Morris & Goscinny - Le Grand DucSur-titre : Lucky Luke. Il m’arrive d’exhumer de vieilles BDs, et les aventures de Lucky Luke et son cynique de canasson ont souvent ravi le jeune Tigre. Ici, le héros s’improvisera GO pour mettre dans de très bonnes dispositions un Russkof qui s’est mis en tête de visiter la partie ouest des États-Unis. Celle où la loi ne s’est pas encore bien implantée. La tournée des grands ducs wild west style peut commencer.

Il était une fois…

Lucky Luke est appelé à Washington afin de remplir une mission toute particulière – pour une fois, les quatre nains ne se sont pas échappés. En effet, son auguste Grand Duc Léonide, également connu sous le doux nom de Fedor Mikhailovitch Boulenkov, souhaite visiter du pays. Guide, garde du corps, gentil organisateur, diplomate, notre héros saura-t-il se montrer à la hauteur de ces nombreuses tâches ? [Tigre adore terminer sur des questions fermées digne du quatrième de couverture d’un roman à l’eau de rose]

Critique de Lucky Luke : Le Grand Duc

Encore une bande-dessinée extirpée de mon grenier, j’avais failli l’oublier ! Moins de 50 pages, dix minutes de lecture, emballez c’est pesé. Parce qu’un plénipotentiaire capricieux veut faire une tournée du pays, l’Amérique marchande s’exécute. Et oui, ce voyage est la condition sine qua non à la signature d’un contrat (je soupçonne que ce soit la vente de l’Alaska).

A cet effet, le héros, que le Grand Duc nomme Luxy Luxy (et Jompa Jompa, sic), mettra en place ce que, chez moi, on appelle du promène-couillons de grande classe. Inévitablement, la présence d’un tel dignitaire attire les convoitises (idée de juteux kidnapping) et ébauches d’assassinats. D’où le running gag avec un sombre complotiste, qui, par quiproquos successifs, foire toujours ses tentatives – en rageant le mot « Heдaya », qui au passage ne veut strictement rien dire dans la langue russe.

Concernant les illustrations, R.A.S. sur toute la ligne. Je dirais même que le gros Duc et son interprète au balais dans le cul sont attachants comme tout, il y a de l’enfantin dans Fedor Mikhailovitch. Un épisode de Lucky Luke qui, loin d’être le meilleur, se dévorera sans faim.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La Russie est à l’honneur, et son représentant principal s’en tire avec tous les honneurs. Car le Grand Duc n’est pas qu’un gros bourrin qui aime jouer à la roulette russe en braillant ses « FEDIA ! » à tout bout de champ. Cet homme est également un militaire accompli et un être aux manières exquises (quand il fait un effort). Son Altesse, avide de nouvelles expériences, fait parfois montre de largesse d’esprit (la vodka est vite remplacée par le whisky). Bref, un gentleman qui parvient à lier les deux cultures et mérite la sympathie du lecteur.

Puisque je parlais de visite guidée, il faut convenir que Morris a sorti le grand jeu. C’est l’occasion de notamment ressortir les moults stéréotypes associés au Grand Ouest. Les parties de poker pour décider d’une vente ; la ruée vers l’or ; le bar miteux tenu par un malfrat (mais une danseuse forcément gentilleette) ; sans oublier…l’inéluctable attaque des Indiens et la cavalerie qui, pour une fois, arrive à temps. Sauf que la plupart des péripéties sont fausses, Lucky Luke a créé l’équivalent, en nettement plus grand, d’un village Potemkine.

…à rapprocher de :

– Y’a tout un tas de Lucky Luke qui traine dans mes bibliothèques, pour l’instant Le Tigre n’a traité que Les Dalton à la noce ; Chasseur de primes et L’Amnésie des Dalton.

– Pour le versant négatif de cette aventure, régalez-vous avec Tintin chez les Soviets.

– J’ai récemment découvert que le Duc est une référence à Alexis Alexandrovitch de Russie, représentant aux States du gros Nicolas II dans la seconde moitié du XIXème siècle.

– Ce billet a été rédigé en regardant le film de 2009 avec un acteur français pourtant oscarisé. Comment dire ? Je n’ai rien contre les adaptations dites « libres », mais à un moment il faut arrêter de faire de la merde. Vous savez ce qui m’a rendu fou de rage dans tout ça ? Ce sont les mentions finales qui expliquent que la Communauté Européenne, France 2 et France 3 ont aidé à la création d’une telle infâme bouse. Ce film risque d’être l’évènement qui sera dans les livres d’histoire du 22ème siècle pour illustrer l’irréversible déclin de l’UE avant sa disparition. Comme j’ai décidé d’être poli, mes commentaires s’arrêteront là.

Iain M. Banks - ExcessionVO : idem. Lorsqu’un corps noir aux propriétés imbitables apparaît au sein d’une civilisation sûre de sa puissance, forcément ce qu’il va advenir est imprévisible. Car l’Excession (observateur, acteur, menace ?), au centre de toutes les attentions, fait rapidement ressortir ce qu’il y a de pire chez les Humains. Trahisons, nombreux calculs, manœuvres militaires d’ampleur, plus de 600 pages de somptueuse complexité.

Il était une fois…

La présentation faite par l’éditeur se défend pas mal, il serait criminel de la bouder :

« Au plus profond de l’espace interstellaire, loin des volumes ordinairement fréquentés par la Culture, vient de surgir une Excession, objet extraordinaire qui semble défier toutes les lois connues de la physique, déborder la raison, et provenir d’un univers supérieur, transcendant. La Culture, cette société galactique, décentralisée, hédoniste, altruiste, cynique, anarchiste, prodigieusement riche et efficace – composée d’humains et autres intelligences biologiques, mais aussi et peut-être surtout d’Intelligences Artificielles – ne peut ignorer ce défi. D’autant qu’une espèce cruelle et belliqueuse, les Affronteurs, tente de profiter de la situation. »

Critique d’Excession

Ce doit être le quatrième opus des aventures de la Culture de la part de l’auteur écossais. Et c’est une superbe claque, quelque chose de moins noir, plus drôle et plus acerbe sur le système presque parfait de la fameuse Culture. Il y a tellement à dire que je suis certain d’oublier tout plein de détails (ou, mieux, de pans entiers de l’intrigue) significatifs.

L’Excession, d’abord : c’est un artefact (corps noir) suffisamment puissant et inconnu que même les grosses huiles de la glorieuse civilisation en font dans leur froc. D’ailleurs, il sera tout au long de l’œuvre difficile de saisir les réelles motivations. Bref, mobilisation générale, ça faisait longtemps. Le seul être à proximité est une le vaisseau Service Couchettes (si si), un Mental (une I.A.) qui a viré excentrique (il fait de drôles de tableaux vivants) et se retrouve au beau milieu d’un incommensurable bordel. En rajoutant une histoire d’amour tragique et entre deux individus (Dajeil et Genar-Hofoen), vous comprendrez à quel point Banks s’est fait plaisir.

Comme si ça ne suffisait pas, une société moyenâgeuse et belligérante (les Affronteurs) veut en profiter pour benoîtement envahir nos amis. C’est dans cet aspect de l’histoire que l’auteur, plutôt sobre dans ses descriptions, nous décrit magnifiquement ces méchants (qui n’en sont pas) avec leurs us et coutumes. En outre, le lecteur découvre par quels moyens la Culture les combat par la douceur, avant de les assagir à très long terme.

En conclusion, ce doit sans doute être le plus complexe, le plus philosophiquement abouti et scientifiquement cadré des romans se situant dans l’univers de la Culture. Si les chapitres sont rares et l’ouvrage globalement trop long, cela n’a nullement dérangé Le Tigre. Même la préface du roman, passablement longue et chiante, mérite d’être lue tellement celle-ci s’apparente à un essai politique.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est délicieux dans Excession, ce sont les actions et discussions des Mentaux, intelligences artificielles évolutives à l’intelligence froide et terriblement efficace – humour pince sans rire au passage. Souvent, un Mental est matérialisé dans un énorme vaisseau dont l’environnement est créé au gré de ses envies (et ça fait rêver). Dès que deux Mentaux tapent la discute, les police et caractère du livre changent, comme pour signaler que ce qui suit est un chat entre deux entités dont nous ne pouvons soupçonner l’expérience et les capacités. Et, croyez-moi, les dialogues sont renversants.

