l’entuber, soit SS est moins clair. Non mais goûtez un peu de cette prose :

Une ligne de dunes, bunkers de silice, fortification sinusoïde, longe l’orée inextricable en autant de répliques solides des rouleaux d’écume iodée qui viennent se dresser juste avant l’impact sur ce morceau de littoral, illuminé de cristal pulvérulent sous l’incandescence solaire de l’équateur.

What da f** ? Des phrases pareilles, y’en a au moins deux par page. Certaines mieux réussies que d’autres. Et là je vous en ai trouvé une où on sait de quoi il retourne. D’autres ne sont que paraphrases, comme si l’écrivaillon souhaitait rééditer le dictionnaire des synonymes. A terme Le Tigre sait les reconnaître de loin et les éviter.

Bref, titre à fuir, je suis fort heureux tout de même d’avoir pu le terminer. Un tel roman, ce n’est ni à faire, ni à refaire. J’espère que Maurice se reprendra.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La colonisation spatiale. Malgré tous les défauts de ce titre, la genèse des premiers habitats spatiaux laisse (au début du moins) songeur. Hôtels dans les cieux, bases américaines et russes sur la lune qui sont autant d’avant-postes pour envoyer un peu de pèlerins sur Mars. Tout ça est ponctué du motto du titre, fort bien trouvé et qui envoie du rêve : Go up. Get high. Space out.

Les incohérences dans la littérature SF. Le Tigre est hargneux, face à un auteur qui se la raconte (du moins je le subodore) je prends un certain plaisir à égrener les quelques défauts de la narration de Dantec, par exemple le décor planté qui n’a rien de 2029 : des stations orbitales qui ne proposent que des loisirs, les États qui n’ont plus leurs mots à dire, un train magnétique sur la lune, le groupe Muse qui chante des titres des années 2000 lors d’un concert spatial,….et je ne parle pas des approximations scientifiques que j’ai sûrement zappées. Fin du fin, page 304, une erreur de typo (ou d’orthographe) : « […] pouvant résister à des température […] ».

…à rapprocher de :

– Commencez par Babylon Babies, puis arrêtez-vous là.

– A la rigueur, offrez-vous Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute. Ne pas se fier au titre dont la longueur est inversement proportionnelle à celle du roman.

– Dantec a produit une autre saga qui a plus d’envergure : Liber Mundi : Villa Vortex, Metacotex, et un dernier dont j’ai oublié le nom.

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous tenez absolument à saigner des yeux, vous pouvez toujours trouver ce roman en ligne ici.

Emmanuel Carrère - L'AdversaireEmmanuel Carrère, grand conteur s’il en est, s’est attaché à relater un terrible fait divers qui a défrayé la chronique. Celui d’un homme qui a menti à tous, et a considéré comme seule échappatoire le meurtre suivi d’un suicide (raté). Plongée périlleuse de l’écrivain qui marche ici sur des œufs, pour un résultat réussi. Très même. Ni sensationnalisme, ni froideur excessive, un texte édifiant.

Il était une fois…

Pendant près de 20 ans, Jean-Claude Romand est parvenu à faire croire à tous (même à sa famille) qu’il est devenu médecin, puis chercheur à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En fait, il était seul, passant ses journées sur les airs autoroutes, ou dans la fôret. Jusqu’en janvier 1993 : sur le point d’être percé à jour, Romand assassine femme, enfants, parents et tente de tuer sa maîtresse. C’est cette étonnante et sordide histoire qu’Emmanuel Carrère conte.

Critique de L’Adversaire

Le Tigre, dont lire la rubrique des chiens écrasé n’est pas la principale occupation, ignorait tout de l’affaire Romand. En compulsant quelques données avant de lire L’Adversaire, j’avoue avoir été bluffé par cet ouvrage. Un roman, et pas un essai, s’il faut rappeler la stature d’écrivain de Carrère.

Le scénario reprend tout ce qu’on a pu lire dans les journaux. L’auteur prend soin de planter le décor, en particulier la jeunesse du héros (ce terme est sans doute inapproprié). Adolescent souvent seul, psychologiquement fragile, tout ce qui lui est arrivé après sa seconde année de médecine relève de l’affabulation.

Et c’est là que le boulot de l’écrivain prend tout son sens. Ayant suivi le procès de Romand et ayant pu correspondre avec ce-dernier, Carrère a écrit un texte sensationnel : ça se lit comme une fiction, et lorsqu’on se rappelle que c’est une histoire vraie, un délicieux frisson peut parcourir l’échine du lecteur.

L’auteur concentre le gros de sa plume sur les derniers mois avant que Romand ne commette l’irréparable. Son désarroi va grandissant, tout comme la pression et le suspense dans les pages. Plus de 200 pages, écrit gros, chapitrage court, j’ai lu la chose très vite, en moins de temps qu’il en faut pour regarder Enquête criminelle sur une chaîne de la TNT.

