Dan Simmons - OlymposVO : idem. Second opus d’une dilogie sublime, Olympos termine en fanfare ce qu’Ilium a commencé. Plus violent, plus terrifiant que le premier opus, le tout est d’une densité et retournera l’esprit de plus d’un lecteur. La mythologie grecque et Shakespeare sortent de leurs gonds, attention danger !

Il était une fois…

Achille et Hector, suivant l’action d’un scholiaste, s’en prennent à leurs dieux et sont bien décidés à faire péter leur base sur Mars. Mais qu’est devenu le récit du père Homère ? Parallèlement, les hommes qui peuplent la Terre vont devoir se sortir les doigts du cul et lutter pour leur survie, s’ils arrivent à échapper aux Voynix, jadis leurs serviteurs. En outre, l’aide des Moravecs se fait plus précieuse, si seulement la porte ouverte en plein espace daigne rester ouverte. Et qu’est-ce qu’a bien pu se passer précédemment, lors de la fameuse « ère perdue » ? Surtout, qui sont ces nouveaux vilains tirés d’une pièce de Shakespeare ?

Critique d’Olympos

Ilium, suite & fin. Encore du très lourd, les deux romans méritent leurs places dans le panthéon de la SF. Par rapport au premier opus, il faut saluer Simmons qui se lâche en augmentant la violence générale du pavé (plus de 1.000 pages !). Et surtout, beaucoup plus de cul, comme si la survie menacée de l’Humanité les incitait un peu plus à baiser comme des lapins. Quant au rire, des passages savoureux arriveront à faire travailler plus d’un zygomatique. Faut dire que les habitants de l’Olympe sont de sacrés caractères…

Comme je le disais, les humains sont mal partis dans cette histoire, et ils doivent réapprendre à vivre par eux même. Un ennemi (dans le style des pires roman de Stephen King) se précise et l’aide des Moravecs (civilisation discrète et parfaite) reste déterminante. Avec Simmons, on suivra tout un petit paquet de personnages dans de superbes aventures. L’exemple de cet humain qui parcourt les océans dans un mystérieux tunnel (les eaux étant bloquées) laissera rêveur.

Le grand boulot de Dan réside dans son intensif lâcher et de références culturelles. L’écrivain est parvenu à faire notamment sortir la Grèce antique et leurs personnages mythiques de leur cadre. Hélas, Le Tigre n’est pas sûr d’avoir pu saisir toute la symbolique du livre, en plus d’avoir trouvé la fin longue et parfois ennuyante. D’où la note moins élevée que le premier opus. Mais on est plus à 50 pages près pour un tel chef d’œuvre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La révolte totale. Ilium avait terminé avec les humains, créés par leurs maîtres, qui se retournent contre les dieux martiens. Ils s’aperçoivent que ce qui leur semblait n’être magie n’est que technologie avancée. A ce titre, Simmons a pondu des explications scientifiques crédibles qui donnent envie de se pencher un peu plus sur la physique quantique. Quoiqu’il en soit, les personnes de la Terre sont livrés à eux-mêmes et la guerre contre leurs anciens « protecteurs » semble réactiver d’antiques réflexes de combativité et débrouillardise.

La littérature shakespearienne. Les antagonistes, presque au centre de ce  roman ont des consonances et un comportement tirés du grand dramaturge anglais. D’abord, le terrifiant Sétébos, sorte d’énorme cerveau avec de multiples extensions. Cet individu est sans cesse invoqué par le dégueulasse Caliban, dont le phrasé n’est pas sans rappeler celui de du pauvre Golum de la trilogie de Tolkien. Monologues hallucinés et prenant corps avec la science-fiction de l’auteur, c’est troublant mais magique. Prospéro et Sytorax, aussi de la partie, ne laisseront pas le lecteur en reste. Et tout ce petit monde est tiré de l’imagination de William S., repris par Simmons pour en faire des ennemis mystérieux et assez flippants.

…à rapprocher de :

– Commencer par Ilium est évidemment obligatoire.

– Lire Shakespeare (La tempête), Proust ou Keats peut aider. Hélas Le Tigre reste un profond inculte. Quoique…Keats peut se découvrir grâce aux Cantos d’Hypérion, de mister Simmons.

– Simmons bouffe à tous les râteliers, que ce soit l’horreur (L’échiquier du mal) ou les polars (la saga Joe Kurtz ou L’épée de Darwin).

– Simmons verse aussi dans le thriller d’anticipation sociale. Flashback se dévore, toutefois c’est insupportable sur les idées de l’auteur.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Don Winslow - L'hiver de Frankie MachineVO : The Winter of Frankie Machine [au moins la traduction reste fidèle]. Don Winslow est un auteur aimé du Tigre, et ce titre en est la principale raison. Un ancien malfrat qui coule des jours heureux obligé de se replonger dans le bain de son passé, c’est sombre, réaliste et très bien rythmé. Quasiment rien à reprocher, assez rare.

Il était une fois…

Frank Machianno, 65 berges bien sonnées, coule une retraite paisible : il tient une boutique d’appâts dans San Diego, et comme son commerce est près de la plage il en profite pour surfer le plus possible. Retraité, car Frankie Machine (son surnom à l’époque) était l’homme de main le plus efficace de la mafia californienne. Rien de moins. Hélas nul ne peut, dans ce type de métier, vraiment échapper à son passé. Aussi, lorsqu’on déterre un vieux dossier le concernant, il est sur la blacklist (entendez, la mafia veut le voir six pieds sous terre) des criminels et activement recherché par le FBI. Mais pourquoi donc ?

Critique de L’hiver de Frankie Machine

Un petit régal, il y a (si ce n’est pas déjà fait) de quoi faire un excellent film à partir de ce roman. Le héros, divorcé et père d’une fille de vingt ans, vivant tranquillement avec une femme (sa maîtresse), est surprenant et c’est avec plaisir qu’on le suivra sur un demi millier de pages.

Si la fuite du héros est le fil d’Ariane de ce titre, Don Winslow nous offre en parallèle de multiples flashbacks de sa précédente vie au service du syndicat du crime, comme pour se remémorer les évènements susceptibles d’expliquer le foutoir présent. Le tout donne une cohérence appréciable, sans compter que le style de Winslow, non content d’être correct, verse dans la précision. On sent bien que l’écrivain, qui a exercé les métiers de détective privé ou de metteur en scène, sait de quoi il parle et le rend avec un certain rythme.

