Lupano & Rodguen - Ma révérenceUne BD à mi chemin entre le roman graphique (par sa taille et les thèmes traités) et le truc franco-belge (dessin et couleurs notamment plus classiques), ma foi tout ceci est correct. L’histoire d’un jeune et son pote un peu dingue qui veulent braquer un fourgon, toutefois le scénario se splitte rapidement en plusieurs intrigues qui ont scotché Le Tigre. Bon point.

Il était une fois…

Recopier la présentation de l’éditeur ne mange parfois pas de pain. Et puis tous les blogueurs le font (mauvaise excuse) :

« Vincent, trentenaire un poil dépressif, estime que la société lui doit bien quelques dommages et intérêts, au titre de préjudice moral. Et comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, il s’improvise braqueur de fourgon blindé. Son plan est malin, sa cause est noble, et l’amour est au bout du braco. Mais en choisissant pour complice le déconcertant Gaby Rocket, Vincent n’a-t-il pas vu trop grand ? »

Critique de Ma révérence

Je ne sais plus trop comment ce bidule est arrivé dans ma très tigresque bibliothèque, cependant je ne regrette pas que Ma révérence ait eu l’idée de squatter mes rayons. Lu en une petite heure, il se trouve que j’ai passé un agréable moment. Au fait, note à Delcourt : ont dit « braquo », et pas « braco ». Quelle bande de brankignolles (sic).

Revenons à Vinc’, le héros de la BD. Petite trentaine, le jeunot a profité de l’héritage de grand-maman pour aller au Sénégal. Il y a rencontré une fille, lui a fait (par accident je pense) un gosse et a pris peur. Depuis, il lui assure depuis Paname qu’il reviendra avec les tunes nécessaires pour élever la famille. En rencontrant à plusieurs reprises Bernard (convoyeur de fonds qui termine son arrêt maladie à cause d’un braquage) dans un troquet, Vincent a le déclic : il va se faire la camionnette qui transporte les tunes et prendre brièvement en otage le fiston de Nanard.

Si l’histoire a le mérite de l’originalité grâce à quelques flashbacks sur la vie de certains personnages (passages assez poignants), les illustrations ne sont pas ce que je préfère. Entre la ligne claire à la papa et les traits plus « underground », Rodguen n’a pas su faire de choix et s’en est tenu à un style que je qualifierais de bâtard. Le coloriste, Ohazar (ça ne s’invente pas un tel nom), a lui opté pour des couleurs ternes, mais rien de choquant.

Pour conclure, une chouette BD surtout portée par des protagonistes secondaires d’exception, à l’instar de la famille du convoyeur mais surtout le bon Gaby Rocket, grand malade s’il en est qui n’a rien à faire dans ce monde. Quelques touches d’humour en plus, du beau boulot qui ne déplace certes pas l’Himalaya, mais que demander de plus ? Autre chose qu’un happy ending ? Pas le genre de la maison.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est essentiel dans le projet de nos héros est la manière dont ils tentent de se justifier. Car ce ne sont pas des voyous, oh que non ! Pour preuve, ils s’en prennent à des fourgons, ce n’est de l’argent qui n’appartient pas vraiment à une personne déterminée. La violence ? Des armes factices. Les employés de la société de convoyage (ce terme existe j’imagine) ? Il leur donnera un solide pécule quelques mois après le casse. Un vrai robin des bois (je ne pensais pas si bien dire, la forêt va potentiellement l’aider).

On traite souvent des préjugés dans ce titre, et Wilfrid Lupano a sorti l’artillerie lourde : racisme basique (« agricole, ai-je envie de dire) qui a ses sources très profondes ; homophobie ; soucis de l’adolescence, il appert que ces thèmes sont assez bien amenés au final.

Dernier thème, et à mon sens le plus prégnant, c’est la paternité. Déjà Vincent fait de la merde de son côté et, comme il le dit, « il a fui le ventre rond ». Comme si avoir beaucoup d’argent allait régler les choses entre la mère de son gosse et lui… Enfin, et je ne vais pas salement vous raconter la fin, néanmoins Bernard, son père, et même Gaby, tous ont des problèmes à régler du côté paternel. Il est question d’accepter ses enfants, les aimer correctement et avant tout éviter de répéter les erreurs de son daron. Casser le cercle vicieux de l’éducation en somme.

…à rapprocher de :

– Les braquages qui ne se passent pas comme prévu, j’ai des pétées d’exemples en tête : je vous donnerai juste la première nouvelle de Hammett intitulée Le sac de Couffignal. Allez, un dernier : Le Casse, avec le bien connu Parker. Grandiose.

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Pellicer & Titwane - Enquêtes géneralesSous-titre : Immersion au cœur de la Brigade de répression du banditisme. « Immersion », le mot est lâché. Et bah cet essai graphique est plus que réussi : en suivant pendant quelques semaines la BRB, l’auteur a su dresser une trame narrative captivante servie par des illustrations presque parfaites. Ça change définitivement des reportages vus sur le très petit écran.

De quoi parle Enquêtes générales, et comment ?

Depuis 2010, Raynal Pellicer demandait régulièrement au 36, Quai des Orfèvres (l’adresse mythique de la populace gallinacée parisienne) de venir squatter chez eux pour faire un petit essai de son expérience. Deux ans après, son vœu est enfin exaucé. Du moment que l’auteur change le nom des protagonistes et que les dessins ne représentent pas leurs vraies gueules, il a carte blanche (à une exception près, je reviendrai dessus…).

Le résultat est une passionnante biographie qui traite du quotidien de la BRB, section « enquêtes générales », c’est-à-dire tous les braquages relatifs à des montants supérieurs à 300 000 boules. Du sérieux donc. Tigre parle bien d’un ouvrage biographique, car avec Lemoine, Morel, Surfeur, Belko, Letellier, Lucas, Manu, et tant d’autres, l’empathie est maximale. Empathie vis-à-vis de ceux qui franchissent la ligne rouge également, certains inspirant la pitié plus qu’autre chose (les transcriptions des interrogatoires sont édifiantes, la mauvaise foi se disputant au stress).

Cette facilité à entrer (sans vouloir en sortir) de cet ouvrage est due certes au récit, sobre et bien dosé, mais surtout grâce aux illustrations qui prennent des airs de grands tableaux. Portraits somptueux, efforts réels sur l’architecture, correctes scènes d’actions par caméras interposées, l’harmonie du dessin et du texte est osmotique. Pas étonnant dans la mesure où Titwane s’est appuyé des photos prises par Pellicer, toutefois je soupçonne l’illustrateur d’avoir passé des semaines entières à produire ces planches.

Bien sûr que ce n’est pas parfait comme essai, toutefois chercher la petite bébête relève de la gageure. En vrac, Tigre pourrait regretter que le « temps des flics », fait de longues enquêtes qu’on reprend quelques semaines après, passe parfois mal en BD dans la mesure où il faut se replonger dans une vieille intrigue dont on se souvient moins que les policiers. Comme les forces de l’ordre le précisent, ça peut se précipiter comme ça peut être au point mort.

De même, il faut savoir qu’une des conditions à la publication de ce titre est la revue, par les services, de son contenu. Rien de plus normal, et ne me faites pas prononcer le mot « censure » hein ? Néanmoins, rien sur les états d’âmes ou égarements de nos héros dont le seul défaut semble consister à parfois fumer dans le bureau. Du tabac bien évidemment. Mais en l’état, rien ne viendra gâcher la lecture. Foncez les amis.