De façon très fine, Iain M. Banks pose la question de l’ingérence, par un empire incontesté, vis-à-vis d’une civilisation en cours de développement et qui ne sait pas à quel point elle est en dehors du coup. C’est comme si les Etats-Unis faisaient face à un antique village gaulois colérique, mais puissance mille. Si, dans L’homme des jeux, l’ennemi avait été maté avec classe, ici les Affronteurs ne sont que des pions dont se servent l’armée ou les services secrets (les très connues « Circonstances Spéciales »). Rien de très glorieux.

[Attention SPOIL] En fin de compte, le corps noir remet la Culture à sa place, et sans que cette-dernière en ait réellement conscience. Pour la première fois, l’heureuse société galactique rencontre une entité infiniment plus avancée qu’elle. Et cet objet mystérieux parvient à la conclusion que, eu égard les réactions des Humains et Mentaux, ceux-ci ne méritent pas d’accéder à une forme de révélation. Car la Culture s’est arrêtée à une forme d’autocratie bienveillante et jouisseuse, intimement matérialiste et loin des notions de transcendance proposée par l’Excession. [Fin SPOIL]. Une critique de notre monde, non ?

…à rapprocher de :

– De Banks, dans le cadre de la Culture, je vous enjoins fortement à découvrir (dans le désordre le plus complet) : Inversions, L’homme des jeux, Une forme de guerre, L’usage des armes, La Sonate Hydrogène, etc.

– Un exemple de civilisation de l’abondance (et comment celle-ci peut foutre la merde chez des organisations « inférieures ») est le Festival du roman Crépuscule d’acier, de Charles Stross. Fin et drôle.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Preston & Child - Cauchemar génétiqueVO : Mount Dragon [faudra qu’on m’explique cette traduction de merde, franchement aguicheuse]. Démarrage en fanfare en mode thriller technologico-scientifique avec la construction complexe d’un vaccin, hélas dégonflage en cours de route à cause d’une multitude de sujets et gadgets traités. Voici l’archétype d’un roman qui ne sait pas vieillir.

Il était une fois…

Guy Carson est un biologiste pas trop con-con qui s’ennuie dans une structure modeste de GeneDyne (belle boîte de génétique pourtant), de surcroît il se trouve sous les ordres d’un petit chef. Très rapidement, Brent Scopes en personne, le boss de l’entrepris, lui propose d’aller exercer ses talents dans un labo de pointe au Nouveau-Mexique. Son boulot consistera à recombiner le virus de la grippe dans le génome humain afin de rendre la population totalement immunisée contre toutes les souches à venir de la maladie – la compréhension du Tigre s’arrête là. Hélas, le but de GeneDyne est-il si noble ?

Critique de Cauchemar génétique

J’ai beau garder à l’esprit qu’il s’agit d’un des premiers titres issu de l’alliance du scientifique Douglas Preston et de l’auteur de thriller Lincoln Child, je n’arrive pas à me départir de cette impression d’incomplétude. Déjà, la structure en trois gros chapitres (sans autre coupure qu’un saut de ligne, et encore) n’aide vraiment pas. Ensuite, plus le lecteur avance, moins il aura envie de continuer.

L’histoire commence plutôt bien, avec le héros (de souche amérindienne, aspect inutilement développé) qui se retrouve dans un laboratoire P5 au beau milieu d’un désert, environnement qu’affectionne particulièrement Carson. Dans la « vraie » vie, il me semble que les plus sécurisés sont P4, passons. Avec son assistance De Vaca, dont on sait qu’il finira par baiser avec, le biologiste mène ses expériences tant bien que mal. A côté de ces recherches, d’autres passages concernent Charles Levine, prof à Harvard et ex ami de Scopes / ex enseignant de Carson. Levine, dont les vues divergent de son ancien pote, essaye de mettre de nombreux bâtons dans les roues de GeneDyne – grâce au Mime, informaticien de génie.

A partir de quel moment ça devient chiant ? A mon humble avis, vers le milieu l’intrigue a basculé vers quelque chose de plutôt classique : Carson avait remplacé un biologiste qui a pété un câble, avant cela il avait mis au point une formule de sang artificiel, le PureBlood (dingue, un rapport avec le cycle True Blood ?). Et les effets secondaires sont à même de mettre en danger le labo. Ensuite, dès que les hostilités sont ouvertes, le dernier tiers ressemble à un mauvais roman d’aventure que j’ai lu en diagonale. Il est question d’une fuite à dos de canassons dans le désert, avec une course poursuite peu compréhensible à la clef.

Du coup, le plaisir est immensément gâché, et pour 600 pages il aurait mieux valu faire deux romans mieux foutu – ou un seul, moitié moins gros. Car les sauts de narration entre les deux histoires sont erratiques et souvent malvenus. En conclusion, Le Tigre soupçonne l’éditeur, face au succès des deux auteurs, d’avoir ressorti de son chapeau vieillissant un de leurs anciens titres. Sans s’apercevoir que celui-ci a mal vieilli. Il y a mieux.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La science et l’éthique sont les grandes dames de ce roman, et les antagonismes sont vifs entre Scopes, le grand méchant qui veut faire des tunes, et Levine, chercheur pur jus qui a encore un semblant de conscience – sauf pour parvenir à ses moyens. Jusqu’où peut-on changer le génome humain sans faire de l’eugénisme version nazie ? Les auteurs pointent également une problématique bien connue des grands laboratoires, à savoir un brevet vache-à-lait qui est sur le point d’expirer, d’où le besoin d’avoir une nouvelle trouvaille capable d’engranger des milliards – quitte à vendre un virus à l’armée. A la fin, bien sûr que les deux ennemis intimes se rabibochent gentiment, faut dire qu’ils n’ont guère le choix.

Le huis clos est également à l’honneur, avec la pression des scientifiques dans des baraquements et contraints à une obligation de résultat. Cet aspect est renforcé par la paranoïa exacerbée qui habite certaines personnes atteintes par [pas de spoil]. Et le patron de la big company vit également comme un ermite, sa liberté étant assurée par de nombreux programmes informatiques qu’il a conçus.

C’est là que c’est du grand n’importe nawak : pour un ouvrage qui date des années 90, Scopes évolue dans un univers artificiel qui est un mélange de Second Live et un GTA-Like. Les descriptions de ce programme sont certes séduisantes, mais ça fait tellement vieux jeu. Lorsque Levine cherche à foutre la merde, la connexion dans cette sphère numérique est l’occasion pour Douglas Preston et Child de sortir une artillerie à bullshit narrative pseudo transhumaniste et ésotérique qui fera rire n’importe qui. Voilà le revers d’une médaille science-fictionnesque qui s’invite dans un thriller.

Brent Scopes, voilà un individu intéressant mais too much, impossible de le trouver un tant soit peu crédible.

…à rapprocher de :

– De Preston & Child, Le Tigre vous recommande plutôt la série avec Pendergast, par exemple La chambre des curiosités, Le Violon du diable, Danse de mort ou Le Livre des trépassés.

– Je dis des bêtises : il y a aussi Ice Limit, en one shot, tient sacrément bien la route.

– Dans la catégorie « super labo où une correcte saloperie est imaginée », vous pourrez vous reposer avec La proie, de Crichton. Aussi mal vieilli.

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DodécaTora« Salut mon tigrounet en sucre d’orge. Je m’emmerde sec avec les artistes visuels qui ont se sont bousillés la santé, sans compter que mon purgatoire consiste à visionner des films où j’apparais. Je souhaiterais que tu me donnes quelques noms d’écrivains qui trainent dans les limbes réservés aux suicidés, histoire que je m’aère l’esprit. Bisous. Romy S. PS : tu n’aurais pas une ordonnance de xanax à m’envoyer ? »

Des écrivains qui auraient pu continuer à écrire

Il n’est vraiment pas évident de correctement nommer un tel DDC. Car ce billet ne doit confondu avec d’autres, proches, dont je traiterai un beau jour. Par exemple, les écrivains « bêtement » morts jeunes (donc pas de leur propre main) ne seront pas abordés ici. Tout comme les auteurs qui ont un pied dans la tombe et écrivent avec l’autre. De même que ceux qui accusent un honorable âge et ont décide à en finir : Kawabata, Hunter S. Thompson, Koestler, Hemingway, beaucoup ont décidé de précipiter le tragique destin de leurs maladies.

