Brubaker & Phillips - Fatale Tome 1 : La mort aux troussesVO : Fatale: Death Chases Me [traduction tout à fait correcte]. Titre, image de couverture, même le quatrième de couv’, le marketing est astucieux. Et à juste titre, puisque c’est un savoureux appetizer (c’est souvent le cas pour les séries) classique sur le dessin mais au scénario porteur. Démons, femme éternelle, jeune premier impliqué dans une aventure sanglante, ça passe.

Il était une fois…

Nicolas Lash est chagrin, son parrain Dominic Hank Raines (ami de son père qui est devenu dingue) vient de décéder. Et lors de l’enterrement, il fait la courte rencontre de Jo, qui ne le laisse pas indifférent. Comment peut-il tomber si vite sous le charme d’une telle brune ? Ça devient encore plus bizarre lorsque, en se rendant dans la bicoque du vieux clamsé (où il découvre un de ses vieux textes), des individus semblent lui vouloir du mal. Et Jo revient comme par magie, le sauve avant qu’un terrible accident ne survienne dans leur fuite. Amputé d’une jambe, Nicolas va lire le manuscrit de son parrain. Et c’est parti pour des révélations qui vont mettre à mal le monde logique de Nicolas.

Critique de La mort aux trousses

Très sympathique. J’ai survolé ces 120 pages avec un plaisir non feint. Sean Phillips et Ed Brubaker ne sont pas des touristes dans le monde des comics (j’ai préféré classé, eu égard le format, dans la catégorie « BD franco-belge), et ça ce ressent. Car le scénario est clair, vif, et balance entre le monde contemporain (avec notre jeune ami) mais surtout une vieille histoire qui a de terribles répercussions pour Nicolas.

Ce « vieux » scénario commence au milieu des années 50, avec le journaliste (je ne vous ai pas évoqué son métier ?) Hank Raines qui lève une affaire de corruption impliquant Walter Booker. Ce dernier, qui est avec la grand-mère de Jo (à moins que ce ne soit elle…), fait face à une enquête sur des meurtres rituels. Or la belle paraît vite impliquée dans une saloperie où un inquiétant Monsieur Bishop (qui a tout du contraire d’un évêque) la recherche activement. Le dessin m’a paru basique : aucune planche d’anthologie, couleurs normales, ligne pas totalement claire, ça glisse sans heurts.

A ce titre, heureusement qu’en fin d’ouvrage nous avons droit à quelques belles couvertures de épisodes de ce premier tome (6 en tout). En guise de conclusion, voilà un premier opus (qu’on m’a vivement conseillé) qui tient ses promesses. Et j’hésite à me procurer les suites, parce qu’en termes de séries Le Tigre a les yeux bien plus gros que le bide. A voir donc…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour qui dévore. Nicolas, mais surtout Raines et Walter, sont tombés dans une embuscade amoureuse. Est-ce le quasi statut d’immortelle de Jo, ou son insondable beauté, quoiqu’il en soit la somptueuse brunette envoie du très lourd. Dans la rue, tous se retournent lors de son passage, et la jeune (pas tant que ça en fait) femme sait se servir de ses charmes. Fatale certes, mais fragile : capable d’aimer, souvent dos au mur, ce n’est pas la manipulatrice un peu salope sur les bords qu’on pourrait imaginer, loin de là.

Enfin, Le Tigre a su apprécier la subtile mise en abyme de cette œuvre. Je m’explique : Nicolas, en lisant le manuscrit (premier roman écrit d’ailleurs) de son parrain, s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une fiction. D’ailleurs, les passages qui semblent « normaux » (par exemple, le décès tristement banal de la femme de Raines) sont le signe de la fiction tellement le reste est fantastique mais étonnamment cohérent. Le lecteur suit alors l’histoire de Raines à l’aune des dires du précieux manuscrit. Parallèlement, les péripéties contemporaines de Nicolas font étrangement écho au roman non publié, et la fiction rejoint rapidement la réalité du héros.

…à rapprocher de :

– De Brubaker, Le Tigre a lu Scene of the Crime (en anglais). Bof. Ou les Catwoman (exemple, Dans les bas-fonds), qui sont dans l’ensemble assez sympas à lire.

– C’est drôle, la gueule du méchant sur la fin, ajouté aux visions du jeune héros, m’ont furieusement rappelé Hector Umbra, d’Uli Oersterle. Un petit chef d’œuvre de glauquerie.

– Sinon, Manchette a écrit un court polar au titre éponyme (en lien). Un tantinet décevant sur la fin. Heureusement que la version dessinée, avec Cabanes (encore en lien), est meilleure.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce thriller en ligne ici.

Dan Millman - Le voyage sacré du guerrier pacifiqueVO : Sacred Journey of the Peaceful Warrior. « Quête » plutôt que « voyage » aurait été utile. Millman n’allait pas s’arrêter en si bon chemin et nous agrémente d’une suite de même facture. La vioque chamane sur les bords de la couverture ne trompe pas. Le Tigre, un peu las par cet auteur, a bien voulu le lire pour toi, cher lecteur.

De quoi parle Le voyage sacré du guerrier pacifique, et comment ?

Dan Millman n’allait pas laisser son premier essai faire un carton sans tenter de bisser un petit succès. Écrit 10 années après Le guerrier pacifique (l’oxymoron déjà lu, cf. infra), ce voyage sacré reprend les meilleurs ingrédients du précédent titre, tout en tenant d’aller plus loin. Loin en effet, puisqu’on fait un tour du côté du dépassement physique (intenses efforts) et psychologique (transe) dans ce que celui-ci a de plus éclatant.

Là encore la tentation est trop forte de copier-coller le quatrième de couv’, jugez plutôt : « Dan a du mal à intégrer les leçons spirituelles que son maître Socrate lui a transmises. Il sait qu’il doit franchir une nouvelle étape pour sortir de son insatisfaction profonde. Guidé par une série de coïncidences, il arrive à Hawaï et rencontre une femme chaman, merveilleuse. Au cœur de la forêt, elle lui apprendra à intégrer des niveaux de conscience supérieure grâce à des états de transe. Une initiation semée d’embûches, qui le mènera vers la lumière. »

Hélas je n’ai guère été aussi réceptif qu’avec son premier roman. Disons que j’ai senti, sûrement à tort, que notre essayiste américain a trop tiré sur la corde de ses thèmes. La première fois, c’est une excellente lecture qui en touchera plus d’un. L’effet de surprise passé, on commence à remarquer qui des lourdeurs de style, qui des péripéties improbablissimes. Des idées somptueuses certes, mais qui ont un arrière-goût de réchauffé.

Mais pour ceux qui ont (comme Le Tigre) accroché au premier opus, cette suite reste dans la même veine. C’est juste que, de ma part, j’en avais un peu ma claque. Et je suis vite passé à autre chose. Ça arrive à tout le monde. En fait, j’ai su ce qu’il n’allait pas : il faut laisser passer du temps entre deux titres de Millman.

Ce que Le Tigre a retenu

Pas évident d’éviter les répétitions par rapport au premier ouvrage de Dany, aussi je vais me concentrer sur les petites nouveautés de ce fabuleux voyage. En fait des anecdotes qui m’ont fait marrer :

Déjà, la rencontre de la pétillante chamane en plein Hawaï. Du joli n’importe quoi : on lui dit qu’il faut, pour la rencontrer, se mettre sur une planche de surf et à un certain endroit se laisser traîner par les courants. Bien évidemment notre jeune ami se foire dans les grandes largeurs. Sans eau ni protection solaire, il a l’air bien con sur le Pacifique, et se réveille passablement groggy dans la tanière de la vieille. Le presque boulet.

