Neil Gaiman - Sandman : la maison de poupéeVO : The Doll’s House. Deuxième tome de la fameuse saga des Éternels, Neil Gaiman nous offre une suite tout à fait sympathique. Dream, emprisonné comme expliqué au premier tome, doit remettre un peu d’ordre dans son univers. Une histoire qui touche un peu plus que d’habitude le monde réel (thèmes assez durs parfois), mélangée avec réussite au monde déjanté de l’auteur. Un must.

Il était une fois…

Donc Dream doit remettre en place son monde, en faisant l’inventaire il semble que deux démons aient disparus. Ceux-ci ont emprisonné les rêves d’un enfant, ce dernier maltraité par un couple. La sœur du garçon, à sa recherche, va en Angleterre découvrir ses origines et être embarquée dans une aventure mêlant tueurs en série, dérèglement généralisé du monde des rêves et tutti quanti.

Critique de Sandman : la maison de poupée

Assez difficile de résumer un tel ouvrage, ça part réellement dans tous les sens. Tout ce que Le Tigre en retient est une grandiose épopée pour la stabilisation du monde des rêves, épopée non sans sacrifices assez délicats. J’ai lu ce tome bien après d’autres qui suivent, et aucunement je n’ai été largué, ce qui est très fort de la part de Gaiman.

L’auteur est excellent dans le métier de conteur, le prologue est une fable magnifique sur l’amour, et illustre l’art de la transmission orale des légendes au sein des peuples primitifs. Concernant une époque plus récente, l’exposé d’une version un peu plus dure du « chaperon rouge » émeut.

Tome un peu plus sombre à mon avis, disons que l’environnement autour de l’héroïne n’est pas joli-joli : des tueurs en série se réunissant à un congrès (la leçon que leur donnera Dream est bienvenue), la mort nécessaire d’une femme-vortex mettant en danger le monde des rêves, la terrible maltraitance infligée à un enfant par exemple. Quant à la fin, tout semble rentrer dans l’ordre, et pour la première fois on voit Dream émettre un sérieux avertissement à une de ses sœurs.

Quant au dessin, pour une fois rien à dire. Tout se tient plutôt bien même. Peu de longueurs, ces 200 pages sont agréablement dosées, rien ne semble en trop ni manque. Excellent opus, rien à dire sinon le lire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Trop de thèmes, d’histoires différentes qui se réunissent pour un dénouement assez radical. Prenons ceux qui m’ont touché :

Un des chapitres est consacré à la vie éternelle, et est originalement traité. Un homme se voit offrir l’éternité, et Dream tous les cent ans lui rend visite pour recueillir ses impressions. Or le vieil homme ne semble pas si sage, ni capable d’apprendre de ses siècles d’existence. Sa vie est faite de hauts et de bas, des bas surtout quand il n’est pas capable de prendre une autre identité (celle de son fils par exemple) et reste trop longtemps au même endroit.

La folie des tueurs en série, Gaiman offre un petit aperçu de ce qui peut bien se passer dans leurs têtes. L’esprit de collection, les traumatismes infantiles récurrents chez ces personnes, la manipulation extrême dont ils font montre, le manque total d’empathie et de remords. En BD c’est ici très bien rendu, surtout quand Gaiman apporte sa touche personnelle : un des tueurs ne serait que l’expression d’un cauchemar créé par Dream, à savoir la peur originelle du noir, qui prend ici la forme d’un beau gosse qui a des bouches édentées à la place des yeux.

Plus généralement, le lecteur trouve quelques exemples de cas où la réalité semble si foireuse que l’individu se refuge dans son monde, ici ses rêves. Une des trames de l’ouvrage est même l’exploitation de cette tendance par deux monstres qui parviennent à écarter un enfant du monde des rêves en lui créant un ersatz assez convainquant. A l’inverse, la réunion de tous les rêves en un immense songe, risque qu’une femme porte en elle, est encore plus terrible : on apprend au détour d’une phrase que ça a déjà eu lieu dans un autre univers, et tous ses membres se sont perdus dans cet espace onirique.

…à rapprocher de :

– Sur les autres Sandman lus par Le Tigre et résumés sur QLTL, en vrac il y en a ici, , encore ici ou de ce côté.

– Sur les psychopathes, j’ai retrouvé un peu de Keith Ablow dans la justesse du pronostic.

Neil Gaiman - Sandman : jouons à être toiVO : A Game of You. Tome 5 du sieur Gaiman, Le Tigre continue sa glorieuse lancée dans le monde de Sandman. Ici le titre est intéressant, l’histoire semble un peu plus « classique » que d’habitude pour un résultat au final un peu décevant. A lire sans doute pour les inconditionnels, chemin peut être allègrement passé pour les autres.

Il était une fois…

Deux mondes, deux histoires inexorablement imbriquées. On retrouve Barbie (déjà vue dans un précédent tome), dont un de ses rêves part en quenouille à cause du Coucou, personnage mystérieux bien décidé à prendre son envol. Vivant à NYC, elle est aidée dans la réalité par ses amis, notamment deux punks lesbiennes, un transsexuel, une SDF et une sorcière peu commune. Jusqu’au dénouement dans la violence, avant que Dream ne rétablisse tout ce bordel.

Critique de Sandman : jouons à être toi

Le Tigre a aimé, sans plus. Pas ennuyeux du tout, mais pas transcendant comme d’autres tomes mettant en scène Dream ou d’autres Éternels. Exceptionnellement le monde onirique est ici découvert sous la forme d’une quête qui n’est pas sans rappeler Narnia. N’ayant eu aucune envie de regarder / lire cette dernière saga, imaginez-vous à quel point ça a peu parlé au Tigre.

Au moins il y a un bon petit suspense sur le personnage du Coucou, qui semble disposer de pouvoirs effrayants et fait faire à ses serviteurs des choses peu catholiques (pourrir les rêves des habitants de l’immeuble, c’est bien trouvé). Les révélations finales peuvent décevoir, mais gardent un semblant de poésie chère à Gaiman.

La voisine, Thessaly, est ici une ingénieuse trouvaille dans Sandman : l’air de rien, la femme à lunettes va se révéler plus complexe qu’on pouvait imaginer, entre sorcellerie et chamanisme. Ses actes pour aider Barbie, occultes voire choquants, n’ont pas été appréciés par Dream qui n’aime pas voir son monde autant maltraité.

