qltl-textes-tigreExtraits du discours du Tigre lors de la remise des prix du concours de nouvelles de l’université : avec la douzaine de textes envoyés sous des noms différents, statistiquement je m’y attendais […] remercier tout particulièrement Monsieur X et ses conférences sur le droit des sociétés cotées, en l’absence desquelles la rédaction de cette nouvelle aurait été impossible […] bon il est où le cocktail promis, il fait soif […]

Paradise Thing

Ceci n’est pas un testament. Ce texte est tout d’abord adressé à ma famille, en particulier Jingxi et Chetan, espérant que cela pourra atténuer leur chagrin. L’absence d’un père vaut parfois mieux qu’un ersatz d’autorité tutélaire. Les autres voudront m’excuser s’ils n’y rencontrent pas les réponses à leurs questions.

LA REIFICATION POUR LES NULS – ANALYSE LIBRE. Extraits psy-blog

[…] Les historiens contemporains se disputent encore pour arrêter une date. Certains retiennent 2042. Les JO de Bangkok avaient donné aux Chinois plus de médailles que l’Amérique du Nord et la Fédération Européenne réunies. D’autres préfèrent la date de la première mission habitée sur Mars, uniquement composée de Taïkonautes (humiliation pire que Spoutnik). Ils s’accordent néanmoins sur la justesse des prévisions des années 2000 : les BRIC ont bien pris le dessus. La Chine, l’Inde et la Russie mettaient au point leur confédération. Le Brésil, telle une Prusse lusitanienne, unifiait une Amérique du Sud aux abois. Le dogme entrepreneurial protestant américain s’était dispersé pendant que l’Europe sombrait dans la vieillesse. Le savoir bouddhiste, hindouiste et grand-russe avait effectué un melting-pot d’une redoutable efficacité tandis que la culture « universelle » occidentale piétinait autour de sa grandeur passée. La Désoccidentalisation. Les Pensées de Pascal remplacées dans les lycées européens par Confucius.

[…] Hélas nous n’avions pas su discerner les rapports que l’Asie entretenait avec l’être humain. Les boucheries russes des années 30 contre les Sibériens auraient du éveiller des soupçons. La tyrannie chinoise n’était plus une temporaire erreur qu’une savante pédagogie rectifierait le moment voulu. C’était leur manière de penser, entre terrible individualisme et néo collectivisme écologiquement responsable. Et comme Five Billion people can’t be wrong […]

Comment tout a bien pu commencer ? Ce fut par un triste matin de novembre que je perdis les pédales. A quarante-trois ans mon poste de juriste me procurait un relatif épanouissement. Mais c’était sans compter les mauvais payeurs et le retentissant scandale des téléphones à ondes courtes. L’euro tiers payant débarqué dans ma boite newnet et le rejet de notre appel suite à une plainte d’une association d’écolos revanchards furent autant de gouttes d’eau qui firent déborder mon réservoir à frustration. J’avais envie de m’évanouir, c’en était trop. Comme je n’y parvenais pas ce fut tout naturellement que je me fracassai la tête sur le carbone polymérisé de mon bureau. Réveil en salle de soins intensifs, ma femme à côté pleurant silencieusement. Elle me connaissait suffisamment. C’est elle qui allait dire aux enfants ce que Papa allait faire. Le psychologue est arrivé. « Vous vous sentez mieux ? Surmenage, perspective d’un long hiver, on attend toujours le global warming ». Je ne me sentais pas du tout mieux, j’avais l’impression de tout ajourner. Les études de mes enfants, les réunions avec l’IA professorale, les cinquante-cinq abonnements automatiques. Se lever. J’étais incapable d’assumer cela dix minutes de plus. Il comprenait l’option qui me restait. Après m’avoir rapidement averti des conséquences il me demanda le temps que je comptais passer en Disponibilité. Le maximum. La procédure est passée comme dans un rêve dont on aimerait bien s’extraire. Il restait à accrocher le riche Citoyen qui voulait un Français parlant le Sino-russe, santé physique impeccable.

[…] Une petite faction d’historiens préfère considérer 2052 comme « l’année Zéro » : refonte de l’ONU et Grande Réification. Bretton Woods sociétal où pendant deux mois les plus fins diplomates de la planète ont produit un travail exemplaire. Surpopulation et Grande Crise de 49 ne trouvaient plus dans la doctrine libérale occidentale de solutions satisfaisantes. La jeune Asie avait discrètement préparé la sienne, seulement pour être réellement efficiente celle-ci devait s’appliquer au niveau mondial. Une nouvelle classe d’êtres humains devrait être créée. Possibilité de suspendre sa personnalité juridique. Abonnements, comptes et boîtes aux lettres newnet bloqués. Dix ans d’affilée au plus (ancienne durée de présomption de décès) avec six mois de réintégration administrative entre deux périodes. Régime juridique des biens : aucune rémunération ni licenciement, l’obéissance totale. Exit les trois lois d’Asimov. Tout est consigné dans un ouvrage que les diplomates ont trouvé fin de baptiser le New Black Code. L’unique fantaisie des assemblées plénières.

AGV Paris-Minsk, sept heures seulement. Deux jours après avoir déposé mon CV une Biélorusse s’était manifestée. Après une heure de visioconférence sa signature électronique au contrat décennal fut transmise. Après vérification, Mme… pardon, Dona (NBC, article 4) ne semblait pas un golem des mafias. Je m’entraînais à ne plus utiliser Je et à ôter mes derniers substrats humains. Le wu enfin accompli. Je sortis du train, le Code composant mon seul bagage, cheveux rasés, vêtement bleu azur indiquant ma condition. Dona me jaugea, opina du bonnet et me lança «вещь» : le mot clé fut prononcé dès la première seconde, scellant la dernière étape annihilant le peu d’autodétermination qui me restait. Dona vivait dans un appartement d’une centaine de mètres carrés, décoré avec un goût des plus douteux. Mobilier franco-italien pseudo Renaissance, une vaste plaisanterie visuelle où j’étais un intrus décoratif de plus. « CR.JP.62-72 logera dans la pièce au fond. Je le nommerai JP6 dorénavant ». Notre désignation est choisie par le programme de mise en Dispo, indiquant entre autre les années de Disponibilité.

[…] Deux ans de tractation pour enseigner ses bienfaits avant de la promulguer. Les moins de cinquante ans, abreuvés de mangas cyberpunks, l’attendaient avec indifférence, acceptant la fin d’un système de valeurs cinquantenaires inappropriées. Comme dans toute démocratie qui se respecte il y avait des extrêmes. Les illuminés voulant s’offrir des vacances Dispo (c’étaient leurs mots) se confrontaient aux Ultras Universaux qui affirmaient être les seuls à posséder un reste d’éthique. Il fallait y ajouter un bataillon de moins jeunes qui, attachés aux principes pré-désoccidentalisation, publiait une abondante logorrhée littéraire contre le nouvel ordre asiatique. Ils rencontraient très peu d’écho, ayant un pied dans la tombe et écrivant avec l’autre. Finalement la loi onusienne passa sans encombre, ses détracteurs ne proposant aucune alternative un tant soit peu crédible. L’eurodispo ne coûtait plus rien à la Société, il était un poids directement supporté par un contribuable souvent aisé. Réification rimait avec désintermédiation. […]

Avant les grands classiques du Shintoïsme on nous avait fait lire Lorsque j’étais une œuvre d’art d’un certain Schmitt. Je n’avais rien du protagoniste. Lorsque j’étais une œuvre économique et sociétale plutôt. Dona était en effet une très veille propriétaire riche mais seule. Son mari s’était suicidé après avoir brûlé en 2031 l’église d’un village en Sibérie avec ses habitants dedans. Restait sa petite-fille, mais il s’agissait d’une « petite prétentieuse incapable de me donner un arrière-petit fils  ». Telle une aristocrate russe de la fin du 18ème Dona avait de naturelles dispositions à m’utiliser sans gêne. « JP6 sera aimable de m’administrer ce médicament (je tairais comment) ». « Que le bridge soit parfaitement maîtrisé le 12, ma partenaire ne pourra venir ». Si les premières semaines m’ont cruellement désorienté, les années passaient plus vite qu’une semaine de clôture de bilans. Dona me permettait enfin de puiser dans sa vaste bibliothèque : Nabokov, Pouchkine, Dostoïevski, je me régalais d’anciens mais éminents auteurs. Ses envies étaient faciles à exécuter. J’étais en paix.