A l’instar d’un Nick Tosches, le nombre de protagonistes est assez élevé. Si vous rajoutez les nombreux retours en arrière de la vie de Frankie, il n’est pas impossible d’être parfois perdu. Heureusement le suspense bien dosé et les péripéties haletantes pourront faire oublier la taille du roman. Un must à recommander en somme.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vie d’un truand. Qui dit flashbacks dit descriptions de certaines missions du tueur à gages : préparation, exécution, effacement des preuves,…pour un quotidien certes sanglant mais fait de précautions multiples et de routine. Ainsi, dès que le vieux Machine est traqué de partout, ses réflexes prennent le dessus et le « pas si vieux que ça » donne du fil à retordre à ses poursuivants.

Outre le cv du tueur, c’est un certain tableau de la criminalité à l’américaine que nous narre Don. Il y a des passages entiers fascinants sur l’évolution des familles mafieuses de l’Ouest, leur principes de l’honneur plus ou moins prégnants selon les cas, les luttes de pouvoir entre chefs, les systèmes de « pompes à fric » utilisés à L.A., et même les implications politiques de la criminalité organisée. Instructif.

…à rapprocher de :

A contre-courant du grand toboggan, autre polar de cet auteur. Pas mal également.

– Sur les combines en tout genre de la mafia U.S., il y a Le Casse, BD avec le héros Parker.

– Le héros vieillissant, c’est aussi Jack Reacher (ancien MP) de Lee Child. Par exemple, Elle savait (pas mal du tout).

– Je parlais de Nick Tosches, et pensait particulièrement à Trinités. Attention, c’est plus long et « contemplatif » si j’ose dire.

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Dashiell Hammett - Le sac de CouffignalVO : The Gutting of Couffignal, Crooked Souls et le roman inachevé Tulip. Deux textes plus que courts et réjouissants, une autre œuvre non finie, ça fait du bien de revenir de temps à autre dans l’ancien. Le tout a certes un peu vieilli, mais pour une trentaine de pages par nouvelles se plaindre serait criminel.

Il était une fois…

Le sac de Couffignal : le Continental Op (cf. premier thème pour ce nom) est engagé pour surveiller un mariage de richards, en particulier les cadeaux destinés à la jeune belle qui va se marier. Gros salaire à la clé. Pour cela, direction Couffignal, petite île isolée où se sont retranchés les convives. Hélas, dès la première nuit des sons de mitrailleuses se font entendre. Il semble bien qu’un groupe tente de voler Couffignal (quel mot de merde quand même).

La fille de papa (ou à papa, sais plus trop) : Harvey Gatewood, riche homme qui s’est élevé seul à la force du poignet, fait appel à notre héros. En effet, il semble que sa jolie fille soit portée manquante. Le détective ira de surprises en surprises.

Tulip : Le Tigre ne va pas vous mentir, je n’ai à peine lu un quart de ce texte. Ça ne me paraissait pas du tout être un polar, qui plus est pour un truc inachevé j’ai vite abandonné.

Critique du Sac de Couffignal

Un bouquin qui présente deux nouvelles d’un des maîtres du hard boiled, le jeune Tigre ne pouvait passer à côté. Et il faut avouer que c’est bien sympathique, cocasse à souhait et plus que rapide à lire. Ce qui est dommage avec Hammett, c’est que les ficelles semblent souvent être les mêmes, rendant le suspense assez mince pour des fins que le lecteur connoisseur du genre pourra facilement deviner.

En outre, il convient, et c’est bien dommage, de reconnaître que le style dans son ensemble a un peu vieilli. Même si les histoires sont rapidement délivrées avec des dialogues souvent savoureux, ce n’est pas vraiment dans mes habitudes de lecture.

Au final, même si je n’en garderai pas un souvenir impérissable (à part la seconde nouvelle peut-être), Le Tigre salue le style polar noir américain des années 20. Et oui, presque un siècle, chapeau.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les nouvelles sèches et efficaces avec le même personnage. Hammett est connu pour sa bonne dizaine de nouvelles avec le même personnage qui en voit des vertes et des pas mûres (dans le premier texte, il est rapidement blessé en coursant quelqu’un). Ce héros, c’est le fameux « Continental Op », détective privé de talent employé par une agence privée. C’est souvent le sujet des œuvres hard boiled, le détective pas trop con (et qui ne se laisse pas appâter non plus) qui résout tranquillement une affaire en confondant ceux auxquels on ne s’attend pas forcément.

Les femmes fatales. Pas vraiment un spoil, mais j’ai l’impression que les nanas dans ce titre n’ont pas le rôle de gentilles filles qui restent à leur place. Duplicité, petites trahisons, intelligence (qu’à l’époque on devait qualifier de démoniaque, bref digne d’une succube), la fille à papa ou la belle exilée russe cachent bien leurs jeux. Et on ne peut pas vraiment les blâmer pour leurs actes, pour une fois qu’elles se comportent comme les hommes de leur âge. La beauté en plus.

…à rapprocher de :

– En matière de romans hard boiled, il y a bien sûr Jim Thompson (1275 âmes ou Éliminatoires par exemple).

– James Hadley Chase me semble plus approprié dans la mesure où dans Pas d’orchidées pour Miss Blandish la miss en question fait également des siennes.

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Dan Simmons - IliumVO : idem. Premier opus d’une dilogie impressionnante, Ilium est à mon sens un classique de la littérature de SF. Ouvrage dense, original et aux nombreuses références culturelles, l’imagination est ici aux manettes. Parfois drôle, souvent instructif, toujours bien écrit, Le Tigre a été transporté. Et vous invite à l’être aussi.

Il était une fois…

L’histoire se passe sur différents mondes (dans un futur lointain où un virus a décimé la population) aussi différents les uns que les autres : d’abord, il y a les dieux de l’Olympe qui habitent sur Mars et se déplacent librement dans le temps et l’espace grâce à leurs pouvoirs quantiques. Leur gros trip, c’est de jouer et encore rejouer la guerre de Troie, et surveiller l’évolution de l’aventure par des érudits humains qui peuvent modifier certaines choses pour mieux coller au récit d’Homère. Parallèlement, des humains à la durée de vie limitée (100 ans) vivent sur Terre, entretenus et protégés par de mystérieuses machines. Plus loin, vers Jupiter, une civilisation robotique ne comprend pas les bouleversements quantiques proches de Mars et décide d’y voir de plus près…

Critique d’Ilium

La première question que Le Tigre s’est posée après lu ce tome est « Putain ! Mais d’où sort-il tout ça ?! ». Et dire ce n’est que le premier tome… 900 pages bien denses avec peu de chapitres, et pourtant il ne semble qu’il n’y a rien en trop. Dan Simmons fait de tout (polars, nouvelles, horreur), ici il s’est surpassé.