Quant au dessin, et ben pour une fois c’est « stable » : pas d’excès, un peu de surcharge parfois, mais aucun maux de tête à signaler. Un bon point.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le rêve comme échappatoire, la création onirique d’un monde personnel, Barbie fait très fort dans ce tome. A la différence du tome 2, où un enfant maltraité ne peut que trouver un univers pour survivre, ici la jeunesse chiante d’une jeune fille aimée met progressivement en place un monde inspiré de sa morne réalité : ses poupées prennent alors vie, et il devient alors évident que seule une personne souhaite que ce monde gagne en expansion. Si ce n’est pas digne d’un syndrome Peter-pan, alors Le Tigre ne sait plus quoi penser.

Les états considérés autrefois comme « déviants », sont ici traités rapidement mais efficacement. Déjà le transsexualisme avec Wanda / Alvin, ami(e) de Barbie, qui est un homme qui s’est toujours senti femme. D’une part elle est acceptée par ses proches, d’autre part un fantôme lui remet les pieds sur terre en expliquant que tout n’est que chromosomes. Si on rajoute la lesbienne enceinte malgré elle, et la réaction de sa copine, c’est un univers haut en couleurs qui est présenté. Et Le Tigre ne parle pas de la pauvre SDF cinophobe (ce terme existe ?) dont le rôle sera au final déterminant.

…à rapprocher de :

– Sur les autres Sandman lus par Le Tigre et résumés sur QLTL, en vrac il y en a ici, , encore ici ou de ce côté.

– Rien d’autre qui ne daigne venir à l’esprit du Tigre.

Joe Haldeman - La guerre éternelleVO : The Forever War. On a conseillé au Tigre de lire ce petit livre de SF, petit car en moins de 300 pages seul Asimov peut faire mieux pour aussi court.Et ça se lit très bien et en plus provoque des réflexions sur l’avenir de l’Humanité assez poussées. Plus que tout, on s’aperçoit rapidement les séries ou films de nos jours n’ont rien inventé. Tout est là.

Il était une fois…

La guerre éternelle, c’est celle que va se livrer pendant des siècles l’humanité contre des êtres dont on ne sait pas grand chose. A part qu’ils ont détruit un astronef. Le déplacement par sauts dans des trous de verre rendu possible, la Terre et ses colonies mobilisent rapidement toutes ses ressources. Et le lecteur va suivre William Mandella, lors de quatre périodes séparées par plusieurs décennies à chaque fois, dans l’affrontement contre les Taurans (puisqu’ils viennent de la constellation du Taureau). Seul survivant et montant en grade, ce sont toutes les facettes d’une guerre qui n’en finit pas que Mandella va subir.

Critique de La guerre éternelle

Attention petit chef d’œuvre, et le Tigre n’a pas l’habitude de dire ça. Réellement superbe. De la SF militaire de bonne facture, et surtout qui vieillit pas trop mal. Relativisme, notion de guerre juste, embrigadement inutile au service d’une chimère, c’est à court d’haleine que le lecteur suit la guerre vue d’une même personne tour à tour soldat, sergent, lieutenant et commandement des troupes toujours en premières lignes.

Encore mieux, ce sont trois âges de l’humanité qui sont imaginés par Haldeman, tous pire les uns que les autres (cf. infra). Chose amusante, les délais d’Haldeman (tout commence en 1997) méritent d’être encore un peu repoussés. Mais l’exposition des étapes successives, bien expliquée, constitue pour le lecteur comme pour le héros autant de surprises. Et celles-ci contraignent à un petit temps d’adaptation pour comprendre les nouvelles motivations de l’espèce humaine. De l’anticipation sociale avant l’heure, Le Tigre ronronne.

La note finale est optimiste, nous montrant une humanité apaisée et tolérante, prête à laisser ceux qu’ils veulent vivre différemment le faire dans des planètes-réserves. En conclusion, un petit bonheur rapide à lire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

On parle de SF militaire, mais le ton d’Haldeman est résolument antimilitariste. Tous les travers d’une guerre à grande échelle et ce au cours des âges sont développés :

Tout d’abord la notion de guerre juste se pose, à savoir ce pour quoi les soldats se battent. Et puisque les motifs sont quelque peu vaseux, l’embrigadement psychologique est ici de mise. Les soldats n’ont rien contre les Taurans, mais quand ceux-ci débarquent, le conditionnement par hypnose produit des merveilles, en amenant d’horribles images (fausses bien sûr) provoquant une fureur sans nom aux personnages.

Ensuite les raisons de s’embrigader. Des siècles se passent à force de voyages dans les trous de ver, et la solde multipliée n’offre que quelques mois de répit aux soldats survivants. Si l’armée fait tout pour que ceux-ci ne soient pas intégrés (les ANPE locales refusent leur dossier, ils sont vite à court de tunes), alors le soldat rempile rapidement.

Enfin la désinformation totale. La société-spectacle distille des mensonges tellement gros que ça en devient risible, et personne ne semble s’en offusquer. Il transpire des individus une forme de patriotisme désuet aussi fascinant que fascisant. Par exemple, les interviews finales des soldats sont honteusement coupées et grossièrement reformulées, pour correspondre au mieux à l’esprit guerrier des généraux.

Quant à l’humanité, Haldeman nous la présente sous trois étapes qui sont assez radicales mais permettent d’en dégager les inconvénients : une société des loisirs faite de chômeurs, une dictature qui promeut l’homosexualité et empêche toute reproduction naturelle (contrôle des naissance optimisé), et enfin une humanité faite de clones qui a tout l’air d’une énorme ruche où les disparités sont gommées. Cette dernière configuration, heureusement, permettra de faire enfin la paix avec les Taurans.

Dès le début on le sent, tout va vers une dés-individualisation du soldat, puis du citoyen, et ce pour le bien de tous. Ça commence par l’obligation de dormir avec une camarade de chambrée différente chaque nuit chez les troufions, et finit par des milliards de clones asexués en guise d’Humanité.

Petite précision : outre le coût humain de la guerre (les pertes, même en temps d’exercice, sont inimaginables), c’est le coût financier qui paraît extravaguant : 60% du PIB consacré à la constitution d’armes et d’armées qui ne servent à rien au final, est-ce réellement le prix à payer pour unir l’humanité derrière un ennemi commun ? Vous me direz que cela reste préférable que se cantonner à taper indéfiniment sur son voisin comme dans le génial 1984.