[…] Cela n’explique pas seul le recours exponentiel à la Disponibilité. La demande (issue de fantasmes historiquement compréhensibles) dépassait largement l’offre occidentale. Parallèlement, les criminologues du monde entier remarquaient une impressionnante diminution des crimes et délits contre les personnes et en déduisaient une subversive théorie. Les fantaisies les moins racontables du violeur en puissance à l’exhibitionniste inoffensif auraient pu en toute impunité être enfin assouvies. L’offre existait et il n’y avait aucun intérêt à détruire l’objet coûteux sans compter les indemnisations à la famille (NBC, article 23). Première fois que l’humanité, adoucie, avait un droit commun. Une entorse au NBC était une insulte à tous, Citoyennes ou Dispos. Et humainement ? Le bilan semble globalement positif (sans paraphraser un politicien du siècle précédent). Si les progrès de la médecine nous permettent de bien vivre jusqu’à cent-dix ans, que peuvent bien représenter dix ans de Dispo ? Le temps perdu se rattrape. Les psychoneurologues certifient enfin que l’esprit n’a pas suivi l’évolution du corps : cent ans de responsabilités apportent son lot de déficiences mentales. La médication coûte cher, la mise en veille du cerveau étant la seule réponse responsable. […] Quant aux EDP, […]

Mille jours en tant qu’agneau ne valent pas une journée en tant que tigre. Enième proverbe chinois enseigné. Si nous avons tous eu notre journée de tigre, j’enfilai enfin le costume de l’agneau au bout de sept années. Dona, aussi pâle qu’un ectoplasme en raison d’une prochaine chirurgie, ne s’était pas départie de sa dignité : « Selon l’article 12 du NBC je transferts ma qualité de propriétaire à ma petite-fille jusqu’à la fin de mon séjour hospitalier. » Donabis, donc, avait accepté de devoir loger chez sa grand-mère. L’incident eut rapidement lieu. Elle m’avait déjà réveillé en pleine nuit afin de lui acheter un peu de champagne et autres stimulants. Que j’assistasse à ses ébats ne la gênait pas plus que s’il y avait une statue africaine au pied du lit. Puis, seule, elle m’avait mandé depuis le lit, une attrayante nuisette sur son dos ; me tendit une perruque et un costume. J’entrevoyais vaguement ce qu’elle attendait de moi. A ma grande surprise elle me lança une formidable gifle. S’ensuivirent des hurlements d’hyène torturée dont je ne saisissais pas le tiers. « Espèce…. Comment as-tu pu… ? Tu n’es…moins qu’un Dispo ! Me tromper… Put… Mais répond…! ». « Qu’est ce que JP6 peut rép… », je bredouillai. Cette rhétorique question faisait cependant partie de sa catharsis « C’est tout ce que tu trouves à dire ?!? Autant de… larve pulvérisée à l’agent (à moins que ce ne fût révolution) orange ! ». La bague de son majeur me laissait des lambeaux de chair pendants. Deux minutes après les ultimes coups de talons dans mon entrejambe elle se rallongea. « Quel pied. Merci pour tout ». Et, comme honteuse de cet inhabituel remerciement: « JP6 peut utiliser la boîte à pharmacie ». Telle une punition Dona décéda cette nuit : mon contrat devint nul. Premier appel de Sophie. Elle m’aimait toujours, tous attendaient mon arrivée ; promis, elle n’aborderait pas ma Disponibilité.

[…] Pourquoi avoir pondu vingt pages sur la Grande Réification, sujet mille fois traité ? Pourquoi si tard, quarante ans après la promulgation des « lois réificatrices » ? Parce que ceci est ma thérapie. J’appartiens aux cent-vingt millions d’Enfants de Dispos Permanents. Les six mois de vie civile entre deux Eden, comme mon « père » le nomme, ne lui suffisent même plus à intégrer ma vie, l’âge de mon fils,… Il n’attend que sa prochaine affectation, tremblotant dans la chambre d’amis et glapissant de terreur dès qu’un message lui parvient. Ce qui était censé n’être qu’une période de sereine reconstruction s’est révélé être un piège à toxicomane en quête de non stimulation. Comment tout a bien pu commencer ? Mon psy-blog n’a pas vocation à répondre à cette question que je laisse à d’autres.

Chetan Herrator.

J’ai peur. Angoissé de ne pas être heureux en vous retrouvant tous. Alarmé à l’idée de renaître dans le flux numérique après sept ans de contact avec le papier bible des textes de Tolstoï. Pénible verdict : la Dispo est ce qui m’est arrivé de plus beau après vous trois. J’ai peut-être lâchement profité du système, mais lucidement. Vous ne sauriez imaginer l’apaisement que l’on peut ressentir en n’étant rien. Aucune initiative, aucun stress ne m’empêchait de dormir. La non-existence toute puissante. Mais fi des descriptions qui ne sont que négations : c’était le néant avant la mort, un aperçu du paradis. Dieu, s’Il existe (le doute pascalien malgré moi), m’a permis de vomir les effets du fruit de l’arbre de la Connaissance. Jusqu’au trognon.

Puisqu’il faut bien terminer cette lettre, j’aimerais utiliser un mot qui jadis était à la mode. Un terme souvent utilisé à tort. J’étais une chose. Je veux le rester. A jamais.

Daniel Herrator

Fin

Tigre songe à étoffer ce texte pour en faire un roman d’une taille correcte. N’hésitez pas me conseiller quelques modifications (voire arrêter cette lubie).

Béhé & Toff - Péché mortel : L'intégraleBonne petite BD à la française à la portée éminemment sociale avec de jeunes idéalistes qui lutent dans une France qui sombre irrémédiablement dans le fascisme. Dessin classique qui ne soulève pas de montagnes, heureusement que le double scénario, finement construit, envoie du lourd. Le Tigre recommande.

Il était une fois…

Dans un futur très très proche, un terrible virus (le VRH) fait rage en France (et dans le monde). Cette maladie fait le lit des extrêmes qui s’installent progressivement au pouvoir. Du coup, le pays ressemble rapidement à une vilaine dictature où la population atteinte est parquée dans des centres. Mais la résistance s’organise, notamment un groupe autour de Pr Morin qui tente de trouver un vaccin (qui est également un virus) anti VRH. Sauf que dans une France futuriste apaisée et soignée, il est temps de rendre des comptes sur quelques exactions ayant eu lieu lors de cette période trouble….

Critique de Péché mortel

Le Tigre, une fois de trop, ne sait plus comment cette chose s’est retrouvée dans ma bibliothèque. Et pour plus de 200 pages c’est très honorable. Disons que j’ai un peu flippé au début de l’œuvre dans la mesure où je voyais ça moralisateur et un poil trop franchouillard, entendez sans réelle envergure (comme d’habitude quoi, à l’exception de L’Incal par exemple). Début moyen donc, avec une maladie qui a tout du SIDA et transforme le pays en une horreur qui a tout du fascisme.