Un exercice de style périlleux, mais à aucun moment Carrère ne sort de son rôle de « créateur de documentaire », même si à étudier ce personnage hors du commun on peut se prendre de pitié pour lui. A lire ou à regarder (le film, sorti peu de temps après, s’en sort avec les honneurs).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’engrenage. C’est fascinant de voir jusqu’où peut aller le protagoniste pour couvrir ses arrières. Diplôme, cartes de visites, voyages, billets d’avion, notes d’hôtel,…tout est inventé, au pire des faux sont produits. Pour continuer à vivre, Jean-Claude emprunte argent à droite et à gauche, escroquant ses proches et se confondant en atermoiements pour rembourser les sommes dues. A chaque nouvelle difficulté, au lieu de tout avouer (ce qui constituerait un scandale sans nom) il s’enfonce.

Alors forcément ça ne tient pas la route à terme, et Carrère écrit une phrase qui reflète bien la sensation du héros qui sait que ça ne va pas durer : sans savoir d’où le premier coup allait venir, il sentait que la curée approchait. Tout est dit, le pot aux roses sera inéluctablement découvert, reste à savoir dans quelles conditions. Hélas les plus terribles imaginables.

La relation écrivain / sujet de l’œuvre. Carrère a assisté au procès (Romand s’est pris le max : perpèt’ avec période de sûreté de 22 ans) et a échangé lettres sur lettres avec lui. La difficulté de L’Adversaire, apparemment, était de déterminer comment aborder le style du texte : Emmanuel a écarté la première personne dans la narration, gardant la troisième personne. En plus du détachement que cela implique, l’aspect « analyse » et « explicatif » est plus fort. Chercher à comprendre, supputer ce qui se passait dans la têtes du héros, mais sans le juger, pas évident. Mais pari réussi.

…à rapprocher de :

– Carrère sait bien écrire sur des personnages extravagants, comme Limonov. Ou La Classe de neige (violent).

L’Adversaire a été très rapidement adapté au cinéma. A mon humble avis, lire cet ouvrage vous en dispense.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Pour ceux pas encore au courant, Game of Thrones est une série télévisée relativement populaire tirée d’une saga (non encore terminée début 2013) de Georges R. R. Martin (et non, pas de « R » de trop, les doigts du Tigre ne tremblent pas encore).

Chose amusante, le titre original des romans est A Song of Ice and Fire, traduit en français par le Trône de fer, en rapport avec le premier opus du cycle où on introduit les personnages gravitant autour du pouvoir. Pour une fois, la traduction FR du titre, pas originale pour un sou, a été reprise pour la série. Pour ma part, heureusement que ce trône n’est pas en ivoire, ou en faïence, en tout cas j’imagine que quelques architectes d’intérieur ont déjà eu l’idée de faire des WC ressemblant à l’imposant siège.

Comme souvent lorsque Tigre-san offre un dessin, il faut expliquer pourquoi je ne résumerai ni la saga littéraire ni la série américaine : les bouquins appartiennent à ce qu’on nomme la « medieval fantasy ». Dans cette expression, il y a fantasy, pas du tout la came du Tigre. J’ai tenté de lire quelques pages (trois cents en tout), et ça ne prend tout simplement pas. Trop de personnages, impression de lire le bottin de ma région ; trop de lieux et de maisons attachées, impossible pour mon esprit étriqué d’entrer dans l’univers.

Quant à la série TV, bah je n’ai pas accroché non plus. J’attendais une bonne dizaine d’escadrilles de dragons passablement excités, à peine si j’en vois un tout cute sur la fin de la première saison. C’est également le risque de regarder les épisodes tout en faisant autre chose (comme le présent blog) : je ne redressais vraiment la tête que pour reluquer Daenerys Targaryen, jouée par la très pétillante Emilia Clarje. Un peu comme la série Spartacus, y’a que les intenses scènes charnelles qui sont modernes et réalistes….

A la place de lire ledit bouquin, voici la « tiger-conception » du Trône de fer : au fer de l’épée pour trancher les chairs, Le Tigre préfère le papier des livres pour trancher les esprits, arme bien plus redoutable à mon sens. Voici donc le fauteuil de la maison féline de la série, malicieusement renommée Game of Books.

En guise de conclusion, vous savez bien que j’ai mes têtes de Turc littéraires qui à mon sens ne méritent pas leur présence dans les librairies (Martin n’en faisant pas partie). D’où Le Tigre de la présente iconographie avec son épée. Au cas où il arrivait à un de ces auteurs de se perdre et passer devant le Game of Books. Et là, Game Over pour eux. SEGA (entendez Mortal Kombat) style.