…à rapprocher de :

 – Sur la nature des ET avec qui se bat l’humanité depuis des siècles, leur système me fait penser à celui des doryphores dans Le cycle d’Enders, d’Orson Scott Card. Grande saga humaine à l’image du présent roman.

– Sur les problèmes de relativité temporelle lorsqu’on se balade à très grande échelle, certains passages de L’espace de la révélation de Reynolds offrent des illustrations poignantes, comme ce couple séparé qui jamais ne pourra se retrouver dans les mêmes conditions : distances trop longues pour communiquer, un des amants aura forcément quelques décennies d’avance sur l’autre en cas de retrouvailles. House of Suns, qui traite d’échelles encore plus immenses, doit être aussi lu.

– Pour l’aspect purement militaire, lisons ensemble les Aux, de David Gunn. C’est un peu plus du n’importe quoi, peut-être est-ce parce que c’est plus récent.

– Un spectacle miliaire qui dénonce les dérives de la guerre, l’emploi de personnes douées en tant que chair à canon, une désinformation constante pour motiver les troupes,… très proche (mais plus critique) au final du film Starship Trooper, tiré du roman d’Heinlein, Etoiles, garde-à-vous !.

– Haldeman a publié deux suites, je m’y mets au plus vite. Un jour.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman sur internet ici.

Alfred Bester - L'homme démoliVO : The Demolished Man. Premier livre de Bester lu, dans le cadre d’un doublé de cet auteur dont le 4ème de couv’ ne dit que du bien. Il fallait vérifier ça dans la mesure où j’ignorais tout de l’écrivain. Et je n’ai pas été déçu, loin de là. Pas étonnant qu’il n’ait écrit que quelques ouvrages, tellement il a usé d’idées ingénieuses dans celui-ci.

Il était une fois…

Terre, XXIVème siècle. Ben Reich est à la tête d’un empire, néanmoins sur le point de se faire couler à cause d’une firme concurrente. En plus il fait des cauchemars où intervient l’Homme sans visage, qui est forcément D’Courtney, son pire ennemi. Il va tenter de tuer ce dernier, dans un monde futuriste où existent de puissants télépathes, empêchant tout crime depuis près de 70 ans.

Critique de L’homme démoli

Remercions ensemble Denoël, puis Folio SF, pour nous faire découvrir ce genre de petite pépite. C’est quand même grave, un roman américain écrit en 1953…et traduit en 2007 ! Bester n’a écrit qu’une poignée de romans, et est considéré comme un des auteurs les plus importants de sa génération. Et ce n’est pas faux du tout.

Tout d’abord l’histoire est tout simplement révolutionnaire, même pour un roman vieux de six décennies. Imaginer une société avec les extrapers (télépathes qui « matent » l’esprit humain), leur guilde, leur code de déontologie, le mode de sélection (communiquez la vraie porte d’entrée, celle réservée pour le personnel, par télépathie), les responsabilités énormes qu’ils portent,… L’univers est cohérent, séduisant et surtout propice à des histoires passionnantes.

C’est ce qu’à réussi Bester, en imaginant le crime parfait. Un homme aux abois va mettre en œuvre une sombre machination pour tuer le PDG de l’entreprise rivale. Bien sûr rien ne se passe comme prévu, la fille de la cible étant témoin de la scène. Quant au policier télépathe qui cherche à prouver coûte que coûte la culpabilité de Reich, son quotidien constitue un réel effort d’imagination (cf. la description des thèmes abordés). De très bonnes idées en sus, comme par exemple « Moïse », l’ordinateur de déclenchement des poursuites pénales, qui ont lieu que lorsque certains critères sont précisément remplis.

Ensuite le style. Et bien ça a certes un peu vieilli, mais rien de scandaleux dans la vision du futur par Bester. Au contraire même, certaines descriptions conservent un petit charme désuet. Le rythme est très bon lorsqu’on suit le patron hyperactif, plus contemplatif et cérébral lorsque le lecteur est dans la tête du flic. Bref, ouvrage qui vieillit très bien, à l’instar des Asimov.

Enfin le chapitrage, le nombre de pages sont bien gérés, ça passe vite et le rythme est souvent bien cadencé. Même si les vingt dernières pages, après la fameuse Démolition, peuvent être largement lues en diagonales.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les thèmes sont fort nombreux, voici ceux qui m’ont particulièrement interpellé :

La télépathie, bien sûr, est abordée de manière extensive, pour constituer la trame principale du roman.Tous les aspects de cette capacité sont ainsi traités : d’un point de vue politique, avec les factions au sein des extrapers, la structure sociale sous forme de castes où les métiers sensibles sont tenus par des télépathes. Les degrés de télépathie, du 3ème au 1er (qui peut fouiller jusqu’au subconscient), aident à constituer une réelle hiérarchie pyramidale au sein de ces surhommes. Quant aux conversations entre télépathes, Bester est parvenu à les retranscrire avec un certain brio : échanges d’impressions, de mots clés et d’images en l’espace de quelques secondes et ce de manière non linéaire (fidèlement retranscrit dans le texte).

Corollaire de ce pouvoir et surtout des responsabilités qu’il amène, les sanctions en cas que manquement sont expliquées assez crument : la solitude. Et les cris de solitude de certains personnages sont vraiment touchants. L’extraper qui se rate est exclu du monde des télépathes, et au cours du roman on en rencontre un particulièrement ravagé : il explique que vivre avec des gens normaux est comme être le seul être « normal » en présence de sourds-muets, tellement le langage humain est pauvre en comparaison des possibilités infinies de la transmission de pensée.

Quant à la sanction finale, celle qu’on retrouve dans le titre, les dernières pages offrent un aperçu vu côté victime. La Démolition consiste donc à expurger les souvenirs et tout ce qui rend mauvais un homme, afin de refaire en accéléré une éducation. Mais le processus de destruction neuronale est terrifiant : on voit un homme à qui tout réussi progressivement perdre la boule, prisonnier de son esprit (grâce à un puissant processus de tous les télépathes réunis) et évoluant dans un monde qui progressivement se réduit comme peau de chagrin. Image d’une justice destinée à réinsérer plutôt que punir, la vision de l’avenir de Bester est résolument optimiste.