Puis un court saut vers 2030, avec des considérations politiques qui obligent font qu’il faut absolument sortir de la mémoire d’un de ces anciens jeunes résistants le nom d’un traître. En effet, la population de cette époque est sur le point de se révolter contre les sages qui gèrent la France (une forme d’oligarchie un peu rétro) en apprenant que le fameux traitre serait l’un d’entre eux. Cet individu est quand même responsable de la mort de 25 000 habitants du ghetto de Strasbourg, rien de moins.

Et c’est à ce moment qu’enfin l’originalité pointe le bout de pif : on reprend l’histoire des années 2000 par les souvenirs d’un vieux qui est drogué et dont on utilise un subterfuge (déguiser une femme en son ancien amour) pour le mener à révéler le nom du scélérat. L’histoire devient alors plus ou moins linéaire, avec des allers-retours et parallélismes entre les deux époques subtilement gérés. Grosse cerise sur le gâteau dessiné, le dénouement (cf. le spoil de la partie suivante).

Enfin, les illustrations ne sont pas vraiment au goût du Tigre. Ligne claire, perspectives et paysages bien esquissés, couleurs OK (notamment le blanc et rouge, signe de la dictature). Hélas les expressions des protagonistes sont loin d’être parfaites, mais le lecteur s’y fera très vite. Quant à l’environnement proprement « SF », celui-ci est largement insuffisant (ce n’est pas une BD de ce genre) à part quelques belles trouvailles psychologiques.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Maladie et dictature. Le sombre tableau dressé par Béhé, faute d’être crédible à mon sens, présente comme tout bon livre d’anticipation le pire scénario que n’importe quel Cassandre pourrait imaginer. Un virus insaisissable se transmettant par voie sanguine et sexuelle, la psychose qui envahit la populace, la rude protection des autorités fascisantes, l’émergence d’une caste dirigeante qui prend des airs d’occupants nazis (la décadence ou le terrorisme d’État), et bien sûr les gentils résistants qui ne sont pas si propres que cela.

La fin m’a particulièrement plu, très loin des happy ends. [Attention SPOIL] En vue de bâtir un avenir de paix mondiale, éliminer les profiteurs de dernière minute, et surtout s’assurer qu’une seule version du vaccin ne circule dans le monde, il appert que le traître n’est rien d’autre qu’un des protagonistes principaux. La morale, s’il y en a une, est qu’on ne peut faire d’omelettes sans casser une belle pétée d’œufs : une mauvaise version du virus-vaccin prenait place dans le ghetto, le choix horrible de tous les tuer semblait alors nécessaire. Épurer convenablement le passé justifierait-il ces milliers de morts ? Apparemment, oui. [Fin SPOIL]

…à rapprocher de :

– Sur le futur proche où la maladie apporte l’autoritarisme, Tigre se risque à faire le rapport avec V pour Vendetta.d’Alan Moore.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet illustré sur Amazon ici.

Blandine Le Callet - Une pièce montéePas si mal en fait. Titre à tiroirs plutôt bien trouvé, chapitres courts et qui se dévorent à la limite de l’indécence, petites histoires fort sympathiques tournant autour d’un mariage pas si rose que cela, ça se tient. Le Tigre a le regret d’asséner qu’il a passé un excellent moment de littérature.

Il était une fois…

Blandine semble avoir écrit le quatrième de couverture, c’est donc faire honneur à l’auteur que le recopier dans son intégralité (on a les excuses qu’on mérite) :

« La pièce montée arrive, sur un plateau immense porté par deux serveurs. Vincent voit osciller au rythme de leur marche cette tour de Babel en choux à la crème, surmontée du traditionnel couple de mariés. Il se dit : C’est moi, ce petit bonhomme, tout en haut. C’est moi. Il se demande qui a pu inventer un gâteau aussi ridicule. Cette pyramide grotesque ponctuée de petits grains de sucre argentés, de feuilles de pain azyme vert pistache et de roses en pâte d’amandes, cette monstruosité pâtissière sur son socle de nougatine. Et ce couple de mariés perché au sommet, qu’est-ce qu’il symbolise, au juste ? »

Critique d’Une pièce montée

Qu’est-ce qui m’est passé par la tête en achetant cette chose ? Une écrivaine française qu’on retrouve plus dans les supermarchés qu’en librairies, un objet qui a l’air fort niais et puissamment commercial, il faut reconnaître au Tigre de mériter sa noble réputation d’animal omnivore. Mais pour moins de 250 pages, la prise de risque était trop faible pour laisser cet ouvrage sur le bord du chemin.

En fin de compte j’ai été conquis. On suit une douzaine de protagonistes différents (un par chapitre, avec quelques uns qui reviennent de temps à autre) le temps d’un week-end de mariage. Bérangère et Vincent (les mariés), demoiselle d’honneur, serial noceur, témoin, une belle ménagerie où Le Callet semble maîtriser le style propre à chacun. En outre, si l’exercice de style est galvaudé (ce n’est pas nouveau comme idée), il faut avouer que celui-ci est réussi grâce à une trame générale finement pensée.

On ressort de ce texte avec une sorte de mélancolie puisque ce que nous conte l’auteur est relativement triste dans l’ensemble (cf. infra), disons que l’institution du mariage et ce que celle-ci représente (l’amour, la joie, la célébration) en prennent pour leur grade. Sur la plage entre deux baignades, voilà la meilleure place de Pièce montée.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’intolérance. Blandine LC nous présente quelques individus qui, souvent pour sauver les apparences et faire de cette journée quelque chose de mémorable, font montre de réflexes arriérés. Par exemple, la petite handicapée qui est remisée au fond de la photo souvenir ou la personne au statut social considéré comme « inférieur » qui est marginalisée. Mais en fin de compte les honnêtes gens font un joli bras d’honneur à cet absence de tolérance, comme cette amie (ou sœur ?) de la mariée qui décide sur un slow d’emballer majestueusement une autre femme, peu importe ce que les autres penseront.

Les doutes. Certains protagonistes sont loin d’être heureux et font part au lecteur de leurs très légitimes inquiétudes. Le Tigre pense particulièrement, au-delà du marié, à cet homme qui soupçonne plus ou moins sa régulière de s’en donner à cœur joie avec d’autres mâles (dans une salle de sport, tant qu’à être dans le stupre). Lorsque ladite femme fait la connaissance, au mariage, d’un dragueur spécialisé dans les vieilles rombières (ce chapitre est plutôt marrant), fera-t-elle honneur à sa très entachée réputation ?

…à rapprocher de :

– Dans un style d’apparence léger mais qui regorge de surprises (assez tristes parfois), Tigre pense à La liste de mes envies de Greg Delacourt. Lu en grand format, attention !

– Encore plus sombre, avec des tranches de vie de deux protagonistes, d’un autre auteur français (la miss de Vigan), c’est Les heures souterraines.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Ardem - Chantages, Tome 1Premier tome d’une coquine (non, dégueulasse en fait) histoire où se mêlent soumission et pratiques sexuelles borderlines. Le scénario est assez fourni, et Ardem en profite pour faire subir toute sorte de tourments à notre héroïne. Le dessin, toutefois, n’est pas du genre affectionné par Le Tigre.