Ce que Le Tigre a retenu

Comme je l’ai brièvement expliqué, si ce qui est dit ne reflète que le point de vue des flics (et non pas des « baveux » ou juges), la façon dont les arguments sont avancés est claire et sans parti pris excessif, ce qui est relativement agréable.

Pour commencer, l’impunité dont jouissent quelques malfrats est révoltante. En première partie de l’essai, la brigade a affaire aux fameuses « pink panthers », couillus bandits balkaniques qui fracassent les vitrines des bijouteries avec un naturel déconcertant. Les opérations sont de plus en plus audacieuses, et entre deux braquos les mecs vont se reposer tranquillou dans leur bled en Serbie ou en Albanie. Ils y sont comme des rois, et toute mesure contre eux est vouée à l’échec à cause de la corruption ambiante (procureurs, politiques, tous sont aux ordres). Heureusement que l’UE est venue mettre un peu d’ordre dans ce bordel.

Ensuite, la traque des grands criminels prend souvent une tournure ludique. Ça se regarde de loin, on déroule le fil d’un vol, d’une intrigue, d’une histoire en fait, et on frappe au moment opportun quand les preuves sont suffisantes. Car il s’agit de monter un dossier en béton pour le juge d’instruction, supérieur de la Brigade. D’ailleurs, les dernières pages avec l’intervention d’un de ses juges est énormément éclairante, un point de vue extérieur est apprécié (notamment sur la notion d’objectivité et le principe de l’enquête à charge et à décharge). Sinon, les vilains se savent surveillés, aussi l’image du chat et de la souris m’est plus d’une fois venue à l’esprit.

Enfin, la difficulté d’un tel métier qui s’avère souvent ingrat. Rédactions monstres de PV (des centaines de pages), analyses des fadettes, nos flics ne comptent pas leurs heures. Puis vient la récompense, qui peut être la visite d’un ministre ou le plaisir d’avoir presque compris l’alpha et l’oméga d’un braquage. Fin du fin, il n’est pas rare que certains braqueurs, à l’ancienne, félicitent en off les poulets pour le travail qu’ils ont abattu.

…à rapprocher de :

– Concernant le quotidien d’un flic de renom, y’a l’essai de Martine Monteil qui est presque un passage obligé.

– Côté sombre, Dominique Manotti (auteur engagée hein, et c’est une fiction) et son Bien connu des services de police avait plu au félin.

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Richard Morgan - Black ManVO : Idem. Ne vous fiez pas à l’image de couverture bien pourrie (décidément, le stagiaire chez Milady est en pleine forme), il s’agit encore d’une petite bombe littéraire toute britannique. Dans un futur pas si lointain, une race d’hommes (qui a certes prouvé son utilité) dérange les autorités aux entournures. Conspiration, suspense, surprises, tout cela servi par un style enlevé et jouissif.

Il était une fois

Au début du 22ème siècle, l’Humanité est (relativement) heureuse. La colonisation de Mars avance à grands pas et les terribles guerres du siècle précédent (oui, le notre) ne sont qu’un vilain souvenir. Enfin presque, car il reste les Variantes 13, sorte de supersoldats qui ont aidé à gagner les conflits. Carl Marsalis est l’un d’eux, et depuis son retour de Mars (permis grâce à une loterie) il n’a d’autre choix que de travailler pour le gouvernement en traquant les dernières Variantes (une en particulier qui fait de la merde).

Critique de Black Man

Morgan est un excellent auteur, et il le confirme avec un thriller mâtiné d’anticipation sociale, sinon de science-fiction. Un peu moins de 800 pages, c’est long mais immersif. Pour ma part, je me souviens l’avoir lu en une dizaine de jours, ce qui est trop. D’où ce conseil : achevez le d’un coup, au risque de perdre le fil qui est, Richard Morgan oblige, assez complexe.

Pour faire simple, les variantes humaines dont fait partie le héros n’ont plus état d’être, aussi notre ami Carl est engagé pour enfermer les autres (certes aidé de Sevgi et Tom Norton) qui ne sont pas sur Mars ou encore parquées dans des camps. Hélas, mille fois hélas, il ne faut guère compter sur la coopération des cibles, et leurs connaissances en conflit et guérilla urbaine en font des adversaires redoutables. Si bien qu’au cours du récit, on ne sait plus trop qui traque qui.

Là où l’auteur britannique a fait fort, c’est dans la description de tous les petits à-côtés de cet univers. La colonisation de mars et la tune que cela coûte ; les nouvelles formes de criminalité assez flippantes ; l’anthropologie revisitée (cf. partie suivante) ; le pouvoir des corporations sur les États ; l’avenir de l’Europe ; la scission des États-Unis (en trois ensembles du genre un paradis des bigots, un pays des NTIC et le Nord-Est « normal »), bref c’est aussi cohérent qu’ouvert aux possibilités narratives dont Morgan sait user.

Comme toujours avec l’écrivain, le scénario s’avère d’une rare complexité et les problématiques abordées auraient pu justifier la séparation en deux tomes. Cela n’empêche pas de ricaner de temps à autre avec quelques bons mots bien cyniques, voire de rosir de plaisir en lisant les descriptions plutôt crues de scènes de cul. On oublierait presque la traduction de l’ouvrage qui prend des airs de travail d’amateur et pollue un peu l’ambiance sombre et glauque de l’univers.

En conclusion, ceci n’est pas un énième titre de cyberpunk, mais un excellent roman qui va au-delà du policier ou de la SF en proposant de s’interroger sur les dérives de la modification de l’être humain et de la recherche de la rentabilité à outrance. [cette phrase fait blogueuse engagée, je sais]

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour comprendre comment on en est arrivé à modifier génétiquement des soldats, l’auteur distille le « rapport Jacobsen » (qui a amené aux Variantes 13) en début de chaque chapitre. Grosso merdo, parce que l’Occident est englué dans ses guerres et que la population s’est trop féminisée (en fait un gêne a disparu depuis des milliers d’année, nous permettant de coexister et être ensemble, la civilisation en fait), il faut revenir aux basiques en créant une race de soldats sévèrement burnés, des mâles à l’état pur pour qui la coopération et l’empathie n’existent pas. En période de guerre, les mecs abattent (hum) un boulot phénoménal, toutefois leurs statuts de mâle alpha solitaires n’en font pas de bons compagnons (sauf de jeu, en effet ce sont de vraies bêtes de sexe).

Morgan se s’arrête pas là, d’autres idées de bidouilles génétiques parsèment le roman. Deux exemples. 1/ Le gène « bonobo » dont certaines femmes sont pourvues : la féminité exacerbée d’un point de vue machiste, à savoir faire plaisir à son homme, lui être soumise et y être attachée comme une esclave sexuelle. Assez terrifiant dans la mesure où la programmation génétique de l’épouse ne lui permet aucune alternative 2/ Des individus qui permettent à leur métabolisme d’hiberner : hyperactifs et ne dormant pas pendant six mois, puis roupillage en règle à l’abri de tous. Quand le héros en réveille une en plein sieston, ce n’est pas joli-joli à voir.

Concernant d’autres thèmes comme l’aspect cyberpunk ou la suprématie des groupes capitalistiques sur les États (notamment l’organisation LINCOLN qui gère la colonisation martienne), Tigre vous renvoie vers les billets de la saga Kovacs (cf. infra) qui sont bien plus prolixes sur ce sujet.

A rapprocher de :

– De cet auteur, Tigre vous signale donc la trilogie de Takeshi Kovacs : Carbone modifié, puis Anges déchus et enfin Furies déchaînées. De mieux en mieux à chaque fois. Même héros à la testostérone qui pète le plancher, mais avec des E.T.