Le prochain thème est un SPOILER [ne pas lire si vous comptez le lire]. La relation au père fait une apparition tout à fait surprenante : Ben Reich a en effet enfoui au plus profond de son esprit un trauma d’abandon par le père, et son besoin de meurtre l’amène à modifier la réalité pour donner une raison à ses sombres desseins. Car l’objet de ses cauchemars est lui-même, fils plus ou moins illégitime d’une personne qu’il verra comme une menace économique tout au long de sa vie. Le père à tuer, tout œdipien, amènerait le sacre de Reich comme maître du monde, capable seul de le modeler à sa guise. FIN SPOILER.

La relation au père se retrouve également entre la fille de la victime et le flic, où d’un amour tout paternel naît une belle histoire d’amour. Incestueux mais faisant partie du processus de guérison de la pauvre femme.

…à rapprocher de :

– Du même auteur, Tigre s’est presque autant fait plaisir avec Terminus les étoiles.

– Sur la télépathie et ses conséquences pour les humains, trouvons dans les quatre pavés du Cycle des inhibiteurs de Reynolds les passages avec les Conjoineurs, qui ont la technologie pour communiquer de la sorte. Et voir comment ils galèrent parfois pour parler à d’autres factions.

– La façon dont le héros cherche à blouser le système n’est pas sans rappeler Minority Report, de Philip K. Dick. Regardons ensemble le film à nouveau plutôt.

– Le Tigre hésite à comparer, mais Cosmétique de l’ennemi de la mère Nothomb est assez proche de l’histoire de Ben Reich, qui se révèle être son pire ennemi.

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Lovecraft & Culbard - At the mountains of madnessAdaptation d’une nouvelle de Lovecraft que Le Tigre n’a pas lue, c’est avec délectation que je me suis plongé dans cette petite bande dessinée. Et j’ai bien l’impression que le texte de Lovecraft a été bien respecté. Roman (graphique) d’aventures et de science-fiction, c’est à se demander si cette BD peut même nous empêcher de lire l’original.

Il était une fois…

Un groupe de savants parcoure l’Antarctique à la recherche d’on ne sait pas trop quoi. En filigrane de l’histoire, c’est en fait les souvenirs d’une personne qui sont relatés. Pour constituer une mise en garde contre une expédition médiatisée en Antarctique qui devrait avoir lieu. A force de recherches et de pertes c’est au final une cité pré-humaine que les scientifiques retrouvent. Avec des réponses à certaines questions que l’humanité ne serait même pas prête à poser.

Critique d’At the mountains of madness

Du Lovecraft, c’est forcément bizarre. En faire un roman graphique, c’est un certain risque. Un pari même, qui me ici semble réussi. Le Tigre n’a pas regretté cet investissement tout londonien (ça coûte une blinde en France à trouver).

Le début est long, tendu, voire un poil chiant, mais l’histoire s’accélère raisonnablement et les vingt dernières pages sont sublimes. Même s’il faut s’accrocher pour tout saisir, surtout quand c’est écrit en Anglais. Le Tigre s’est surpris à revenir parfois en arrière de quelques pages, juste histoire d’intégrer les grandioses découvertes faites par ce qui reste de l’expédition.

Quant au dessin, c’est sobre, à la limite d’un Tintin : lignes claires, paysages corrects, personnages qui ressemblent à du Blake & Mortimer. Du coup c’est réellement surprenant. Il y a un décalage entre ces dessins et l’avalanche de révélations de la fin, à l’image du Vol 717 pour Sydney.

Pour conclure, valeur sûre, qui donne envie de se (re)faire une cure de Lovecraft, auteur qui est parvenu à se créer un monde cohérent, avec des considérations philosophiques qu’on retrouve dans beaucoup de ses œuvre.

Thèmes abordés  (du moins selon Le Tigre)

Les origines de l’espèce humaine est un thème récurrent dans la SF, et est ici bien amené. La réponse ici n’est pas éloignée de celle de Prometheus (le truc qui démontre que c’est très dur de faire un bon film de SF de nos jours), mais en plus intelligente.

L’esprit de curiosité, la présence dans un espace très restreint d’autant de savants sont réalistes et posent le problème de la gestion de l’expédition. Comment faire quand les avis divergent, qui écouter ou suivre, quelles interprétations donner à ce qui se passe ? Rien à voir avec l’intelligence (sic) qui se dégage d’une émission de télé réalité en tout cas.

Enfin, on finit avec les limites de la connaissance humaine. Ignorant ce qu’il ne sait même pas ignorer, le cerveau humain en présence de quelques indices reste totalement incompétent. Un des scientifiques perd même la boule quand il aperçoit une créature vers la fin du roman. Ce thème revient également en SF où certaines espèces extra-terrestres distillent leurs connaissances au compte-goutte afin d’éviter une panique générale ou une mauvaise utilisation de ce savoir. Je vous laisse trouver des exemples sur ce site.

…à rapprocher de :

– Dans les reprises illustrées de Lovecraft, Neonomicon se défend plutôt bien. Dessin plus moderne, histoire plus glauque.

– Un monde souterrain assez effrayant, qui va au-delà de toute conception humaine, Le Tigre se rappelle Hector Humbra. Encore plus déjanté d’ailleurs.

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Linda Medley - Château l'Attente T1VO : Castle Waiting. Sur le conseil d’une connaissance, Le Tigre s’est procuré Château l’Attente, tome 1. Titre bizarre, et histoire qui ne l’est pas moins. Près de 500 pages plus loin, il faut avouer qu’il y a du travail sérieux qui a été fourni : c’est un ouvrage bien sous tout rapport, sans réelle envergure mais plaisant. Comme on dit, rapport qualité / prix convenable.

Il était une fois…

Tout commence par une version revisitée de La Belle au bois dormant. Histoire assez courte, puisque le Château l’Attente est vite abandonné. Celui-ci devient progressivement un refuge pour les hommes et (surtout) femmes différents, rejetés par leur entourage ou encore en difficulté. Les personnages du Château accueillent les nouveaux, racontent leurs histoires, gèrent la vie de tous les jours,…

Critique du premier tome de Château l’Attente

Je l’annonce tout de suite, avant toute critique, ce premier tome réussit à rassembler tout ce que Le Tigre fuit en général : fantasy teintée de contes de Grimm, personnages tous gentils tous souriants, dessin ligne claire convenu, histoires interminables et digressions de partout. Et pourtant je n’ai pas détesté.