Outre les très vieux qui se suicident, Le Tigre a également écarté certains dont le tragique décès n’est pas, littérairement parlant, catastrophique. Je me garderai bien de citer des noms. Car la question qui nous taraude, dans ce billet, est la suivante : quels fabuleux romans auraient pu écrire certains si leurs problèmes personnels n’avaient pas pris le dessus ? Pire : est-ce que leur état dépressif était la principale raison de leur génie littéraire ?

Voilà donc quelques auteurs dont le suicide laisse des questions ouvertes. Comme je suis organisé, j’indiquerai leur année de décès, l’âge qu’ils avaient et la manière dont ils ont mis fin à leurs jours – si j’ai le courage d’aller chercher. Et, surtout, pourquoi un tel départ précipité est dommage.

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ John Kennedy Toole

Kennedy Toole, c’est avant tout un roman exceptionnel qui a bien failli ne pas voir le jour. En effet, La conjuration des imbéciles a été publié après son décès, grâce à la mère de l’auteur dont les refus répétés des éditeurs lui avaient sérieusement entamé le moral – c’est légitime, eu égard le chef d’œuvre écrit. S’est gazé avec sa voiture (pot d’échappement relié à l’habitacle) le 26 mars 1969, à 31 ans seulement.

2/ Heinrich von Kleist

Auteur, dramaturge et poète allemand, Heinrich est dans la veine des doux rêveurs romantiques qui, par patriotisme (pour la Prusse), ne se sont guère sentis pisser – je parle en termes de pages. Et le résultat est impressionnant, les écrits du bonhomme sont éclectiques et laissaient présager des ouvrages aussi exaltés que la période napoléonienne. Il se tue le 21 novembre 1811, à 34 ans, après avoir abattu Henriette Vogel, sa maîtresse – une femme mariée, tant qu’à faire bonne mesure.

3/ Yukio Mishima

Yukio, c’est le petit chouchou du Tigre. Un Japonais qui n’a pas vraiment été dans son temps, étant abreuvé de culture poético-samuraï avec un zeste d’homosexualité. Quelques essais, mais surtout des romans troublants qui auraient justifié un Nobel de littérature (accordé à son compatriote Kawabata). Mishima commet un retentissant seppuku le 25 novembre 1970, à 45 ans. Rien que les circonstances de ce suicide justifient de découvrir l’écrivain.

4/ Dhan Gopal Mukerji

Né en Inde dans une caste privilégiée (celle des prêtres et autres avocats), Dhan est le premier Indien à avoir été reconnu en Amérique. Il a étudié au Japon, puis est allé aux États-Unis (Frisco d’abord) où il n’était point totalement intégré – malgré quelques succès. Moins d’une vingtaine de titres, et Le Tigre soupçonne Mukerji d’en avoir sous la pédale. N’a hélas pas eu le temps de le démontrer, le mister se pend le 14 juillet 1936, peu de temps après son 46ème anniversaire.

5/ Tristan Egolf

Le Tigre a été proprement soufflé par le Seigneur des Porcheries, immense roman dont le vocabulaire chatoyant sert une histoire qui ne l’est pas moins. Si le titre qui a suivi était pas mal non plus (sans plus), il est normal de se faire plaisir en imaginant quelles suites aurait pu pondre Egolf l’incompris. Résidant de Lancaster (EUA), Tristan s’est tiré une balle le 7 mai 2005, à 34 ans.

6/ Charles Williams

Attention, il ne faut pas confondre Charlie l’Américain avec Charles Walter Stansby Williams, écrivain british de son état. Car Williams (le bon), figure emblématique du hard boiled cynique et décomplexé, accuse une productivité toute délicieuse. Il aurait pu continuer sur une quinzaine d’années supplémentaires, hélas il s’est arrêté trop tôt. C’est comme si Frédéric Dard se tuait au 120ème SA, alors que les derniers opus étaient (à mon sens) les meilleurs. Williams en finit un 7 avril 1975, à 65 ans.

7/ Romain Gary

Un des auteurs français préférés du Tigre, rien que ça. Humaniste s’il en est, l’écrivain a fait le tour de force de rafler deux fois le Goncourt – sauf si le jury avait de la merde dans les yeux, c’est signe d’une richesse de style à peine croyable. Il y a une belle flopée de titres de Romain sur ce blog, aussi je me limiterai à signaler le troublant Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable, qui traite magistralement de la diminution physique (de l’homme). Gary se suicide par balle, le 2 décembre 1980, à 66 ans. Encore alerte à cet âge, il aurait pu encore produire de belles feuilles – sous son nom ou sous un autre.

8/ Philippe Jullian

Voilà un touche-à-tout de génie qui ne sévissait pas que dans le monde littéraire – qu’il chroniquait avec verve. Un auteur certes, mais également un graveur et illustrateur de nombreuses œuvres d’immenses auteurs. Philippe J. est connu pour un style grotesque et dérangeant, quelque chose qui ne peut laisser indifférent. Pour avoir plus « vu » (aperçu serait plus correct) ses productions que les avoir lues, Le Tigre imagine un style truculent à souhait. Se pend le 25 septembre 1977 à 58 ans.

9/ Paul Celan

Encore un poète dans ce billet, il faut croire que l’automortalité est exacerbée chez ces individus… Passé par les camps nazis (où ses parents ont trouvé la mort), Paul Pessach Antschel a commencé par le métier de traducteur. Rapidement il se met à écrire, devenant une des plus grands poètes de langue allemande d’après-guerre. Une écriture vive, écorchée et d’une insoutenable pureté. Paul se jette dans la seine autour du 20 avril 1970. Il avait 50 berges – désolé.

10/ Vladimir Maïakovski

Maïakovski n’est pas que le chantre d’un genre particulier, à savoir le futurisme. Le Russe était aussi un dramaturge accompli doublé d’un poète, sans compter ses incursions dans le cinéma (en tant qu’acteur et scénariste) et ses peintures/affiches à profusion. Staline dit de lui qu’il était le « poète de la révolution », c’est dire. Hélas, l’artiste inconsistant se tire une balle (vraisemblablement en poussant le hasard à la roulette russe) le 14 avril 1930 à 36 ans. Mais son histoire n’est pas finie, Vlad’ sera tour à tour honni, réhabilité, censuré, etc. bref, un héritage changeant à la sauce soviétique.

11/ Robert Ervin Howard

Le Tigre ne connaît cet auteur que grâce à ses écrits avec Conan Le Barbare (dont les adaptations en comics se tiennent, par exemple ici), personnage haut en couleur qui est un des premiers représentants de la fantasy – certes burnée et volontairement déconnante. Conan a été « inventé » au début des années 30, et des milliers de brouillons non développés font légitimement croire que l’écrivain américain comptait poursuivre les aventures de son héros. Il se tire également une balle dans la tête le 11 juin 1936, à trente ans.

12/ Lao She

老舍 pour les intimes, enfin un écrivain chinois ! Romans, nouvelles, pièces de théâtre, Lao est un homme complet qui a notamment enseigné en Europe. D’habitude, Le Tigre termine par une petite blague. Ici, c’est la condition du « suicide » de l’écrivain, qui de partisan de Mao s’oppose à la révolution culturelle – alors qu’il écrivait de plus en plus. Erreur fatale, sa baraque est vite investie par les gardes rouges, et le pouvoir annonce qu’il s’est suicidé le 24 octobre 1966 (à 67 ans). Mais oui.

…mais aussi :

S’il y a beaucoup d’artistes qui ne sont pas (que) écrivains dans cette liste, c’est parce que Le Tigre a souhaité mettre en lumière les hommes dont le mal-être, souvent, leur fait toucher à tout. Des hommes, car il n’y a aucune femme dans ce DDC, et ce n’est pas faute d’avoir cherché. Sinon, il y a également :

– L’immense Primo Levi, qui à 67 ans fait une malencontreuse chute dans sa cage d’escalier. Souffrant de dépression, la thèse du suicide est privilégiée – pour reprendre les éléments de langage d’un procureur.

– Vincent La Soudière, sorte d’écrivain maudit issu d’une famille nombreuse d’ascendance aristocratique. Tourmenté par le fait même d’écrire, grand lecteur devant l’éternel, La Soudière n’a hélas laissé derrière lui que trop peu de textes, ses séjours en HP n’aidant pas. Après quelques tentatives foirées, il parvient à quitter notre monde en 1993 à 53 ans. Suivant.

– Richard Brautigan, écrivain et poète américain chantre de la contre-culture.