Igor Boccère - Chambre 121 : L'intégraleHé hé. Lecteur mineur, choisis vite un autre article que celui-ci. Car Chambre 121 n’est pas vraiment de l’érotisme, c’est de la pornographie. Dizaines de courtes histoires qui laissent très peu de place à l’imagination, il y a largement de quoi avoir des palpitations dans le bas-ventre. Le sexe libertaire sous toutes ses formes, bienvenu dans un hôtel qui n’est pas loin d’être une maison close pour femmes.

Il était une fois…

Un jeune homme à barbichette vient d’être embauché comme réceptionniste dans un hôtel pas comme les autres. Notre héros découvre vite que la tenancière, jolie métisse asiatique, propose à sa clientèle éclectique des services sexuels dans la fameuse chambre 121. Très vite elle va découvrir les talents du nouvel arrivant qui va voir sa « charge » de travail considérablement augmenter.

Critique de Chambre 121

À la différence d’un Manara, je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam ce titre et n’avais jamais rencontré une planche (vraiment, vraiment, croyez Le Tigre). Olaf Boccère est un dessinateur français habitué aux pseudonymes, le scénario de Chambre 121 est ici signé sous le pseudo Igor.

Avant de justifier la mauvaise note attribué à ce titre, il faut saluer l’effort de l’éditeur Dynamite d’avoir tiré une intégrale à prix relativement réduit. Plus de 300 pages, 40 histoires pour une quinzaine d’euros, rien à voir avec les gros blocs hors de prix des Humanoïdes Associés. Couverture souple, format réduit, noir et blanc, voilà peut-être pourquoi est-ce bon marché…

Place à la critique ! J’ai été relativement déçu par cet opus et sur pas mal de points. D’une part, ce n’est pas de l’érotisme, c’est de la pure pornographie. Presque du gonzo, les introductions étant très minces. Et ce n’est qu’en ouvrant une page au pif qu’on s’en aperçoit. Or Le Tigre, comme un mouton à la con, se fait conseiller le titre, et bah je l’achète yeux fermés (ouvrage sous plastique aussi).

D’autre part, l’intérêt que j’ai porté aux historiettes s’est progressivement effrité. Si le début est suffisamment « marrant » pour s’attacher au héros, on perd irrémédiablement en cohérence. De mini scénarios dans l’hôtel ça part vite dans tous les sens, et l’introduction d’une nouvelle protagoniste principale a fini d’achever ma concentration déjà bien faible. Certes le scénario dans une telle BD, c’est un peu comme les termes de plus de trois syllabes dans un titre de Musso : inutile. Mais Le Tigre y reste sensible.

En conclusion, parlons un peu du dessin : noir et blanc, lignes claires, bravo au dessinateur de présenter de manière si réaliste (gros plans compris) tant de configurations charnelles. On jurerait parfois lire un roman photo : et oui, Le Tigre ne le répétera jamais assez, c’est du p0rn, donc posez cet ouvrage à côté de vos flingues et dvd coquins, à l’abri des petites mains.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui m’a marqué, c’est l’imagination débridée de l’auteur. Bourgeoise femme de commissaire de police qui se fait sauter, devant son mari, par quatre voyous de banlieue ; religieuses s’abandonnant à de vigoureuses scènes saphiques avant de s’occuper du prêtre de la paroisse ; stricte professeure punissant des élèves dissipés ; jeune épouse « égarée » sur la plage et aficionados de triolisme ; un mannequin qui se fait arroser de foutre sur scène, la même scène sur laquelle elle défilera le lendemain ; homme politique d’extrême-droite imaginant un jeu de rôle pervers et débile,… Même des femmes pas forcément très jolies s’invitent à la sauterie.

Igor fait la part belle à l’échangisme en général, présentant des couples désireux de faire partager leur sexualité souvent effrénée. Hélas (ou heureusement), et comme il le dit lui-même en guise de préface, il n’avait pas de réel cahier des charges et a pu coucher ce qui lui venait top of the head. Sulfureux et démesuré donc, mais Le Tigre a surtout eu l’impression de lire des planches « alimentaires », dessinées à la va-vite en se concentrant sur les « tableaux et positions pornos » avant tout. Autant faire un dessin unique, le titre du chapitre pouvant faire office de scénar.

Je tiens enfin à signaler que si Le Tigre parle aussi crûment en faisant du « porn name droping », c’est pour 1/ vous dire à quel point c’est plus qu’érotique. 2/ faire en sorte d’attirer du trafic et que les internautes en recherche d’irgendwas préfèrent acheter une BD, aussi explicite soit-elle, que de perdre du temps sur internet.