D’une part, il faut dire qu’il n’y a pas réellement de fil conducteur. Un château où débarque une femme enceinte, les occupants qui racontent les raisons de leur présence ici, les relations entre les membres du lieu, les histoires dans l’histoire, les petites péripéties dudit château, tout n’est qu’un joyeux mélange. Si bien que parfois Le Tigre se demande où il en est dans la narration. Néanmoins Linda Medley n’a pas son pareil pour offrir des contes (il s’agit bien de contes) réellement touchants, avec de très bonnes idées à partir de protagonistes hauts en couleurs : femmes à barbe, animaux personnifiés, chevaliers chevalins, petits démons tout mignon,…

D’autre part, le dessin. Sur 450 pages, des images excessivement détaillées avec des proportions dignes de tableaux sur le Moyen-Age. Rendons à César ce qui est à César, Linda a produit un effort conséquent pour rendre fluide la lecture de son œuvre. Par conséquent Le Tigre n’a pas eu le temps de s’ennuyer, même si le manque de surprise du dessin peut être pesant. Noir et blanc certes, mais je n’ose imaginer le travail supplémentaire en cas de colorisation.

Bref, ce livre s’adresse avant tout aux femmes. L’environnement est fantaisiste, fait de bonnes intentions et de happy endings. Des personnages attachants, un humour assez léger et jamais graveleux, très girly.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Auteure américaine, je ne sais pas quel est le rapport, mais le féminisme est omniprésent dans cet ouvrage. Déjà ce sont les femmes qui gèrent le Château, et il faut dire qu’elles s’en sortent très bien. Ensuite l’histoire des femmes à barbe est parfois osée, notamment avec le Christ féminin plein de bonté et d’intelligence. Enfin les méchants sont majoritairement des hommes, qui se font facilement rouler par les habitants du Château. Rien d’ostensible, je dirai même le juste équilibre par rapport aux contes d’antan ici revisités.

La tolérance est bien poussée, trop parfois tellement c’est mielleux. Le Château qui accueille sans discrimination les nouveaux arrivants, les gens qui se soutiennent quoiqu’il arrive, les chevaliers servants toujours prêts à donner un coup de main, les différences (souvent de taille !) qui font à peine lever des sourcils, c’est fort généreux. On retrouve l’esprit tout chrétien, à l’image dans ce tome des sœurs de la « sollicitine », qui cherche avant tout à aider son prochain, même lorsqu’il s’agit d’un démon.

Le « métier » d’une voyante, diseuse de bonnes aventures, enfin désacralisé dans une BD ! Lors d’un chapitre une femme se voit expliquer cet art, qui n’est rien d’autre que du mentalisme aidé par la PNL. Analyse du comportement de l’audience, leur dire ce qu’ils veulent entendre, rôle de le la boule de cristal pour voir (sans qu’ils le remarquent) les réactions en direct du client, tout y est.

…à rapprocher de :

– En plus court, avec le même message de tolérance mâtiné du sens de l’amitié, Le Tigre s’est régalé avec Chimichanga, de Powell.

– Pour le coup du féminisme, Le Tigre s’est remémoré un livre où des femmes dépassent leur condition malgré l’environnement hostile : Trois femmes, de Boston Teran.

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Snyder & Jock & Francavilla - Batman : Sombre refletVO : The Black Mirror. Une saga très sombre, quelques dessins assez choquants, une tension psychologique poussée, un vrai régal. Même s’il faut se faire au contexte particulier des protagonistes, où Batman n’est pas vraiment celui que le lecteur lambda connaît, ces deux tomes se lisent d’une traite et apportent une profondeur tragique de plus aux protagonistes.

Il était une fois…

Le premier tome porte sur une toxine bien flippante qui amène Batman à une vente aux enchères assez originale (on vend des objets d’illustres malfaiteurs, certains de leurs outils étant gravement dangereux). Parallèlement, le commissaire Gordon, qui aide toujours notre Bat, est confronté au retour de son fils, psychopathe qui se dit sur le chemin de la repentance. Cette situation amène Gordon à se remémorer les souffrances subites à cause du rejeton.

Le second tome, un peu plus long, continue sur les doutes du commissaire Gordon. Et le fiston semble bien plus impliqué dans le bordel ambiant qu’on pourrait l’imaginer. Quant au Bat, il est confronté à un orque échoué, une grosse entreprise avec à sa tête la fille du tueur de ses vieux et des mafioso un peu déjantés. Si vous rajoutez les menues facéties du Joker, bah voilà.

Critique de Batman : Sombre reflet

Tout d’abord Le Tigre tient à signaler que ces deux opus se situent à un moment particulièrement complexe de l’historiographie batmanesque. J’avoue même ne pas y avoir compris grand chose, si ce n’est que Bruce Wayne n’est pas Batman, c’est un ancien Robin qui a pris le rôle. Mais le Robin est du coup appelé « Red Robin », arf. La fille Gordon, conformément à l’histoire Un long halloween, a bien perdu ses guibolles et est Oracle, aidant le Bat à distance.

Mais nul besoin de savoir cela, si ce n’est savoir pourquoi le nouvel héros hésite à redécorer à son goût l’antre de Wayne. Histoire en deux tomes, Le Tigre attendait que les deux soient ensemble dans un rayon avant de les dévorer. Pas question d’attendre le deuxième (dont la couverture est ici reproduite).

Ensuite, l’histoire. Très complète, peu de longueurs, assez hard par certains côtés, ce sont de vraies investigations que mènent le Bat et ses alliés. Tout ça se dévore avec un plaisir non dissimulé. Plaisir augmenté par les récits de l’ancien enfant de la balle, en marge de l’histoire, qui sont bien amenés et particulièrement captivants. L’histoire de Gotham vue par quelqu’un d’autre que Batman ou Gordon, ça vaut son pesant d’or.

Le deuxième tome nous offre le Joker, dont les actes, mûrement réfléchis, sont plus horribles les uns que les autres. Et terriblement inattendus, avec un relent de guerre bactériologique bien anxiogène : se poser sur le corps des toxines, comme un animal vénéneux qu’il ne faut pas toucher, Le Tigre a aimé.