– Tiens, le « Jésusland » du Sud des States me rappelle, dans une légère mesure, l’essai Au pays de Dieu, de Douglas Kennedy (avant qu’il ne se mette à écrire n’importe quoi).

– Le techno-thriller saaaans prise de tête en version française, ça donne Incursion (en lien) de Pierre Brulhet. Plus court et moins sérieux néanmoins.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

QLTL - Thibault Lang-WillarVoici une nouvelle tirée du recueil sobrement (et en toute simplicité) intitulé Un fauteuil pneumatique rose au milieu d’une forêt de conifères. Comme Tigre adore la plume de cet auteur, voici un très très court texte illustrant, à mon sens, le pire (le meilleur, comme j’ai des goûts bizarres) de Lang-Willar. Pour toi lecteur, le félin s’est brièvement transformé en dactylographe de luxe.

Qui est monsieur Lang-Willar ?

Très franchement, je n’en sais rien. C’est partiellement pour cette raison que j’ai anonymisé sa photo, l’autre raison étant une vague notion de politesse qui veut qu’on ne mette pas des images d’autrui sans leur consentement. Du haut de mon modeste blog, je n’ai eu l’occasion de rencontrer Thibault L-W autrement que par le biais de ses textes. Bon, en même temps, on me rétorquera que je ne fais rien pour rencontrer les auteurs.

Revenons à Thib’. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé avec ce recueil entre les griffes, mais je me souviens de l’avoir trop vite terminé. Vous connaissez mon honteux penchant pour les auteurs « borderline » tels Will Self, Chuck Palahniuk ou Hunter S. Thompson, et bah Lang-Willar est leur rejeton en version française. Le genre de mec qui ose le vocabulaire violent, les descriptions insoutenables, tout ça pour voir jusqu’où il peut creuser dans la face sombre de tout esprit.

Cynique et drôle, puissant mais tendre, Lang-Willar excelle avant tout dans le format des nouvelles en plus d’être relativement polyvalent (il lui arrive de scénariser). D’ailleurs, avant de vous laisser avec sa prose, je profite de ce billet pour demander à son éditeur de se sortir le doigt de son fondement et publier les derniers textes de Titi dans un format abordable.

A peine deux pages sur un livre qui en comporte deux cents, Tigre espère que l’éditeur ne viendra pas tout de suite me chercher des noises. Attention, les derniers paragraphes sont d’une glauquerie certaine :

Ce morveux me tirait la langue

La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement mais toujours d’une manière qui leur échappe. Guy Debord.

Tom dit :
– Raoul, je t’en supplie, déconne pas… Pose ça, nom de Dieu.

Je dis :
– On ne jure pas ! C’est pourtant simple ! Qu’est-ce que Dieu vient foutre dans cette histoire ?

Et je tranche la gorge de cet abruti qui s’effondre dans un geyser de sang, les artères à haute pression de son coup projetant l’hémoglobine tout autour de lui, comme la pluie d’un arroseur automatique.

C’est comme si la scène se déroulait dans une autre ville, un autre monde, avec quelqu’un d’autre que moi, dans le passé, ou dans le futur, ou dans un autre temps qui ne serait ni le passé, ni le présent, ni le futur, et pourtant je sens la brutalité de la scène dans mon corps actuel.

Mes parties génitales, engoncées dans leur slip, commencent à se raidir. Mon corps caverneux se gorge de sang. Le même sang que celui qui se déverse du cou de Tom, nacré sur le linoléum. Je peux sentir les pulsations de mon cœur sur toute la longueur de mon pénis et, curieusement, il est cadencé sur le même rythme que les soubresauts de Tom. Cette sensation inouïe d’être en harmonie parfaite avec le monde. Cette sensation inouïe… Alors que dehors, le nombre des sirènes augmente. Les voitures sont plus propres, les messages plus violents. Les panneaux électroniques brillent en continu. La prostitution est totale, l’énergie atomique qui illumine nos villes aussi. Et le jeu, tous les jeux s’intensifient. Je crois : c’est toujours ainsi quand on s’approche du nouveau matin du monde.

Je m’agenouille devant le visage de Tom, extrais ma queue toute raide de mon slip et commence à baiser la plaie ouverte dans son cou. Mon sexe glisse dans sa trachée, se frayant un passage au travers d’un réseau de veines et de nerfs. J’attrape Tom par les cheveux pour mieux m’enfoncer dans sa gorge, une prodigieuse sensation enveloppante, jusqu’à frotter ses amygdales. Le plus incroyable, c’est le moment où j’aperçois ma bite sortir de sa bouche, un petit morceau de gland, comme si ce morveux me tirait la langue. Ça me fait rire et jouir en même temps.

Sexe, sourire et message. Sexe et sourire, sourire et message. Message et sexe. Sourire. Message. Sexe.

Richard Morgan - Furies déchaînéesVO :Woken Furies. Ne vous fiez surtout pas à l’image de couverture (c’est scandaleux comme celle-ci est naze), il s’agit encore d’une petite bombe qui clôt avec brio une saga qui pourrait continuer à l’infini. Il sera enfin apporté quelques douces réponses aux nombreux « name droping » des deux épisodes précédents, sans compter l’intrigue, toujours aussi luxuriante.

Il était une fois

Pour l’ultime opus de la série, Tigre va copier-coller le quatrième de couverture. Enfin une petite partie, parce que Bragelonne ne s’est plus sentie pisser :

« Takeshi Kovacs rentre chez lui… sur Harlan, la planète océan. Ses 5 % de terres émergées. Ses mers dangereuses et imprévisibles. Ses plateformes martiennes, qui détruisent tout ce qui vole si c’est plus évolué qu’un hélicoptère. Harlan. Sa révolution quelliste évanouie. […] Embarqué dans une croisade implacable pour venger un amour perdu, Kovacs dérive dans un ouragan d’intrigues politiques et de mystères technologiques tandis que les fantômes d’Harlan et son propre passé de violence se rappellent à lui. Quellcrist Falconer serait revenue d’entre les morts. Et cette fois, les Premières Familles ont envoyé à ses trousses un jeune Diplo nommé… Kovacs, en hibernation depuis deux cents ans, qui ne compte pas partager sa nouvelle existence avec un sosie criminel sur le retour. […] »

Critique de Furies déchaînées

Enfin le dernier. Y’a deux extrêmes dans lesquels ne pas verser avec le cycle de Takeshi Kovacs : le premier est, comme votre serviteur, aligner en une semaine les trois titres tellement Richard Morgan a imaginé un univers cohérent, continu et profondément addictif. Le deuxième est d’attendre trop longtemps et perdre de vue les problématiques et l’oppressant environnement cyberpunk et amoral.

L’histoire, assez banale, part (encore, ai-je envie de dire) vite dans tous les coins.  Grossièrement, la fameuse révolutionnaire Quellcrist (dont les protagonistes faisaient souvent référence avant) serait de retour en ayant « piraté » un cerveau humain modifié pour explorer des stations de tir orbitales martiennes installées depuis des millions d’années. Rien que ça.

Et forcément ça ne plaît pas aux Grandes Familles, sorte de dynasties qui concentrent le pouvoir sur quelques planètes depuis des lustres. Ces dernières ne veulent pas revoir l’ancien bordel quelliste revenir et feront tout pour empêcher Kovacs et ses potos de renverser l’ordre établi, sans compter que certains artefacts laissés par les Martiens (du moins on les appelle ainsi, comme leurs reliques ont d’abord été trouvées sur Mars) sont en plein état de marche. Mais le petit plus de ce roman reste, à mon sens, le double de Kovacs (plus jeune, plus vigoureux, plus impitoyable) qui se balade dans la nature et donne une configuration particulière à l’affrontement.

