Il est temps de s’attaquer à un monument de délires et d’humour avec un personnage qui a peuplé la jeunesse du Tigre. Pascal, c’est un homme extraordinaire plongé dans une France surprenante (et d’autres pays) finement décrite par Sattouf. Les aventures du héros sont d’un savoureux inouï. Des barres de rire.
Il était une fois…
Pascal Brutal, le mâle le plus sévèrement burné du pays dirigé par Madelin, vit dans son appart au sein d’une barre d’immeubles. Maître de l’hypervirilité mais doté d’une grande sensiblerie (comme le dit Riad Sattouf), notre héros ne laisse personne indifférent. Sexe, drogue, politique, soirées, voyages, kilomètres d’autoroutes avalés en moto, rien n’arrête Brutal.
Critique de Pascal Brutal
Pascal, c’est un peu le grand frère délirant que beaucoup auraient voulu avoir, le mâle dominant qui d’un geste anodin vous rabat au rang d’un moins que quiconque. Dans le coffret que s’est procuré Le Tigre, les trois tomes du viril personnage : La nouvelle virilité, Le mâle dominant et Plus fort que les forts (Pascal Cube, hé hé).
Riad Sattouf, l’auteur d’origine syrienne (si ça peut expliquer quelques délicieuses planches), a pondu quelque chose de solide avec un univers fantasque mais qui interpelle. Le monde de Pascal est plus ou moins futuriste, la technologie est la même, seuls d’intenses modifications politiques et sociales ont eu lieu. Au final, de courtes histoires (certaines certes plus longues) pour la plupart géniales, avec en sus de l’humour quelques messages politiques auxquels on ne peut qu’agréer.
Sur le dessin et le texte, le tout reste fort classique. Ligne claire, couleurs basiques, ce n’est pas du grand art pictural. Heureusement, le dessinateur a eu quelques bonnes idées, par exemple : un scénario point of view, des péripéties avec dessous des bandeaux entourés de noir comme ceux qu’on trouve sur les paquets de clopes ou encore quelques réjouissants détournements historiques.
Allez, après tant de roses balancées à Riad Sattouf vient le temps des épines : à partir du glorieux protagoniste, c’est dommage que l’auteur/illustrateur ne soit pas davantage foulé à produire plus de planches. Apparemment d’autres projets étaient en cours. Le format d’autre part : pour 150 pages, Le Tigre aurait préféré avoir une intégrale, à savoir un seul ouvrage et si possible de moindre format. Le prix paraît bien excessif eu égard le nombre de pages.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La liberté, la vraie. Notre héros ne travaille pas vraiment et a l’opportunité d’aller un peu partout lorsque l’occasion se présente. Sa puissance et son mojo font qu’il a le dessus sur presque chaque situation, et est de facto au-dessus des lois de la populace. Liberté sexuelle également : outre la mère de Pascal, ce dernier n’hésite pas à se laisser aller à des élans d’homosexualité qu’il n’assume pas totalement. Car Pascal n’est ni hétéro, ni homo ou bi, seulement hypersexuel.
Les problèmes sociaux. Sattouf décrit un pays profondément divisé entre la banlieue et les réac’ de tout poil (jeunes madelinistes, personnes âgées, bourgeois et autres nantis). Les liens entre les deux mondes existent, et souvent pour des raisons peu glorieuses : envie de s’encanailler, deal de stups, etc. Pascal, accepté par tous puisqu’il transcende les castes par son sex appeal, est alors l’inébranlable pont entre ces deux quasi univers. Avec les étincelles qu’on peut imaginer.
La politique. Le système français, s’il faut justifier ces troubles sociaux, est insolite : dictature soft menée par des politiciens de droite et la clique des grands patrons (Sarko fils, Madelin, casinos Barouin) ; profonde autonomie des régions (Bretagne, pays de Pascal) ; quartiers sécurisés à l’excès ; racisme institutionnalisé, etc. Mais là où Riad fait fort, c’est en décrivant des systèmes étrangers : édifiant lorsque le héros fait un court séjour dans la Belgique gynarchique (l’Arabie saoudite à l’envers) ; intelligent en décrivant le nouveau monde arabe entre unité, liberté totale et développement durable (aussi bien l’écologie que l’éducation). Sous la présidence de Sattouf bien sûr.
…à rapprocher de :
– La suite, Pascal Quattro (Le roi des hommes), est décevante.
– Dans l’humour déjanté et, à l’inverse, qui pète la rondelle de la gauche, il y a la vieille BD Le songe d’Atthalie, de Louis Le Mutin.
