VO : The Magdalen Martyrs. Troisième opus des petites enquêtes de Jack Taylor, nous voici plongé dans l’Irlande catholique où sauver la face est plus important que le bien-être d’un individu. Au-delà de l’histoire l’évolution du personnage principal est toujours si prenante, et les références de Bruen en matière artistique sont un vrai plaisir pour le lecteur curieux.
Il était une fois…
Taylor, populaire et exténué après sa dernière affaire, doit rembourser la dette auprès de Bill, malfrat assez tordu dont il ne peut se dépêtrer. Il doit alors retrouver une femme qui a un lien avec un terrible couvent catholique dont les pratiques n’ont rien à envier avec l’esclavagisme. Notre antihéros est sur le point d’accepter, contre son gré, une mission bien plus infernale qu’il n’aurait pu l’imaginer.
Critique du Martyre des Magdalènes
Suite de Toxic Tremens, voici un roman tout en progrès. Le Tigre, déjà très satisfait de l’opus précédent, ne pensait pas qu’on pouvait faire mieux, en particulier dans la profondeur des personnages. Deux énigmes, quelques liens entre elles, et un dénouement d’une rare finesse qui m’a semblé moins « bâclé » que d’habitude.
Comme toujours, c’est ce qui se passe en dehors de l’intrigue policière qui ravira le lecteur : luttes alcooliques, essai de nouvelles drogues, relations avec l’autorité (une mère qu’il déteste par exemple), politiciens véreux, et même MILF (eh oui !). Si en plus l’intrigue se clôt avec l’émotion d’un grand roman, que demander de plus ?
En outre, ce livre est un puits de références tant en matière littéraire que musicale. Grands auteurs, bons petits morceaux de musique, Ken Bruen se lit avec Youtube à portée de main. Bref, à lire absolument, après les deux romans précédents de l’auteur de préférence.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le titre et l’image de couverture, qui méritent une explication (allez hop c’est parti pour les 30 secondes de culture G du Tigre). Les martyrs de l’oeuvre, ce sont ces jeunes femmes qui ont subi un viol, souvent par l’un de leur proche. Mises enceintes au surplus, ces personnes sont envoyées dans des couvents, notamment celui des Magdalènes. Et pour laver leur péché (voyez l’état d’esprit déjà), elles le feront littéralement en lavant le linge à longueur de journée, à l’image de Marie-Madeleine ayant lavé les pieds du Christ.
A ce titre, la statue de la couverture, enfoncée dans la neige qui n’est pas sans rappeler de la lessive, ajoute à la dureté de l’environnement frissonnant, profondément catholique.
La descente toujours plus en profondeur de John Taylor dans le monde des drogues. Après l’alcool, la cocaïne, les amphétamines font une apparition très remarquée. Notamment lorsque, pour se remettre d’aplomb, l’ancien flic prend des « super poppers ». Son cerveau en légère surchauffe prend le temps, sur le chemin, de rédiger un roman policier, constater que c’est un best-seller, et s’imaginer les retombées de son succès. Trop bien décrit, assisterait-on à un court passage biographique de l’auteur ?
Ce qui pointait déjà dans les romans de Bruen est ici encore mieux rendu : le tableau sociologique du pays du narrateur. Décalage de générations grandissant (les jeunes vont rarement dans les pub), la période dorée pré crise de l’Eire, la culture irlandaise en général, Le Tigre a eu droit au tableau grandiose d’un pays qui va vite, trop vite parfois. Jack Taylor, au milieu de tout ça, se retrouve tantôt comme un « vieux con » à qui tout échappe, tantôt comme révélateur des vices du pays.
…à rapprocher de :
– Les nombreuses péripéties du détective dans les autres romans de Bruen, à ne pas rater. Dans l’ordre : Delirium Tremens, Toxic Blues, Le Dramaturge, La Main droite du diable (ce dernier traite encore de la religion).