– Édouard Levé qui s’est fait plutôt tardivement connaître d’un point de vue littéraire – une poignée de romans sur les cinq dernières années de sa vie. 10 jours avant de mettre fin à ses jours, il avait envoyé à son éditeur son dernier manuscrit, intitulé…Suicide. Si.

Jerzy Kosinski, Malcolm Lowry, etc.

Ostrander & McDonnell - La cible de deadshotVO : Deadshot. Publié sous Deadshot 1#4, Legends of the Dark Knight #214 et Secret Six #15. Focus sur un quasi vilain peu connu en la personne de Floyd Lawton, tireur d’élite de première bourre dont la personnalité est très poussée. Malgré les illustrations loin d’être au rendez-vous (trop lisse et old school), ce comics s’est révélé plus que correct.

Il était une fois…

Avant de devenir le redoutable Deadshot, Floyd Lawton se voulait justicier. Mais Batman est passé par là [ça, ce sont les derniers chapitres]. Progressivement, Floyd est devenu un tueur à gages les plus talentueux de la planète, et rien ne peut arrêter ses missions qu’il se fait un honneur de remplir. Harnaché tout de métal, Deadshot cache une terrible tragédie familiale dont se dépêtrer semble impossible.

Critique de La cible de deadshot

J’avoue avoir eu extrêmement peur en lisant les premières pages. En présence d’une sorte d’homme au pistolet d’or (mais sans la classe), j’ai cru devoir subir une énième aventure où le justicier de Gotham, absent, n’aurait pas été en mesure de rattraper un scénario malheureux. Que nenni, Deadshot s’avère être de la race des grands personnages qui, chez DC comics, ont une certaine autonomie.

L’histoire de Floyd semble assez complexe au premier abord, et la fluidité des péripéties ne m’a pas paru optimale. On apprend vite qu’il a opéré au sein du tristement célèbre Suicide Quad, et qu’ensuite il a enfilé un costume hélas assez ridicule. Tout s’accélère lorsqu’Eddy, le fils de Lawton, est capturé par des individus exigeant de régler un contrat vieux de 20 ans. Mais quel est ce contrat ? Plus prosaïquement, Le Tigre a été ravi (surpris même) du nombre de décès provoqué par notre ami à cause de ce kidnapping. Une vraie tuerie, à la limite de la gratuite hécatombe et relativement représentatif de la violence exacerbée des années quatre-vingt.

Parallèlement, le lecteur aura l’occasion de suivre les pérégrinations de Marnie Herrs, psychologue qui suit Floyd Lawton – inutile de dévoiler qu’elle en pense pour lui, c’est trivial. Celle-ci déroule tranquillou le passé de Deadshot, jusqu’à un final assez surprenant qui apporte une profondeur appréciable à l’ensemble de l’univers imaginé par John Ostrander et sa femme Kimberly Yale. Toutefois, les illustrations ne sont point le genre du Tigre : trop kitsh, trop clair (ça jure avec le tempo), texte trop ciselé (entendre : fin), le dessin m’a plus fait mal aux yeux qu’autre chose.

Quant aux deux chapitres, nettement plus récents, ceux-ci s’inscrivent pleinement dans le monde de Gotham avec un Deadshot (dont la problématique est rappelée) un tantinet moins impitoyable qu’auparavant. Celui-ci devient encore plus sympathique, et derrière un prétendu vilain se dessine un homme touchant et bourré d’éthique. Rien que la fin de la  BD originelle et les nouvelles parutions valent le coup de se procurer La Cible de Deadshot.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Il est tout bonnement impossible de bien évoquer le personnage de Deadshot sans spoiler comme un furibond. A la rigueur, pour une BD des années 80, Le Tigre a moins de scrupules.

Déjà, la première question qui doit vous brûler les lèvres est « quelle est cette putain de cible ? ». Heureux que vous la posiez. Car il ne s’agit pas du menu fretin que Floyd L. supprime moyennant quelques biffetons, mais d’un ennemi plus intime. Pour tout dire, notre anti héros a de quoi l’avoir mauvaise et être prêt du point de rupture (cf. le dernier chapitre du comics). Il est question d’une glauquerie familiale sans nom et plutôt bien pensée : la mère de Floyd a « engagé » ses deux fils (16 ans d’âge à peine) pour éliminer l’insupportable pater familias. Sauf que notre jeune héros, en souhaitant protéger le papa honni, a tué accidentellement son frère.

On entre à ce moment dans une situation psychologique aussi tendue que bizarre : la mère Lawton, qui est à l’origine de la menace de révélation de ce qui s’est réellement passé (le père étant de surcroît paraplégique), est la cible inconsciente du sujet du comics. Lorsqu’un Œdipe parricide rencontre une Electre masculine, forcément l’équilibre mental de Deadshot n’est pas au beau fixe.

L’aspect le plus intéressant est, par ricochet, le rapport entre le sujet principal et le petit Batman. Aux termes d’une analyse originale, il apparaît que le Chevalier Noir est une sorte de frère de substitution du tueur à gages. Un troisième Eddy qui explique pourquoi, comme par un fait exprès, Deadshot se rate dès qu’il veut tuer le Batman. Voici donc une autre théorie intéressante qui répond à une interrogation légitime : pourquoi est-il impossible de supprimer Bruce Wayne ? Si l’ennemi intime de Batou (à savoir le Joker) ne voit pas l’intérêt à commettre un tel acte, Floyd voit le justicier comme un frère modèle qu’il aurait voulu être. Tout ne serait qu’affaire de famille en fin de compte.

…à rapprocher de :

– Le film L’homme au pistolet d’or, avec Christopher Lee et Roger Moore, tant qu’à trouver un quelconque rapprochement. Notamment la manière dont le méchant considère 007, tel un égal avec qui le combat doit être autant loyal que total. Bond le remet vite à sa place, ne vous inquiétez pas.

– Le bitchage contre le dessin doit être relativisé, à l’instar d’Un deuil dans la famille, de Starlin et Aparo.

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Hunter S. Thompson - Las Vegas ParanoVO : Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream. [dommage que le titre FR soit si mal trouvé]. Déjanté, infiniment subversif pour l’époque, les premiers pas de Thompson dans le journalisme gonzo ont de quoi ravir le curieux en quête de littérature vandale. Ce petit pavé jeté dans la mare littéraire et sociétale des États-Unis n’a presque pas vieilli.

Il était une fois…

Le célèbre journaleux Raoul Duke et son avocat, le bon docteur Gonzo, décident de faire un petit saut pour Vegas la dévergondée – histoire de sentir l’ambiance. Au programme : road trip à fond les ballons vers le Nevada, destruction méthodique de chambres d’hôtel et participation à des colloques où ils n’ont rien à faire – entre autres. Parant à toute éventualité, les deux amis remplissent à ras bord le coffre de leur bagnole de drogues. C’est parti pour tout défoncer.

Critique de Las Vegas Parano

Pas évident de parler d’un roman qui renvoie avant tout à un film bien connu. Car Hunter S. Thompson, ici accompagné de son avocat/activiste Oscar Zeta Acosta (dont on est sans nouvelles depuis 1974 au passage), est bien plus qu’une paire d’heures de grand guignolesque (oui, l’humour ne manque pas) sous l’effet de drogues puissantes.

En effet, Duke n’est rien de moins que l’avatar de l’écrivain/journaliste dans cette histoire décapante qui, à l’époque, envoyait quand même du lourd à l’image d’un Burroughs. En vue de rendre compte de l’état d’une certaine Amérique encore à découvrir, Duke décide d’avaler méthodiquement toute pllule/buvard préalablement amassés. Du coup (naturellement ai-je envie de dire), la plupart des chapitres sont placés sous le signe du délire total et du scandale.

Corollaire des molécules que les protagonistes s’injectent dans les cerveaux, il est probable d’avoir plus d’une fois l’impression que ça part dans tous les sens. On alterne entre passages oniriques où la réalité paraît être aux abonnés absents, et petites pépites de précision qui sont aisément imaginables – dans l’esprit sain du lecteur. A titre d’exemple, lorsque Duke et Gonzo se pointent, surdrogués, à une réunion de flics sur les dangers de la drogue et comment combattre ce fléau, se représenter cette scène d’un incroyable culot n’est pas difficile du tout. Pas comme certaines hallucinations à mon sens très dispensables.