Tigre se souvient surtout d’une mystérieuse jeune femme qui participe aux entraînements de Dan et ses mentors. Et elle se débrouille bien la miss, elle cavale dans tous les sens sans broncher. Une force de la nature. En sus, si la petite a de la conversation (pas dans le sens où elle bavarde comme une pie), l’essayiste n’en saura pas plus sur elle. Bon, il est déjà marié…mais ça reste frustrant pour le lubrique lecteur.

…à rapprocher de :

– Il convient de commencer par Le guerrier pacifique, du même auteur. Au moins pour savoir qui est ce foutu Socrate.

– En fait, je me suis aperçu que Dan Millman a continué, notamment avec Votre chemin de vie. Non merci.

– Dans la même collection, je n’ai pas pu terminer Le livre des coïncidences de Deepak Chopra. Trop trivial et lourd à la fois.

Enfin, si votre librairie est fermée ou n’a pas d’espace « ésotérisme », vous pouvez le trouver en ligne ici.

Niles & Templesmith - 30 days of NightVF : 30 jours de nuit. Rien à voir avec 30 jours après ou un autre film catastrophe, ici une ville reculée va faire l’objet d’un open-bar sanguin organisé par une meute de suceurs du précieux liquide rouge rigolards et terrifiants. Petite déception toutefois, plus de 500 pages en anglais Le Tigre a souvent trouvé le temps long, sans compter le dessin particulier de Templesmith.

Il était une fois…

Barrow est une ville septentrionale (sans correcteur je ne serais pas parvenu à l’écrire correctement) en Alaska. Les habitants se préparent pour un mois sans soleil, une sorte de long solstice d’hiver qui, cette fois-ci, va attirer des individus aux sombres dessins. En effet, il semble bien que des vampires ont décidé de s’offrir une orgie de bouffe pendant ces 30 jours. Et leur affaire est rondement menée : vol des téléphones portables, communications coupées, etc.

Critique de 30 days of Night

Je m’attendais à mieux, c’est fort dommage. L’histoire est séduisante à ses débuts, imaginez un peu : le shérif Eben et sa nana Stella (qui bosse avec lui) se rendent compte que quelque chose ne tourne pas rond. Un incident dans un bar précipite le bordel qui s’annonce, et très vite la populace de Barrow (ville qui existe vraiment au passage) devient le garde-manger de dizaines de vampires qui sont fermement décidés à ne pas jeûner (euphémisme). Ça promettait grandement, or l’ennui s’installe vite dès la 200ème page.

Sur les illustrations, c’est du Ben Templesmith pur jus, le même style que dans Choker : de belles planches en général, avec quelques portraits assurément réussis. Couleurs froides où le rouge contraste agréablement avec le blanc/gris de la neige. Car du sang, il y a de quoi en remplir des tonneaux à binouzes. Hélas, le texte est trop petit, et malgré quelques bonnes idées (la couleur et la police d’écriture suivant selon les protagonistes) ça m’a rapidement donné des maux de tête. Et puis on s’y fait, grâce à la retouche numérique (Tigre aime le dessin assisté par ordinateur) qui offre, paradoxalement, quelque chose de net en dépit des grosses bavures.

Au final, une intégrale que je suis certes content de posséder (surtout en anglais), mais Niles m’a semblé vouloir à tout prix broder le scénario au début, quitte à être fort dépourvu sur le dénouement final. C’est parfois réjouissant (l’humour n’est pas absent de ce roman graphique), mais il manque un petit quelque chose (ou il y a trop de planches) pour que Le Tigre applaudisse de ses deux pattes.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le huis clos. Nos deux héros (et quelques autres) sont prisonniers de leur bourgade et se cachent rapidement dans les caves. Enfin ceux qui sont restés vivants. Unité (mensuelle) de temps, de lieu (une ville au nord de l’Alaska), toutefois les péripéties restent nombreuses malgré le gâchis de la fin un peu trop bâclée. Néanmoins, il faut avouer que quelques passages, qui tranchent avec l’oppression que le lecteur pourra ressentir, résonnent comme autant de coups de tonnerre d’une rare violence. A ne pas mettre entre toutes les mains sinon.

Le vampirisme. L’auteur présente des méchants sanguinaires à la morale douteuse, et emprunte quelques aspects des vampires tels qu’imaginés dans la culture populaire : le besoin irrésistible de se faire un steak humain façon tartare ; les dents longues (ici, plutôt une rangée de crocs acérés) et la peur de la lumière ; également la possibilité de transformer un humain en l’un des leurs (notamment un des héros qui reste attaché à ses anciens amis). Hélas on s’arrête là, un sentiment de frustration s’est emparé du Tigre qui n’a jamais appris d’où ces gus venaient et comment leur monde est organisé. Aussi je me suis rabattu, en guise d’explications, sur une autre œuvre illustrée par le père Templesmith. (cf. infra)

…à rapprocher de :

– Il se trouve que j’ai vu le film (avec ce bellâtre de Josh Hartnett), disons que ce n’est pas évident d’adapter telle BD. Déception donc, même si la dentition des vilains est plutôt bien rendue. Et l’histoire reste globalement fidèle à l’illustré.

– Templesmith a aussi illustré Choker, sorte de prequel à mon sens de 30 jours de nuit. Et aussi Bienvenue à Hoxford (il est l’auteur en sus), décevant à mon sens.

– Sur le noble thème des vampires, Le Tigre vous enjoint à faire un petit tour du côté du Livre des vampires, par Jacques Sirgent.

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Dan Millman - Le guerrier pacifiqueVO : Way of the Peaceful Warrior. Cette fiction autobiographique a ravi les jeunes lectures du Tigre qui a vu son esprit s’élever à des niveaux stratosphériques absolument délicieux. Mince, on a envie de croire à cette histoire abracadabrantesque. Et même si c’est grossièrement brodé, quelques enseignements y sont précieux.

De quoi parle Le guerrier pacifique, et comment ?

Dany, qui es-tu donc ? Je vais faire court, surtout que sur le net comme dans ses livres il y a de quoi connaître intimement cet auteur.. Gymnaste de compèt’, Dan Millman a vécu quelques rencontres qui ont bouleversé sa vie, et en a pondu un bestseller (au début des années 80), objet du présent billet. Maintenant, le monsieur semble tranquillement gérer les billes accumulées tout en proposant ses services de développement personnel à l’attention des grands de ce monde. Un malin quoi.

C’est donc sa première « rencontre ésotérique » avec un certain Socrate que Dan se propose de nous conter dans cet essai,. Et c’est là que Le Tigre va honteusement pomper le quatrième de couv’, car le Socrate (presque centenaire) en question « révèle une formidable jeunesse d’esprit et un humour décapant. A son contact, Dan, un sportif de haut niveau en mal de vivre, voit ses croyances complètement bouleversées. Guidé par le vieux sorcier excentrique, Dan triomphe peu à peu de ses peurs et de ses illusions pour vivre comme un amoureux et un guerrier… pacifique ». Alleluia !

Tout ça se passe au milieu des années 60, et puisqu’il a écrit 15 ans après cette aventure on n’est pas obligé d’y croire dur comme fer. Toutefois Dan Millman a produit quelque chose de clair, beau et plus qu’abordable étant donné qu’on se place dans un paradigme occidental : on s’intéresse vite au protagoniste principal en mal de repères malgré une vie qui lui sourit, et le lecteur voudrait, comme lui, rencontrer quelqu’un de la trempe de Socrate (cf. infra).

Pour conclure, j’avais été (à l’époque) emballé par la simplicité désarmante des propos de l’essayiste. Un expérience personnelle plutôt touchante qui donne fermement envie de s’intéresser à d’autres pratiques méditatives ou relatives au zen. Tigre est un grand enfant, et il n’est pas impossible que le lecteur plus sceptique y voit une sorte de Dan Brown (vous savez, celui qui a écrit Le Da Vinci Code ?) de l’ésotérisme.