– Sur l’évolution sociologique de l’Irlande, oubliez Tromper la mort de Maryse Rivière. C’est nullissime.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
VO : Wir Kinder vom Bahnhof Zoo. Classique de la littérature germanique, le sujet est extrêmement dur. Le titre annonce clairement le sujet. L’héroïne principale (excusez le jeu de mot) a un parcours digne des pires romans de Zola : relations difficiles avec sa mère, emménagement dans une sombre cité, nombreuses soirées et drogues, prostitution, rien n’est épargné.
VO : The Killing of the Tinkers. Suite du très bon Delirium Tremens, Le Tigre a noté de multiples progrès dans cet opus : plus de matière, personnages approfondis, guide culturel littéraire et de l’Irlande, on sent la maturité grandissante de l’auteur. Quant à l’intrigue, qui n’est pas vraiment le centre du roman, celle-ci rend le tout encore plus humain. Encore une friandise.
VO : idem. Deux courtes nouvelles du très imaginatif auteur de SF Wilson, Rien de grandiose certes, mais on reste en présence de deux petites histoires rondement menées qui ne laisseront pas indifférents. L’artiste dans le futur, l’identité d’un personnage dont le cerveau a été reconstruit, ça se lit vite et c’est plus qu’abordable pour le lecteur hostile à la SF.
VO : The Guards. Premier tome d’une série toute acidulée, Delirium Tremens pose des bases qui poussent rapidement à acheter les suites. Car il semble qu’il s’agisse avant tout pour Bruen de planter un décor. L’intrigue policière, légère, ne semble que cette modeste décoration d’un manège de personnages et problèmes personnels du héros très marquants.
VO : La torre della solitudine. Lu il y a quelques années déjà,l’œuvre m’a marquée comme jamais. Suspense, un peu d’horreur, du mystère en veux-tu en-voilà, on est vite pris dans l’engrenage d’un roman pseudo-historique qui envoie de la grandeur. Tout ça donne franchement envie de découvrir les autres opus de l’auteur italien.
VO : Taiyō to Tetsu. Court essai de Mishima, sombre et beau à la fois. L’auteur est dans un registre très personnel, et livre les raisons de sa transformation en tant qu’ « homme fort ». Et en profite pour annoncer et justifier le très théâtral suicide qu’il commettra dans des circonstances inégalées. Arguments dérangeants, éloignés de notre culture occidentale, Le Tigre a été plus que dépaysé.
VO : Hagakure Nyūmon. Le Tigre est fin lettré, et n’hésite pas à résumer les ouvrages dont le titre interpelle. Il n’y a pas que le titre, le contenu est assez particulier, le lecteur n’aimera pas forcément. Simple et exigeant, antimoderne et « chevaleresque », c’est tout un pan de la philosophie japonaise qui est à portée de mains. Et surtout c’est rapide à lire.
VO : Puhdistus. Oksanen, écrivain finlandaise ayant d’évidentes souches estoniennes, livre un ouvrage assez poignant sur l’histoire de l’Estonie des années 40 jusqu’à la chute de l’URSS. Roman âpre et dur, Le Tigre a eu le temps de trouver le temps long, même si l’ensemble est de fort bonne facture. Ne vous attendez ni à de l’humour ni à de la fantaisie.
VO : idem. Egolf a fait grande impression au Tigre. Ce roman, un peu moins hélas. Histoire certes originale, néanmoins on peut avoir la sensation de tenir entre les mains un pauvre doublon de son génial premier roman. Faire l’impasse de cette œuvre n’est pas déconseillée, sauf pour l’inconditionnel de la littérature américaine d’exception.
VO : Lord of the Barnyard: Killing the Fatted Calf and Arming the Aware in the Corn Belt. Une des lectures préférée du Tigre. J’ai dévoré ce petit chef d’œuvre méconnu en une nuit, et me suis promis de le relire prochainement. Original, des passages qu’on lit trop rarement. Long, et très dense, le héros est magistralement épluché. Généreux, car vocabulaire jubilatoire et hilarant.
Le Tigre apprécie en vacances lire du de Vigan, avec son vocabulaire simple et vivant. Le genre qui prend aux tripes sans mobiliser l’ensemble des fonctions du cerveau. Hélas c’est raté sur cette œuvre, assez poussive et triviale. Pas de réel plaisir à lire, excusé en partie par la plume encore neuve de l’auteur.