Le presque Nord comme si on y était, Eddy B. a fait très fort. Un garçon différent qui ne pourra jamais entrer dans le moule misérable de sa communauté et décide de la décrire, sans ambages, voilà qui pourrait passer pour un règlement de compte – mais c’est plus complexe que cela. Le style est loin d’être transcendant, heureusement que ça ne dépasse guère deux cents pages.
Il était une fois…
Eddy Bellegueule, c’est un garçon qui détonne avec son environnement. Le vilain canard d’une communauté réduite à un village d’un millier d’individus. Eddy, il est efféminé, curieux, peu porté sur la bouteille, et ce n’est pas le genre de Hallencourt, en Picardie. Ni au sein de sa famille (sept gosses quand même), où ses manières exaspèrent. Enfance malheureuse au milieu de ces « beaufs », adolescence tumultueuse, jusqu’au départ, salvateur [deuxième partie, à peine 50 pages, qui aurait mérité d’être étoffée].
Critique d’En finir avec Eddy Bellegueule
Lors de sa sortie, le roman avait fait grand bruit. Les critiques semblaient unanimes sur sa qualité, sans compter le plaisir de voyeur attaché à la description d’un univers autant miséreux et, n’ayons point peur des mots, arriéré. Plaisir certes malsain, mais tout à fait légitime. C’est sans doute là que réside une difficulté : j’attendais énormément de ce titre, et forcément me devais d’être déçu.
Le petit Eddy a donc quelque chose de différent, et il faut reconnaître qu’à chaque chapitre (pourtant court) le héros en prend plein la gueule. Menues brimades ; tabassage en règle ; père alcoolo qui se désole de son fils qui est une tantouze ; séance de sodomie par le cousin au cours de laquelle la maman arrive (si si) ; difficulté à avoir une petite amie pour donner le change ; fausse couche de la mère dans les chiottes ; alcoolisme atavique du village, et j’en oublie.
L’écrivain a opté pour une narration toute personnelle (à la première personne). Aussi la description de ses terribles tourments, froide et révoltante, verse dans le tragique – sans pathos putassier. Parallèlement, le jeune Bellegueule n’hésite pas à reproduire exactement les mots de ses proches (en italique), offrant là un langage pauvre mais au réalisme éprouvé. Et ces mots assez triviaux ne sont pas là pour souligner le vocabulaire de l’écrivain, qui a choisi de rester simple en faisant court et percutant. Pas de grande analyse sociologique, seulement des faits, bruts, comme aurait pu l’écrire un journaliste lambda.
Bref, entre En finir avec Belly Bellegueule et la participation d’un habitant à l’Amour est dans le pré (émission sur la misère sexuelle), le petit village d’Hallencourt apporte énormément à la culture française, et il faut s’en réjouir. Je devrais y faire un tour un de ces quatre. Quoiqu’il en soit, j’espère qu’Edouard Louis montrera qu’il sait écrire autre chose que sa propre vie.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce qui m’a surpris et attristé est la violence de l’univers dans lequel évolue Eddy. La bêtise crasse d’une population pauvre, raciste et sujette à la violence entretient (et est entretenue) par un environnement socio-économique déserté par les élites. Le collège ressemble à l’usine, et il n’y a que cinq pas (et autant d’années) pour aller de l’un à l’autre. L’état des habitations fait froid dans le dos, la saleté et l’humidité se tirant la bourre. Comprenez que les conditions pour un épanouissement intellectuel y sont absentes, rien de plus normal pour Eddy que de fuir vers une grande ville – Amiens (sic). Pour un Eddy, combien de destins d’évolution sociale brimés ?
Encore plus étonnant, les habitants du cru parviennent à mettre en place des « contournements intellectuels » afin de passer outre les contradictions de leurs discours. Ils pointent au chômage, mais ce ne sont pas des assistés comme Les Arabes. Ce sont de vrais hommes, ils subviennent aux besoins (grandissants) de la maisonnée mais dès que la femme gagne aussi du fric, le pater familias l’enjoint à arrêter (car on n’a pas besoin de tout ce fric). Ça déverse sa bille contre les déviants, alors que l’alcool et les procréations incestueuses coulent à flot. En fin de compte, tout n’est qu’affaire de postures, à savoir gueuler (et taper) le plus fort pour donner le change.
A ce moment, la question est de savoir ce qu’il a pris au petit Bellegueule pour délivrer une telle bombe littéraire contre les éléments de sa jeunesse. Je n’entrerai pas dans ce débat puisque, sous le titre, il est précisé « roman ». Il ne s’agit donc pas un essai, point barre.