Il était une fois…

Héléna est une femme d’affaires qui réussit, et avec sa fille Léa (qui semble plutôt bien dégourdie) l’avenir s’annonce radieux. Hélas (comme toujours chez Ardem), un beau jour quatre des plus proches collaborateurs se pointent dans le bureau de la boss avec une revue porno où Helena est reconnaissable entre mille. Le chantage peut commencer, la femme de 36 ans devra se soumettre aux désirs et à l’hubris de ces employés à la moralité douteuse.

Critique du premier tome de Chantages

[ATTENTION : si vous avez moins de 18 ans, je vous prie de NE PAS REGARDER NI CLIQUER sur les images illustrant le billet. Sérieusement.]

Je dois en être à une petite poignée de titre d’Ardem, et espère trouver celui qui puisse enfin me plaire, tout au moins qui me fera sourire. Ce n’est pas encore le cas avec ce premier tome de Chantages, où les perversités les plus abjectes vont de pair avec des illustrations qui ne laissent que peu de place à l’imagination. Ouvrage très hard, à définitivement ne pas mettre entre toutes les mains.

Chantages - Tome 1 extrait 1Là où Le Tigre a du mal avec cet auteur, ce sont ses illustrations tant reconnaissables : noir et blanc (jusqu’ici, tout va bien), une ligne pseudo claire avec un faible encrage, on sent parfois la planche travaillée au gros feutre. Si les corps des hommes tendent à être répugnants (leurs visages, leurs dialogues n’ont pas la finesse d’un illustré érotique puisqu’on verse dans le porno), il faut néanmoins concéder à l’auteur un travail satisfaisant sur la gent féminine, pièce maîtresse de ses délires.

En suivant la descente progressive en enfer d’Héléna sur plus de 200 pages (assez long pour ce genre de titres), le lecteur aura le droit à presque tout : chantage sur une employée prise la main dans le sac, devant la dirigeante ; maîtresse suceuse sous la table lors d’une réunion de cadres ; exhibitions dans des endroits publics ; prostitution de bas étage dans les chiottes d’une discothèque, que du fin.

Enfin, le début de la BD nous introduit auprès de sa fille, Léa, qui tout en souhaitant garder sa virginité s’amuse oralement avec deux amis. A peine dix-huit ans et on pressent que la jeune fille va avoir un rôle à jouer dans les opus qui suivent.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Chantages - Tome 1 Extrait 2Le chantage à peine crédible. Marque de fabrique de cet illustrateur, le début introduit les protagonistes comme si ceux-ci étaient sortis d’un courrier de « confessions d’une femme », révélations qu’Ardem décide de mettre en BD. Il y a une vingtaine d’années, l’héroïne s’est laissée aller dans une revue X. Elle a bien vieilli puisqu’on parvient à la confondre. Dès ce moment, la BCBG sera contrainte de se rabaisser à un niveau proche du quatrième sous-sol sans qu’elle ne semble songer à se révolter. Comme dans Les films de Justine, il suffit de menacer la femme de révéler quelques images/vidéos compromettantes pour lui faire faire encore pire.

La femme subit toutes ces dépravations de manière presque passive, et on peine à croire qu’elle puisse être aussi soumise. Cette soumission totale est d’autant plus improbable qu’on va franchement crescendo dans le trash. Certes Héléna ne souhaite pas se faire virer (les études de sa fille promettant de coûter bonbon), mais présenter une femme aussi peu combattive (alors que chef d’entreprise) et tant docile dénote un machisme incroyable sinon choquant. La femme-objet blackmailée par certains de ses employés, presque le monde à l’envers.

…à rapprocher de :

– De la part de cet auteur/illustrateur, il y a Les films de Justine (tome 1 et tome 2). La fin du premier opus fait aussi la part belle à l’ondinisme (le pipi quoi). La mauvaise élève, avec une morale déplorable, peut être zappé. Mais pas Le Jouet, assez marrant quoique peu crédible.

– La femme soumise, c’est surtout L’institutrice, de Bruce Morgan. Ou Degenerate Housewives, de Rebecca (avilissement plus axé lesbos…)

Enfin, si votre librairie est fermée ou ne propose pas ce titre car « ce n’est pas le genre de la maison », vous pouvez trouver cet illustré en ligne ici.

Jodorowski & Moebius – L’Incal : L’intégraleLa série d’origine, à partir de laquelle se sont greffées d’autres de qualité, est un superbe exemple de ce que la France des années 80 a fait de mieux en matière de bande dessinée. Space opera mâtiné de sublimes considérations ésotériques et alchimistes, histoire complexe servie par des illustrations à couper le souffle, un classique du genre.

Il était une fois…

Nous reprenons là où Avant l’Incal avait laissé le lecteur : John Difool est dans une situation plus que délicate, poursuivi par d’étranges individus qui en ont après lui. Car Jo a reçu, de la part d’un Berg en train de crever (une race E.T.), l’incal lumière, un petit truc aux pouvoirs surprenants. Or cet objet est au centre de toutes les convoitises, car avec son pendant négatif l’incal noir l’avenir de l’univers est à portée de mains. C’est ce que d’autres ont bien compris, que ce soit les inquiétants techno-pères aux Bergs, en passant par l’Impéroratriz (la boss de l’Humanité). Et d’autres…

Critique de L’Incal

Une magnifique saga qui se lit en une rapide paire d’heures, et sans que le lecteur puisse voir le temps passer. Ici, on mérite d’indiquer les titres des six tomes, qui font la part belle à la dilogie en général :L’Incal noir, L’Incal lumière (logique), Ce qui est en bas, Ce qui est en haut (logique encore), La 5ème essence : Galaxie qui songe (ça me rappelle Vide qui songe d’Hamilton) et La 5ème essence : La Planète Difool.

J’ai trouvé le scénario relativement complexe avec tous ces protagonistes gravitant autour de Difool. Ça part dans tous les sens, pour notre plus grand plaisir, entre les bassesses imaginées par quelques factions (les œufs noir dévoreurs de soleil) ou les pérégrinations des alliés de John D. (la belle et son fils Solune, le méta-baron, le chien parlant, etc.). Le tout devient réellement réjouissant lorsque les mécanismes savamment mis en place par Jodorowsky se meuvent au fil des chapitres, c’est complet et excellemment articulé.

Et les illustrations, quel bonheur ! Moebius a la préférence du Tigre par rapport au style vieillot de Janjetov dans Avant l’Incal (pourtant publié après). C’est net, sans bavures, une ligne claire avec des dessins architecturaux et immenses planches qui ont laissé Le Tigre rêveur. Si on rajoute des dialogues mystiques et plutôt cohérents, que demander de plus ?

Bref, un superbe ouvrage (de l’art, du vrai) que Tigre a plaisir à relire de temps à autre. Comme pour Avant l’Incal (ou la Trilogie Nikopol) il faut avouer que l’intégrale est un très bel objet, solide et au format sensiblement plus gros qu’une BD. Tout est fait pour qu’on en prenne plein la gueule (et au porte-monnaie).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le bel équilibre cosmique. Derrière les deux Incals, il y a un plan savant imaginé depuis des temps immémoriaux. La lumière contre la ténèbre (c’est dit de la sorte), le néant contre la vie, les thèmes cosmogoniques utilisés sont profonds tout en restant intelligibles. Les dernières planches, notamment, ne sont pas sans rappeler quelques passages de Matrix avec la rencontre du Grand Architecte.

L’anti héros par excellence. John Difool n’est pas forcément la beauté et l’héroïsme incarnés, cela va sans dire. Parce qu’il a eu l’incal en lui, tout ce qui advient se présente comme une erreur de casting. Même si le prequel de ce cycle tend à contredire Le Tigre. Égoïste (faut le voir amasser de l’or en vue de se barrer avant la fin du monde), souvent pleutre, râleur comme un ado un peu con, c’est l’aventure à portée de tout le monde en fait. Imaginez finalement que Difool est le modèle utilisé dans une galaxie lointaine (dans les derniers tomes), il y a de quoi passer un bon moment.