En guise de conclusion, il me fut difficile de classer cette œuvre : est-ce une autobiographie un poil romancée ou un roman à clef qui s’appuie sur des situations vécues ? Et comment Thompson et son poto ont-ils pu survivre à tant d’excès ? Il appert que plusieurs voyages ont été faits pour créer un scénario unique, d’où sans doute quelques libertés chronologiques prises. Hélas, considérant les autres ouvrages de Hunter, le pire est à craindre – à savoir à quel point ce qu’il raconte est exact.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première chose qui surprend, dans LVP, est l’impressionnante liste de drogues que s’enfilent les deux compères. Une vraie pharmacie de rave party. Il y a du classique comme la marijuana, la cocaïne ou l’incontournable LSD de l’époque. Et du bizarre, style éther ou mescaline (qui met un temps fou à monter à la tête de Thompson). Et Le Tigre ne compte pas les litrons d’alcool de mauvaise qualité qui constitue leur apport en eau potable. L’intérêt n’est pas de fanfaronner sur ces prises, car l’écrivain décrit précisément les mélanges effectués et les nombreux effets, notamment des hallucinations et une violente paranoïa – d’où les relations entre les deux héros quelque peu tendues.

Néanmoins, Thompson ne s’est pas livré à cette utilisation intensive de substances dans le même but des hippies, mais plutôt pour se retourner salement l’esprit. C’est là que le journaliste prend à contre-pied la (contre-)culture hippie en poussant la logique de cette période à un niveau de nihilisme rarement atteint. D’une part, l’auteur nous introduit dans une ville gangrénée qui n’a plus rien du fameux rêve américain. Mais, d’autre part, la réponse récréative apportée par les années 60 prend une dérouillée sévère dès que Duke et Gonzo se lancent dans une course effrénée à la défonce qui apporte plus d’emmerdes que de réponses.

…à rapprocher de :

– Bien évidemment, le félin se doit d’évoquer le film éponyme de Terry Gillian, avec Johnny Depp et Benicio del Toro dans les rôles principaux. Si possible, essayez de lire le roman avant de mater le film.

– Du bon Thompson, Le Tigre a beaucoup aimé en général : Gonzo Highway (qui contient quelques anecdotes savoureuses sur le présent roman), Rhum Express (moins dingue) etc.

– Puisque je faisais vite fait référence à Burroughs, allez lire le côté obscur de la drogue dans Junky.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Geerts - Jojo : un été du tonnerreCe doit être la seule bande-dessinée que Le Tigre possède du bon André Geerts. Le tonnerre de l’été qui sera traité dans cet ouvrage renvoie autant à la nature vengeresse qu’aux premiers émois de certains – sans compter le kiff total de ces vacances pour nos héros. Dessins qui glissent dans les mirettes, scénario bien ficelé,un peu d’humour, c’est du tout bon.

Il était une fois…

Mamy (madame Semaine pour les intimes) et son petit Jojo, accompagnés de l’irremplaçable ami Gros Louis, vont passer leurs deux mois de vacances d’été à Aventières, chez la famille. C’est également dans ce trou paumé pas loin de la mer que le directeur de l’école passera ses congés. Une bonne dose d’amitié, du grand air, une pincée de sentiments, c’est parti pour un été du tonnerre – mouarf, rendons hommage à ce jeu de mots.

Critique de La cible de deadshot

Il arrive au félin de tomber sur une antique BD qui traîne dans les chiottes de la maisonnée du grand-père, et immanquablement il s’agit de la même depuis des piges. Par conséquent, je commence à la connaître sur le bout des doigts, ce qui est plus qu’utile pour en faire une critique.

La bande à Jojo (décidément, je vous prie de m’excuser) part donc chez la cousine Angèle qui vit dans une très grande ferme. C’est l’occasion de retrouver Odilon, énorme gaillard qui a pris du muscle, son épouse Emma (timide maladive), le fiston Thomas (dont on entendra plus parler), le chat…et surtout Marie, la petite dernière. Gros Louis a le coup de foudre, en même temps la couverture était sans appel. Très vite, chacun trouvera sa place dans ce petit univers : le petit Jojo essaiera de devenir aussi fort que son cousin éloigné, et Gros Louis fera tout pour gagner le cœur de la petiote.

Le petit plus narratif est l’histoire parallèle de René, le dirlo de l’école qui va camper à deux pas de la ferme. S’il ne croisera jamais nos héros, ceux-ci influenceront plus d’une fois le déroulement de ses vacances – relativement reposantes. Quant aux illustrations, classiques au possible, Le Tigre a applaudit des deux mains grâce aux traits précis et les personnages représentés à l’aune de la vision d’un enfant – proportions dégradées suivant l’importance accordés à tel ou tel aspect. Bref, une BD qui fleure bon la paille et donnerait presque envie de poursuivre avec ces personnages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La campagne, la vraie (quoique…). André Geerts vend du rêve avec ses petites saynètes agricoles, tout ceci est profondément charmant : lever de bonne heure, petit-déjeuner aussi lourd que le mur de Berlin, menus travaux autour du domaine, soirées improvisées et nature qui parfois se déchaîne. Les personnages sont pittoresques, presque de gentilles caricatures du paysan un poil bourrin mais qui a le cœur sur la main. Cette campagne idyllique (aucun pesticide ni aide de la PAC) est souvent opposée à la « civilisation », notamment la plage où se serre la populace.

A la fin de ce séjour, Mamy dit quelque chose de fort touchant à sa cousine : Jojo et elle ont trouvé, pendant ces vacances, quelque chose de fort : de l’amitié – avant la famille, mais je ne juge pas. Cette amitié renvoie avant tout à la relation entre le directeur/campeur et un oiseau. Voui voui. Car le piaf adopte rapidement son nouvel ami qui, en prenant de gros risques, le sauve des dangers d’un orage. Ces sentiments font écho à ce qui lie Gros Louis de Jojo, éternels amis pour le bonheur des lecteurs – enfin, c’est ce que je me dis.

Enfin, y’a un peu d’amour ici. Du très soft, rien de sexuel ni licencieux. Seulement une amourette naissante qui donne des papillons dans le gras bide du gros Loulou. Celui-ci découvrira les difficultés pour plaire, que ce soit bien cocotter ou éviter de lâcher une correcte perlouze en public. Marie, de son côté, ne sait rien de ce genre de sentiments, disons qu’elle oubliera aussi vite son mignon dès le premier jour de la rentrée des classes. Du Brassens, vous dis-je.

…à rapprocher de :

Vacances à Saint-Prix, de Chris & Julien Flamand, est du même acabit (à ceci près que ça s’adresse moins aux gosses).

Le retour à la terre (tome 1 sur le blog), Manu Larcenet (avec Ferri), y’a égalementdestiné aux ados à mon sens.

– Si vous aimez ce genre de BD mignonnes avec tout plein de souvenirs, je ne saurais trop vous aiguiller vers Paul à la campagne, de Michel Rabagliati.

Camille de Peretti - ThornytorinxVoici l’histoire d’une jeune femme qui a tout pour elle. Hélas, elle est atteinte d’une maladie, à savoir l’anorexie. Questions existentielles, visites chez le psy, premiers amours, son mal est présent dans toutes les étapes de sa vie. Toutefois, le style m’a vite paru inssuportable, le félin a eu extrêmement de mal à avoir de l’empathie avec l’héroïne. Erreur de casting comme cela arrive.

De quoi parle Thornytorinx, et comment ?

Pour gagner du temps, voici ce que l’éditeur en dit :

« Camille est une princesse. Sa mère le lui a toujours dit, et elle le sait. La vie lui sourit, elle entre dans une grande école, elle voyage, elle fait la fête, elle découvre l’amour. Mais ce n’est pas facile d’être une princesse. Elle doit être parfaite. Alors elle se fait vomir toute la journée. D’une plume percutante et crue, Camille de Peretti décrit une dure réalité, celle d’une boulimique-anorexique, mais aussi celle d’une jeune fille pleine de rêves. Elle livre sans détours les aléas d’une vie qu’elle voulait, comme tout un chacun, de paillettes et de strass, d’amour et de reconnaissance. »

Ceci m’a tout l’air de ne pas être une fiction, c’est donc naturellement que Le Tigre a décidé d’abonder dans la catégorie des essais. Voici donc la biographie de l’auteur (on ne peut s’y tromper), qui courageusement a décidé d’évoquer sa condition d’anorexique/ boulimique. Et elle n’y va pas par quatre chemins, les termes utilisés sont crus, sans détours, précis et facilement représentatifs. La narration, chronologique et toute personnelle, facilitera une lecture qui se termine bien vite.