Le début du roman est très bizarre, et on plus d’un lecteur pourrait songer à abandonner, ce qui serait une grave erreur. Certes les 200 premières pages sont autant de descriptions méthodiques et rigoureusement (du moins ai-je la faiblesse de le croire) exactes de la guerre de Troie, où on suit autant les Troyens que les Achéens. Sauf que ledit conflit est piloté par des dieux antiques martiens aux pouvoirs stupéfiants.

Eux-mêmes ne semblent même pas savoir d’où ils les tirent, et des machines lointaines se dirigent vers la zone à cause de perturbations quantiques susceptibles de pourrir le système solaire. Quant à notre bonne Terre, celle-ci est occupée par l’équivalent d’Eloïs (cf. second thème). La mesure pharaonique de l’intrigue ne commence réellement que lorsque Thomas Hockenberry, un des scholiastes chargés de veiller au bon déroulement des opérations sur Troie, décide de sortir de son rôle.

Sans spolier, tout s’accélère à ce moment (vers la fin) et là le lecteur est pris au piège : il est obligé de lire Olympos dans la foulée. Bien écrit, pas trop ardu même si les passages sur la guerre de Troie peuvent être à moitié compris, l’auteur nous agrémente en sus de nombreux passages (dialogues entre les dieux par exemple) à mourir de rire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La culture. Déjà, la mythologie grecque : Ilium, c’est le nom latin de la ville de Troie. Dan Simmons reprend Homère à sa sauce et livre une version étonnamment vivante de l’Iliade, on en viendrait presque à oublier que ce qui se passe n’est qu’inventions de dieux un peu déconneurs sur les bords (ce qui sied bien à l’Olympe). Ensuite, les Moravecs, sorte de machines biomécaniques très intelligentes (créées par les humains jadis), sont totalement décalées (comportement, organisation,…) et particulièrement férues de littérature. Dan Simmons y fait péter les textes d’un Shakespeare ou d’un Proust par exemple, un vrai bonheur.

L’humanité paresseuse. La Terre du futur est occupée par quelques centaines de milliers d’individus qui donnent une image plutôt négative de l’humanité. Sur-protégés par les Voynix et entretenus dans une bulle, ils sont jouisseurs, feignants, analphabètes et totalement dépourvus de curiosité par rapport au monde environnant. La question demeure : lorsque ça va tourner au vinaigre, pourront-ils se défendre et subsister à moyen terme ? On l’apprendra dans la seconde partie.

J’ai bien conscience d’à peine parler du dixième du quart du roman, mais je ne vais pas vous résumer l’intégralité du cycle lorsque d’autres sites s’en chargent mieux que Le Tigre.

…à rapprocher de :

– La suite, Olympos, est un passage obligé, même si j’ai (très relativement) moins aimé.

– Dan Simmons a également produit la saga des cantos d’Hypérion, avec des références littéraires (Keats notamment) qu’on retrouve.

– Simmons verse aussi dans le thriller d’anticipation sociale. Flashback se dévore, toutefois c’est insupportable sur les idées de l’auteur.

– Dans la mythologie/politique grecque en science-fiction, La saga des ombres de Scott Card tire son épingle du jeu : La Stratégie de l’ombre, puis L’Ombre de l’Hégémon, ensuite L’Ombre du Géant. Et ce n’est pas fini.

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Ardem - Vidéos privéesSous-titre : Les films de Justine, tome 1. Scénario plutôt minimaliste, dessin un peu brouillon, Ardem est un auteur / illustrateur français à part. Perversions sexuelles assez choquantes, femme soumise et ultime victime, ce n’est pas à offrir à sa belle-doche. Pas vraiment le genre du Tigre hélas.

Il était une fois…

Pour ce genre de BDs, copier le quatrième de couverture ne me pose que très peu de problèmes :

« Justine et Roger formaient un couple de jeunes mariés unis jusqu’à ce que Roger achète une caméra pour pimenter leurs ébats. Car Justine, potiche dans un jeu télévisé, préfère faire l’amour dans le noir et n’est pas ce qu’on peut appeler une adepte de la fellation… Si, dans un premier temps, imiter par jeu la crudité des films pornos désinhibe leurs fantasmes, Roger se rend bien vite compte qu’il a ouvert la boîte de Pandore. Ayant poussé son épouse sur la pente du vice, il ne contrôle plus la situation, et d’autres hommes, dont son propre frère, savent en profiter, caméra à la main… »

Critique de Vidéos privées

[ATTENTION : si vous avez moins de 18 ans, je vous prie de NE PAS REGARDER NI CLIQUER sur les images illustrant le billet. Sérieusement.]

J’ai dit en intro sur ce que je pense du scénario, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, la boite de pandore n’est pas Justine qui va se diriger vers la pente du vice volontairement, mais plutôt le frère qui commet chantage sur chantage. Pas loin d’être plan-plan en fait si les dernières pages n’étaient pas si dures (cf. premier thème).

Vidéos privées présentationLe dessin m’a apporté une certaine déception, car le tout m’a semblé un peu brouillon. Disons qu’Ardem ne recherche ni le trait d’un Manara ou la finesse des postures de Boccère, ici les hommes sont montrés avec tout ce qu’il y a de plus vulgaire (expressions du visage, pilosité à peine exagérée, secrétions en tout genre,…). Quant à la femme, le dessinateur ne s’est pas planté (ça doit être le plus important pour lui). Noir et blanc, évidemment.