…à rapprocher de :

– Le scénario d’Avant l’Incal n’est pas mal non plus, hélas les illustrations de Janjetov piquent les yeux.

– La secte des Techno-pères va le coup d’être visitée grâce au sublime Les Technopères, de Jodo et Janjetov.

– Moebius, accompagné de Stan Lee au scénario, ont produit Silver Surfer : Parabole. Pas mal au demeurant. Moebius seul, c’est L’homme est-il bon ?, court recueil qu’il serait dommage de zapper.

– Tout ça (l’ésotérisme mâtiné de space opera) n’est pas sans rappeler Le Vagabond des Limbes, de Godard et Ribera. Un autre chef d’œuvre.

– Sans spoiler, il faut avouer que la fin de ce titre est très très proche du cycle de La Tour sombre, de Stephen King.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Georges Simenon - L'outlawNom de Zeus, j’ai bien failli ne jamais pouvoir le terminer celui-là. Heureusement que la seconde partie est parvenue à me maintenir en éveil. Qu’est-ce que ça a mal vieilli, cette histoire de réfugié polonais qui marchande de partout pour obtenir un peu d’argent. A éviter absolument, la génération du Tigre n’est pas faite pour ce type de romans.

Il était une fois…

Stan est dans une belle mouise. Faim, froid, fatigue, absence de logement et d’argent, le pauvre hère voit également sa copine Nouchi se faire la malle auprès des Storm qui acceptent de l’héberger. Stan ne sait pas où elle est, et la seule solution pour récupérer un peu de thunes est d’entrer en contact avec le commissaire Mizeri : le but est de lui « donner » le nom d’une bande de Polonais (menés par la belle Frida) qui attaquent sauvagement des fermes autour de Paris contre une coquette somme. Sauf que la police et la sûreté surveillent tout ce joli monde, et Stan est entre le marteau des criminels avec qui il noue des liens et l’enclume de la force publique. [Tigre très fier de cette dernière métaphore]

Critique de L’outlaw

Je l’annonce de go, ce truc écrit au début des années 40 est un accident de lecture. Et non une erreur littéraire, parce que Le Tigre conçoit que ça peut plaire à certains. Seulement, eu égard la productivité stakhanoviste de Simenon, il doit y avoir d’autres polars dans le lot qui me feront oublier cette triste bouse.

Ne soyez pas choqué par les termes employés, c’est ce que j’ai pensé en lisant la première partie. D’une part, le quatrième de couverture parle de quelque chose (l’infiltration d’un terrible gang, les actes inhumains effectués par le héros) que je n’ai guère retrouvé dans l’œuvre. Juste un pauvre type sur le fil du rasoir qui essaie absolument de contacter certains individus haut placés dans la police et échoue plus d’une fois dans son entreprise d’informateur rémunéré.

D’autre part, le style. Simenon a une plume efficace, certes. Les descriptions ne sont pas dégueulasses et le vocabulaire utilisé reste riche, bref on est plutôt loin du roman de gare. Hélas le personnage principal est proprement insupportable (sans doute est-ce le but). Car entre son phrasé décousu (il lui arrive de sauter du coq à l’âne plus souvent qu’à son tour) et la médiocrité de son comportement m’ont exaspéré à un point que je ne pensais pas espérer atteindre en littérature.

Même si le second volet de L’outlaw (à force d’habitude) passe légèrement mieux, Tigre pense que certains applaudissements seraient bienvenus pour exprimer l’admiration d’avoir su aller jusqu’au bout de ce truc.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La misère du réfugié. Simenon parvient relativement bien à rendre compte du quotidien d’un individu dans le dénuement le plus complet : frénésie langagière de celui qui veut grappiller quelques francs ici et là ; comportement fiévreux de l’homme mal dans sa peau en quête d’un peu de répit ; petites astuces pour récupérer (notamment auprès des autorités) un bon repas dans un bistrot, en fait l’image de couverture parle d’elle-même. Un individu sur le qui-vive qui a l’air de chercher un énième artifice pour avoir ses fameux 5.000 francs (il fait une belle fixation dessus).

La violence. Le quatrième de couv’, décidément, ne dit que de la merde. Sur les méfaits de la bande de Polacks, veuillez m’excuser mais je n’ai strictement rien vu passer. Ou alors je lisais en diagonale. A part acheter une hache ou tenter de rançonner un tacos, il n’arrive rien de bien violent. [Attention SPOIL] A part sans doute le dernier chapitre, où le lecteur apprendra que le vilain Stan a étranglé la belle Nouchi (ce premier se garde bien de nous le dire) avant de filer à l’anglaise. Le résultat, logique et sombre dans la France d’avant-guerre, est sans appel : la guillotine. [Fin SPOIL, même si tout le monde s’en cogne].

…à rapprocher de :

– Dans ce domaine, je vais devoir sûrement me taper quelques autres ouvrages de l’auteur avant de produire des liens valables.

– Un héros insupportable, c’est dans Les Veufs, de Boileau/Narcejac.

– Sur la pauvreté et le vagabondage, en version irlandaise et bien plus contemporaine, il ne faut pas passer à côté de Ripley Bogle, de Bob McLiam Wilson.

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous aimez Simenon, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Barry Eisler - Tokyo BluesVO : Hard Rain [toujours un subtil jeu de mot, marque de la saga de Barry Eisler]. Après notre héros qui se frotte aux flics, politiciens et l’agence de renseignement U.S., voici que les gangs tokyoïtes s’y mettent. Plus que le scénario, c’est l’ambiance qui mérite d’être signalée. Un petit must.

Il était une fois…

John Rain, tueur à gages mi-japonais mi-américain, n’en a pas finit avec les ennuis. Le spectre de son lourd passé se fraie un chemin dans sa vie, et notre loup solitaire va devoir se surpasser. Yakuzas, CIA, la jolie pianiste de l’opus précédent, tous le veulent pour des raisons différentes. Comment s’en sortir ?

Critique de Tokyo Blues

John Rain ne s’arrête jamais, voilà ce que Le Tigre a appris de cet auteur. Eisler, en effet, a tenu le pari de surprendre à chaque nouvel opus sur ce héros. Le héros n’est pas vraiment seul, il a quelques alliés ici et là (Harry par exemple), seulement c’est uniquement de ce premier dont il est question. Espionnage urbain, survie dans un milieu fait de micros et autres barbouzeries, c’est d’un réalisme fou.

Si l’histoire démarre tranquillement, avec un « plantage de décor » tout à fait bienvenu, les derniers chapitres tendent à profondément complexifier l’intrigue générale avec un petit lot de protagonistes aux objectifs différents gravitant autour du tueur à gages. Avec un suspense bien entretenu sur plus de 450 pages, Barry Eisler nous laisse à la fin de ce roman un fort sournois cliffhanger qui obligera tout lecteur normalement constitué à se procurer la suite. Très fin, très frustrant aussi.

Encore plus que d’habitude, l’écrivain prend son temps pour décrire l’environnement de John (cf. infra) ainsi que ses pensées les plus intimes. Malgré le métier de celui-ci, on se surprendra à l’aimer encore plus, si ce n’est s’identifier à sa quête de tranquillité (il nous fait part de ses doutes, ce qu’il pense de son statut, etc.) en dépit des casseroles qui lui collent au derrière. Un voyage au pays du soleil levant (plutôt couchant dans notre cas) plaisant et peu reposant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Tokyo by night. Plus que les péripéties et révélations du roman, c’est la découverte de la capitale japonaise par un connaisseur des bons coins qui a ravi Le Tigre. John est un mélomane quelque part, et va nous entraîner dans les plus classieux (quoique…) bars à hôtesses de la métropole : whiskies d’excellente facture (les Japonais font souvent mieux qu’en Europe), ambiance tamisée d’un salon presque luxueux où une douce musique de jazz parvient à relaxer notre héros, ça change des salles de sports ou filatures effrénées dans les rues de la ville.