Pour le style, soit vous pouvez lire mes précédentes critiques sur les premiers tomes, soit savoir ceci : c’est sec, bien amené et jouissif comme tout. Action, humour, sexe, le mix est réussi. Toutefois, c’est encore trop dense (sur 600 pages pourtant) pour que Le Tigre ait le temps de savoureux les péripéties comme dans un roman d’un Peter F. Hamilton ou Alastair Reynolds.

Au final, je n’ai définitivement pas regretté avoir été pris au piège par le père Morgan, n’hésitez pas si vous aimez la hard SF en mode thriller burné et plein de bonnes trouvailles.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Pour un auteur de SF, Morgan maîtrise aussi bien la techno que l’aspect plus sociétal de ces titres. Rien que les exceptionnelles considérations politiques mâtinées de génétique on laissé le félin sur le cul tellement c’était finement trouvé. A titre d’exemple, et sans trop spoiler, il est question d’une arme redoutable inventée par des révolutionnaires : il s’agit de programmer génétiquement ses enfants et toutes les générations suivantes (à l’aide d’une sorte de virus) à détester un certain pouvoir (ici, les caractéristiques physiologiques d’une famille régnante) pour faire en sorte que le dégoût soit automatique et viscéral, poussant la rébellion dès que le moment est propice. [blague à part, je cherche à concevoir un tel virus qui porterait sur l’ENA]

Le problème, dans cet ouvrage, est l’exhaustivité exagérée des sujets traités. La politique et la science occupent une place importante et certaines notions, telle la théorie des flux de concentration et déconcentration des pouvoirs, auraient mérité d’être plus approfondies. Parallèlement, Morgan en profite pour décrire une religion faite à base de barbus à la vision patriarcale qui offusquerait même un Saoudien intégriste, quelque chose de certes révoltant, mais qui s’insère plutôt bien dans le délire ambiant d’un monde futuriste où tout semble possible. Surtout le pire.

A rapprocher de :

– Cette saga commence avec Carbone modifié, puis Anges déchus. Je ne saurais trop vous conseiller de les lire tous dans l’ordre.

– Si vous avez peur d’être entraîné dans ces aventures, y’a un one-shot très correct du même auteur : Black Man. Sombre avec d’excellentes idées également.

– Les religions plus ou moins merdiques qui polluent leur monde, c’est, dans une certaine mesure, Frontière barbare, de Brussolo (même si celle-ci s’avère finalement utile). Je fais le lien avec ce titre car la complexité de l’intrigue est similaire (on en prend plein la gueule).

– Pour des sagas qui partent dans tous les sens et sont autant « décomplexées », vous pouvez sans risque vous frotter aux Aux’, de Gunn. Tome 1 et tome 2 sur QLTL, joie.

– Techno-thriller avec zéro prise de tête en version française, c’est Incursion (en lien) de Pierre Brulhet. Plus court et moins sérieux.

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Mezzo & Pirus - Le Roi des Mouches T1Encore une petite tuerie qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Trilogie confondante et délirante, Le Tigre a été soufflé par l’audace de Pascal Mesenburg (dit Mezzo) et Michel Pirus. Ces auteurs français (et oui, on ne dirait pas), dignes représentants d’un Charles Burns, ont versé dans une sorte de banal onirisme qui fait mouche (hu hu).

Il était une fois…

Tigre va vous résumer les trois opus en tentant de rendre le tout intelligible (vaste programme), ainsi ça m’évitera de revenir dessus. Attention, je vous préviens : ça part dans tous les sens.

Résumé de Hallorave

Eric est surnommé le « Roi des mouches » car, en vue de participer à une rave party, il se confectionne une énorme tête de mouche en carton pâte qu’il porte plus que de raison. Son pote est habillé en squelette et la copine de ce dernier (qui fait sacrément bander Eric) arbore une énorme tête de chatte. Entre deux gobages de pilules, la joyeuse bande se cherche, se disloque, jusqu’à ce que le pote d’Eric se fasse écraser par une bagnole en pleine nuit. Parallèlement, la belle Karine noue une relation avec Becker qui pourrait avoir l’âge de son daron. [et tant d’autres petites histoires].

Résumé de L’origine du monde

Mezzo & Pirus - Le Roi des Mouches T2

Les héros continuent leur bonhomme de chemin entre engueulades avec les parents, cuites et baisouilles plus ou moins faciles. L’origine du monde, c’est quand la petite amie d’un des protagonistes l’invite à reluquer sous sa culotte pour y voir le tableau dont s’inspire le titre. Le sac confié par Ringo à Eric se révèle plus qu’intéressant, et la quille dedans va se révéler déterminante. C’est alors que deux morts reviennent rapidement dans le monde des vivants, impuissants, pour voir ce qu’il s’y passe.

Résumé de Sourire suivant

Mezzo & Pirus - Le Roi des Mouches T3

Eric fait plus ou moins le gigolo avec une vieille insatiable ; les nénettes vendent (par la poste) leurs culottes usagées à destination de vieux dégueux ; les méchants se prennent des flèches tirées on ne sait d’où ; certains sont accrocs à une sorte d’engrais et bavent du lait quand ils sont en manque ; etc. [vous l’avez compris, je n’ai strictement rien bitté à ce dernier opus]

Critique du Roi des Mouches

Si j’ai eu un profond mal de chien à brièvement résumer les trois opus, c’est que c’est presque impossible : les auteurs se sont attachés à faire des chapitres d’une petite dizaine de planches avec des personnages différents autour d’intrigues qui se recoupent. Une même scène peut être présentée à un intervalle de 20 pages, et sous un autre angle (ce dont les auteurs, heureusement, n’abusent pas).

Très curieusement, il me fut également difficile de situer ces BD. Les bâtiments, les commerces, l’omniprésence automobile, tout indique les États-Unis. Mais certains lieux, la nature, les billets de banque (on croit décerner des euros) ou le nom des héros sont de facture européenne. Inconsistance géographique certes, mais incertitude temporelle surtout.

J’ai rapidement abandonné tout espoir de lier les différentes histoires, surtout celles du dernier tome qui frisent avec le fantastique (la drogue-engrais, la quille magique, etc.). En outre, les dialogues (surtout internes) des protagonistes tendent à étirer le temps jusqu’à ce que le lecteur perde, à de nombreuses reprises, la trame narrative. Si vous rajoutez une sévère touche de verbiage (ce qui est parfois lassant), il n’est pas anormal de trouver le temps longuet. Pour ma part, la lecture du troisième tome fut un quasi supplice, j’avais hâte que ça se termine malgré quelques passages glauques comme je les aime

Quant aux illustrations, c’est ma foi très « comics ». D’apparence grossière, on notera que les graphiques (ligne claire et trais épais) s’avèrent précis et donnent une profondeur supplémentaire aux personnages. Les couleurs sont basiques, agressives même (vert, violet, caca d’oie) et entretiennent correctement l’ambiance morose et délétère dans laquelle baignent les héros.