Ce que Le Tigre a retenu

Pas grand chose au final. J’ai souvenir de plusieurs anecdotes, mais le propos ou l’enseignement général tend à m’échapper. Je peux vous parler du fameux Socrate, pompiste qui bien que ne payant pas de mine parvient à élever notre jeune padaw..euh guerrier pacifique. Maître exigeant et juste, c’est à se demander ce que ce vieux monsieur fout dans sa station service. Comme s’il attendait notre futur auteur. Pour la petite histoire, on apprend, dans un autre titre, que Socrate fut dans la plus prestigieuse école de ninjas du Japon.

Socrate enseigne à Millman un joli paquet de choses : méditation, relaxation, ouverture au monde, comprendre ce qui nous rend malheureux afin d’y remédier,…le tout avec une légère teinte humoristique qui hélas a relativement mal vieilli. Il lui fait même faire un petit voyage astral, c’est pas beau ? Après avoir lu quelques canons orientaux, l’approche de Socrate m’a semblé (je peux me tromper, attention) correspondre à la logique bouddhiste, tendance theravada : on souffre d’un manque souvent matériel, et lorsqu’il s’agit plus de « mélancolie » le travail se porte sur la vision qu’on a de notre propre univers. Afin de briser ce mal-être qui se transmettrait d’une incarnation en une autre, Dan doit composer avec ce qu’il a et se réjouir (et surtout aimer) de tout ce qui l’entoure.

…à rapprocher de :

– Le père Millman, qui a vu que ça marchait plutôt bien, a récidivé plus tard avec…Le voyage sacré du guerrier pacifique. Hélas j’ai moins accroché. Quant au troisième opus, jamais lu.

– Dans la même collection, catégorie « je le mets en essai bio ou en roman de fiction ? Oh puis zut, dans les essais, il en manque du mon site », il y a Le Troisième Œil de Lobsang Rampa. Pas mal du tout, et puis c’est bouddhiste à souhait. Pile la « religion » du Tigre.

– Toujours la même collection, je n’ai pas pu terminer Le livre des coïncidences de Deepak Chopra.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.

Carey & Jock - FakerSous-titre : Rêves angéliques. VO : idem. C’est avec ferveur que Le Tigre s’était procuré cet ouvrage qui promettait du lourd dans le monde des one-shots. Paranoïa, faux semblants, produits hallucinogènes d’une inquiétante puissance, le tout a été hélas mélangé sans grand talent. Pas mauvaise comme BD (dessin correct), mais mieux n’aurait pas ici été l’ennemi du bien.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture est d’une longueur indécente par rapport aux 150 pages (moins !) de ce roman graphique / comics. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’une bande de potes étudiants dans le Minnesota (à Saint-Cloud, pour être plus précis) vont se faire une petite soirée qui tourne bien mal : tous vomissent après avoir pris un verre dans lequel quelque chose de particulier a été versé. Et nos amis (qui vivent dans la même colloc’) voient leur ami commun Nick Philo passer pour un parfait inconnu dans l’université (et la ville). Personne, au-delà des protagonistes principaux, ne se souvient de lui. Il s’ensuit, dans le froid du Minnesota, une quête pour découvrir la vérité. Quelque chose de bien plus terrible qu’ils n’imaginent et va les mener au-delà de la conscience humaine…

Critique de Faker

A l’instar de l’image de couverture, ce comics (ou roman graphique ? Je ne peux décider) a été pour moi un délicieux arc-en-ciel : en effet, l’idée originale ne semble pas l’être tant que cela même si ça quelques passages ont éveillé chez Le Tigre un intérêt certain. Toutefois, la suite m’a paru être une accumulation de poncifs fort décevante. Je m’attendais à quelque chose de plus grandiose sur la fin, ce qui ne fut pas le cas. Ça se laisse lire, mais pas de claque littéraire légitimement attendue pour ces six épisodes de Faker enfin réunis.

Au début, on fait la connaissance d’une poignée de jeunes aux parcours éclectiques : Jessie, qui occupe son temps à gagner de la tune en faisant chanter les professeurs libidineux ; Paul Saknussen, grand beau assez sportif ; Marky qui n’a pas sa bite dans la poche et enfin Yvonne, hackeuse de talent un peu parano sur les bords. Tous vont subir une sorte d’expérimentation incontrôlée et vont provoquer un évènement qui va mobiliser les grandes instances policières et scientifiques du pays.

Comme je l’expliquais, le scénario aurait pu mieux être exploité. Ainsi, malgré moins de 150 pages, Le Tigre a parfois trouvé le temps excessivement longuet. C’est flou et fort complexe alors que cela aurait pu être évité. Quant aux illustrations, mon avis est neutre : ni catastrophe qui pique les yeux, mais ni planches de pure beauté qui ont arrêté le félin sur sa lancée. Et c’est bien dommage : une histoire potentiellement excellente, un titre correct, une couverture qui envoie du rêve, et au final un léger pschitt…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les souvenirs. Sans spoiler, disons que les produits ingérés par nos héros vont rendre réels leurs désirs & souvenirs les plus intimes. Tant que les cobayes sont dans un bon état d’esprit, c’est Clara Morgane en personne (pour les mâles) qui les rejoint chaque nuit. En revanche, le bad trip est terrifiant. Tous les cauchemars prennent forme. Dont la très choquante expérience de Jessie avec son oncle un peu trop « câlin » sur les bords. Et d’autres aussi traumatisantes.

La mémoire humaine. [Attention thème SPOIL]. Le « rêve angélique » est en fait un produit liquide de mémoire de type « humaine ». C’est-à-dire opposé à la mémoire numérique qui classe dans un endroit défini, et avec logique, toute information qui lui tombe sur le râble. Avec l’angélique, rien n’est fixé, tout peut se déclencher à partir d’un insignifiant stimulus. C’est ce qui est arrivé à nos héros, lorsqu’ils ont pris par mégarde le produit un être nouveau (et irréel) s’est constitué : Nick Philo n’est que la somme de quelques souvenirs mélangés, une chose qui n’a ni existence propre, ni avenir durable puisque la virtualité de son existence lui apparaît rapidement. [Fin SPOIL].

Les relations entre individus. Leur histoire est comme un catalyseur qui va remettre à plat la nature des liens entre nos jeunes. L’érotomane de service qui ne jure que par le sexe, la salope fragile qui ne voit dans les hommes plus âgés qu’une source de revenus, Paul Sak qui apprend que son père n’est pas celui qu’il pensait (et songe du coup à se suicider), chaque protagoniste va au-devant de certaines désillusions qui sont à même de détruire leur environnement douillet. La jeunesse en souffrance dans toute sa splendeur.

…à rapprocher de :

– On retrouve Jock qui a contribué à rédiger Batman : Sombre reflet, qui m’avait laissé une excellente impression. Comme quoi…

– La jeunesse, le bizarre, en nettement plus long il y a Black Hole de Charles Burns. Lu en anglais par Le Tigre, un petit chef-d’œuvre.

– Sur la catégorie « jeunes en souffrance », on me glisse à l’oreillette que la série TV The O.C. puise dans le même filon. Hélas ça a l’air pas terrible non plus.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce titre sur Amazon ici.

Bernard Werber - La trilogie des fourmisEt oui, il m’arrive de résumer du Werber. Et cette trilogie occupe une place très spéciale dans ma bibliothèque, car il ne s’agit rien de moins qu’un détonateur : Le Tigre a découvert qu’il pouvait s’enfiler 1.200 pages en un week-end, et sans broncher. Intéressant pour l’époque, novateur (révolutionnaire je disais même), ça donnait envie de lire.