En outre, le texte (à part les insultes) est assez simplet, digne de la voix off d’un film érotique des années 90. Il est d’ailleurs surprenant de lire les impressions (recueillies plus tard) de la jeune femme, dont Le Tigre remarque l’extrême improbabilité du comportement (à moins qu’elle ne soit vraiment idiote). Bref, pour près d’une quinzaine d’euros, gageons qu’Ardem ait d’autres titres plus sympas dans sa besace.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’asservissement total et la dégueulasserie totale. La pauvre Justine met le doigt dans un terrible engrenage, et est amenée à subir des choses peu ragoutantes. Recevoir en visage les fruits de la jouissance du mari et de son frère, d’accord. Fellations de force, bon ça passe. Devoir gambader en petite tenue dans la campagne, mignon. Mais se retrouver face à trois (ou quatre) sans-abris qui vous prennent, moyen. Surtout quand ce n’est pas glamour du tout et que ça verse dans le sordide : sueur, crachats, même intense séance d’urophilie, il a osé ! Le Tigre s’est du coup étonné qu’au niveau scatologique ce soit resté (relativement) sage.

Vidéos privées extrait 2Le tout est accompagné de dialogues tout ce qu’il y a de plus recherchés également, du genre : j’vais t’détruire les amygales putasse ! Tellement qu’j’vais t’l’enfoncer jusqu’aux couilles ! j’vais y récurer les molaires d’plus près ! Amis poètes bonsoir, vous vous êtes sûrement trompés de route.

Du coup, comment acheter discrètement un tel titre ? La quatrième de couv’ est en effet sans appel, sans compter les espaces « BD érotiques » affiché par un néon rose dans les grands magasins. Pas très futé je dirais, légère impression de passer pour le petit coquin du jour. Quant à payer la chose, la glisser entre deux Batman et un ouvrage de Kundera fut hélas inutile. Le code-barre doit être passé, et les deux faces de la BD donnent le ton. Enfin, annoncer benoitement à la caissière que c’est pour un ami, c’est à peu près décider de prendre la pelle pour creuser sa propre tombe. Le Tigre, qui n’aime guère commander sur le net, y pense de plus en plus.

…à rapprocher de :

– Le tome 2 de cette histoire, nommé Tournage amateur, est paradoxalement décevant : plus long, moins crade. En sus, du même auteur, il existe la série Chantages. Voire La mauvaise élève, et Le Jouet, dotés de morales déplorables.

– Dessins légèrement plus travaillés, histoire plus consistante, c’est L’institutrice, de Bruce Morgan. Premier opus d’une tétralogie.

– La narration porno via un journal intime se retrouve également chez Xavier Duvet dans Le journal d’une soubrette, graphiquement plus léché.

– De meilleurs dessins avec de multiples mini-scénarios assez savoureux, c’est Chambre 121 d’Igor. Et c’est moins crade sur les bords.

Enfin, si votre librairie est fermée ou ne propose pas ce titre car « ce n’est pas le genre de la maison », vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Grant Morrison - Batman T4 : le dossier noir[Je n’indique pas la VO parce qu’il en a de tous les côtés, dont la suite de Final Crisis]. Premier tome de Morrison décevant, deuxième superbe, troisième presque catastrophique, ce quatrième tome est mitigé mais a su se rattraper. Si le début m’a fait peur parce que je ne bitais pas grand chose, la suite est agréable et permet de mieux cerner l’univers et la chronologie du Bat.

Il était une fois…

Bruce Wayne serait décédé. En pleine « Crise Finale », le puissant Darkseid farfouille dans son cerveau et l’amène à revivre des aventures apparemment sans queue ni tête. En outre, qui a tué le docteur Carter Nichols, spécialiste du voyage dans le temps ? Et le Dr Hurt, putain c’est qui ? Quid du Club des Héros ou de Zur-En-Arrh ? Toutes les réponses se trouvent dans le Dossier Noir, X-Files version Batman et Robin.

Critique de Batman T4 : le dossier noir

Oh my god, ai failli lâcher tellement je ne comprenais rien au début. Croyais à une énorme erreur de casting, ça partait dans tous les sens. Ai mis cette impression sur le compte de la fatigue, en fait c’est que Le Tigre s’y est plus ou moins mal pris. Car le Dossier Noir se lit mieux juste après le précédent opus de Morrison, en vue de rester dans le bain.

Ce comics se décompose en trois parties, ce que j’ignorais au premier abord. Firstly, la suite du précédent opus et on apprend comment Darkseid utilise Bruce Wayne. Planches très pénibles à lire si on ne saisit pas les multiples références qui sous-tendent les différentes postures du héros. Quant au dessin, c’est dans la lignée de la fin du précédent tome, à savoir sombre et finement esquissé.

Secondly, un scénario complexe et obscur (voyages dans le temps, professeur tué par on ne sait qui) que je n’ai pas franchement apprécié. Les illustrations m’ont paru plus « classiques », avec une ligne claire assez prégnante et des personnages (dont le Joker) facilement reconnaissables. Bref, vous pouvez zapper ce passage. A ce moment, Le Tigre était colère contre ce tome.

Thirdly, à partir de 150ème page, les fameux dossiers noirs. Et là, rattrapage généralisé de Morrison, paradoxalement parce qu’il ne fait rien à part narrer au lecteur ses délires précédents. Je vous explique ça tout de site (ça mérite d’en faire des thèmes).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’ancien et le nouveau. Non, non, je ne parodie pas Les Inconnus. En fait, ces dossiers sont quelques aventures sélectionnées par l’auteur (celles où la SF et le bizarre sont de mise) pour illustrer ses choix. Et là j’ai été ravi : en effet, c’est la première fois que Le Tigre a été confronté à des aventures du Bat des années 50 aux années 90. Imaginez, suivre l’évolution des héros, les illustrations, le vocable employé (les débuts sont d’un gentillet…), et souvent avec d’autres protagonistes qui prennent exemple sur l’homme chauve-souris : Le Mousquetaire (VF), Le Légionnaire (Version Italia), et tant d’autres !

Les explications de l’auteur. Avant chaque série d’aventures, Grant nous raconte ses impressions lorsqu’il a lu le comics (par exemple, l’effroi dont il a été saisi lorsque Robin se fait zigouiller). Mais surtout les différents liens entre les tomes de l’auteur et les exploits du Bat il y a quelques décennies. Ainsi le lecteur saura d’où vient le Bat-mite, qu’est ce qu’est le Zurr en Arrh (en fait une planète où Batman a la puissance de Superman) ou encore quelle est la première apparition du  Dr Hurt. Rien de plus efficace pour résumer ses gammes.

…à rapprocher de :

– Il vaut mieux ne pas lire ce tome au pif, et reprendre par le début (surtout le troisième) : Batman : L’héritage maudit, ensuite Batman R.I.P., puis Batman : nouveaux masques.