Néanmoins, la couverture livre, malgré elle, ce qui ne va guère dans cet ouvrage : Camille est une « princesse ». Ce n’est pas tant l’imposant égocentrisme dont de Peretti fait preuve qui est choquant (je suis mal placé pour faire une quelconque remarque sur ce point), mais plutôt la négativité constante de ses remarques. Rien ne lui plaît, rien ne semble l’émerveiller. Une grosse blasée en fait.

Du coup, et très paradoxalement, l’essai se transforme en une biographie d’un personnage hors du temps, quelqu’un d’impossible à saisir pour Le Tigre et dont l’histoire principale m’est presque indifférente. Dire qu’une femme sur cinq est atteinte de ce trouble, et très peu de littérature là-dessus – 20%, ça me paraît beaucoup putain.

Ce que Le Tigre a retenu

Si Le Tigre est un peu dur avec l’auteure, je préfère être loyal et expliquer pourquoi ce vilain ressenti en lisant l’ouvrage. Soyons clair : Camille de Peretti a fait la même école de commerce que le tenancier du blog, et je ne me suis guère retrouvé dans ce qu’elle y décrit. Certes, il n’y a deux ou trois connards à l’ESSEC – comme partout. Certes, les études sont vite oblitérées par de somptueuses soirées alcoolisées – mais les écoles ne tournent pas qu’autour de ça. Certes, certains doux rêveurs tombent des nues après deux années intenses de prépa en voyant comment ne rien foutre est possible – mais c’est à elle de se sortir les doigts du fondement et de se responsabiliser. Seulement, j’ai eu l’impression que Camille crachait allègrement dans la soupe et a perdu de vue le but d’une école supérieure. Infiniment dommage.

Le thème de l’anorexie, en dépit de l’écrivaine qui se regarde le nombril, est prégnant. Cependant, Le Tigre reste un mâle (la plupart du temps hein) dont la problématique médicale abordée ne me parle guère. J’ai juste souvenir d’une intense souffrance, d’un corps haï malgré la vision qu’en ont ses proches. Il est difficile pour un homme de se mettre à la place d’une protagoniste terriblement obnubilée par son poids, et je me garderai bien de faire une remarque – à part l’aspect littéraire, où la catharsis de l’auteur se dispute à son narcissisme.

Désolé si vous avez l’impression que je n’ai pas parlé du fond du sujet, mais ici le style prend le pas sur le fond.

…à rapprocher de :

– De Camille, Le Tigre a (c’est relatif) préféré Nous sommes cruels.

– Nothomb tourne autour de ce sujet dans son Biographie de la faim (à lire).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

ennis-robertson-larosa-the-punisher-au-commencementVO : idem. The Punisher, c’est un tout : un héros qui ne possède pas de superpouvoirs, un soldat seul contre le système mafieux, un gars avec un cul bordé de nouilles tellement les balles ne semblent que l’effleurer, bref un homme extrêmement dangereux investi d’une mission qu’il s’est assignée. Et ce reboot est plus que satisfaisant – histoire et illustrations.

Il était une fois…

Dans la première partie de ce comics, Frank Castle est une machine de guerre qui, presque seule, fait la nique à pas mal de méchants au Vietnam. Difficultés sur le front, usage de drogues, vagues d’ennemis encore et encore, ça vous change un homme. Dans la seconde partie, la famille de Frank se fait massacrer (on ne sait pas pourquoi) à Central Park. Depuis, il s’est juré de tuer tous les criminels responsables – de près ou de loin. Enfin, dans le numéro spécial The Cell, le Punisseur s’arrange pour rencontrer les derniers boss de la mafia.

Critique de The Punisher : Au Commencement

D’habitude, Le Tigre n’est guère porté sur cet éditeur considéré d’un œil torve. Toutefois, Marvel Deluxe a produit une intégrale que j’ai lue d’une traite et adorée – n’ayons pas peur des mots. Noir, moderne, violent, sans pitié, je ne fus pas déçu.

Garth Ennis, l’auteur, a su reprendre la légende du Punisher et recadrer celle-ci dans un univers définitivement contemporain. Même dans la « construction » du personnage lors de sa période vietnam war, il y a quelque chose qui rappelle les effets de toute guerre en plus de faire le lien avec ce qui suivra : la longue association avec une connaissance de l’époque, en l’espèce Microchip. Celui-ci, face aux massacres commis par le héros à l’encontre des mafiosi, tentera de retourner sa force contre des individus jugés plus dangereux pour l’Amérique – genre, un gros barbu qui a cassé deux tours. Manipulations, criminels de hauts vols, armée, CIA, voilà pour le mélange explosif.

Ce qui m’a également plus est l’humour noir omniprésent, avec des dialogues parfois étonnants et des situations cocasses (un mec qui se balade ses burnes dans un gobelet). Au dessin, Lewis Larosa s’est attaché aux premiers chapitres, vite rejoint par l’excellentissime Darick Robertson. Le trait est droit et réaliste, avec néanmoins quelques belles planches plus oniriques. La couleur claque bien, grâce à un encrage de qualité et des passages sanguinolents en veux-tu en-voilà. Bref, du bonheur pur sucre sur toute la ligne.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les syndromes post-traumatiques de guerre s’invitent dès le début de l’œuvre, avec Frank qui a une réaction assez différente des autres soldats – plus de la moitié sont devenus accroc à l’héroïne là-bas, sauf erreur de ma part. En fait, au cours de situations particulièrement intenses, une petite voix (matérialisée par un fond noir) apprécie ce qui se passe, et en redemande même. C’est comme une malédiction qui accompagne l’ex-soldat, et dès son retour au pays le lecteur sait que le mauvais œil est en lui, qu’il perdra famille et proches à cause de ce qu’il a fait en Asie.

Le résultat est un individu ivre de rage qui fait passer n’importe quelle vendetta corse pour une brouille entre deux sœurs à peine pubères. On détruit la famille de Castle, le Punisseur fera de même avec la famiglia – la tuerie lors d’un anniversaire marque le pas. Hélas, sa légitime (mais infâme) quête n’est pas dénuée d’effets pervers : en dégageant les pontes de la mafia du monde des vivants, une autre catégorie de vilains apparaît. Pas des super-vilains comme avec Batman, mais des individus encore plus dérangés qui n’ont rien à envie au diable en personne – Pitts, par exemple, est flippant à souhait.

Tout au long de ce comics, le lecteur pourra déceler une forme de « bourrinitude » dans le héros qui tire dans le tas sans se préoccuper du reste. Heureusement, dans le chapitre The Cell, le monsieur fait montre d’astuce : il ne sert à rien d’arriver dans une prison où la mafia fait ce qu’elle veut, mais plutôt mettre en place une stratégie aussi fine que culottée. Bizarre, c’est comme s’il poussait subitement une paire de couilles au héros de la série Prison Break.

…à rapprocher de :

– Dans la collection Marvel MAX, les aventures du Punisher ont été plutôt bien reprises. S’ensuivent Kitchen irish (pas mal), puis Mère Russie, qui envoie du très lourd. Et la série MAX est loin de se terminer…

– Garth Ennis a également imaginé la petite tuerie qu’est Preacher : Livre 1, Livre 2 (lien aussi), Livre 2 (ici), etc.

– Avec Darick Robertson au dessin, il y a Happy ! (Grant Morrison au scénario), très sombre. Mais le meilleur reste, à mon sens, Transmetropolitan.

– On retrouve rapidement notre badassissime héros dans le second tome (lien) des aventures de Daredevil, de Frank Miller.

– De temps à autre, je vous avoue que le personnage principal me rappelle un protagoniste secondaire de Vierge de cuir, de l’incontournable Joe R. Lansdale. Même rapport à la violence, même personnalité borderline.

L'encyclopédie des félinsLe Tigre, éternel l’ami des félins, sait traiter de sujets parfois honteux, sinon délicats à formuler. Dans ce volume de l’encyclopédie des chats, je vais tout simplement vous expliquer comment gérer un bad trip naissant chez votre animal de compagnie préféré. Et comme je ne suis guère bégueule, je vous laisserai le choix de la méthode (douce ou fun).

Qu’est-ce qu’une boulette de hashich ?