Il était une fois…

Trilogie, trois paragraphes. En outre, j’ai eu l’impression que le père Werber s’oubliait un peu plus à chaque opus. De 300 pages au premier on va crescendo jusqu’à presque 800 pages, ce qui complexifie les synopsis. Des commentaires ? Non ? [cet auteur se plaît, comme moi, à casser le quatrième mur] Alors on y va :

Les fourmis. Jonathan Wells hérite de son oncle un peu fou-fou, Edmond du même nom. Ce dernier a effectué un incroyable travail sur les insectes, en plus d’avoir laissé une encyclopédie écrite de sa propre main. Pas très loin, le lecteur suivra les péripéties de la fourmilière  Bel-o-kan, une des plus peuplées (des millions d’individus) dans la zone. Logistique, survie, lutte contre d’autres clans ou espèces, les fourmis ignorent tout des humains (qu’elles appellent les « doigts »). Les deux mondes vont bien sûr entrer en collision.

Le jour des fourmis. Ça devient un peu plus bordélique chez les humains avec deux meurtres fort étranges (poison, complot, suicide ?) au sein de la communauté des chimistes. Très vite l’héritage d’Edmond Wells semble être une des clés pour comprendre ce qu’il se trame. Chez les fourmis, ça part vraiment dans tous les sens : évolutions techniques, nouvelles notions (religion, etc.) qui font leurs apparitions, bref celles-ci se comportent comme n’importe quelle civilisation (sous l’égide d’une fourmi plutôt maligne). Le temps des premiers affrontements est donc arrivé.

La révolution des fourmis. La belle Julie Pinson fait la rencontre de la fameuse fourmi 103ème, celle dont on suit les aventures depuis si longtemps qu’on peut légitimement s’interroger sur la durée de vie normale de cet insecte. Ensemble, dépassant leurs différences, les deux membres de leur espèce respective vont provoquer, chez leurs contemporains, une petite révolution de velours qui va faire date.

Critique de la trilogie des fourmis

Tigre va faire vite sur la critique : j’ai adoré lors de ma collégienne enfance. Jusqu’à me sentir plus intelligent (à tort évidemment) que la moyenne pour avoir lu, et compris, cette saga dont on a tiré BDs et jeux vidéos (que j’ai moins aimés au demeurant).

L’histoire, j’ai perdu suffisamment de temps à l’expliquer dans la partie précédente. Il faut juste savoir que ce n’est pas vraiment (à part le premier opus à la rigueur) un livre sur les fourmis, mais sur l’Humanité belliqueuse et peu encline à descendre du piédestal qu’elle s’est, depuis longtemps, sculpté (avec un recouvrement en feuille d’or j’ai envie de rajouter). Les trois titres se suivent certes, mais sauf exception nous allons avoir des protagonistes différents.

Hélas, si la note est négative, c’est qu’en parcourant (de nouveau) les pages j’ai trouvé le style certes fluide, mais tellement basique. Lire en diagonale n’aurait jamais été autant possible s’il n’y avait pas tous ces dialogues sur lesquels le lecteur bute. En fait, et sauf votre respect, cette saga est parfaite à lire avant ses 18 ans. Après, passez vite dessus et attaquez du plus « consistant ».

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Faut pas rigoler, à 12-14 ans j’en ai vu des thèmes ! Ça m’avait marqué même. L’encyclopédie relative et absolue du père Wells notamment : c’étaient mes petites moments de félicité, tomber (presque par hasard) sur un nouvel article de cette source pertinente d’intelligence. Philosophie, histoire, mathématiques, anecdotes sociologiques, ça paraissait un immonde fourre-tout de loin mais j’ai vite pressenti l’humanité et la modestie (nous ne sommes que des animaux de passage) qui transpirait de cet ouvrage souvent pessimiste.

En outre, Nanard nous agrémente dans cette trilogie de nombreuses énigmes (grâce notamment à un jeu TV) qui m’avaient laissé sur le cul à l’époque. Car maintenant tous les connaissent. Et les solutions, souvent élégantes, parfois capilotractées, offrent de brillants exemples de ce que j’appelle la pensée « out of the box ». Il tente même de nous raconter comment 1+1=3 est possible, hélas Le Tigre, même à 13 ans, y a regardé à deux fois.

Enfin, la structure de la trilogie rappelle (c’est dans l’encyclopédie de Wells d’ailleurs) comment la bêtise humaine tend à se reproduire en cas de rencontres avec l’étranger. D’abord le premier contact, ensuite l’affrontement, enfin la coopération. Avec en toile de fond qu’avant c’était entre civilisations, maintenant c’est entre espèces terriennes, et potentiellement plus tard avec des E.T. Ce qui fait dire à Werber que si ces derniers se décidaient à débarquer sur Terre, ils taperaient d’abord la discute aux fourmis.

…à rapprocher de :

Je me rends compte que résumer du Werber par est ce qu’il y a de mieux, aussi je continuerai dans cette voie avec :

Le Cycle des anges : assez novateur, très bon début en tout cas.

Le cycle des dieux : ça passe au début, puis ça saoule très vite.

– Les one-shots sinon, comme Le papillon des étoiles, Le Père de nos pères, L’ultime secret, etc.

– Un roman, de Evan Weiss cette fois-ci, se met également à la place d’insectes, en particulier les cafards, dans Les cafards n’ont pas de roi.

Enfin, si personne ne veut vous prêter cette trilogie ou si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver la saga en ligne ici.

Wood & Cloonan & Harren - Conan le barbare : La reine de la côte noireVO : Queen of the Black Coast. Tigre ne connaît que de Conan un héros avec un fort accent autrichien dans un film du début des années 80. Jamais lu un seul de ces romans, et comme Lovecraft les adaptations en BD sont de bonne facture. C’est sea, sexe & sang : Conan est un vrai mâle, quasiment dépourvu de finesse et d’humour, un petit joyau brut prêt à se faire tailler par l’amour.

Il était une fois…

Tigre va tenter d’être complet : Conan est un Cimmérien, c’est-à-dire originaire de l’endroit le plus nordique de son univers. Les hommes de cette contrée ont la réputation d’avoir des couilles en béton armé, aussi lorsque Conan fuit Messantia (capitale d’Argos) et atterrit dans un navire de commerce, il offre sa protection aux marins en échange de partir loin de la grande ville. Il se fait accepter et se voit conter l’histoire du bateau La tigresse, commandé par Bêlit, quasi déesse impitoyable et sanguinaire à la beauté renversante. Avant même de l’avoir vue, Conan tombe amoureux de cette femme.

Critique de Conan le barbare : La reine de la côte noire

Voici le premier tome d’une série qui s’intéresse à un héros quand même né dans les années 30. Je ne vais pas vous sortir la bio de Conan le barbare, seulement expliquer que ce comics est tiré d’une histoire imaginée par R.E. Howard (l’auteur originel, son travail ayant été repris par la suite) dans Conan le Cimérrien.

L’auteur Brian Wood est surtout connu pour les DMZ, outre d’autres titres chez Dark Horses et Marvel. Un bonus à la fin du comics est une interview de Wood, qui explique son travail sur cette adaptation. La fameuse reine, Bêlit, et son équipage, bien évidemment Conan a affaire à eux rapidement. Il combat avec une certaine classe, et la belle tombe « improbablement » vite amoureuse du barbare et décide d’en faire son roi. Conan propose (ordonne, vu son statut) de retourner à Messantia pour la piller. Avec un plan certes bancal mais astucieux.

L’américaine Becky Cloonan et son compatriote James Harren se sont occupés des illustrations qui m’ont paru « classiques », ce qui n’est pas un mal en soi. Le jeu de cases est harmonieux, entre petits dessins et grands tableaux (la mer, la présentation de la ville marchande). Les couleurs, généralement dans les tons froids, s’éveillent lorsqu’il s’agit de combats, et là on ne fait pas dans la dentelle. Si le personnage de Conan m’a semblé avoir autant de charisme qu’un homme politique corrézien, il faut avouer que la femme pirate est très bien esquissée.