Au final, une série j’ai trouvé géniale mais qui pourront rebuter certains lecteurs (cf. infra). S’emboiter les trois tomes d’un coup, à l’instar du Tigre, est vivement déconseillé : laissez plutôt passer quelques jours entre deux prises.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La jeunesse en perdition. Cette trilogie est constitué de (presque) banales saynètes au cours desquelles nos héros, lorsqu’ils ne se murgent pas la gueule, sont en prise à des substances prohibées. C’est déprimant tellement nos amis semblent n’avoir aucun avenir ni projet pour se tirer de ce monde terne. Un « no future » qui sonne bien années 80 en somme. Ce qui pourrait les éveiller (comme l’amour ou, paradoxalement, la mort) est également traité à la légère, quand ce n’est pas avec cynisme. Baise, jalousie, trahison, aucune différence apparemment.

Une certaine forme de psychédélisme est enfin à l’honneur, aidée par l’abus de drogues, les déguisements des protagonistes et aussi les illustrations. Mais, comme tout titre versant dans ce domaine, j’ai souvent eu l’impression de lire du vide. A l’ambiance néo dépressive s’ajoute un verbalisme savamment entretenu par les auteurs. Ces derniers sont parvenus à créer un univers certes cohérent mais profondément verbeux. La question est de savoir si vous saurez être entraîné (hypnotisé, ai-je envie de dire) dans ce tourbillon pas comme les autres.

…à rapprocher de :

– Puisque je faisais référence à Charles Burns en intro, son dessin comme les thèmes que cet auteur aborde m’ont rappelé Le Roi des Mouches. Notamment Black Hole.

– La jeunesse bien droguée et qui ne sait pas trop où elle va, ça me rappelle quelques titres de Bret Easton Ellis, par exemple Moins que zéro ou Suite[s] impériale[s].

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ces titres via Amazon : premier opus, le deuxième et enfin le troisième.

Les textes du TigreLe Tigre est atteint d’une maladie rare et exceptionnelle : il retient toutes les blagues. Cette malédiction fait certes gagner au félin tous les « joke contests » des bar-relais de province, toutefois c’est ennuyeux à la longue. C’est pourquoi j’invente des histoires drôles uniquement à base de tigres. Enfin, je les trouve drôle. N’hésitez pas à dire si la blagounette existe déjà, voire m’en proposer.

Rire avec Tigre

Un homme patiente tranquillement dans la salle d’attente de son médecin préféré. Enfin presque : déjà, il a l’air terriblement mal à l’aise, restant à l’écart des autres clien…euh patients, dos appuyé contre un mur et ne sachant pas sur quel patte se tenir. Ensuite, l’homme ne se trouve pas chez son généraliste, mais chez un proctologue qui exerce assez loin de chez lui. Au cas où.

Enfin vient son tour. Le procto attaque bille en tête :

– Asseyez-vous donc mon ami. Je ne crois pas me souvenir de vous, pourtant je connais tous les habitants de cette ville. A un moment ou un autre, la gente masculine a ses petits soucis, quand ce n’est pas l’envie de s’assurer que certaines pratiques sexuelles ne leur seront pas douloureuses. Je vous ai dit de poser votre cul, y’a un problème ?

– Bah ouais, doc ! Merde, j’aimerais bien m’asseoir, mais c’est impossible. Je reviens d’un petit voyage en Thaïlande…putain, non !…c’est pas ce que vous croyez…rien à voir avec les films débiles sur des enterrements de vie de garçon. Si j’ai le fion en écharpe, ce n’est pas à cause d’un mec, et ni d’une fille straponnée.

Face à la moue interrogative mais bienveillante du bon docteur, notre homme poursuit son récit. Il était donc en Asie du Sud-Est avec son épouse. Le soleil moite, la libido renaissante de mémère, la bière pas chère, tout s’annonçait jouissif. Nourriture oblige, la puanteur de ses projections intestinales remplaçait celle du métro parisien, et ce n’était pas un moindre mal. Mais c’était sans compter Dusit.

Dusit, ce n’est pas le nom d’une épice locale, c’est celui du zoo de Bangkok. Où madame a justement payé à son mari une photo-souvenir. Et pas n’importe laquelle, car l’épouse aimante a sorti le grand jeu et a correctement aligné les euros. En effet, la photo devait être prise avec le plus beau bestiau du zoo [vous voyez de qui je parle ? la référence tigresque arrive enfin].

Et là, face à son interlocuteur dont les yeux ressemblent à deux œufs pochés, l’homme explique sobrement qu’il s’est fait violer par le tigre. Ses dresseurs, sous amphèt’, étaient trop défoncés pour réagir. Heureusement que personne n’avait un smartphone dans le coin.

Puis il se déshabille afin que le proctologue jauge l’étendue des dégâts provoqués par le monstre. Le docteur annonce :

– Écoutez mon petit, j’ai fait véto avant de basculer vers les maladies du fondement. Et le vôtre est en piteux état, on dirait une étoile de mer rouge vif. Néanmoins, ce que j’observe là n’a rien à voir avec ce que pourrait faire un zizi de tigre. Voyez-vous, ces bêtes sont certes féroces, mais leurs bites font quelques centimètres à peine et ont un diamètre de carambar. Un peu comme l’orang-outan en fait.

– J’ai oublié de vous préciser que l’animal s’était d’abord mis en tête de me doigter…

|je reviendrai]

Richard Morgan - Anges déchusVO : Broken Angels [on reproche souvent à Bragelonne de traduire que moyennement les œuvres, toutefois sur le titre c’est un sans faute…]. Après un premier tome satisfaisant, l’auteur augmente un cran dans l’action et la hardscience. Science-fiction militaire réaliste avec un héros qui part à l’aventure rechercher une relique martienne, que du bon.

Il était une fois

Quelques décennies se sont passées depuis les dernières pérégrinations de notre ami Kovacs. La situation géopolitique a pas mal évolué, l’ONU locale s’étant progressivement effacée face aux grosses entreprises. Cela occasionne quelques troubles, notamment sur une planète où, comme par un fait exprès, un étrange artefact a été découvert. Une boîte propose au héros de récupérer ce truc moyennant finances. Celui-ci, n’écoutant que riri (son morlingue), fifi et loulou (ses burnes), décide bien sûr de s’y coller.

Critique de Anges déchus

Waoww. De mieux en mieux, ou pire en pire (c’est selon) dans la mesure où l’intrigue se révèle encore plus complexe que Carbone modifié, premier opus de la saga de Takeshi Kovacs qu’il faut mieux lire d’abord.

Le héros récurrent de la série, que l’on retrouve plus pimpant que jamais, est mandaté par Mandrake Corporation et fait équipe avec un autre militaire (Schneider si je me souviens pas) pour sauver une pauvre archéologue emprisonnée sur Sanction IV. Cette planète dévastée par les bombes A regorge d’artefacts martiens, et en particulier un objet qui a l’air d’envoyer du lourd. Sans grossièrement spoiler, la chose tant recherchée semble être une porte vers un vaisseau qui serait le vestige d’une civilisation extra-terrestre que le lecteur va petit à petit découvrir.

A la différence de la première rencontre avec Takeshi K., c’est ici résolument porté vers la baston et l’aventure. Les dialogues sont toujours aussi enlevés, drôles et percutants. Cependant, ce n’est pas que gros bras et testostérone de taureaux sous amphèt’, l’auteur prenant à bras le corps quelques sujets pointus sur la politique ou la religion. On regrettera qu’il ne dévoile pas plus les dessous du quellisme par exemple, sorte de doctrine qui promeut le principe de « la révolution occasionnelle » (troisième tome en fait), ni le pourquoi ou le comment de ce que sont ces Martiens (même si on a un aperçu d’une rare violence).