Attention ! Le Tigre a également aimé parce que parfois ça devient sanglant, voire difficile à soutenir. L’histoire peut atteindre des sommets de so(m)briété (glauque et direct, néologisme du Tigre), notamment grâce à l’intervention du Joker. Il ne s’agit pas d’une BD pour un enfant, certaines images, bien que de qualité, sont de nature à donner quelques idées de cauchemars.

Au final ces deux tomes sont superbes, même si Le Tigre, faute d’être un crack concernant l’univers Batman, a peut être vu la finesse des rapports entre les protagonistes lui passer sous le nez. Le dessin, alternant ligne claire et brouillon très manga, est synchrone avec l’histoire, c’est le principal.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Une trame intéressante de ces deux tomes est le retour du fils Gordon, grand psychopathe s’il en est. Entre scepticisme de ses proches et espoirs du commissaire, nous découvrons un Jim plus malade que jamais. Aussi se pose la question du pardon, des liens indéfectibles du sang malgré l’irréparable auparavant commis. Même problème avec la fille du tueur des parents de ce Batman, où ce dernier ne sait pas à quel saint se vouer.

La menace bactériologique occupe une place ici non négligeable : celle-ci sert d’excuse à la production de monstres fantastiques, mais est aussi un vibrant rappel de quelques films de la saga du Bat. D’une part, Batman empoisonné va devoir se dépasser intellectuellement pour faire face aux effets pervers des toxines, un peu comme dans Batman Begins. D’autre part, le Joker met en place quelques produits qui sont de jolis clins d’yeux (c’est français ça ?) au Jack Nicholson du premier film à succès.

Enfin, et dans la catégorie « métalivre », Le Tigre se pose une question toute bête : pourquoi fallait-il séparer cette histoire en deux tomes ?? Alors qu’une BD comme « Amère victoire », bien plus longue, se présente sous la forme d’un gros pavé. La réponse se trouve sans doute dans la date de parution de cette histoire, somme toute assez récente. Retour sur investissement maximisé, on ne peut prendre le risque d’en faire un seul ouvrage. Sans compter que le clampin qui achète le premier tome, et bien il est bien obligé de continuer dans son élan tellement le suspense est bien entretenu. Pari gagné, ça n’aurait peut-être pas marché avec un titre moins réussi.

A rapprocher de…

– Les films de Batman par Nolan, on est dans la même sombre veine.

– Pour comprendre le joyeux bordel des « différents Batmen » », il y a l’intimidante saga Knightfall à parcourir. Intimidante en effet : tome 1 (en lien), tome 2 (en lien), tome 3 (en lien), tome 4 (en lien), tome 5 (en lien). Assez mitigé.

– Puisque j’en parlais rapidement, allez voir du côté d’Un long Halloween , de Loeb et Sale. Ça dépote.

– Joker et ses poisons, c’est également dans le tome 6 des aventures du Bat’, imaginées par Grant Morrison : Batman contre Robin.

– Jock fait vraiment de beaux dessins. Par exemple Wytches (tome 1 ici), avec Snyder au scénario. Une tuerie. Ou Green Arrow : Année Un (avec Diggle). Sans plus niveau scénario hélas.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver le tome 1 en ligne ici. Le second ici. 

Azzarello & Bermejo - JokerVO : idem. Un comics de Batman sans l’homme chauve-souris en couverture. Le Tigre ne peut laisser passer, surtout quand ça traite du pire ennemi du héros ! Histoire courte et sombre, offrant une philosophie de la ville de Gotham, rien à dire. Percutant et bon.

Il était une fois…

Le Joker sort de l’asile d’Arkham, et il est bien décidé à récupérer son empire illégal que ses mandants ne sont pas forcément disposés à lui rendre. Cette fois-ci on se suit pas vraiment le Joker, mais un de ses sous-fifres, quelqu’un qui à un moment charnière croit en lui et l’accompagne pour retrouver son trône. Quitte à perdre son âme.

Critique de Joker

Le Tigre n’a pas été déçu par l’achat de cette bande dessinée et tient à le faire savoir. Une histoire indépendante, où nul besoin de tout connaître l’intégralité de l’univers du Bat, c’est très plaisant. Les « connoisseurs » seront ravis de retrouver certains personnages de Gotham sous de nouveaux aspects.

Un Joker qui pour reprendre en main ses affaires utilise tout ce qui se fait de plus sombre, avec en prime le grain (le gros grain même) de folie aboutit à une histoire intéressante bien que linéaire et sans les surprises de dernières minutes propres au personnage. Quant au Batman, il fait juste une apparition sur une planche à la fin, comme pour rappeler que c’est bien lui l’antinomie du Joker.

En outre le dessin est assez génial, en adéquation avec le glauque de l’histoire mêlée d’un soupçon de psychose. Le faciès du Joker n’est ici pas sans rappeler l’acteur qui a joué dans le Dark Knight de Chrisopher Nolan. Bermejoker (facile) a fait du très bon boulot avec un trait pas si fin et des couleurs virant vers le cramoisi.

Bien sûr Le Tigre sait parfois critiquer : je m’attendais de la part du Joker à un peu plus de rebondissements, et à part quelques méthodes franchement douteuses (faire littéralement la peau d’un ennemi par exemple) on ne retrouve que trop peu son attirance de vide et la non logique de ses réactions. Car celui-ci veut retrouver sa propriété, alors que le Joker que je connais est plutôt du genre à tout détruire sans but précis.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La folie du Joker entraînante, et le pauvre Jonny Frost est embarqué dans quelque chose où il n’en sortira pas indemne. Et c’est au cours de cette balade qu’il va nous donner son avis sur Gotham : ville gangrenée depuis toujours, le mal y habite peut être avant même sa construction. Le Joker n’est qu’un des symptômes, et rien ne semble pouvoir guérir la ville. Seul existe un Batman, qui fait ici l’effet d’un aspirine contre une tumeur du cerveau.