Hash’, shit, beuh, Le Tigre en a (un peu) rien à cirer de ce qui traînait sur votre table. Je n’ai pas imaginé ce blog pour vous juger, encore moins recevoir des échantillons gratuits de votre part. Pour la bonne tenue de cet article, il doit s’agir d’un objet plus ou moins illégal qui renferme du THC ou une substance un peu plus hallucinogène. Ni héro, ni meth (histoire du speed en lien) ou ses dérivés – j’en parlerai un autre jour.

Ce qui m’intéresse, dans ce post, est qu’à un moment votre petit artefact aussi illicite que bien dosé ne se trouve plus sur votre table/pochette de cd/miroir.

Puisque vous n’êtes pas encore totalement défoncé, vous remarquez que Bob (le nom de votre obèse matou) se pourlèche les babines, visiblement content de vous avoir fait perdre quelques euros. Et là, panique générale à bord de votre îlot de paradis – artificiel, tant qu’à filer la métaphore. Vous avez beau secouer Bobby, celui-ci est fermement décidé à garder dans son œsophage la précieuse boulette. Que faire ?

Avant d’attaquer la suite des hostilités, je vous demanderai de bien regarder par terre. On ne sait jamais, les félins sont suffisamment maladroits pour, d’une pichenette, amener l’objet convoité sur le tapis. Et, trop souvent, ces ramollos du bulbe ne parviennent pas à trouver celui-ci par terre.

Ce qu’il ne faut pas faire quand le chat mange du shit

La première idée susceptible de jaillir de votre esprit embrumé doit être absolument écartée. Ce sera une connerie. Le Tigre pense particulièrement au fait de vouloir fumer son chat. Hors de question, c’est une réflexion digne des délires du bouquin Substance Mort, de K. Dick. En procédant de la sorte, non seulement les poils de Bob vous causeront une insupportable toux, sans compter (pour paraphraser je ne sais plus qui) le bruit et l’odeur.

De même, prendre une pose de pseudo-bouddha et laisser, en toute mansuétude, agir la nature est à éviter. Notamment attendre qu’il chie ses boulettes et les récupérer. Ce serait faire montre d’une profonde méconnaissance de l’anatomie féline. Et oui, Bob va digérer l’intégralité de votre daube, et il ne restera plus grand chose de son principe actif. En outre, et sans donner de noms (ne t’inquiète pas Doc G.), j’en connais plus d’un qui s’est salement cramé le cerveau à rouler ce qui s’est avéré être les crottes sèches de son lapin.

Une troisième option doit être enfin proscrite : amener votre chaton chez le vétérinaire. Franchement, ce serait la chose la plus crétine à faire. Et de loin. Déjà, un véto est dans ce genre de cas aussi bienvenu qu’une tranche de bacon dans une mosquée. Ensuite, ou à moins que vous fumiez vos joints à des horaires de bureau, il y a un fort risque que le bon docteur soit fermé. Ou alors le déplacement vous coûtera bonbon. Enfin, il faut savoir que ces individus ont un petit bouton sous leur bureau (relié au commissariat) : en cas de patients suspects, ils appuient dessus et vous aurez rapidement la maréchaussée sur le dos – je ne plaisante pas, c’est pour éviter le pillage de leur stock de kétamine.

Comment réagir lorsque le minou a son trip

A mon sens, il n’existe que deux options. Celles-ci sont tellement opposées que n’importe quel propriétaire de félin pourra y trouver son bonheur. Les voici, et par ordre croissant de préférence.

Lui, c'est pas mon chat. Le mien est bien plus moche

Lui, c’est pas mon chat. Le mien est bien plus moche

Primo, la méthode douce. Vous compatissez pour votre petit animal et souhaitez rendre son trip le plus calme possible. Attention, je ne parle ni de musique douce, ni de croquettes gourmandes, et encore moins d’un massage thaï à amoureusement prodiguer. Ici, vous vous emploierez à donner à Bob un environnement tout ce qu’il y a de plus neutre, et ce afin d’atténuer les effets du THC.

C’est assez simple en fait. Il suffit de placer votre animal dans un espace fermé et le plus sombre possible. Loin du bruit et de l’agitation ambiante, avec une gamelle de flotte et un peu de bouffe à portée – on connaît tous les effets du shit. Le but, vous l’aurez compris, est de minimiser les stimuli extérieurs susceptibles de perturber la pauvre bête. Tout devrait correctement se passer, en théorie Bob ne remarquera même pas qu’il plane.

Néanmoins, et si vous entendez le minou formuler quelques miaulements plaintifs, n’hésitez pas à le rejoindre pour s’occuper de son cas : voie douce, légères caresses au bas de l’échine, mettez-le en confiance et racontez-lui vos plus terribles bad trips – ça l’aidera sûrement à relativiser. S’il vomit sur vous, félicitez-le.

Voilà pour la première méthode. En ce qui me concerne, c’est celle des grosses célibataires abreuvées de kawaï. De foutues irresponsables qui ne voient pas l’opportunité qui peuvent s’offrir à elles.

Secundo, la méthode scientifique. Vous compatissez à peine pour votre petit animal et souhaitez rendre son trip le plus instructif possible – pour vous. Il est temps de se pencher sur les limites psychologiques de Bob, histoire de savoir à quel point lui retourner le cerveau est possible. A cet effet, préparons ensemble les conditions nécessaires à ce que les Humains appellent, trivialement, une rave party doublée d’un gang-bang psychique. Faites vite, parce que vu l’organisme de l’animal, les premiers effets se manifestent un quart d’heure après ingestion.

Voici quelques manipulations que vous pourriez alors mettre en place, en plus d’en imaginer de nouvelles :
1/ Musique tek-hardcore, le genre de trucs inécoutables (personnellement, j’adore me faire un Manu Le Malin au petit déj’) qui accusent plus de 200 battements par minute.
2/ jeu de lumières digne d’une convention d’un parti conservateur européen qui se fait surfacturer par ses prestataires. A mon sens, les effets stroboscopiques sont particulièrement opportuns.
3/ Interventions surprises sur les autres sens du chat, notamment en le secouant vigoureusement. Le faire danser par exemple. Ou, encore mieux, le placer dans un endroit inconnu de lui – aucune repère donc, imaginez le stress pour lui.
4/ Intempérance totale de l’environnement du chaton, c’est-à-dire modifications subites de son univers. Il ne sert à rien de foutre de la zik’ comme un sauvage en mode seventies.  Alterner entre calme et violence, lumière et obscurité totale, bref tout et son contraire doivent se succéder à une cadence impitoyablement erratique.
5/…

Avec ça, les effets de la drogue vont être salement amplifiés, et il n’est pas à exclure de transformer son Bobby en un être qui ne saura jamais retrouver son état normal. Avec un peu de chance, vous aurez chez vous un félin berserk autant incontrôlable que surprenant. De quoi avoir un aperçu de ce qu’une exposition prolongée à ces substances pourrait éventuellement vous faire – même si la faculté se fout encore sur la gueule à ce sujet.

Vous aurez vite compris que Le Tigre vous suggère cette dernière méthode. Autant avoir un être d’exception à ses côtés, et il n’y a rien de mieux qu’un chat un peu fou-fou pour égayer ses longues soirées d’hiver.

Conclusion du chat-drogué

Pour ceux qui veulent connaître l’explication du numéro du billet, c’est relativement simple : le Δ-9-tétrahydrocannabinol (ou THC) est le principe actif du haschich, voilà pour le 9.

Le Tigre est un animal sain et ne touche jamais de ces choses-là. En revanche, j’ai beau laisser traîner quelques buvards de LSD (faits maison) près de la gamelle de mon Bobby, il les boude. Cela fout régulièrement en l’air mes nobles projets d’expérience, je ne vous cache pas que je suis colère.

Enfin, s’il vous venait à suivre quelques uns de mes conseils, j’attends vos photos – mieux, des vidéos.

emile-zola-pour-une-nuit-damourSuivi de L’inondation. Deux nouvelles originales qui se lisent étonnamment vite, impressionnant de la part de cet auteur. L’Homme dans tout ce qu’il a de sombre et désespéré, avec un style qui n’a rien à envier au grosses sagas, miam. Et quelques belles surprises qui, toujours, finissent mal. De quoi réconcilier tout lecteur fâché avec l’écrivain aux mille pavés.