Au final, Le Tigre a cru presque lire du Torgal mais avec la violence exacerbée et un scénario simple et pourtant porteur de nombreuses péripéties. Le personnage de Conan a été bien adapté, rien à dire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je vais pomper un titre de Dan Simmons, à savoir L’amour, la mort. Sur l’amour, il y a la rencontre avec Bêlit, qui auparavant n’aurait jamais possédé un homme. Car elle a enfin trouvé son alter-ego, et le héros lui-même est dingue de cette nana. Tour à tour chatte et tigresse, Bêlit déploie des trésors d’imagination pour éviter à son « roi » une fin tragique. Jusqu’à se mettre gravement en danger. Enfin une femme qui prend en main son destin dans une telle aventure, ça fait du bien. Comme le dit Wood, « les histoires machos ne m’intéressent pas ».

La mort. Ça défouraille à tout va, et notre jeune héros a des talents de guerrier qui font que personne ne semble être en mesure de l’égaler. D’un coup d’épée il tranche un soldat en deux, le décapite comme on prend un café, des passages restent assez gores. En sus, un vieux chaman aux multiples visions ajoute une couche mortifère au récit.

Une dernière bonne chose à signaler, parallèlement aux nombreux affrontements, est la voie de la narration qui est dans des bulles ressemblant à des fragments de parchemin. Ce qui y est dit est parfois too much, seulement il faut coller à l’esprit du texte d’origine. L’Iliade et l’Odyssée mélangées (toutefois avec un seul protagoniste), Conan a un univers à lui qui a d’étranges coïncidences avec les grands récits épiques.

…à rapprocher de :

– Puisque j’en parlais, DMZ vaut vraiment le coup, même si sur les derniers tomes ça s’essouffle légèrement.

– C’est la seule fois (je ne sais pas si je continuerai) que je lis du Conan, alors Le Tigre ne peut que vous renvoyer vers les films éponymes de 1982 (pas mal, Arnold au sommet de son art de culturiste) et 2011 (bof bof).

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD sur Amazon ici.

acques Tardi - C'était la guerre des tranchéesSous-titre : 1914-1918 (je le mets au cas où certains n’auraient pas saisi). On est presque en face d’un monument d’humanité mais aussi d’indignation avec ce bel ouvrage (couverture dure en plus, bravo). Plusieurs mini-scénarios avec différentes personnes, dessin qui n’est pas mon genre mais qui finalement fait mouche, que du bon. BD d’utilité publique à la limite.

Il était une fois…

Le grand-père de Jacques Tardi était poilu, et cette première guerre mondiale a fasciné l’auteur dès sa plus tendre enfance avec les récits de l’ancêtre. Dans cette bande dessinée, nous suivons une grosse poignée de soldats (Binet, Soufflot, Huet,…) dans l’enfer des tranchées et ailleurs. Car comme le dit l’auteur, pas de personnages principaux ou héros dans cette lamentable « aventure », rien qu’un gigantesque et anonyme cri d’agonie.

Critique de C’était la guerre des tranchées

Un superbe ouvrage que Tigre a offert à papa-tigre pour lui montrer, qu’au-delà des essais sur la der des der, il est des trésors illustrés qui ne demandent qu’à être dévorés. Car le père Tardi fait presque l’unanimité autour de cet ouvrage, et Le Tigre est au regret de devoir se ranger à l’opinion générale. Je n’ai rien (ou peu) à y redire, c’est beau et généreux.

Sur l’histoire, exunt (je ne me porte pas garant de la conjugaison) les grandes manœuvres ou le « collage » à l’Histoire, et bienvenu aux scénettes de la vie quotidienne des poilus. Rien de chronologique, aucune unité de temps ou d’espace, mais des passages plus ou moins longs sur différents aspects de cette horreur. L’entente tacite entre soldats ennemis, les assauts inutiles et meurtriers, l’engouement des débuts pour cette guerre, la fraternisation éphémère, les souvenirs d’un jeunot, j’en passe et des pires.

Bon, puisqu’il convient de tenter la critique de temps à autre, je peux trouver deux-trois trucs en cherchant bien : déjà, le dessin. Au début Le Tigre a été relativement choqué par l’aspect brouillon voire « sale » (le trait est épais) des cases. De même, la police d’écriture est loin d’être confortable. Mais on se fait très vite à cette dernière, et sur le trait Tardi nous offre rapidement de superbes tableaux. En plus, je me dis que pour une « sale guerre », les illustrations n’ont jamais été aussi adéquates.

En outre, l’écrivain (car c’est plus qu’une BD, quelques pages sont des chapitres sans cases) prend rapidement partie, et n’hésite pas à violemment fustiger tout ce qui tourne autour de la patrie et en quoi cette idée a pu être aussi désastreuse. De l’anti-gaullisme (si je puis m’exprimer de la sorte) où rien de positif n’arrive à être relevé sur ce premier conflit d’envergure. Rien de bien vilain, pour ma part je ne pouvais qu’adhérer aux propos indignés de Jack.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’horreur de la guerre. On croit savoir à quel point ces quatre années ont été ignobles, mais tout lecteur se surprendra à découvrir une anecdote (le terme me semble mal adapté hélas) sur ce que peut rencontrer un homme de 1914 à 1918. Se protéger, sans le savoir, les mains dans les boyaux d’un mort, ou encore être le seul individu « originel » d’une compagnie dix fois renouvelée, tout ça fait froid dans le dos. Et pour le lecteur qui n’a jamais connu la guerre et la mobilisation, on y réfléchit à deux fois avant de se plaindre de nos conditions de vie.

Le pacifisme. Les soldats racontés par Tardi en ont marre, et n’arrivent pas à saisir comment on peut en arriver à assassiner des hommes qui auraient pu être des frères et avec qui on s’entendrait parfaitement. Les propos de l’auteur sont justes, et Le Tigre a encore en mémoire quelques chiffres donnés par l’auteur : ça prendrait presque une semaine si on devait faire défiler tous les soldats tombés sur le front. Le coût de la guerre aurait permis de bâtir une chouette maison pour chaque habitant. Construire plutôt que détruire, c’est hélas trop tard. Quoique… En sus, ces cris d’indignation sont placés en contraste avec quelques déclarations lénifiantes de gradés ou politiques sur l’aspect « sain » de ce conflit.

…à rapprocher de :

– Tardi se charge très bien, à la 127ème (et dernière) page, de nous indiquer une longue bibliographie et filmographie. En vrac : A l’ouest, rien de nouveau (livre de Remarque), Les Chemins de la gloire (film de Hawks), Le Baron Rouge (film de Corman), etc…

– Plus intimiste, et sur le conflit mondial qui suit, il y a La guerre d’Alan, d’Emmanuel Guibert.

– Quelques planches savoureuses sur l’absurdité de la guerre se trouvent chez Vaughn Bodé et son Dǎs KämpF.

– Autre BD sur la « der des der » (et la période avant la Seconde), c’est La Grande Guerre, de Battaglia, Toppi et Buzzelli (ma che, oui !). Pas terrible, à éviter.

– Le refus de la guerre, c’est aussi dans Mauvais Genre (titre bien choisi), de Chloé Cruchaudet.

– Quant aux suites du conflit, rendez-vous dans Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître.

– Sur le dessin, noir et blanc et au final magnifique, j’ai repensé à Comès, par exemple dans la BD magique (c’est le mot) Silence.

– En roman (disons qu’est une bio), la retranscription d’un poilu se trouve dans 42 mois de tranchées. Pas mal.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Les textes du TigreParfois l’envie d’écrire une petite fable politique me prend. Tigre va tenter de faire court, et Buddha en personne sait si cela n’est pas aisé. Enfin, pour faire dans la dentelle, la présente nouvelle est couplée à une autre, que j’ai tout simplement nommé La Patriarche. Sinon, toute ressemblance avec des personnes ayant…bla bla bla.