Pour conclure, la logique implacable et terriblement noire de Richard Morgan a encore fait mouche, et à partir d’une petite opération pépère l’auteur a réussi à monter une problématique finement ciselée (enfin j’ai trouvé) avec quelques menues considérations (à la limite de l’éthologie certes) sur le fonctionnement du corps humain.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce roman se situant une trentaine d’années après Carbone modifié, le lecteur se réjouira en apprenant que l’univers ultralibéral est devenu encore plus pourri. Le pouvoir est aux mains des « Cartels » (déjà le terme annonce la couleur), puissantes compagnies qui ont encore les moyens de faire la pêche aux artefacts. Le représentant d’une de ses sociétés, Matthias Hand, est fort bien rendu, on sent le mec qui sait ce qu’il vaut et n’hésite pas à écraser tout ce qui le dérange. Un homme comme Tigre les aime.

Attention, y’a pas que ces vilains conglomérats. Morgan évoque aussi la religion avec des fanatismes qui ne sont pas sans rappeler les jaillissements intellectuels contemporains, les États en déroute, la représentation de l’autre (l’alien), etc. Bref des concepts assez bien étudiés qui mettent en exergue l’insondable connerie humaine et notre esprit tordu.

Le félin a apprécié le degré de réalisme militaire de l’opération de sauvetage. D’abord, se mettre subtilement en congé de l’armée. Puis mettre en place une équipe, sélectionner les candidats et assembler les corps (sachant qu’ils vont être irradiés à mort sur Sanction IV). Ensuite, récupérer quelques financements et bien choisir sa compagnie, ni trop puissante ni trop petite. On rajoute les entraînements, briefings et combats sur place (petite mention aux nanomachines qui font de la merde), on s’y croirait. Surtout quand l’écrivain britannique décrit les armes, stratégies et scènes de façon si méthodique.

…à rapprocher de :

– Cette saga commence avec Carbone modifié et se termine avec Furies déchaînées. Le dernier tient la route, et je ne saurais trop vous conseiller de les lire dans l’ordre.

– Si vous avez peur d’être entraîné dans ces aventures, y’a un one-shot très correct du même auteur : Black Man. Sombre avec d’excellentes idées également.

– Pour des sagas qui partent dans tous les sens et sont autant « décomplexées », vous pouvez sans risque vous frotter aux Aux’, de Gunn. Tome 1 et tome 2 sur QLTL, joie.

– Les sociétés privées comme unique levier pour aller (et récupérer la mise de fond sans états d’âmes), c’est Dragon déchu de Peter F. Hamilton. Ooooh, oui, y’a le même adjectif. Vive moi.

– Autre techno-thriller saaaans prise de tête en version française, ça donne Incursion (en lien) de Pierre Brulhet. Court et pas sérieux pour un sou.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Xu Bing - Une histoire sans motsPetite sucrerie visuelle offerte au Tigre, bouffée très rapidement, c’est autant déroutant qu’original. L’auteur (l’artiste, plutôt) chinois a eu l’idée de rédiger un « roman » à partir de pictogrammes en principe compris par tous, et pour le franchouillard Tigre ça s’est plutôt bien passé. S’il faut se concentrer plus d’une fois sur cette prose particulière, le résultat est globalement réussi.

De quoi parle Une histoire sans mots, et comment ?

Pour les incultes aussi ouverts à la culture qu’un vulgaire félin cloîtré dans sa tanière avec l’intégrale de Musso, Xu Bing est un artiste contemporain chinois qui collectionne quelques prix dans le vaste monde. En tout cas c’est que j’ai découvert. Sinon, j’ai jugé préférable de classer cette œuvre, qui raconte certes une histoire, dans les essais artistiques. Car la forme prime largement sur le fond.

En effet, on s’en tape un peu le coquillard, du scénario. L’auteur retrace une journée typique d’un « working men » bossant dans une entreprise (marketing ? Audit ? Quelque chose de pipeau dans ce genre) en Asie. Réveil avec un zoizeau (en Chine ? come on..) ; stress dans les transports ; boss qui le rappelle à l’ordre pour faire péter une présentation powerpoint ; dragouille via le net et prise de RDV avec une inconnue ; soirée avec la belle, puis avec un pote ; retour tardif à la piaule ; et enfin dodo difficile à cause d’un moustique (là, je me reconnais enfin).

Xu Bing - Une histoire sans mots exempleTigre n’a pas l’habitude de prendre en photo l’intérieur d’un bouquin, mais là ça me paraît justifié. Ça m’évitera surtout de trop décrire le choc en ouvrant ce titre. Bah oui, Xu B. a conçu son histoire uniquement à partir de pictogrammes (des images, différent d’idéogrammes, qui sont plutôt des symboles) qui sont censés offrir une cohérence. En ce qui concerne mon pétillant cerveau, il m’est arrivé de ne pas comprendre de quoi il retournait, et très franchement je m’en foutais du moment que l’idée générale était comprise. Car il est des passages vis-à-vis desquels il faut décortiquer toutes les relations entre les items, surtout lorsqu’il est fait état de relations mathématiques (genre =, + et () de partout).

En conclusion, une impression positive uniquement grâce à l’effet de surprise (offrez ça à une nana, et elle vous prendra pour un grand malade). Petit coup de gueule final contre ce gougnafier d’éditeur qui n’a pas suivi le jeu et s’est permis un quatrième de couverture avec des mots. Bande d’idiots, à la rigueur vos trucs « légaux » (date d’impression, copyright, etc.), je comprends, mais faites au moins un petit effort !

Ce que Le Tigre a retenu

Sur l’histoire, vous aurez compris qu’il n’y a pas grand chose à dire. Peut-être à part le fait que notre héros fait partie de ce qu’on nomme pompeusement la « génération Y » (ou X, nom de Zeus je m’y perds) : le héros, Monsieur Noir (y’en a des gris, ou rose, pour la fille) est un glandeur fini, en dix heure de boulot il doit être effectif à peine 3 heures. Un vrai pro, respect.

Vais plutôt parler de mon ressenti en déchiffrant l’histoire du protagoniste. Comme cela fait moins de cent pages, je pensais naïvement torcher Une histoire sans mots en vingt minutes, douche comprise. En fait, que nenni, provisionnez plutôt le double. Car le tout a beau être logique, c’est loin d’être évident à décrypter. Dieu sait pourtant si l’écrivain a fait simple en utilisant des idiomes que n’importe quel Occidental comprendrait, à coups d’icônes populaires (dont des marques, c’est dommage mais peut-on faire autrement ?) qu’on retrouve autant dans les panneaux routiers que dans tout aéroport digne de ce nom.

A mon humble avis, le but inavoué de Bing Xu (je mets ses noms dans le sens qu’il me plaît) a été de démontrer qu’il existe, potentiellement, un langage que n’importe quel couillon ayant accès à internet comprendrait. Du globish pour analphabètes, c’est beau et flippant à la fois. Car l’histoire, même drôle (notamment comment il expédie ses courriels du matin), est au final assez pauvre. En effet, n’espérez ni lire de la politique, ni apprendre comment distinguer un communiste d’un socialiste. Juste le minimum syndical, une expérience de pensée correcte avec laquelle l’artiste s’est visiblement fait plaisir.

Très ironiquement, c’est marrant qu’un Chinois ait eu l’idée (je ne sais pas si quelqu’un s’était prêté au jeu avant) de concevoir une sorte de langage imagé et compréhensible par la plupart. De la part d’une nation 1/ dont l’écriture est dérivée de représentations graphiques de son univers et 2/ avec le plus grand nombre de locuteurs au monde, cela ne manque pas de sel. Enfin, on voit bien que le langage ultime, ce sont les mathématiques [je vais me faire des ennemis].