Il faut également saluer la propension outre atlantique à recréer un monde et une histoire en one-shot pour un personnage particulier. C’en est écœurant tellement à partir de héros sacralisés les Américains osent tout réessayer (rien à voir avec nos héros qui ne bougeront pas d’un iota). Du coup tous les personnages de l’univers Batman ont été réinventés au nom du réalisme de cette histoire : le Pingouin est un petit comptable de la pègre, Killer Croc n’est plus qu’un black sous stéroïdes ou Harley Quinn une stripteaseuse par exemple.

…à rapprocher de :

– Des mêmes amis, y’a Luthor qui mérite d’être lu – moindre claque ceci dit.

– Réinventer les personnages d’un univers, cette idée est assez bien poussée dans Superman : Red Son.

– Bermejo, en solo, a produit l’intéressant Batman : Noël.

– Si vous kiffez le Joker, il y a The Killing Joke d’Alan Moore. Écrit en 1988. Voire Le deuil de la famille (Snyder & Capullo). Moins bon hélas.

– Un méchant seul, c’est aussi La Splendeur du Pingouin. d’Hurwitz et Aaron. Correct.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Arnaud Le Guilcher - Pas mieuxIl y a des romans courts qui sont des vraies oasis de petite rigolade, malgré une trame de fond un peu poussive. En moins bien en fait partie, où tout n’est excès, improbabilité et médiocrité savante. Un pélican con, des bungalows décrépis, un teuton qui tourne en rond, une lune de miel foireuse, une fin cataclysmique, on est bien dans le irgendwas.

Il était une fois…

Le narrateur (dont on ne saura jamais le nom !), gentil looser alcoolo sur les bords, se marie. Il prépare un voyage de noces dans un camping (Sandpiper) qui vendait du rêve. Hélas rien ne se passe comme prévu, sa bien-aimée disparaît et un Allemand fait le mariole, attirant de plus en plus de monde. Le camping, pris d’assault, exacerbe le potentiel déconnant des personnages qui vont devoir gérer la notoriété soudaine du lieu d’habitude calme.

Critique de Pas mieux

Roman très one-man-shot (un écrivain inconnu pour une histoire hors du commun) qui a rempli son office. Rien à dire de ce côté, c’est pas mauvais du tout sans être l’évènement de l’année. Nombreuses péripéties, emballement total de l’histoire vers le premier tiers du roman, mais surtout des personnages hauts en couleurs qui méritent le détour. Vocabulaire imagé mais facile à lire, chapitrage court. Trois heures de petit plaisir à tout casser.

Néanmoins certains chapitres traînent parfois en longueur, voire exaspèrent lorsque le héros et ses comparses, sans anticipation, tentent de régler les problèmes un par un. Tout ça en se collant consciencieusement de solides miurges. A ce titre heureusement que Le Guilcher laisse le narrateur faire un break chez son patron japonais : enfin il se prend en main et retourne à une vie plus zen, participant à la polyvalence de la rédaction de l’ouvrage.

La fin est à l’image du rythme général et du ton du roman : époustoufflante et baignant dans l’humour noir. Celle-ci est si jouissive qu’elle permet même d’oublier les menues frustrations du roman ci-dessus expliquées.

Le Tigre profite de ce livre pour apporter une critique quant au 4ème de couverture. Lassen Sie mich erklären : un 4ème de couverture doit donner envie d’acheter le produit, et il est parfois recommandé (en ce qui concerne les livres de poche seulement) de glisser quelques critiques crédibles et exemptes de conflits d’intérêts. Pas comme un film où l’unique citation pour nous inviter à payer 10 € pour une daube est tirée d’une station de radio elle-même financièrement impliquée dans la production du navet.

Ici c’est pire. Parmi la poignée de citations il y en a une, forcément élogieuse, plutôt bien rédigée,…mais…hein ?…Sébastien Chabal ?…attendez voir, il y a un critique littéraire (ou journaliste) qui est un homonyme de l’illustre sportif ? Apparemment non, c’est bien lui. Alors soit c’est un de ses amis, soit Chabal lit autant que Le Tigre, soit c’est de l’humour au 3ème degré, mais il faudrait qu’on explique au Tigre ce que vient faire une critique d’un rugbyman dans un roman, aussi déjanté soit-il.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’humour noir, incisif, presque corrosif est partout présent et mérite bien quelques mots. Arnaud est parvenu à créer son petit monde, mais surtout à avoir ses expressions et un humour parfois borderline. Ce sont des mots, des tournures de phrase assez bonnes qu’on nous offre. Le Tigre aime ça et vous offre deux exemples (textes d’origine pas forcément respecté) :

Lorsqu’Emma est arrivée dans le bar, c’est comme si j’apportais une citerne d’eau fraîche dans un village éthiopien.

Le jour de la giclée fatidique, il a dû penser à une vieille tante moustachue, et pan, un spermatozoïde blindé de gènes de thon a conquis le saint Graal.

Ce n’est pas du Audiard, mais ça peut y ressembler. Il ne manque plus que l’auteur invective un peu plus le lecteur, et plus de sexe pour que Le Tigre croit tenir dans sa main un San-Antonio.

La fuite de sa très récente femme pousse le narrateur à décrire les affres de l’abandon, comment un homme peut devenir fou et « psychoter » dans son coin en l’absence de nouvelles. La folie d’un cœur brisé, tout d’abord, avec l’Allemand ivre de douleur qui passe ses journées à tourner en rond sur la plage en marmonnant le prénom de son adultère d’épouse. Jusqu’à épuisement. Et en laissant ses deux enfants livrés à eux-mêmes de surcroît ! Le désespoir d’un jeune homme, ensuite, qui a épousé une femme qu’il sait trop belle / bien pour lui, et pressentait qu’elle allait lui filer entre les doigts. L’abandon d’une journaliste, par le même héros (cercle vicieux s’il en est), qui se laisse irrémédiablement faner malgré les atouts qu’elle possède.

Le retour aux sources. Le héros déjà est un antihéros, plus gaffeur et looser que la moyenne, et semble incapable d’accomplir quelque chose de grand. Entraîné malgré lui dans une aventure qui à un moment prend des proportions qu’il ne peut assumer, celui-ci s’enfuit et va, pendant un certain temps, retrouver le chemin de la normalité voire de la rédemption. Retour aux sources pour son épouse également (Le Tigre n’en dira pas plus).

…à rapprocher de :

– La suite, Pas mieux, se défend honorablement. Emma revient, et pas seule !