Le Matriarche (ou La Dilogie des Héros, Pt.1)

Ceci est l’histoire d’un homme. Appelons-le monsieur X. Il ne laisse personne indifférent, c’est le genre d’individu qu’on adore ou qu’on déteste. Pas d’entre deux. Ceci n’est pas un essai politique, encore moins un pamphlet, et surtout pas la biographie d’une personne en particulier. Du moins officiellement.

Acte I – L’ascension

Dès le début, il fut promis à de grandes choses. La fée qui s’est penchée sur son berceau ne s’est pas foutu de sa gueule. Loin de là : grand, plutôt beau gosse, brun ténébreux, dentition parfaite, magnétiseur sexuel sur les bords, bref le genre de gus qu’on évoque non sans concupiscence dans les gargotes à 50 km à la ronde. Et ce serait un sacrilège sans nom que de laisser un tel bestiau cloîtré dans son enclos.

Et il pressent ce destin particulier qui va être le sien. Aussi, comme il n’est pas trop con et est autant capable d’apprendre par cœur que de synthétiser, c’est tout naturellement qu’il survole ses études (avec une nonchalance qui frise l’insolence) jusqu’à la plus grande école des sciences politiques de son pays. Puis l’institut d’administration de l’État, crème de la crème qui ne fut pour lui qu’une formalité.

Car son objectif va plus loin. Ayant toujours plus de contacts dans le monde interlope des officines publiques, Monsieur X devient rapidement le poulain d’une vieille bique réac’ mais qui a de la suite dans les idées. Et elle veut faire de lui un grand homme d’État. Pour cela, elle lui enseigne l’alpha et l’omega de la politique : d’une part, éliminer les menaces les plus proches en procédant « palier par palier », ce qui signifie le plus souvent commencer par taper dans son propre camp. D’autre part, s’efforcer d’être dans l’air du temps en repérant les inquiétudes de la populace, et pourquoi pas le cours de l’Histoire tel un Napoléon ou un Bismarck des temps modernes. Surfer sur la vague quitte à être désespérément vague. Et il apprend vite. Clivant dans sa famille politique, neutre (apolitique disent les mauvaises langues) lors de la dernière ligne droite du scrutin, Monsieur X emmerde autant le camp adverse que son propre parti.

Paradoxalement, pendant qu’il s’acharne à expliquer à ses compatriotes qu’il est le mieux placé pour les représenter, sa vie familiale n’est pas à la fête. On ne parlera pas de sa propension à butiner de manière compulsive en dehors de la fleur sacrée du mariage. Mais plutôt de ses enfants avec qui il ne peut se départir de son rôle d’homme public. Ses deux fils ont pour père la caricature (désormais solidement incarnée) d’un homme gesticulant et prenant des poses empruntées à la gestuelle bouddhiste. Les conséquences sont doublement terribles : l’un s’éloigne le plus possible de cet homme par la voie du suicide tandis que l’autre subit l’effet inverse. Ce dernier épouse l’ambition de son père en devenant son premier conseiller en communication.

Et ça fonctionne plutôt bien, ce coach qui vous interpelle par un « papa ! » : le cerveau de Monsieur X, peu sollicité de ce côté là, devient alors étonnamment réceptif.

Acte II – L’installation

Ça y est, quatre décennies de travail acharné pour un résultat tant attendu : la magistrature suprême. Hélas il garde un arrière-goût d’accession bâtarde sur le trône, quelque part il a eu les électeurs par l’usure. Comme si ces derniers se sont dits : « oh puis merde, ça fait trois fois qu’il se présente, on va le le laisser un peu jouer. C’est pas un méchant ». Une adoption par défaut, aussi veut-il renverser la tendance et devenir celui qui adopte, puis le père incontesté qui ne déçoit point.

Pour cela, il considère l’ensemble de ses compatriotes comme sa petite famille. Et tel un père pas encore trop malsain, Monsieur X ne fait jamais montre d’une quelconque préférence pour l’un de ses enfants en particulier. Une famille se doit d’être apaisée, rassemblée. Sauf que certains gosses sont pourris gâtés tandis que d’autres sur-réagissent à tout changement de leur environnement. Ils ne veulent pas grandir on dirait bien. Alors papa X se dit que ce n’est pas si grave, il préfère louvoyer et ainsi éviter la crise de larmes. Ou tenter de raisonner le chiard en lui expliquant que le responsable est la jeune fille au pair, voire le syndic de la copropriété. Avec les autres copropriétaires il ont certes élu celui-ci, mais ne s’en servent qu’en tant que bouc émissaire pour justifier les menus tracas. Il va même jusqu’à sacrifier sur l’autel de l’opinion infantile sa très gazouillante nounou la plus prometteuse.

Mais si le peuple est son enfant, ses alliés politiques sont tout autre. Timide sur la politique intérieure, Monsieur X déploie des trésors de stratégie autour de son microcosme politique. L’objectif est de ne pas voir émerger un jeune loup qui lui ferait ce qu’il a tant fait à d’autres. Ménageant les susceptibilités, imposant une harmonie d’une finesse inouïe entre les divers prétendants, notre homme s’épuise à maintenir un subtil équilibre entre distributions de bons points et cinglantes paires de claques (voire le bannissement). Faire tourner dans son manège étatique les postes de puissance est hélas le meilleur moyen d’être tranquille.

Voilà donc à quoi ressemble son action politique : fougueux au début, la rue l’a trop vite rappelé à l’ordre. Imbibé d’Histoire, Monsieux X ne sait que trop les ravages de la guerre civile pour prendre un quelconque risque. De rétropédalages en discours lénifiants, il appert qu’il est guidé par le peuple plutôt que l’inverse. Ils ne m’ont pas élu sur mes promesses, mais sur ma capacité à les suivre, se dit-il. Et il se complait dans ce rôle autant que cela le tétanise. Au bout du compte, ses dernières années en tant que chef seront celles d’une vieille dame de bonnes œuvres.

Acte III – La dégradation

Voilà, notre homme est sur le point de terminer son dernier mandat. Impossible de se présenter pour un petit dernier, la Constitution est formelle (pour une fois) sur ce point. Et c’est avec le sentiment du travail accompli que sa dernière allocution télévisuelle a lieu. Il est encore question de rassemblement, de tolérance, bref un verbiage vertigineusement consensuel vis-à-vis duquel toute critique semble impossible. Ni coup d’éclat, ni surprise. La routine, jusqu’à la fin. La fin.

Et c’est à ce moment précis que le corps usé reprend ses droits. Dame nature l’a laissé faire pendant trop longtemps, et s’apprête à lui montrer à quoi peut ressembler un formidable retour de manivelle. Imaginez, quarante années à courir après toujours plus de pouvoir suivies de près de vingt années à défendre le poste bec et ongles, la structure synaptique de la cervelle de Monsieur X s’est organisée autour de la prise et de la conservation du statut ultime. Chaque matin à six heures, la machine se mettait inextricablement en marche, même (et surtout, il se disait ainsi prendre de l’avance) les jours de congés. Et du jour au lendemain, plus rien.

La retraite, c’est l’antichambre de la mort. Il n’aime pas cette phrase, car derrière un vernis libéral (qu’il a sévèrement écorné sur la dernière ligne droite) notre homme sait que celle-ci est vrai. Et depuis la passation de pouvoir, deux choses très bizarres lui arrivent soudainement : un relâchement complet de pression que son inconscient conforte en lui disant qu’il n’a pas laissé de merdes sous le tapis ; bref il se sent libre. Mais libre de faire quoi ? En outre, il a le sentiment d’être infiniment perdu. Son cerveau crie à une excuse pour ne pas lâcher comme un vulgaire ligament croisé : « redeviens député, ministre, président du monde ! La maison de retraite pour anciens rois, je n’en veux pas ! Et tes fondations aux noms bateau, ça ne sert à rien ! ». Rien n’y fait, son esprit se dégrade à une vitesse qui surprend, sinon choque.