…à rapprocher de :

– Lors d’un de mes (nombreux, évidemment) séjours au pays du milieu, j’avais vu passer une expo de cet auteur intitulée A Book from the Sky. Il s’agissait d’idéogrammes couchés sur d’antiques planches, de loin je croyais à de vieux manuscrits. Sauf qu’en me rapprochant, je ne reconnaissait aucun caractère. J’étais en train de désespérer de mon niveau de mandarin qui rouillait à une vitesse alarmante lorsqu’on m’a fait comprendre que les idéogrammes ne voulaient rien dire. Malin le Xu.

– Une histoire sans paroles, et encore plus imbitable, c’est 3 secondes, de Mathieu.

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Richard Morgan - Carbone modifié

VO : Altered Carbon. Première découverte de l’auteur anglais, Tigre a bu du petit lait. Un mélange de SF, de polar et de roman noir comme les anglo-saxons savent le faire, c’est à la fois dense et bien rythmé. Faut certes s’accrocher, mais ça vaut le coup. Bienvenue dans un univers rude, violent et aussi amoral que le premier étage d’une maison close.

Il était une fois

États-Unis, 28ème siècle (et ouais, ça en jette). L’existence de l’Homme a pris un tournant tout à fait intéressant, disons qu’une puce implantée à la base du cerveau permet de sauvegarder sa conscience. Chouette. Du coup, pour peu que votre sauvegarde ne déconne pas, on peut décéder sans que ce soit un problème. Takeshi Kovacs le sait bien, car en tant qu’ancien des Corps diplomatiques il a plus d’une fois clamsé. Cette fois, on lui demande de mener une enquête sur Terre : qui a tué un « Math » (pour Mathusalem, quelqu’un qui a quelques siècles au compteur) ? Quel est l’intérêt lorsque la victime dispose de sauvegardes quotidiennes ?

Critique de Carbone modifié

Voilà un titre ambitieux et compliqué, le lire en VO m’aurait sûrement dégoûté à jamais de la SF. Tigre s’est plus d’une fois senti idiot en le lisant, comme si le félin se faisais bercer par l’auteur et que ne comprenais les problématiques que tardivement, et non par anticipation.

Richard Morgan a dégoté de son cerveau un univers cyberpunk d’un réalisme éprouvé où le protagoniste (aidé d’Ortega), un slavo-japonais, est engagé par un quasi immortel qui veut savoir pourquoi il a été tué. Il y a une fenêtre d’incertitude de 48h dont la victime n’a aucun souvenir, et très vite le lecteur se retrouve plongé dans une affaire qui va très très loin. Sans spoiler, il sera question de luttes politiques, d’I.A. hôtelière assez démente, et tant d’autres.

Le style est sec, ça dépote grave dans les chaumières. Morgan a mélangé les styles avec un certain brio : « urban war » (les doctrines abordées ont l’air efficaces en diable) ; roman noir avec du sexe à gogo (un poil machisme sur les bords certes) ; petites touches d’humour et dialogues souvent savoureux ; et surtout un pragmatisme et un découpage de chapitres très cinématographiques.

Ce mélange de technologies bien pensées et de thriller aux ramifications complexes peuvent en rebuter certains, en particulier les différents name dropings de Richard M. dont on en saura plus dans les autres épisodes. Beaucoup d’éléments nouveaux à intégrer (technologies, personnages, rebondissements), c’est loin d’être évident. Pour ma part, le vocabulaire scientifico-neuro-pipoté ne m’a pas choqué, l’immersion était correcte.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’interface homme-machine est à la base du roman car celle-ci permet à des gens d’élite (dont fait partie le héros) de transférer,à une vitesse phénoménale, sa personnalité dans un corps disponible. Pratique pour envoyer des militaires expérimentés dans des théâtres d’opération à des années-lumières. On aura d’autres aperçus des « progrès » de cette technologie, notamment les manières de torturer quelqu’un virtuellement. Morgan montrera quelques enjeux sociétaux de la puce H.D., que ce soient les Chrétiens qui la refusent ou la suspension de la vie d’un homme qui n’a plus de quoi payer son enveloppe.

Tigre va encore faire son socialo, toutefois faut dire que le monde décrit par l’écrivain est d’un ultra-capitalisme qui confine au glauque. Il appert rapidement que seuls les riches peuvent vivre très longtemps, la populace d’en bas en chie beaucoup plus. Petite pensée d’ailleurs aux prisonniers, qui sont souvent utilisés comme réceptacle à bas coût. Le « carbone modifié », c’est à mon sens l’être humain dont l’essence organique (faite de carbone) a été remplacée par la puce électronique, cette dernière étant plus malléable que le corps. Si les aventures du héros sont dynamique dans un monde plein de possibilités, c’est qu’il est mandé par les plus friqués.

Y’a d’autres thèmes présents dans ce titre, néanmoins le félin préfère en garder pour les autres ouvrages de cet écrivain.

…à rapprocher de :

– Cette saga se poursuit avec Anges déchus et Furies déchaînées. Les ai dévorés. De mieux en mieux à chaque fois, un pur plaisir.

– Si vous avez peur d’être entraîné dans ces aventures, y’a un one-shot très correct du même auteur : Black Man. Sombre avec d’excellentes idées également.

– Les possibilités de la machine-cerveau me rappellent les premiers essais de la famille Sylvestre dans le cycle des inhibiteurs (qui commence par L’espace de la révélation).

– Pour des sagas qui partent dans tous les sens et sont autant « décomplexées », vous pouvez sans risque vous frotter aux Aux’, de Gunn. Tome 1 et tome 2 sur QLTL, joie.

– Le techno-thriller plus court, moins sérieux et en version française, ça donne Incursion (en lien) de Pierre Brulhet.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Jonas Jonasson - Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaireVO : Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann [aussi long qu’en français]. Depuis le temps que ce truc fait parler de lui, Tigre voulait avoir le cœur net sur cet auteur suédois et son histoire de vieux qui fait l’école buissonnière. Déception ultime, je n’ai pas pu le finir : trop long, chiant, fade, convenu, les mots me manquent. Qu’on ne m’y reprenne plus.

Il était une fois

Voilà comment ce sagouin d’éditeur m’a vendu la chose :

« Alors que tous dans la maison de retraite s’apprêtent à célébrer dignement son centième anniversaire, Allan Karlsson, qui déteste ce genre de pince-fesses, décide de fuguer. Chaussé de ses plus belles charentaises, il saute par la fenêtre de sa chambre et prend ses jambes à son cou. Débutent alors une improbable cavale à travers la Suède et un voyage décoiffant au cœur de l’histoire du XXe siècle. Car méfiez-vous des apparences ! Derrière ce frêle vieillard en pantoufles se cache un artificier de génie qui a eu la bonne idée de naître au début d’un siècle sanguinaire. Grâce à son talent pour les explosifs, Allan Karlsson, individu lambda, apolitique et inculte, s’est ainsi retrouvé mêlé à presque cent ans d’événements majeurs aux côtés des grands de ce monde, de Franco à Staline en passant par Truman et Mao… »

Critique du vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire

Tigre est désolé, toutefois le fauve va être excessivement dur avec ce roman. A la rigueur, si j’avais dégoté une œuvre inconnue à vous faire découvrir, j’aurais tenté de la finir. Cependant ce titre a été lu et relu, choyé par les critiques (par quel miracle ?), aussi je n’ai guère jugé utile d’aller au-delà de la 300ème page.