– La suite, Le retour de Bruce Wayne, m’a laissé plus que pantois. Quant à Batman contre Robin (sixième tome), c’est génial. La loi des séries se poursuit avec Batman Incorporated, nettement moins bon. Quant à Batman : Requiem, rien n’a été rattrapé. Dommage.

– Les dessins old school me rappellent un peu les aventures de Bicot et Suzy. Attention c’est très vieux.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Arnaldur Indridason - L'homme du lacVO : Kleifarvatn. En un mot, superbe. Enième enquête d’Erlendur (je ne les lis pas vraiment dans l’ordre), il y a du progrès dans la narration. Cet auteur islandais, à partir d’un policier, parvient à retranscrire l’ambiance de l’Allemagne de l’Est, sa police politique et la déconvenue de jeunes idéalistes gauchistes qui s’y sont frottés.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture, court et efficace, est un modèle de ce qui peut se faire de mieux. Copier-coller donc :

« Il dormait au fond d’un lac depuis soixante ans. Il aura fallu un tremblement de terre pour que l’eau se retire et dévoile son squelette, lesté par un émetteur radio recouvert d’inscriptions en caractères cyrilliques à demi effacés. Qui est donc l’homme du lac ? L’enquête révélera au commissaire Erlendur le destin tragique d’étudiants islandais confrontés aux rouages implacables de la Stasi. »

Critique de L’homme du lac

Le Tigre a commencé par Indridhason par ce titre et a été délicieusement surpris. Après avoir dévoré d’autres titres de cet auteur, je peux annoncer que c’est, pour l’instant, un de mes préférés. Comme j’aime le dire, c’est le roman de la maturité. Un pur plaisir, en trois heures à peine ce fut lu ! Les passages plus personnels du flic, lorsqu’on le découvre pour la première fois, ne sont pas rebutants car la lecture des opus peut se faire dans un certain désordre.

Le scénario peut être considéré comme classique mais la manière dont il est traité est parfait. D’un côté, Erlendur et ses petits soucis à la recherche de l’identité d’un vieux cadavre, déroulant progressivement le fil de sa vie (au macchabée). De l’autre, l’histoire de quelques étudiants qui vont découvrir les joies du socialisme en Allemagne de l’Est. Tomas, jeune Islandais qui souhaite monter dans la hiérarchie du PS local, y rencontre Ilona, qui est hongroise. Cette dernière est plus attentive à la situation de son pays, et semble plus circonspecte quant au bien-fondé de l’idéologie soviétique. Entre les deux où une belle histoire d’amour aurait pu naître, Lothar, agent de la Stasi dans l’université.

Arnaldur a bien géré les deux intrigues de son livre (il saute intelligemment de l’une à l’autre), le mélange d’expériences (années 70 et années 2000) reste bien géré et puissamment crédible. Nos jeunes idéalistes à l’Est de Berlin années 70 ont une histoire dure et triste, ce qui a particulièrement plus au Tigre.

S’il fallait donc n’en retenir qu’un, faire son highlander sur cet écrivain, c’est décidément L’homme du lac. Style limpide et différents épisodes empreints d’une belle humanité, rien à dire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les pays totalitaires du bloc soviétique, particulièrement la République démocratique (sic) allemande. La toute-puissante Stasi a ses entrées partout, et surtout dans les lieux de savoirs pour surveiller la jeunesse, catégorie sociale qui inquiète légitimement les autorités. L’auteur décrit les méthodes de la police d’État qui joue sur le jeu des informateurs. C’est le principe de l’auto-surveillance dans un groupe, où chacun peut potentiellement dénoncer son prochain. Le groupe peut être une bande d’amis étudiants, des amoureux, voire une famille… Orwell avait tout compris.

Le dernier thème est plutôt une réflexion toute personnelle du Tigre : à l’instar d’autres pays nordiques, comment comment une si petite contrée peut produire de pareils écrivains ? Larsson, Mankell, Staalesen, que des auteurs ayant un succès international (au moins en France) et réussissant à marier le noble art du polar avec des héros d’une humanité parfaitement rendue. Est-ce leurs sociétés relativement apaisées, le système politique libéral ou le climat peu avenant ? Faudra que Le Tigre se penche sur la question plus sérieusement….

…à rapprocher de :

– Les autres titres de l’écrivain islandais sont pas mal au demeurant, même si on peut avoir l’impression de tourner en rond à la longue. En vrac : La Cité des jarres, La Femme en Vert, La voix.

– Sur une histoire qui oscille entre le passé soviétique et le présent un peu glauque, il y a le frappant Purge d’Oksanen.

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Arthur C. Clarke - Les chants de la terre lointaineVO : The Songs of Distant Earth. Puissante claque de la part d’un auteur illustre de science-fiction, Le Tigre a découvert le père spirituel des auteurs contemporains que j’affectionne. Immensité de l’espace et du temps qui provoquent qui donnent le tournis, voici un roman profondément humain qui laissera des traces à tout lecteur normalement constitué.

Il était une fois…

A la suite d’une fabuleuse découverte dans les années 60 sur les neutrinos solaires (et oui), l’Humanité a pu savoir qu’en 3800 de notre ère le soleil se transformera en super nova. Ainsi, l’humanité parvient à envoyer quelques colons ici et là sur d’autres planètes dans le futur. Notamment sur la planète océanique Thalassa, où ses habitants ne savent plus ce qu’est devenue la Terre à l’issue d’une éruption volcanique qui a détruit certaines données.

Or vers 3600 un vaisseau, le « Magellan », transporte la dernière colonie de l’espèce humaine (1 million de cryogénisés quand même) doit faire escale par Thalassa (une histoire de réparation de boucliers à l’aide de glace) avant de rejoindre une lointaine planète, Sagan 2. Rien à voir avec Françoise au passage. Les Thalassiens (si c’est bien le gentilé) ne sont pas au courant de ce qui arrive, aussi la rencontre entre les deux peuples réserve quelques surprises. Qu’ont ces individus en commun sur un planète qui ignore tout de la Terre ?

Critique des Chants de la terre lointaine

Voici une grandiose pépite de la part d’un auteur souvent jugé comme trop technique et froid. Pour ma part, j’ai trouvé cet ouvrage presque trop avancé pour sa date de parution (1986). J’ai pu découvrir de savantes notions de grandeurs et de destins extraordinaires à cause de l’immensité de l’espace, thèmes repris (donc que je ne développerai pas) par d’éminents écrivains tels Peter F. Hamilton ou Alastair Reynolds. Tous présents sur QLTL.