Paramétrez un ordinateur de belle facture à jouer aux derniers jeux vidéos de qualité et annoncez lui un jour que vous n’allez que faire des démineurs dessus. Comme par hasard il se peut qu’il y ait un bug.

Or, les réactions autour de lui n’ont rien de réconfortantes. Ses anciens compagnons d’armes, qu’il ne reconnaît plus, ont d’autres chats excités (qui un rival politique, qui un juge) à fouetter. Et revoir Monsieur X les embarrasse, car il est le triste reflet vivant de leurs jeunesses naïves et ponctuées d’erreurs en tout genre. Et celui de leur avenir potentiel à tous, ce qui est plus grave. Ses médecins et sa famille se réfugient dans le déni et attaquent sévèrement tout média rendant compte de cette putréfaction. Et dire qu’il pourfendait l’assistanat lors de sa période ultralibérale. Enfin le peuple, à part le réélire, ne peut pas grand chose. Tout semble perdu. Pourtant il survit, et a même enterré La Patriarche, une rivale avec qui il n’a aucune affinité.

Peut-être est-ce là l’ultime coup de maître de son cerveau corrompu. Ce dernier le maintient sur terre pour une bonne raison : il doit partir la tête haute sous les applaudissements nourris et les sincères trémolos de son pays. Et il convient d’attendre que sa cote soit au plus haut. C’est-à-dire laisser ses successeurs s’embourber dans le marécage politique (qu’il a contribué à rendre encore plus hostile, comme par un fait exprès) pour montrer qu’après lui, c’est le déluge. Et se faire discret, pour que dans l’opinion s’installe durablement un souvenir ému de sa personne. Comme pour des vacances d’été pourries, on ne garde finalement en mémoire que les jours de beau temps. C’est en ne foutant rien qu’un politique augmente sa cote n’est ce pas ?

Acte IV – La disparition

Une fois ces conditions réunies, il rejoint enfin le panthéon de la politique. Et on le pleure, sans arrières pensées. Car il est le père que tous ont voulu avoir, celui qu’on peut facilement idéaliser pour oublier qu’il fut autant lâche que nous.

Thomas Paine - Le Sens communVO : Common Sense (d’où la majuscule à « Sens »). Un très vieux pamphlet (18ème siècle quand même) qui s’inscrit dans la révolution américaine contre la perfide Albion, Le Tigre a ressorti son cerveau préparationnaire (entendez « hypokhâgne »). Et grâce au traducteur, j’ai à peu près tout compris. Joie inénarrable.

De quoi parle Le Sens commun, et comment ?

Le Tigre a du lire dans sa jeunesse tous les « classiques » politiques en vue des nombreuses épreuves de philo qui se présentaient. Or, rien sur Le Sens commun, personne ne m’en avait parlé auparavant. Ou alors je dormais en classe. Et rien que sur la forme de ce livre, la taille de l’essai (légèrement plus courte qu’un format poche) et la couverture d’une psychédélique symétrie en font un objet particulier.

Thomas Paine est un intellectuel américain qui a apporté une petite pierre (ou un pavé, les historiens ne semblent pas s’être mis d’accord) à l’édifice de la révolution des treize colonies. Écrit début 1776 (pour la première édition, pas celle de l’éditeur), Le Tigre avait pourtant retenu de cette années trois autres évènements d’importance. Pour l’aspect politique, c’est bien sûr la déclaration d’indépendance des EUA. En économie, le bon Adam Smith publiait ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Enfin, à Londres était terminé le premier pont en acier au dessus de la Tamise. 

En commençant l’ouvrage (après une courte introduction), Le Tigre craignait que les 150 pages allaient être comme le début : un concentré de réflexions politico-philosophiques à la Rousseau. Et en fait non, comme tout pamphlet c’est à la fois varié (cf. infra) et court. Car j’ai eu la bonne surprise de découvrir que le dernier tiers du bouquin est une postface de Chistopher Hamel. Ce dernier, non content d’avoir traduit plus que correctement Paine (mots anglais entre crochets pour comprendre certains termes traduits), a rédigé une analyse de cet essai qui possède l’agréable saveur d’un commentaire de texte : claire, concise, dotée de nombreuses références (sur le texte comme sur d’autres), bref on se surprend à revenir en arrière en vue de relire quelques passages à l’aune des remarques de Hamel.

Pour conclure, voilà un ouvrage qui serait sage de proposer à la sortie des lycées / classes prépa, le traducteur a fait en sorte qu’on ne sente pas le poids des âges. La vision de Thomas P. m’a paru en outre incontournable pour comprendre l’esprit révolutionnaire outre atlantique, voire mieux saisir certaines motivations d’une certaine révolution qui a provoqué un bordel encore plus formidable, en Europe, une certaine année 1789.

Ce que Le Tigre a retenu

Comme je l’ai découvert dans la postface, les thèses et autres recherches sur le bon Tommy sont légion. Pas évident de se démarquer du lot, aussi je vais dire ce que j’ai appris avec un vocabulaire « moderne ».

Déjà, Paine tire à boulets rouges contre la monarchie (en général) qui contredit sévèrement, selon lui, le sens commun. Pas d’élections, rupture dans le principe d’égalité, en fait le pamphlétaire fait montre d’un libéralisme au premier sens du terme, c’est-à-dire centré sur la liberté de l’individu et d’un peuple de décider de sa propre politique. Et c’est à ce moment que l’auteur m’a perdu dans la mesure où il propose un processus électoral en vue de bâtir une « charte continentale », sorte de constitution pour le pays en devenir. Élections sibyllines, tirage au sort (couplé à une présidence tournante) pour présider le machin, presque pire que la présidence de l’UE !

Paine utilise la fameuse formule du « sens commun » à tous les coins de rues, et il faut convenir que plus d’une fois ça fait mouche. Par exemple, il s’étonne que ce soit une île qui dirige un continent alors que c’est normalement l’inverse (en étudiant la colonisation européenne). Ou alors lorsqu’il se livre à une analyse, chiffres à l’appui, de la possibilité (et la nécessité) pour l’Amérique d’avoir sa propre flotte marchande. Là j’ai su que j’étais loin d’être un intellectuel car c’est cette dernière partie plus « géopolitico-économique » qui m’a vraiment parlé.

Sinon, la dernière idée qui m’a marqué est la « désolidarisation » que prône l’auteur avec les affaires du continent européen. Il remarque qu’une alliance (ou soumission) avec la Grande-Bretagne serait infiniment dommageable pour le commerce, les colonies américaines étant dépendantes de la très guerrière politique d’Albion. En sus, l’Amérique n’est plus vraiment anglaise, les émigrants de toute part du vieux continent déferlant sur le nouveau. J’y ai cru déceler quelques graines de ce qui deviendra, longtemps après, la doctrine Monroe.

…à rapprocher de :

– Dans le courant d’idées de cette époque, l’étudiant souhaitant cartonner pourra utilement lire la biographie de Thomas Jefferson, par Saul K. Padover. Ou le Dictionnaire de la pensée politique, de François Géré.

– Si vous souhaitez faire péter la culture dans tous les sens chez la baronne grâce à ce même éditeur, Noam Chomsky, activiste de Jean Bricmont ; Le Jardin des singularités de Jesús Sepúlveda ou Métaphysique et fiction des mondes hors-science de Quentin Meillassoux peuvent être signalés.

Marek Krajewski - Les fantômes de BreslauSous-titre : Une enquête d’Eberhard Mock. VO : Widma w mieście Breslau. Acheté pas vraiment au hasard dans la mesure où un thriller écrit par un Polonais et se passant en 1919 en territoire polonais germanisé, ça ne court pas les rues. Exigeant comme roman et parfois confus, ce fut néanmoins une lecture globalement positive.