– De Sattouf, il y a ses très bons La vie secrète des jeunes (quelques tomes déjà). Et surtout L’Arabe du futur, premier tome d’une prometteuse trilogie autobiographique.
– C’est navrant, mais le Pascal sur sa moto qui marave la gueule des vilains dans un avenir inique, ça me rappelle ce bon vieux Juge Dredd.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré en line ici.
VO : Batman: The Long Halloween. Gros pavé de la fin des années 90, fondateur d’un nouveau Batman adapté au monde contemporain, Un Long halloween continue sur le reboot du super héros dans un monde plus sombre et contemporain que jamais. 400 pages qui se lisent vite, Le Tigre n’a point perdu son temps (sauf que je l’ai lu après sa suite, grrrr…)
VO : The Secret History. Lu non sans une certaine avidité, voilà un roman qui va marquer n’importe quel lecteur. Amitiés, trahisons, mystères, Donna Tartt a sorti l’artillerie lourde pour un roman qu’elle a mis un certain temps à écrire (huit piges quand même). Ce n’est pas tant le secret que l’évolution du héros qui est prenante, bref un petit choc.
VO : Never Die Alone. Immersion totale dans la pègre black du NYC des seventies, on n’a jamais été aussi proche de l’autobiographie avec Donald Goines. Magouilles, délinquance, le tout avec un réalisme éloquent. Ne pas mourir seul, c’est hélas ce qui est à arrivé à l’écrivain, tué avec sa femme dans des conditions plus que douteuses.
VO : Filth. Irvine Welsh a les faveurs du Tigre, avec Une ordure le monsieur a fait très fort. Trash à souhait, politiquement incorrect et ne respectant plus grand chose, ce roman mérite le podium des titres bêtes et méchants. Mais terriblement drôle aussi. En suivant un flic tout ce qu’il y a de pire dans le Glasgow de la fin du siècle, le lecteur à l’esprit ouvert jubilera.
Nom du vieil homme en VO : Aiskhúlos. La demi-douzaine des pièces du dramaturge (dont certaines incomplètes) dans un seul ouvrage, Le Tigre omnivore ne pouvait passer à côté d’un tel concentré de culture. Lecture pas facile, je n’ai pas vraiment eu le courage de tout terminer. N’est pas sachant qui veut.
VO : Dopefiend:The Story of a Black Junkie. Roman noir aux relents sauvages d’autobiographie, voici la descente aux enfers d’un couple à case de la drogue. Violent, dur, les mots échappent au Tigre pour décrire le malaise à la lecture de cet excellent titre. Style limpide et précis, en 250 pages il y a de quoi avoir quelques sueurs froides.
Un titre plutôt inattendu, une couverture qui ne l’est pas moins, un livre correct qui se laisse lire, sans plus. Décrit dans un style plutôt léger voire déroutant, le lecteur sera aux premières loges d’une guerre entre deux associations dans le même immeuble. Humour corrosif, dénonciation l’air de rien de certains travers sociétaux, voilà le livre à lire sous la plage.
Sous-titre : quatorze ans de lutte contre la mafia. Une histoire vraie. VO : Un fatto umano. Storia del pool antimafi. Voici un lourd pavé dessiné traitant de la lutte antimafia entre 1978 et 1992, où la stupeur se mêle rapidement à l’indignation. Dessin adéquat, un vrai zoo de violence. Un travail d’orfèvre pour un résultat sombre et édifiant.
VO : Der Steppenwolf. Ja wohl. L’histoire d’un homme qui ne semble pas être en phase avec son temps et fait des rencontres qui vont le pousser à prendre le large (comportemental). Considéré comme un chef d’œuvre de la littérature du vingtième siècle, Le Tigre a été assez imperméable à ce titre. J’ai bien peur d’être passé à côté de tout le roman.
VO : Manooru. On avait vendu du très lourd au Tigre, hélas ce fut loin d’être la claque « biohazard » à laquelle je m’attendais. Histoire sérieuse et bien développée, mais j’espérais plus d’envergure de la part d’un mangaka qui est considéré comme excellent dans son art. Heureusement qu’il ne s’agit pas d’une série fleuve.
Une centaine de pages, une poignée de nouvelles axées autour de la MDMA (ou autres drogues), voici le livre d’un homme qui débutait dans l’écriture et cherchait à tout prix à faire le buzz. Écriture hélas imparfaite, sentiment de vacuité à la lecture, difficile de chercher une morale à ces courts textes qui m’ont laissé (quasiment) aucun souvenir tangible.