En ayant relu rapidement quelques chapitres (assez denses en fait), j’ai retrouvé toute la beauté d’un texte qui m’avait profondément bouleversé. Car au-delà d’une histoire scientifiquement crédible, cet ouvrage a une puissance humaniste (trop peut-être ?) digne d’un Isaac Asimov (Les Dieux eux-mêmes) ou d’un Orson Scott Card (la saga Ender). Imaginez, deux groupes n’ayant plus grand chose en commun sinon leur appartenance à une même espèce, les retrouvailles sont empreintes d’une certaine nostalgie en plus de quelques incompréhensions mutuelles.

Nous suivrons quelques protagonistes de la planète Thalassa confrontés à l’arrivée du dernier vaisseau envoyé par la grande bleue. Décalages temporels entre deux civilisations, problématique de ceux qui souhaitent rester sur place (craignant un long trajet incertain), espèces aquatiques dérangées par les nouveaux qui débarquent, petites amourettes entre personnages, Arthur C. Clarke a brillamment mélangé fluidité du texte et scénario renversant.

Un plaisir dont il ne faut se priver, et ce en partie grâce à l’éditeur Bragelonne qui a réédité un classique à côté duquel j’aurai pu passer.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’esprit étriqué de l’Homme. Même en plein milieu du troisième millénaire, les religions sources de violence et autres croyances qui nous font porter des œillères sévissent et dictent la conduite de certains. Ces comportements sont d’autant plus choquants par rapport aux fameux « scorps », animaux qui peuplent les fonds marins de la planète et qui semblent plus « conscients » qu’on ne peut l’imaginer. Le Tigre n’en dira pas plus.

En outre, certains sujets sont traités avec une certaine finesse et ont incité Le Tigre à en savoir un peu plus. En vrac : le culte cargo, qui consiste à dire que toute technologie très avancée peut être considérée comme de la pure magie par d’autres (l’exemple historique étant des iliens confrontés au soldat occidental qui, à l’aide d’une radio, appelle un cargo qui délivre des vivres). Le dieu alpha (celui qui surveille) et le dieu oméga (le créateur de tout). La réécriture de l’Histoire, également, par les hommes souhaitant démarrer sur de nouvelles bases en la purgeant de toute violence.

…à rapprocher de :

– Clarke est connu pour son 2001, l’odyssée de l’espace ou son mystérieux Rendez-vous avec Rama (un jeu vidéo en est tiré d’ailleurs).

– Reynolds, sur les conséquences de l’immensité de l’espace, a produit quelques beaux spécimens. Je pense en particulier à House of Suns, qui s’étale sur des millions d’années.

– Orson Scot Card et l’histoire terriblement humaine d’Ender. Notamment Xénocide.

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Jean Teulé - Le MontespanTeulé s’intéresse à nouveau à l’Histoire, en l’espèce le marquis de Montespan qui s’est fait chiper son épouse par Louis XIV, homme le plus puissant de la planète. Drôle et tendre, voici l’histoire de « l’homme qui a dit non ». Servie avec un vocabulaire en verve, la cour du roi-soleil comme si on y était.

Il était une fois…

Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, n’est pas un noble comme les autres. Sous le règne de Louis XIV, lorsque le bon roi s’entiche d’une dame, le mari est censé être ravi et tous le félicitent. Ce n’est pas le cas de Louis-Henri : éperdument amoureux de Mme de Montespan, il est plutôt colère et décide de le montrer. Seul contre la royauté toute puissante, bravant les menaces, procès et autres coups bas, le marquis va faire tout ce qu’il peut pour récupérer sa belle. Ou menacer le couple royal qui a la faveur de la cour.

Critique du Montespan

On n’est pas loin du petit chef d’œuvre, du moins c’était mon sentiment lorsque je l’ai lu vers 2009. Teulé fait partie des écrivains récidivistes qui ont donné de bons moments de lecture au Tigre, avec Le Montespan j’ai encore été servi. 300 pages, un peu plus dense que d’autres titres (Darling ou Les lois de la gravité par exemple) avec des chapitres sensiblement plus longs que d’habitude.

Concernant le scénario, c’est tiré de l’histoire vraie du pauvre marquis de Montespan dont la femme (très belle bien sûr) se fait lever par le bon Louis. Ce n’est pas du goût du cocu, bien qu’en principe un tel « poste » devrait lui assurer honneurs et prébendes. Non, non, le héros part en guerre (presque littéralement) contre son rival. Bien sûr il va s’y casser les ratiches.

Le style est enjoué, oscillant entre l’hilarité et le dramatique. Le mélange des vocabulaires, entre phrasé pompeux du 17ème siècle et saillies ordurières contemporaines est plutôt bienvenu, en plus de rappeler au lecteur que c’est un roman avant d’être un essai historique. En effet, il semble que l’écrivain ait pris quelques libertés avec l’Histoire (vous pourrez vérifier sur wikipedia), cependant les nombreuses références culturelles feront plaisir au lecteur porté sur cette période. Car l’immersion y reste grandiose.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour dans tous ses états. Le Montespan est à la limite de la fleur bleue, disons qu’il vit très mal l’aspect « volage » de son épouse qui décidément se plaît bien à la cour. Le personnage a recours à des manifestations tapageuses, à l’instar de repeindre son carrosse en noir et l’affubler de cornes, comme s’il était nécessaire de rappeler son cocufiage (si ce terme existe). Lorsque ça ne suffit pas, il tente de s’attaquer directement au roi en baisant à couilles rabattues les plus immondes prostituées de Paname, espérant attraper la vérole, la refiler à Mme de Montespan qui contaminerait Loulou. Rien n’y fait, le héros reste sain comme un puceau.

La puissance de la monarchie absolue. Ce qui m’a particulièrement rendu triste est l’acharnement du pouvoir contre le pauvre hère. Lettres de cachets (emprisonnements en fait), procès infamants pour le dépouiller, menaces qui parfois sont mises à exécution (tentatives d’assassinat), tous manœuvrent contre lui pour lui faire lâcher prise. Ainsi acculé à la faillite, Montespan a un sort plus que funeste. Si les rieurs étaient de son côté au début, très vite le Gascon (il vient de cette région) devient comme pestiféré.