John R. est un assassin pro, donc normal qu’il ait à faire avec des loustics peu recommandables. Dans Tokyo Blues, le lecteur fera connaissance avec les puissants Yakuza, mafia locale aux ramifications impressionnantes tant dans le domaine économique que politique. Et l’organisation est plutôt bien rendue (pour le peu que Le Tigre connaît), entre code de l’honneur et méthodes de pression efficaces (pour ne pas dire implacables). La violence est souvent utilisée en dernier ressort, mais lorsqu’on est face à quelqu’un comme le héros, on peut se passer de ces menues considérations.

…à rapprocher de :

– Il faut mieux lire le tout dans l’ordre pour se familiariser avec notre héros, notamment commencer avec La chute de John R. Ensuite, il y a Macao Blues puis Le dernier assassin.

– Sur les Yakuza, il y a une biographie de Junichi Saga qui mérite d’être lue (dans ce blog, celle-ci fut lue en anglais).

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Alexandre Jardin - FanfanDu pur Alexandre Jardin, rien à dire. Original et passablement déjanté, voici l’histoire d’un homme un tantinet dérangé qui va déployer des trésors d’imagination pour faire perdre la tête à une femme (tout en restant platonique). Tout cela se lit correctement et rapidement, c’est plutôt bienvenu comme littérature même si de la part de cet auteur il y a une curieuse impression de déjà-vu.

Il était une fois…

Alex Crusoé (sérieusement, Crusoé ?) rencontre Fanfan lorsqu’ils ont vingt ans. Le coup de foudre est instantané, et l’instabilité de leur relation n’est pas sans lui déplaire (hélas cela rappelle celle de ses parents). Sauf qu’Alexandre est un poil lâche sur les bords et ne saurait se séparer de sa régulière, la stable Laure avec qui l’onirisme n’est décidément pas de mise. Aussi notre héros va avoir une idée fumeuse : draguer comme un fou furieux la belle Fanfan, mais jamais succomber à l’appel de la chair. Lui faire la cour comme un paon vaniteux sans s’abandonner à ses charmes. Fanfan s’apprête à mordre à l’hameçon et à jouer le jeu, à savoir inventer de multiples stratagèmes afin de faire tomber le fruit bientôt mûr de la passion.

Critique de Fanfan

Avec Fanfan, Le Tigre a cru déceler quelque chose d’à la fois plus « doux-dingue » mais aussi personnel de la part d’un écrivain qui ne provoque que rarement de mauvaises surprises. 250 pages relativement aérées, un style léger (un peu trop simple peut-être ?), bref la gourmandise du dimanche.

Crusoé, le héros, en tient une sévère couche : confortablement installé avec sa femme, il décide néanmoins de jouer avec le feu en mettant en scène (littéralement parfois) des stratagèmes divers et variés pour maintenir la flamme entre lui et la très libre Fanfan. Le genre de romans qui peut offrir au lecteur un boulevard de créativité en matière amoureuse, avec une fin qui remet (à considérer que ce soit possible) les pieds sur terre.

Une œuvre abordable et qui, curieusement, peut faire consensus par son mépris de la réalité. Cependant, après de multiples lectures de cet écrivain, Le Tigre a eu le sentiment d’être confronté au même type d’histoires : amours impossibles et à fort potentiel poétique, faites par et pour des individus d’exception.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour total. Alexandre C. est un passionné, y’a pas à dire. Le genre à se mettre en quatre afin d’en mettre plein la vue à un amour de jeunesse. Le perdreau qui en fait des tonnes, quitte à perdre une femme sans doute injustement présentée comme fade. Les lignes de Fanfan sont fraiches à lire, même si on croit rencontrer le Zubial (ou le Zèbre). La marque de Jardin, quelque part, où la frivolité se mêle à l’imagination débordante dans le domaine de la séduction.

Hélas j’ai trouvé que le protagoniste principal en faisait un peu trop. L’idée fixe d’envoyer du pâté à Fanfan sans lui rouler le salvateur patin prend parfois une tournure très malsaine. C’est délirant dans l’ensemble et de temps à autre Le Tigre a été gêné aux entournures. Par exemple, offrir un studio à la belle en habitant dans le même, à côté. Avec un miroir sans teint entre les deux, c’est plutôt glauque.

…à rapprocher de :

– De Jardin, Le Zubial m’a semblé très proche. Celui-là même que je n’arrive pas à distinguer du Zèbre.

L’ile des gauchers (même auteur), est bien meilleur.

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Jodorowski & Janjetov - Avant l'Incal : L'intégraleJodorwsky est un petit génie, et après l’Incal imaginer un prequel semblait évident. C’est chose faite, avec une saga sympathique mais pas autant que l’histoire principale. Scénario séduisant avec quelques longueurs, dessin hélas un poil vieux, Avant l’Incal peut être délaissé au profit d’autres aventures créées par cet auteur.

Il était une fois…

John Difool, jeune désœuvré d’une douzaine d’années, ne mène pas une vie facile dans la cité-puits de Terra 2014 : père avec qui il commet de menus larcins, mère prostituée accroc à l’amourine (une drogue qui fait ressentir l’amour, interdit sur Terra), environnement dangereux fait de terroristes, etc. C’est le lot des « rats » des niveaux inférieurs, avec de temps à autre les visites des membres de l’opulente aristocratie reconnaissables à leurs auréoles. Difool, sur le point de perdre ses parents, semble déterminé à s’élever un peu dans cette société futuriste et profondément amorale.

Critique d’Avant l’Incal

Cette intégrale au prix mirobolant semble coûter plus cher que les six tomes achetés séparément. Pour info, les titres de ces opus sont Adieu le père, Détective privé de classe « R », Croot (le bruit de sa mouette en béton), Anarchopsychotiques, puis Ouisky, SVP et homéoputes (chouette trouvaille) et enfin Suicide allée. Tigre qui aime, hélas ne compte point.

Sur l’histoire, c’est globalement satisfaisant. On se plaît rapidement à suivre notre jeune héros dans un monde impitoyable (cf. thèmes abordés) superbement décrit. Les techno-technos, nobles, robots  (dont un devient l’ami du protagoniste principal) et autres bêtes fort peu sexy constituent un univers cohérent et au demeurant très marrant. Car les dialogues entre protagonistes (notamment le président contre les technopères) sont souvent savoureux et il ne faut pas s’arrêter sur la forme de l’écriture. En effet, la police de caractère de cette intégrale est proprement repoussante, ça ne donne pas envie de s’y attarder.