Il était une fois…

Moins d’un an après la première guerre mondiale, quatre jeunes marins presque nus (et dans une posture peu catholique) sont découverts morts près d’une île de l’Oder. A leurs côtés, une citation de la Bible dans une missive qui s’adresse directement à Eberhard Mock, inspecteur à la police des mœurs. Dans Breslau (mieux connue sous le nom de Wrocław) occupée par les Allemands à cette époque, les meurtres en série semblent se développer. Et à chaque fois, des lettres mettant en cause notre héros alcoolique. Qu’a-t-il pu faire dans le passé pour qu’on lui en veuille de la sorte ?

Critique des Fantômes de Breslau

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marek Krajewski est fin lettré. Enseignant de lettres classiques à l’université de Breslau (tiens tiens…), le monsieur sait le latin et (un peu) le grec. Et n’hésite pas à le montrer dans cette œuvre plutôt sombre, sinon oppressante par l’ambiance misérable qui en ressort. Sur certains passages, j’ai cru être largué, puis les choses se sont rapidement remises à leur place. Ouf.

Chose rare, la structure de ce roman a été relativement déroutante. Point de chapitres en effet, mais deux lignes à peine sautées pour préciser la date et l’heure de la péripétie. Aussi le début introduit une courte présentation du héros, en très mauvais état (il refuse de s’endormir et a une sale gueule) vers début octobre, ensuite nous remontrons progressivement le fil de l’histoire à partir de fin août de la même année (1919).

Et quelle histoire ! Quelques cadavres atrocement mutilés (ça fait journalistique, je sais) ; un flic presque marron porté sur la bouteille et n’hésitant pas à tâter celles qu’il est censé protéger (les filles de joies) ; un ennemi malsain qui mélange séances d’occultisme avec un paradigme grec-antique du plus mauvais effet, mélangez le tout avec quelques traumatismes de la Grande guerre et vous avez un scénario assez bien travaillé. Avec une fin que Le Tigre a trouvé décevante, les méfaits dont est accusé Mock m’ont fait plus ricaner qu’autre chose.

Quant au style, Le Tigre a eu peur au début de ne pas pouvoir s’y habituer. Les descriptions, bien que nombreuses, ne sont pas tout de suite parvenues à me mettre dans le bain. En outre, le protagoniste maladif (il fume sans arrêt, boit comme un trou pour éviter de cauchemarder chez lui, bouffe plus que de raison) peut refiler au lecteur un sentiment de malaise qui ne s’améliore pas au fil de l’œuvre.

Toutefois, pour un polar polonais dans un environnement aussi peu traité (une grande ville de Pologne avant la Belle époque), Le Tigre reste content de l’avoir lu. 350 pages qui ne passent pas si vite que ça, attention ce n’est pas du James Patterson. Loin de là.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vie dans l’Europe de l’Est après guerre. Mister Krajewski connaît sa ville, a lu les bons documentaires et s’est renseigné auprès des bonnes personnes, cela ne fait pas de doute. Car l’univers de Breslau est terriblement bien rendu, que ce soit les mets servis dans les restaurants (on hésite entre saliver et dégobiller lors des agapes du héros), la vie des prostituées (mâles également) ou encore les bars miteux du centre. Quand à la riche bourgeoisie qui y vit, ils semblent aussi vilains et détraqués que les pires romans de Zola.

Les fantômes du passé. On attendra les dernières pages pour savoir ce que Eberhard (je ne m’y ferai jamais à ce prénom) a bien pu commettre de grave. Mais avant d’en arriver là, l’écrivain nous présentera quelques souvenirs de guerre du héros. En sus, avec son ami Rühtgard (le prénom à ce gus est Cornelius, nom de zeus…), le policier de la mondaine discute longuement de ce qui peut provoquer ses cauchemars et ses impressions que la maison où il vit (avec son père) est hantée. Une légère touche de fantastique permettant de resituer l’état de la science à cette époque concernant les fantômes, l’hypnose, voire le charlatanisme.

…à rapprocher de :

– Dans la catégorie « roman polonais », en plus onirique, Le Tigre garde un très bon souvenir de Gombrowicz avec Les envoûtés, mais surtout le roman Ferdydurke.

– Le héros du présent titre me fait penser à Bernie, protagoniste principal encore plus cynique mais moins porté sur la bouteille (quoique…), dans l’Allemagne d’avant guerre avec La Trilogie berlinoise de Philip Kerr. Il y en a d’autres de cet auteur d’ailleurs.

– En BD, les aventures de Friedman dans Rhapsodie Hongroise, même si celles-ci ont lieu plus tard (et en Hongrie), m’ont fait penser à celles en Pologne.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Gilbert Keith Chesterton - Le club des métiers bizarresVO : The Club of Queer Trades. Encore un livre que j’ai du piquer chez le grand-père et que j’ai lu un soir de grande détresse. Littérature anglaise « à énigmes » du début du 20ème siècle, avec cela et Conan Doyle le lecteur sera verni. Relativement déjanté, toutefois ça a terriblement mal vieilli.

Il était une fois…

Basil Grantest un ancien juge qui fait la connaissance d’un club fort particulier dans la première nouvelle. La suite n’est qu’enquêtes plus ou moins fantaisistes de Basil (accompagné qui d’un frère, qui d’un ami) où le lecteur rencontrera de beaux cas sociaux londoniens.

Au final, une demie-douzaine de textes (20 à 30 pages environ) dont les titres ressemblent à cela : Les Aventures formidables du Major Brown, Le Pénible Effondrement d’une grande réputationL’Effroyable Raison de la visite du pasteur, La Curieuse Affaire de l’agent de location

Critique du Club des métiers bizarres

Écrit en 1905 par un auteur anglais qui avait de la suite dans les idées, publié chez Gallimard en 1996, beaucoup de flotte est passée sous les ponts de la Tamise depuis. J’ai trouvé le tout un tantinet bien vieux, avec un style pas évident du tout à suivre.

Chesterton nous propose quelques nouvelles plus ou moins reliées (la première est toutefois fondatrice) et basées sur des idées qui jadis ont du avoir leur petit succès. Enquêtes pseudo policières certes, mais un peu de fantastique s’invite dans ces textes qui sont dans l’ensemble légers (sinon comiques).

Toutefois Le Tigre a eu du mal à accrocher, heureusement que j’ai trouvé assez de suspense (à la Sherlock Holmes) pour me retenir de refermer prématurément ce livre. Et puis on s’y fait, jusqu’à prendre un peu de plaisir pour qui veut bien entrer dans le jeu de l’écrivain. Pour conclure, c’est sûrement le type d’ouvrage qui mériterait d’être relu, à défaut de trouver d’autres œuvres du même auteur.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le mystère et les faux semblants « à l’anglaise ». J’ai eu parfois l’impression que le père Gilbert Keith s’amusait à mener son lectorat par le bout du nez. L’étrangeté de certaines situations mêlée à un certain flegme britannique qui ne semble s’étonner de rien est vraiment too much. Et lorsque le mystère est résolu c’est souvent par un artifice de déductions (ou de concours de circonstances) qui ferait passer Sherlock H. pour un détective de seconde zone. Improbable donc.

Le fameux club des métiers bizarres a un règlement (afin d’y entrer) qui donne la mesure des individus un peu borderlines sur les bords. Jugez d’après la description donnée par la couverture : « c’est un club excentrique et bohème ; la seule condition exigée pour en faire partie consiste en ceci, que le candidat doit avoir inventé la profession qui le fait vivre, et que cette profession doit être entièrement nouvelle ». En outre, il ne faut pas que ce soit une variation (même importante) d’un métier déjà existant, sans compter que l’activité doit constituer le seul gagne-pain de la personne. Le Rotary, un moulin en ruine du cottage en comparaison.

…à rapprocher de :

– Les aventures de Sherlock Holmes (voire celles d’Agatha Cristie), forcément.

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