Il était une fois

Dans Pour une nuit d’amour, direction Chanteclair. Julien est un honnête travailleur au physique ingrat. Depuis que la belle Thérèse de Marsanne est sortie du couvent et qu’elle habite chez ses vieux (qui lui cherchent un mari), juste devant l’habitation de Julien, ce dernier joue de la flûte pour attirer ses grâces. Sans succès, jusqu’à ce jour où Thérèse lui envoie, de loin, un baiser, et l’invite à (la ?) monter dans sa chambre.

Avec L’inondation, c’est la vie de paysans aisés qui vit sous l’égide de l’arrière-grand-père, Louis Roubieux, homme alerte de soixante-dix berges. La famille se porte bien et acquiert progressivement des terres de la commune. Hélas, une formidable crue de la Garonne va venir tout foutre en l’air.

Critique de Pour une nuit d’amour

Dans mon cerveau étriqué, le méchant Émile était associé à un écrivain dont les professeurs nous obligeait à lire les monstrueux romans. Ceux qui dépassent allègrement le quintal de pages. Et là, magie, deux nouvelles d’à peine 40 pages chacune, comment se peut-ce ? Avec le style excellent propre à l’auteur du XIXème siècle, bonheur suprême.

La fameuse « nuit d’amour » évoquée, c’est celle que promet la bonnasse (Thérèse) à Julien, en échange d’un petit service. Sans gâcher la fin, il s’agit d’un coup de main pour aller déposer un cadavre dans la flotte. Ce macchabée n’est rien d’autre que Colombel, frère de lait de la jeune femme et que Julien n’appréciait guère. Et dire que le pauvre gus pensait avoir ravi le cœur de la miss avec ses exploits de flutiste… Les descriptions des protagonistes sont de plus en plus envoûtantes, la montée en puissance fait oublier le début un peu terne.

Quant à la dernière nouvelle, disons que c’est l’inverse : la manière dont Zola présente la famille (heureuse et prospère) est d’autant plus délicieuse que le lecteur sait que ça va vite partir en quenouille. Et la crue de la Garonne prend la forme d’un tsunami rageur qui, en l’espace de quelques heures, va détruire Louis et ses proches. Hélas, mille fois hélas, les « scènes d’action » (quand les survivants se démènent) ne m’ont que peu parlé, on pourrait presque croire le père Zola peu rompu à cet exercice.

En conclusion, avec ces deux textes différents et touchants, Le Tigre a bu du petit lait. Si le premier est écrit dans un style relativement neutre avec un narrateur omniscient, le second est (chose étonnante chez Zola) rédigé à la première personne, changement salutaire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le félin ne se foule parfois guère pour déceler deux thèmes assez proches, je vous prie de l’excuser. Mais, dans tous les cas, il faut bien convenir que la réalité est une belle salope  :

D’une part, la première nouvelle fait la part belle à l’amour aveugle et ravageur. Deux chapitres livrent la vision naïve d’un Julien aussi cul-cul qu’une adolescente du Club des Cinq. Ensuite, Zola racontera l’histoire de Thérèse, ignoble manipulatrice dont les circonstances atténuantes peuvent se trouver du côté de la psychiatrie. Sa jeunesse n’est que domination et fierté mal placée, et l’esprit contraste vigoureusement avec son apparence virginale. Le héros, inconsciemment, sait que quelque chose ne tourne pas rond, et à ce titre refuse de continuer – et se laisse mourir.

D’autre part, il y a la nature ravageuse, à savoir l’inondation. Du haut de son inculture (qui n’est plus à démontrer), Le Tigre a cru faire voir une légère référence à ce pauvre Job, du livre du même nom. Le protagoniste principal loue excessivement le bon Dieu pour tous les bienfaits dont il est le récipiendaire (la sainte trilogie famille / tunes / santé) ; or Dame Nature déconstruit avec minutie tous ces avantages. Louis, à l’instar de Job, semble garder la foi et l’espoir, tandis que le lecteur assiste, impuissant, à un empilement de tragédies. Douce ironie de l’histoire, le clocher de l’église (qui affleure et restera intact), objectif primordial de la famille apeurée, ne sera jamais atteint. Zola aurait de l’humour.

…à rapprocher de :

Je ne vais pas vous faire la liste des Zola, en particulier ses œuvres avec les très fendards Rougon-Macquart, plus ou moins connue à cause de sombres années de scolarité.

– Toutefois, La Terre (un des derniers romans de Zola) évoque le monde paysan avec une violence certaine, et l’âge du protagoniste principal, Louis Fouan, est le même que celui du vieux dans L’inondation – même prénom au passage.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. 

Sheldon Siegel - Preuves accablantesVO : Incriminating evidence. Même héros, même construction scénaristique, même suspense, c’est gentiment reparti pour un tour. Cette fois-ci, l’avocat San-franciscain a affaire à du gros œuvre, et son bagout ne suffira pas. Procès-enquête mené tambour battant, figurez-vous que le lecteur ne fera pas attention au nombre de pages.

Il était une fois…

Il y a comme une légère odeur de souffre à Frisco : Mister Gates, ancien boss de Mike Daley, est dans de sales draps. Disons qu’une péripatéticienne a été découverte, morte, dans sa chambre d’hôtel. Et Gates n’est pas n’importe qui : c’est un avocat bien en vue qui se rêve être le prochain District Attorney (le procureur local). Plus ou moins promis à la peine de mort, le wanabee proc’ fait appel à Mike qui devra dénouer une énigme où chacun a un cadavre dans le placard (façon de parler) dont il n’aimera pas qu’on parle.

Critique de Preuves accablantes

Sheldon Siegel était un avocat, et cela n’est pas durissime à deviner eu égard les titres publiés. Le Tigre tient (encore) à souligner une maîtrise quasiment parfaite, avec un déroulement de l’alpha et de l’oméga d’un procès magistralement orchestré.

L’auteur démarre fort, avec un cas en apparence impossible : un prostitué (en apparence gay) est retrouvé salement décédé, avec le tintouin niveau accessoires gênants. Gêne, en effet, puisque le suspect n’est rien d’autre qu’un homme politique plutôt en vue. Et celui-ci, au fil des chapitres, va être de plus en plus chiant à gérer. Serait-il le coupable, se demande-t-on plus d’une fois. Aidé de son ex femme Rosie Fernandez (dont il est toujours amoureux), Mike Daley sera contraint de déployer des trésors d’inventivité.

Ce sera d’autant plus compliqué pour notre héros que l’affaire qu’il a accepté de défendre est infiniment touchy, les lobbies de toute sorte se pressant au portillon. Et, bien sûr, le twist final qui est plus que réjouissant. Le plus étonnant est la capacité de Siegel de pondre plus de 500 pages qui peuvent se lire en une journée, pour peu que vous en avez le temps. Les chapitres sont nerveux, ce serait presque un scénario de film à suspense tellement la narration est fluide – et que le félin est bon public, certes.

En guise de conclusion, encore un opus rondement mené, il n’y a rien à redire. Peut-être le lecteur qui « enfile » les deux tomes (en français) de cet auteur aura la désagréable impression d’avoir à peu près lu la même chose. Laissez donc passer quelque temps entre les deux titres.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Sans trop me répéter, il faut avouer que ce Mike Daley est tout ce qu’il y a de plus sympathique. Un avocat avec une conscience presque irréprochable et de chatoyantes qualités humaines. Imaginez : le suspect est son ex patron qui lui avait fait des crasses monumentales. Daley aurait pu le laisser, là, s’enfoncer inexorablement jusqu’à crever sous ses yeux comme un candidat avorté à une élection présidentielle. Faisant fi du lourd passif du personnage, le héros se démènera jusqu’au bout. [oui, oui, il accepte ce client parce qu’il manque sévèrement de tunes, et pour la pub un peu aussi]

De manière autant réaliste que flippante, l’auteur américain entraînera son lecteur dans le monde des puissants, dans les arcanes d’un pouvoir sûr de lui et arrogant. Il ne s’agit pas que de Gates qui est passé maître ès entourloupes, mais également de tout ce petit monde qui gravite autour : imbus d’eux-mêmes ; dépositaires de secrets et autres cachoteries qu’ils n’aimeraient pas voir être étalés sur la place publique, que du beau linge. Et il peut être plaisant de voir leurs secrets dévoilés lors du procès public – hélas plutôt rare aux States, les parties parvenant (trop) vite à un accord.

…à rapprocher de :

– De cet auteur, commencer par Circonstances aggravantes n’est pas obligatoire – mais recommandé, en plus ce titre est de la même veine.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.