C’est sur le dessin que Le Tigre a été sacrément surpris. Censé avoir été publié après L’Incal, en fait le tout m’a semblé bien plus vieux. Dessin approximatif malgré quelques poignants rendus architecturaux, couleurs criardes (je suis plutôt fan de la colorisation par ordinateur, plus lisse certes) et cases qui donnent l’impression de cruellement manquer d’espace. Pour le connaisseur du genre, ça n’empêche pas de se délecter de cette intégrale, mais attention : des éditions « revues » (entendez : censurées) circulent et ôtent le petit plus politiquement incorrect de l’ouvrage.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La société futuriste qui part en couille. Il n’y a pas d’autres termes : entre cyberpunk et néofascisme rigolard, le monde décrit par Jodorowsky est un joli foutoir cyniquement tenu par une clique de politiciens inquiétants. Populace constamment maintenue sous l’effet de drogues, dès qu’un loisir (TV, le coca local,…) manque tout menace de s’effondrer. Panem et circenses. Plus particulièrement, la société du spectacle y est développée à un point pas si caricatural. Starification à outrance ou programmes télévisuels « pipi-caca » (pour ne pas dire abjects), le sourire du lecteur peut se muer en une légère crispation lorsqu’il compare avec la réalité. Quant à la première enquête de Difool, celle-ci plonge au cœur du pouvoir et révèle l’horrible source du pouvoir de la haute caste.

Le garçon qui devient homme. John Difool est à peine un adolescent lorsqu’il perd mère et père. Salement dépucelé par des compagnons de passage, fuyant son niveau pour se retrouver dans un refuge sans couleur, il y a rencontrera son premier amour (la jeunette à tête de biche) qui va se faire trucider sous ses yeux. Puis il tombera connement amoureux d’une aristocrate mal lunée qui lui en fera voir de toutes les couleurs. En sus, ce qu’il apprend sur le réel état de ses parents (sa mère toxico ou son père transformé en bossu du président) va lui faire définitivement couper les ponts de la jeunesse. Bref, un homme presque prêt (notre héros reste largement imparfait) pour sortir de sa cité-puits et faire de solides étincelles dans une prochaine aventure.

…à rapprocher de :

– La suite, L’Incal, est de pure beauté. Final Incal, il semble qu’il faille attendre un certain temps avant d’avoir une intégrale (3 tomes cette fois-ci).

– De l’éditeur Les Humanoïdes Associés, et avec le même illustrateur, il y a le sublime Les Technopères. Et Megalex (avec Beltran). Voire La caste des méta-barons.

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Barry Eisler - La chute de John R.VO : Rain Fall [notez le subtil jeu de mot dont nous agrémente l’auteur, impossible à suivre dans la traduction]. Premier opus d’une série noire à suspense de qualité, bienvenue dans le Japon contemporain vu par un Tokyoïte tueur à gages. Action, réflexion, immersion, tout y est.

Il était une fois…

John Rain est un tueur à gages qui sévit à Tokyo. Sa spécialité, ce sont les assassinats qu’il fait passer pour des morts naturelles. Acceptant toute mission du moment qu’on paye, Rain garde quelques principes (ni femmes ni enfants par exemple). Une de ses affaires consiste à s’occuper d’un fonctionnaire du gouvernement, il ne s’attendait pas à foutre un tel bordel. Si en plus il fait la rencontre d’une proche de la victime, Midori, jeune pianiste de jazz plutôt bonasse, alors c’est bien mal parti…

Critique de La chute de John R.

Pour un premier contact avec le héros John Rain, il faut concéder que l’auteur a fait très fort. Le Tigre a peu de mal à croire la biographie de Barry Eisler, personnage pas vilain du tout qui a opéré au sein de la CIA. Rien que ça. D’où le réalisme et les détails d’une surprenante crédibilité dans ce roman.

Allons donc à Tokyo où on fait la connaissance de John, hitman de talent porté sur la belle musique et les meilleurs whiskies du pays. Notre individu, qui mène son petit bout de chemin, est hélas pour la première fois confronté à des difficultés de taille : une « commande » qui s’avère avoir des conséquences inattendues et une jolie jeune femme qui ne le laisse pas indifférent. En effet, en tuant Yasuhiro Kawamura, deux individus (que John connaît d’une ancienne vie) s’intéressent particulièrement à Rain puisque la victime possédait certains documents compromettants.

L’écrivain a réussi à produire un roman qui n’est ni policier, ni d’espionnage, ni un techno-thriller. Plutôt l’histoire d’un homme, avec ses forces et faiblesses, qui seul semble lutter contre tous. Distillées à un rythme haletant (chapitres très courts aidant), les péripéties s’enchaînent et en à peine trois heures c’est déjà fini. Rythme éfréné certes, mais les descriptions de la ville et des actes du protagoniste principal restent riches et permettent au lecteur de développer de l’empathie vis-à-vis de ce dernier.

Pour conclure, une magnifique surprise concoctée par un libraire local spécialiste du genre. Même si le genre qui est abordé ne vous semble pas être votre came, il faut au moins tenter La chute de John R., il y a suffisamment d’ingrédients (action, romance, immersion, etc.) différents pour seoir à toutes les catégories de lecteurs.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le héros introduit par Eisler. Comme je le disais, on se prend vite à aimer le personnage malgré son peu reluisant métier. D’une part, notre tueur a quelques limites qu’il ne franchit au grand jamais. Pas un vrai salopard donc. D’autre part, son passé montre un homme bon qui n’a pas vécu des choses faciles (guerre du Viet-Nam notamment) et a su garder la tête sur les épaules. Le résultat est un esthète du crime parfait, sorte de samurai (mais sans Shogun) des temps modernes qui ne crache cependant pas sur de très charnels plaisirs : alcool de qualité en écoutant du jazz dans un bar sélect ou sentiments appuyés à l’encontre d’une jolie femme.

Mi-américain mi-japonais, John Rain est un modèle de parfait opérationnel d’un service action d’une agence de renseignement. Parce qu’aux prises de la CIA et des flics, le héros fait montre d’ingéniosité qui découle de réflexes de survie pour ce genre de métier. Guerre urbaine, technologies utilisées pour se protéger, paranoïa omniprésente, on sent l’auteur qui en connaît un rayon dans le domaine de l’espionnage. Si vous rajoutez des combats au corps à corps parfaitement intelligibles malgré l’utilisation de termes d’aïkido ou de karaté (ou judo ?), que demander de plus ?

…à rapprocher de :

– La saga se poursuit sur pas mal de titres : Tokyo Blues, Macao Blues, Le dernier assassin,…

– Dans le noble art de « l’urban war », il y a Les enquêtes de Joe Kurtz de Dan Simmons. Les combats en moins. Ou avec plus d’armes à feu.

– Le Japon, une tueuse à gages un peu plus stricte, c’est aussi la trilogie 1Q84, de Murakami.

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Chantal Pelletier - More is lessEncore un accident de parcours comme il en existe tant. La collection « folio policier », l’image de couverture, le titre aguicheur, tout concourrait à passer un bon moment. Il n’en fut rien : histoire confuse et style lourdingue, ce n’est pas le meilleur moyen de découvrir Chantal Pelletier. Gros râteau, tant qu’à jouer sur les mots.

Il était une fois…

Pour près de 200 mots gagnés sur un livre que je n’ai su terminer, Tigre est plus que content de vous proposer séance tenante le quatrième de couverture. Surtout lorsque celui-ci ne rime à rien :

« Gymnastique de l’âme et du corps le matin. Sagesse de l’Orient toute la sainte journée et pas un seul ennemi en vue. Plus tranquille que ce vieux Chinois, tu meurs, et c’est justement ce qui vient d’arriver. L’homme est retrouvé allongé dans le parc des Buttes-Chaumont, balle dans la tempe tirée par un pro. Exit le vénérable maître de taï-chi aimé de tous. L’inspecteur daltonien Maurice Laice, exilé dans le 19e arrondissement loin de son Montmartre chéri par une supérieure sans pitié, comprend vite qu’il ne maîtrise pas tout des extrêmes de l’Orient. Ni de l’Occident. Des ados bien d’ici, déjantés à s’en écarquiller les yeux, vont le lui apprendre, morts à la clé. »

Critique de More is less

Et voilà, un abandon en bonne et due forme à la moitié (soit avant la 150ème page), et sans regret. Pour la première fois que je lis cet auteur, le 4ème de couv’ m’avait promis de l’original, quelque chose de prenant, cynique et bien apparemment bien construit. Sans compter le titre, sublime référence à Less is more, que Le Tigre a retrouvé tant en littérature qu’en musique.