…à rapprocher de :

– Jean Teulé squatte correctement le présent blog : L’œil de Pâques ; Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).

– L’homme gravement in love dont l’imagination semble sans bornes, c’est aussi Pascal Jardin décrit par son fils, dans Le Zubial.

– Dernière remarque, le nom Pardaillan me fait terriblement penser au Chevalier de Pardaillec des Inconnus, comme si le trio de comiques souhaitait rendre hommage à un individu attachant mais à l’aspect d’un Don Quichotte à la française.

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Alexandre Jardin - Le ZubialTitre par lequel j’ai découvert Alexandre Jardin, il est normal pour Le Tigre de rendre hommage à celui-ci. Un court hommage au père de l’auteur, à savoir la description d’un homme qui s’affranchit de toutes frontières en donnant au mot « liberté » son sens le plus large possible. Poétique et surprenant, un excellent souvenir.

De quoi parle Le Zubial, et comment ?

Alexandre Jardin est l’auteur de l’enfance du Tigre, avec des livres qui à l’époque m’avaient envoyé beaucoup de rêve. Si Le Tigre a classé ce titre dans la catégorie « essais », c’est que c’est avant tout une bibliographie d’Alexandre sur son père, Pascal Jardin (décédé en 1980). Et aussi parce que j’ai moins d’essais que de romans dans ma bibliothèque…

Toutefois, lorsque j’ai lu cet ouvrage, je ne savais pas où était la frontière entre le témoignage et la fiction. Car on a envie de le croire sur parole, le jeune Alexandre, tellement son histoire est touchante. En effet, chaque chapitre regorge de petits délires de la part du Zubial, individu hors du commun à l’image de la petite famille.

Ces deux cents grosses pages ont constitué pour l’impressionnable lecteur qu’était Le Tigre un bol d’air de non conformisme tout à fait vivifiant. Séduction, situations burlesques, comportements poétiques mais souvent erratiques, ça se lit comme une parenthèse rêveuse. Chapitrage court, écriture simple et entraînante, un ouvrage à mettre entre toutes les mains. Toutefois, j’ignore ma réaction en lisant cela plutôt vers la trentaine. La magie continuerait d’opérer ?

Ce que Le Tigre a retenu

La relation père-fils. Le Zubial, c’est le papa avant tout. Décrit avec le regard d’un fils aimant pour un tel personnage (cf. infra). Metteur en scène de talent, son comportement est un enchantement permanent pour tout enfant. L’exemple de la fausse escarmouche contre les gendarmes est édifiant. Comme le dit l’écrivain, à partir du décès de son père la réalité a « cessé de le passionner ». Pas étonnant avec l’existence onirique offerte par son daron.

En outre, le Zubial est un mari qui donne un exemple assez particulier de l’amour en général. Libertaire sur les bords, capable de draguer toute femme mariée devant son époux, créateur pour sa femme d’une machine à applaudir. De surcroît, la mère de l’auteur, fait parfois souffrir le père, ce dernier inventant chaque jour de nouveaux stratagèmes pour reconquérir son cœur. Chez les Jardin, rien n’est acquis. Tout ne semble que temporaire, comme une partie d’échecs à l’échelle de la vie.

Mais derrière cet époustouflant personnage se cache un héros qui a ses faiblesses et donne une image éphémère du bonheur. Faible avec ses doutes et petits échecs qui le transportent dans une mélancolie douçâtre ; éphémère avec un comportement parfois inconséquent, voire irresponsable. Le genre de gus qui gagne une fortune au casino pour la perdre exprès quelques minutes après, qui se met volontiers en situation de gouffre financier (notamment vis-à-vis du fisc) par goût du risque, bref à la limite du danger public. Ce type de personnalités, ça marque ses proches.

…à rapprocher de :

– De Jardin, il y a Bille en tête, Fanfan, Mademoiselle Liberté, etc.

– Le Tigre ne fait guère la différence entre le présent titre et Le Zèbre.

– En fait, Alex n’aurait rien inventé ? Le père, Pascal, avait effectué le même exercice avec Le nain jaune.

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Arnaldur Indridason - La Cité des jarresVO : Mýrin (« marécages », traduction encore très libre du titre en France). Premier roman d’Arnaldur traduit en France, le contact avec le héros et son environnement donne envie de lire le reste. Scénario et style pas tout à faits au point, néanmoins ça se lit aisément et l’ambiance glauque de l’auteur en ravira plus d’un. Dont Le Tigre.

Il était une fois…

Erlendur est de mauvais poil, un nouveau corps est retrouvé dans la capitale islandaise, Reykjavik. Des images pornos fort choquantes sont retrouvées chez la victime, révélant une affaire vieille d’une quarantaine d’années. L’enquête le conduira à la fameuse « Cité des jarres », les jarres étant une collection dégueulasse de bocaux renfermant des organes…

Critique de La Cité des jarres

Le Tigre, comme à son habitude, a lu les aventures du flic Svensson (son nom de famille, qui dépend du prénom de son père) dans le mauvais ordre. La Cité des jarres est un des tout premiers opus avec ce héros, force est d’avouer qu’on se s’y ennuie guère.

Le scénario est plutôt plaisant, même si le fin mot de l’histoire pourra être deviné par plus d’un lecteur. Pourquoi ce meurtre, et quels lourds secrets cache la victime dans un pays où la généalogie fait figure de hobby national ? Au-delà des péripéties policières, nous aurons droit à plusieurs souvenirs d’enfance du narrateur (assez touchants d’ailleurs) et les relations entre le policier et ses deux enfants qui ont de graves problèmes de drogue (sa fille Eva Lind en particulier).

Sur le style, ce n’est pas encore parfait et la marge de progression d’Arnaldur a été correctement remplie par la suite. Quelques longueurs dans le décor planté par l’Islandais, toutefois en 300 pages (avec de nombreux chapitres) Le Tigre n’a pas vu le temps passer. Mais il faut garder à l’esprit qu’à l’instar d’un Staalesen ou d’un Mankell (voire la saga Millenium), la littérature nordique est faite de longues ficelles qui laissent aux auteurs le temps pour dresser un tableau réaliste et convainquant de l’environnement sociétal de leurs contrées (cf. infra).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les petits cauchemars des contrées nordiques, parlons en. C’est plutôt noir, les sujets traités par l’auteur : psychologie des viols (vu côté victime comme bourreau) ; jeunesse qui part en sucette dans un pays pas vraiment chaleureux, d’où les difficultés de la parentalité ; expériences génétiques menées par les gouvernements islandais (l’eugénisme n’était pas loin) ; ou enfin inefficacité (souvent voulue) du système judiciaire. Il y a largement de quoi justifier la mauvaise humeur du héros, individu maussade mais efficace.