Sur l’histoire, tout a été dit dans la partie précédente. Le roman, rédigé à la troisième personne (narrateur omniscient), alterne entre course poursuite du vioque qui a dérobé 50 millions de couronnes à des gangsters et sa vie tumultueuse – de sa jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Et y’a bien que cette dernière catégorie qui m’a sorti de ma torpeur, parce que les pérégrinations d’Alan, Julius Benny et Mabelle sont insupportables au possible.

Et oui, le style n’est pas le bienvenu dans Le vieux qui ne… : disons-le, c’est ce qu’un auteur à la plume légère peut faire de pire, entre raccourcis éhontés et situations pseudo-comiques. Non seulement ce n’est pas souvent drôle, mais en plus les aventures dans l’Histoire (et l’histoire, avec un petit « h ») du héros m’ont sévèrement couru sur le haricot par leur caractère improbable.

En conclusion, je me demande parfois si Jonas J. a été desservi par une malheureuse traduction. Si j’avais moins de vingt ans, peut-être que j’aurais lu ce truc jusqu’à la lie sans broncher, hélas mon temps est trop précieux et je sais quand la situation ne s’arrangera pas. Jonasson, je te dis adieu.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les tueurs malgré eux. L’aventure des loustics est surtout l’occasion de savoureuses (du point de vue de l’auteur hein) situations dont ils se sortent miraculeusement. L’air de rien, la bande de bras cassés défient la police (complètement larguée par les évènements et se perdant en conjectures) et une bande de voyous qui fait autant pitié que le vilain Rastapopoulos de Hergé.

L’odyssée historique. Ces chapitres auraient pu sauver le bouquin, toutefois ça manque sérieusement de profondeur. Allan Karlsson est un artificier extrêmement doué (un vrai curieux) et ses connaissances sont mobilisées à un rythme de métronome. Bof. En outre, pas une seule fois Le Tigre s’est vu aux États-Unis (fort Alamos et la création de la bombe A), en Chine (contre les nationalistes), en Iran ou dans l’Espagne de Franco. Une vraie cata.

…à rapprocher de :

Dès qu’on dit « auteur nordique marrant » à un quidam, ce con vous répond « Paasilina ». Merde, même Jonasson fait référence à cet écrivain, quelle manque imagination…

– Et oui, quitte à invoquer Arto P., autant parler du maître et les nombreux pompages de Jonasson. Notamment les gentils vieux qui tuent à tout-va sans qu’on leur en veuille, un peu comme l’héroïne de La douce empoisonneuse. Quant à l’aventure totale dotée d’un solide humour noir, allez lire plutôt Petit suicide entre amis.

– Vous voulez une vraie odyssée historique ? Allez voir du côté de Limonov.

– Dans la catégorie « romans-de-petits-vieux-qui-décident-de-prendre-la-tangente », je n’ai (non plus) pas pu finir La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry, de Rachel Joyce.

– Côté français, les aventures à la tire-moi-l’nœud m’ont rappelé ce pauvre Romain Puértolas et son L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea. Pas terrible.

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Jul & Pépin - Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophiesSous-titre : la planète des sages [ça commence bien putain]. Idée séduisante, quelques dessins réussis (et encore), hélas ce n’est pas fameux du tout. Déjà, ce truc n’a pas réussi à se positionner intellectuellement. Ensuite, c’est excessivement racoleur et pas drôle. Enfin, c’est scandaleux tellement on sent le truc fait à la va-vite. Faut arrêter faire de la merde un moment les mecs hein.

De quoi parle L’encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies, et comment ?

Tout d’abord, Tigre invite les adorables personnes qui m’ont offert ce titre à ne pas prendre personnellement la critique qui va suivre. Au contraire, c’est en faisant preuve d’indépendance et d’honnêteté que je sais leur rendre hommage. En outre, non seulement les auteurs, mais également l’éditeur ne sont pas pas dans mes petits papiers. C’est donc avec la plus correcte subjectivité que ce billet a été écrit.

Au départ, une idée pas si mauvaise : l’occasion de réviser ses connaissances sur les philosophes de façon ludique, avec le très éprouvé diptyque BD amusante / texte édifiant. Une sorte de « Philosophie pour les Nuls » qui se cantonne à un penseur par double page et qui ne pique pas le cerveau sur des descriptions abordables. Sauf que les auteurs semblaient fermement décidés à toucher leurs royalties sans se fouler. 120 pages, un peu plus de 50 philosophes, il est impossible de tout lire d’une traite tellement c’est décousu.

Si certains dessins sont assez réussis (Tigre pense à la caricature de Sartre, qui comme par un fait exprès arrive en dernier), on ne peut en dire autant de la majorité. Quelques blagues de potaches, un genre de culture populo-geek (Leibnitz en Brice de Nice, chouette…) saupoudrée de considérations plus ou moins fines, les illustrations de Jul ne servent à rien. Pire, celles-ci détériorent parfois le message de l’auteur qui indique ne pas être en accord avec son binôme (certes, un désaccord de façade).

En conclusion, voilà le genre de bouquins qui squatte impunément les bibliothèques de librairie : soit on en fait un cadeau à quelqu’un quand on ne sait pas quoi prendre, soit on le feuillète rapidement et on décide de ne pas se le procurer. De quoi être destiné à jaunir au fond de vos toilettes et/ou finir en vente dans une brocante au fin fond de la Corrèze.

Ce que Le Tigre a retenu

Si le félin n’a pas parlé des portraits dans la partie précédente, c’est que ceux-ci méritent une partie. Charles Pépin n’est pas novice en philo, et je reconnais que résumer en une petite page chaque grand sage relève de la gageure.

Sauf que dès que j’ai abordé le texte d’accompagnement de chaque personnage, il m’a été impossible de me faire une idée précise du philosophe en question et de sa pensée. En effet, il appert que le touriste philosophique (dont je me rapproche) sera perdu face à des explications incomplètes, voire fumeuses à cause d’un certain humour et de questions finales à l’emporte pièce. A l’inverse, le philosophe en herbe n’apprendra rien de neuf et froncera même des sourcils face à ces résumés mal foutus.

Mister Pépin, en souhaitant faire simple et amusant à la fois, a visé le « Français moyen » par défaut. Sauf que ce dernier n’existe pas en philosophie, et jongler avec les dessins fadasses de Jul n’aide pas franchement. A la limite, on pourrait trouver un bon point à ce titre en annonçant que, vu la faible matière qui y est présente, plus d’un lecteur aura envie de parfaire sa culture en se procurant une œuvre d’un des philosophes décrit.

…à rapprocher de :

Si j’ai autant bitché sur cet essai, c’est sûrement à cause de l’illustrateur qui représente, à mon sens, ce qui se fait de pire dans la littérature visuelle française. En effet, Jul est à l’origine de pas mal de dégueulasseries qui polluent les librairies de France et de Navarre (pas au-delà, et heureusement), à l’instar de Silex and the city. Jeu de mots débiles, histoires qui ne le sont pas moins, que demander de plus ?

– Tenez, les jeux de mots à la con featuring Jul, y’en a des tas : La terre vue du fiel, à bout de souffre, Le guide du motard, etc. Seriously ??? Et plein d’autres trucs sur l’actualité politique et/ou sociétale avec des scénaristes aussi drôles qu’Anne Roumanov et des illustrations grossières.

– Si vous voulez plus de sérieux académique tout en prenant la philo avec originalité, tapez plutôt du côté de Thibault de Saint Maurice et ses Philosophies en série.

Enfin, si votre librairies est fermée, vous pouvez acheter cette infamie via Amazon ici. Ne le faites pas.