Hélas, mille fois hélas, la lecture s’est révélée globalement désagréable. J’ai trop vite abandonné tout espoir de comprendre le scénario, fait de digressions et autres tournures de phrases rendant son intelligibilité difficile. Quant au style, cela m’a semblé bien lourd. Certes quelques bons passages avec plus ou moins d’humour, mais rien qui ne rattrape le ratage qui était en train de se dérouler sous mes yeux ébahis.

Au final, Le Tigre a très probablement sélectionné le pire titre de Chantoune, quoiqu’il en soit j’aurais du persévérer et m’accorder un peu de temps pour lire une autre de ses œuvres. De l’eau faite de mots a coulé sous le pont littéraire, et reprendre avec cette écrivaine n’est pas pour bientôt.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Paris version Pelletier. J’ai eu la fâcheuse impression que l’auteur a eu envie de se lâcher dans les grandes largeurs dans ce titre, avec un résultat qui ne m’a pas vraiment ému. Les phrases, l’enchainement des péripéties, le style en général m’a paru être le fait de quelqu’un qui cherche à décrire la capitale sous un jour onirique et mystérieux. Bref, un truc pour les initiés. Pour gambader de temps à autre dans Paris, Tigre n’a pas reconnu une once de crédibilité dans ce roman. Peut-être est-ce le but, cependant il n’y a pas grand chose à en tirer en tout cas.

Au-delà de l’aspect purement « polar », Tigre se souvient de quelques ingrédients de romance. Maurice, notre héros flic aux nombreux problèmes de santé, vacille entre une histoire prometteuse avec une belle asiatique et Anna, sa régulière, avec qui certains instants plus sexuels sont parfois livrés au lecteur. C’est plutôt mignon, toutefois ça n’incite pas à poursuivre la lecture.

…à rapprocher de :

Rien. Désolé, vraiment.

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Meltzer & Morales - Justice League : Crise d'identitéVO : Identity Crisis. Bel ouvrage de qualité (le fond comme la forme) publié par Urban Comics, le sentiment est toutefois mitigé : si l’histoire est réellement prenante comme un pétillant polar, le nombre de protagonistes et leur environnement s’adressent aux fins connaisseurs de la Ligue de Justice. Ce dont Le Tigre n’est pas.

Il était une fois…

Tout va pour le pire dans la Ligue de Justice de l’Amérique (la JLA, pour les intimes). Sue Dibny, la sympathique épouse d’Extensiman, vient d’être assassinée. Comment le meurtrier a-t-il pu passer la bonne douzaine de barrières de sécurité provenant d’autant d’univers qu’imaginées par les plus solides héros de notre monde ? Chacun y va de sa petite enquête, et les super-vilains sont, chacun leurs tours, mis hors de cause. Et si ce crime, qui a choqué tout le monde, n’est que le début d’autres exactions ? Et si, pire que tout, les recherches de nos héros vont les amener à débusquer quelques squelettes dans leurs placards qu’on imagine bien rangés ?

Critique de Justice League : Crise d’identité

Comics que j’ai acquis parce que le Batman est forcément dans le lot, cet ouvrage constitue un one-shot aussi plaisant à parcourir qu’un bon roman policier. Chapeau bas à Brad Meltzer qui a été capable d’imaginer quelque chose d’abordable (quoique…) et plutôt prenant.

La JLA, ce sont quelques super-héros de DC Comics qui se sont regroupés au sein d’une ligue pour mieux efficacement combattre les criminels qui, comme eux, font péter paillettes et autres items fantastiques. Leur tâche prend une tournure plus personnelle lorsque ce sont les proches (famille, épouses) qui sont la cible d’on ne sait qui. Parallèlement, quelques révélations assombrissent le ciel de nos protagonistes lorsqu’ils se remémorent la manière dont parfois ils ont pu traiter quelques vilains.

Cependant, apprécier le scénario dans son ensemble nécessite la mobilisation d’insondables connaissances sur le passé et l’historiographie générale des membres de la JLA. Alors à part Bruce Wayne et Dick Grayson (Robin), voire Green Harrow (et pas Lantern), Le Tigre a survolé quelques passages sans comprendre toute la finesse des références. En outre, les quarante dernières pages reproduisent trois anciens chapitres qui fleurent bon les années 70 et que j’ai rapidement zappés.

Sur le dessin, c’est moderne et plus que correct. La planche de l’enterrement de Sue, notamment, est une pure pépite. Couleurs vives et dessin des visages intéressant (le Chevalier noir qui a peur, Extensiman qui tantôt se décompose ou tantôt est dans une belle colère,…), il faut enfin saluer les monologues de chacun, reconnaissables à des bulles dont la coloration correspond à chaque héros.

Pour conclure, une valeur sûre qui a l’intelligence de présenter nos surhommes sous un nouveau jour, même s’il faut savoir de qui on parle avant d’ouvrir les premières pages. Comme souvent chez Urban Comics, il convient de signaler les bonus après l’histoire : pedigree de chacun, inspirations (acteurs particulièrement) quant aux dessins des héros, remarques sur les thèmes abordés (cf. partie suivante).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La mort. Crise d’identité fait la part belle à la mort. Chacun a son rapport aux funérailles, comme le taciturne Bruce Wayne qui préfère enquêter plutôt qu’assister à l’enterrement. Avec les décès de certains proches de nos membres émérites, on commence à comprendre la connerie sous-jacente à dévoiler son identité. Crise, donc, lorsque l’identité d’un héros est connue et que des individus mal lunés souhaitent taper là où ça fait mal. Mettre KO debout une personne difficilement atteignable, tout groupe criminel (mafias, gangs, etc.) connaît la parade. Mais surtout mort de certains idéaux qui caractérisent, fort légitimement pourtant, l’appartenance au groupe qu’est la Ligue.

En effet, la crise d’identité à proprement parler concerne avant tout quelques comportement passablement répréhensibles de nos amis. Tigre va éviter de spoiler, disons qu’une héroïne aux pouvoirs surprenants va s’amuser à baiser le cerveau d’un des méchants, une forme de « lobomotisation » relativement dégueulasse. [attention SPOIL finalement]. Forcément un des membres la prend en flag’, et là il est décidé par les autres sur place d’aller encore plus loin dans la déconne en faisant de même pour l’inopportun (rien de méchant, juste supprimer 10 minutes de souvenir). La cerise sur le gâteau, évidemment, sera la découverte du meurtrier, qui n’a rien de méchant au premier abord. [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– L’autre comics (pour l’instant) sur la LJA sur ce blog est L’autre Terre. Passable, ici nos héros rencontrent leurs doubles maléfiques.

– Sur un héros en plein doute, dont l’univers est superbement repensé, Le Tigre peut vous conseiller All-Star Superman, de Grant Morrison.

– Le Robin (qui est le troisième, si me trompe pas) perd « enfin » ses vieux, ce qui le met au niveau de Batman et Nightwing. Champagne ! Pour en savoir plus sur les différents Robins, Un deuil dans la famille a bien aidé Le Tigre.

– Question Batman, l’univers de Terre-Un est superbement repris par Johns & Frank dans Batman : Terre-Un (premier tome ici).

Enfin, si votre librairie à comics est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.