Le héros Erlendur, justement. Indridhason (je mets le « h » parce que ce serait la bonne orthographe) nous présente un personnage qui sera au centre de tous les romans à venir. Comprenez qu’il n’avait pas intérêt à se planter en choisissant quelqu’un dont on souhaitera lire les aventures. Et dès le début l’objectif m’a semblé rempli : un flic taciturne, à l’image de son pays ; des enquêtes qui semblent banales mais débouchent sur de sombres scandales ; l’évolution des liens familiaux (et la vie amoureuse) du personnage, notamment avec sa toxico de fille ; et d’autres menus problèmes de santé (résolus à la fin de manière plutôt cavalière par l’auteur hélas).

…à rapprocher de :

– Les autres titres de l’écrivain islandais sont pas mal au demeurant, même si on peut avoir l’impression de tourner en rond à la longue. En vrac : L’homme du lac, La Femme en Vert, La voix.

– Dans un registre réaliste et noir, version Irlande, mais un style plus aéré et rapide, il y a Ken Bruen. Ça commence par Delirium Tremens il me semble.

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Ian McDonald - BrasylVO : idem. Sombre claque d’un auteur que je ne connaissais pas, il y a du gros talent dans l’air. Brasyl, c’est un voyage initiatique dans ce mystérieux pays à trois époques différentes. Descriptions sublimes, l’aspect SF fait une entrée certes tardive mais d’une formidable puissance. Un presque must, largement récompensé comme il se doit.

Il était une fois…

Trois histoires n’ayant aucun lien entre elles au premier abord, trois théâtres d’opération d’une guerre qui, dans l’ombre, fait rage. A noter que je m’inspire grandement du quatrième de couv’, qui pour une fois est plutôt bien foutu :

2006 : Marcelina Hoffman, productrice brésilienne de télé-réalité, a une idée dingue pour relancer sa carrière : organiser le procès de Moacir Barbosa, le gardien de but responsable de la défaite de la Seleção lors de la Coupe du monde de football en 1950.

2032 : Edson souhaite par-dessus tout sortir de la favela où il vit, à São Paulo. Mais sa rencontre avec Fia va mettre à bas ses plans. La jeune femme, qui maîtrise l’informatique quantique, est activement recherchée.

1732 : le père Quinn a été chargé par les jésuites de retrouver dans la forêt amazonienne Diego Gonzalvez, un prêtre dissident, et de le ramener dans la vraie foi (ou le zigouiller). Son voyage va être plus qu’éprouvant.

Critique de Brasyl

C’est le premier McDonald (sans jeu de mot) du Tigre. Plus de 500 pages, il faut avoir des garanties. L’Irlandais en a de belles, et je n’ai point été déçu. C’est de la grande littérature car à part l’univers de 2032 et les péripéties finales Brazil est un roman assez classique qui pourra plaire à un grand nombre de lecteurs.

L’histoire me paraissait au début quelconque, les liens entre les trois époques étant quasiment nuls. Une femme qui cherche à tout pris à retrouver un homme pour une émission, un jeune qui vit de menues rapines et est entraîné dans un bordel où des couteaux lames quantiques traversent toutes les matières, un prêtre irlandais et un érudit français à la recherche d’un doux fou qui a bâti de grandes choses en pleine jungle. Vous voyez le bazar ? MacDonald a pourtant réussi à lier lesdits scénarios avec un certain brio.

L’organisation du roman est intéressante, avec 8 parties aux titres intelligents. Chacune possède trois chapitres, un par héros dans son époque. On pourra trouver le tout moyennement aéré. Mais peu importe, le style de l’auteur est superbe : précision à l’épreuve de l’ennui, intensité narrative (qui peut lasser quand l’intrigue avance peu). Hélas Le Tigre a été un peu largué sur la partie du père Quinn vers la fin, disons que j’ai du me perdre au cours de la bataille en pleine Amazonie. Sans que ça puisse nuire au plaisir tiré de ce titre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Tigre va vous entretenir brièvement de la noirceur de l’être humain. La productrice de TV est l’occasion pour l’auteur de montrer ce que la téléréalité peut faire de pire, notamment organiser un méga procès pour un vieux gardien de but qui n’a rien demandé. En outre, le futur (2032) dans lequel évolue Edson est une vision pessimiste, un pays étroitement surveillé où commettre un vol n’est pas si aisé (chaque objet est doté d’une puce). Quant à la période coloniale du 18ème siècle, esclavagisme et massacres donnent le ton.

Le Brésil, pays onirique. Le boulot de documentation de l’écrivain a dû être titanesque. Sa maîtrise du vocable de l’environnement lusitanien met parfaitement dans l’ambiance : cuisine, flore, favelas, capoeira, fotebol, etc. En sus, un glossaire pourra aider le lecteur qui ne bite rien au portugais. Finissons sur la phrase de de Gaulle, reprise par l’auteur : « le Brésil n’est pas un pays sérieux ». Vu les révélations du dernier quart on comprend pourquoi.

La physique quantique. Ian nous enseigne magistralement sur ce qui touche à cette branche, entre ordinateurs quantiques à craquer et conséquences en terme d’univers parallèles. [Attention SPOIL] Le fin mot de l’histoire est terriblement glauque, puisqu’en fait la guerre dans laquelle sont intégrés nos héros se déroule dans de multiples univers (des millions). Un des belligérants, l’Ordre, est chargé de cacher un fait troublant, à savoir que les « multivers » ne seraient que des simulations d’un immense ordinateur quantique qui se meurt. Si on rajoute une plante, la curupaira, qui permet de regarder dans d’autres mondes, alors notre univers est au centre de bien des convoitises. Pas facile de faire court et clair pour un tel livre, j’en conviens [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– Le futur d’Edson reprend, à la sauce high-tech, des éléments dignes de 1984 d’Orwell.

– Sans spoiler, certaines idées ne sont pas si éloignées de la trilogie Matrix.

– En plus délirant, il y a le court Casse du continuum, de Léo Henry (c’est français !).

– Même titre, à peu de chose près, avec Brésil du grand John Updike. Noir.

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