…à rapprocher de :

– Pas porno, érotique-artistique, vous préférerez sûrement quelques Manara : Le déclic ou Le parfum de l’invisible.

– Dans l’érotisme soft-rigolo, vous préférez sans doute Exposition, de Noé. Voire sa série de L’accordeur, de Noé. Tome 1 (en lien) et tome 2 (plus mieux) sur le blog.

– Dans la pornographie, j’ai découvert pire. Notamment Ardem et ses Vidéos privées par exemple.

Enfin, si votre librairie est fermée ou ne veut pas mettre en rayon un tel concentré de cul, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Didier Daeninckx - Je tue il...Un roman qui tient de la nouvelle, une histoire qui se révèle très originale, c’est correct. Un écrivain fuyant les vicissitudes de la capitale française débarque dans un DOM-TOM et sera en proie un un type d’escroc bien particulier. Début un poil longuet pour moi, c’est sur la fin qu’on prend la mesure de l’ampleur du texte. Sans doute le meilleur Didier Daeninckx lu par Le Tigre.

Il était une fois…

En 1945, en Nouvelle-Calédonie, les Américains quittent l’île après avoir combattu le Japon. Et laissent les habitants à leurs tensions ethniques. Même année, un célèbre écrivain qui a envie de se poser loin de Paris débarque sur la place. René Trager, c’est son nom, va produire son petit effet sur Viviane, jeune femme ayant pour père un riche propriétaire terrien. La relation qui s’ébauche ne plaira pas à tout le monde, sans compter un meurtre qui va mettre en émoi la communauté.

Critique de Je tue il…

Lu et même relu, Je tue il… est un court texte (moins de 100 pages sans postfaces) qui n’a pas sans pareil dans la littérature française. L’idée originale n’a peut-être pas été traitée de manière optimale, toutefois le style de l’auteur nous plonge dans un univers assez neutre et atemporel (malgré l’unité de lieu et de temps).

Concernant le scénario, la venue d’un éminent auteur en pleine crise sociétale ne m’a pas plus passionné que ça. Quant au meurtre du bibliothécaire, ça bouge certes un peu mais ce n’est pas encore la fête au village littéraire. Heureusement que tout cela se lit avec un certain détachement, en outre l’aération générale du textes (chapitres courts) aide à lire en diagonale.

Bien sûr il y a l’histoire de Viviane, la belle « emprisonnée » dans les archaïsmes de son milieu, et qui grâce au beau dandy fraîchement débarqué va élargir ses horizons. Et cela à l’encontre de la volonté paternelle, si ce n’est pas du Jane Austen ça… Pas vraiment le paradis avec son mari René (désolé Le Tigre se devait de placer cette blague foireuse), la jeune femme étant rapidement livrée à elle-même puisque son époux est venu dans son île pour n’y rien foutre.

Sinon, cet ouvrage devient réellement intéressant, à mon sens, sur la fin (cf. infra). Et ce surtout grâce aux postfaces présentes. Notamment la dernière qui relate la raison de l’écriture d’un tel texte. Daeninckx nous parle d’exemples « d’emprunts d’identité », et comment la chose lui est même arrivée. Au final, eu égard la taille du roman, ce n’est pas un gros risque de se le procurer.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le thème qui m’a marqué est celui du vol d’identité. Je ne vous en dirai pas plus afin de ne gâcher aucun plaisir. Juste signaler qu’à la fin du texte on apprend qu’un malin s’est amusé, à plusieurs reprises, à faire des apparitions sous le nom de l’écrivain français. Petites conférences, dédicaces d’ouvrages, tout c’est parfaitement bien déroulé si ce n’est que…l’individu est inconnu.

A ce titre, un dernier thème découlant du premier (et bien plus personnel). Je tue il a le mérite de donner des idées loufoques (et encore). Particulièrement celle que j’avais rapidement développée dans un autre billet (cf. infra) : se faire rapidement passer pour l’auteur qu’est en train de lire un voisin pour l’aborder. Hélas, au temps du tout-numérique, si la personne a un mobile, celle-ci peut rapidement vous percer à jour. A faire dans les zones dépourvues de réseau donc.

…à rapprocher de :

– De cet auteur, Galadio est resté une bonne surprise.

– Pour la petite blague, et concernant le vol d’identité, il y a cet extrêmement mauvais titre de Nothomb : Le Fait du prince.

– Sur un individu qui influence un autre, provenant d’une haute origine sociale, il y a l’histoire du professeur de chant et de son élève, fils d’un cadre dirigeant d’une grande boîte indienne. C’est Les Immortels, d’Amit Chaudhuri.

– Sur le vol d’identité, pas d’idées pour l »instant. A part un Sutra sur les manières de draguer dans le métro.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.