Voici donc ma modeste conclusion sur et ouvrage : soit Eddy, qui a changé de nom au passage (procédure judiciaire très lourde) a publié un roman où la fiction dépasse l’autobiographie, auquel cas c’est grave – et ses proches ont des raisons d’être furieux. Soit tout ce qu’il a écrit est vrai, et c’est encore plus inquiétant. Dans les deux cas, il savait être perdant – et le félin le respecte à ce titre, même si l’impression du minimum syndical littéraire est tenace.
…à rapprocher de :
– Comme l’auteur le signale rapidement, son roman est un hommage à Retour à Reims, de Didier Eribon.
– Sur l’homosexualité et la manière dont celle-ci est vue en France, le très fourni essai de Jackson, intitulé Arcadie, mérite d’être abordé.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
VO : Петербургские повести. Aaaah, Saint-Pétersbourg, imposante cité où grouille différentes populations aux histoires plus surprenantes les unes que les autres. Pour un auteur tel que Gogol, Le Tigre s’incline et soulignera les quelques pépites de ce recueil, en taisant respectueusement les textes qui m’ont profondément ennuyé – en fait, non.
VO : Death of the Family. Tiré du comic strips Nightwing #13-18 et Batman #17. Dans le dernier tome, Nightwing faisait plus ou moins la nique à la République de Demain (du moins on entend plus parler de ce pseudo ennemi). Un autre ennemi, plus fondamental, fait son retour et distille ses poisons chez les proches du héros. Comics plaisant à lire. Sans plus, mais ça aurait pu être pire.
« Salut Camarade félin. Écoute, je suis un peu sur la sellette en ce moment. Je sens bien qu’on se fout de la gueule de mon idéologie moribonde. J’aurais besoin que tu montres à d’autres comment de plus ou nobles idées peuvent partir en quenouille. En littérature si possible. Ciao tovaritch. Karl M. PS : je suis désolé pour le pavé Das Kapital, je n’ai pas eu le temps de faire court »
VO : idem. Suite à une expérience, tous voient leur avenir dans 20 ans pendant 2 minutes. Les implications sociales, économiques, politiques sont très bien anticipées par l’auteur, et le déroulement final est tout simplement délirant. Bon roman d’un auteur que Le Tigre apprécie, et ce en dépit d’un rythme un peu lancinant.
VO : idem. Histoire mélancolique du surfeur d’argent mourant, Le Tigre a été soufflé face à un scénario complet servi par des illustrations oniriques et vertigineuses. Le lecteur tiendra plus entre ses mains un roman graphique qu’un comics, en plus d’avoir une sorte de revue de presse de ce qu’est ce personnage et les protagonistes qui l’entourent.
Sous-titre : La fin. VO : Knightquest : The End. Tiré des comics strips Batman #509-510, Detective Comics #676-677, Batman: Shadow of the Bat #29-30, Legends of the Dark Knight #62-63 et Robin #89 et d’autres planches. Ça y est, c’est le dernier opus. Batman se faisant déchirer la colonne vertébrale est un lointain souvenir. Début très sympa, fin catastrophique, c’est plus que dommage.
VO : Special circumstances. Un double meurtre dans une grande entreprise, un avocat un tantinet tête brulé qui défend son meilleur pote (non non, nul conflit d’intérêts…), de nombreux retournements de situation, voilà un roman qui se dévore. Procès-enquête mené tambour battant, figurez-vous que le lecteur ne fera pas attention au nombre de pages.
Pas encore (du moins il me semble) traduit en France, Dan Fesperman est un auteur bien informé dont les titres sont autant réalistes qu’édifiants. Voici donc un très bon roman sur un agent du FBI entraîné malgré lui dans une machination de grande ampleur. Comme le titre l’indique, l’histoire se passe dans la prison de Guantanamo, zone de non droit en plein Cuba.
VO : Petit recueil d’un blog que je suivais jadis, la Perry Bible Fellowship (ci-après PBF) est le travail d’un artiste américain à l’humour noir et au dessin souvent onirique. Une mini-planche par page, trois à quatre cases par planche, quelques bonus, de très bons passages, il y a largement de quoi se taper sur les cuisses.
VO : The Hellbound Heart. Très grosse nouvelle d’horreur confinant au roman, j’avoue que Clive Baker m’a laissé sur ma faim. Le style, sec et direct, n’a pas la puissance escomptée pour une histoire d’êtres venus de l’enfer et aussi sadiques que dingues. Ce texte écrit en 1986 aurait dû être accompagné de suites dans le même média, hélas ce ne fut pas le cas.
Suivi de Schtroumpfonie en ut. Je suis omnivore, ne l’oublions pas. Lorsque les Schtrucs se comportent comme des humains, forcément ça se termine en catastrophe – enfin, c’est relatif. Ouvrage mille fois lu, mille fois analysé, apportons un peu d’eau tigresque au moulin des nains bleus en prenant un titre au pif de leurs aventures.