– Sur la richesse du vocabulaire, les personnages qui se prennent en main et la fin en apothéose, Le Tigre s’est remémoré Le Seigneur des porcheries, d’Egolf. Attention, ce dernier roman est bien plus dense et meilleur, donc on ne compare pas !

– Sur l’abandon par l’être aimé, le désespoir qui suit,… Vous pourrez lire quelques sucreries de Nicolas Fargues, J’étais derrière toi par exemple.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Kem Nunn - Surf CityVO : Tapping the Source. Premier roman de Kem Nunn, auteur porté sur le surf s’il en est. La photo de garde du roman est bien choisie : au-delà de la qualité de l’image, avec un filtre tirant sur le violet (couleur ici du désespoir), c’est un homme seul dans sa quête que le lecteur s’apprête à lire. Écrit en 1984, traduit tardivement hélas. Mais rien n’a vieilli. Un bel ouvrage, où on est loin de l’image idyllique du surf en général.

Il était une fois…

Ike est un jeune paumé au fin fond des États-Unis. Avec son oncle il s’occupe d’une petite station service, loin des vices de ce monde. Pourtant il décide d’aller retrouver sa soeur, disparue en Californie du Sud sans donner de nouvelles. Il y débarque, apprend rapidement le surf et mène son petit bout de chemin. Au fil des rencontres et des sessions de surf, la douloureuse vérité commence à poindre.

Critique de Surf City

Petite note : le titre « Surf City », est une création purement française. Le titre original, que je traduis librement par « retour à la source », est à mon sens plus parlant : retour à l’origine de l’âme humaine, désenchantement par rapport à l’autre, ce qui résume assez bien le roman. En sus, taping the source, c’est un peu chasing the wave : aller titiller la vague là où celle-ci prend forme. Sans compter la sonorité générale, bien plus percutante.

Celui-ci commence doucement, le plantage de décor est sobre, puis tout s’enchaîne jusqu’à la fin. Celle-ci est peut-être légèrement décevante (en 1984 sûrement pas), mais les étapes pour y arriver sont captivantes. Car c’est une plongée dans la noirceur de l’être humain qu’Ike opère, et lui-même basculera dangereusement du côté sombre (Le Tigre ne parodiera jamais Star Wars).

Lu il y a quelque temps déjà, Le Tigre en garde néanmoins un sentiment de malaise. Un jeune bien sous tout rapport qui pour découvrir la vérité va commettre des actes auxquels il n’aurait pas songé. S’installer dans une ville nouvelle, rencontrer des gens, apprendre le surf, OK. Se faire rabatteur de filles faciles en les appâtant avec des joints, puis filmer ses exploits sexuels, moins OK. Un engrenage bien huilé, l’effet d’entraînement de l’entourage, le sentiment de liberté excessive, on sent presque l’expérience réellement vécue que Kem nous relate.

Kem Nunn est en plus passionné de surf, et ça se remarque. Les descriptions des scènes de glisse, les techniques de surf mises en oeuvre, c’est aussi du vécu. En plus de la glisse, c’est le monde des surfeurs de la fin des années 70 que le lecteur découvre : new age, libres, mais terriblement égoïstes et réalistes. Le « no frontier » puisque l’océan n’en n’a pas non plus, l’immensité et la richesse de l’environnement comme catalyseurs des comportements à risque. Bref, que du beau, surtout quand on est loin d’un happy end.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Sea, sex, sun and drugs. Et même pas de rock ! Drogue et surtout violence (de moins en moins déguisée), voici le décor du livre. La violence des échanges (par le sexe notamment), l’antinomie entre l’environnement (les plages, le soleil) et les hommes n’a jamais été aussi présente dans un polar. Polar noir avant tout, Surf City ne s’offre pas à son petit neveu qui vient d’acheter sa petite planche en mousse.

Surf City est également ce qu’un professeur de français du XXème siècle appellerait sobrement « ‘un roman d’apprentissage ». Le héros, tout de blanc vêtu, va lors de ses recherches s’apercevoir que les hommes peuvent être très méchants. Et lui-même, pour remplir sa quête, virera franchement au gris foncé. La solitude d’Ike, le destin horrible d’un de ses proches, l’envie de découverte alors que quelqu’un d’un peu prudent n’hésiterait pas à rejoindre sa station service en plein désert, comment ne pas s’attacher au héros ?

…à rapprocher de :

– Du surf, et encore du surf : le second roman, Le sabot du diable, part des mêmes bases, pour un résultat surprenant. Tijuana Straits, plus « polar », a son héros ancien surfeur qui livre quelques souvenirs.

– Le surf à l’honneur, c’est surtout Respire, de Tim Winton. Attention, pépite littéraire.

– Sur la découverte d’un monde « souterrain » que le héros ne soupçonnait pas forcément, Le Tigre vous renvoie vers le glauquissime Satan dans le désert, de Boston Teran (même éditeur by the way).

– Sur l’aspect « roman d’apprentissage », regardons ensemble à nouveau Point break, avec Keanu Reeves : même environnement, même fin un poil bâclée, même plaisir général. D’ailleurs Le Tigre a cru remarquer ne pas être le seul à faire le lien.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Jonathan Littell - Les BienveillantesHa ha ! C’est non sans fierté mêlée de souffrances indicibles que Le Tigre a lu TOUT le roman. Et dès que celui-ci est sorti, le gros format qui fait un peu mal à la tête. Evènement de la rentrée littéraire de 2006, offert à noël, le piège : il fallait absolument le lire. Cinq ans après, le verdict (qui n’a pas changé). Un grand roman, trop complexe pour en comprendre, à mon niveau, les subtilités.

Il était une fois…

Le narrateur, Maximilian Aue, fouille dans sa mémoire et nous livre cinq années de sa jeunesse en tant qu’officier SS. De ses débuts dans l’Allemagne nazie jusqu’à la fin dans le zoo de Berlin, en passant par la France ou les arides décors de l’Est, c’est toute une épopée qui est jouée, sur fond de références multiples.

Critique de Les Bienveillantes

Je ne sais pas ce qui a pris à Littell Jr de se lancer dans la rédaction d’un tel bouquin. C’est trop. Trop bien documenté déjà, le lecteur est plongé dans l’histoire, rien n’est laissé de côté niveau description, l’écrivain nous offre même à la fin du livre un dictionnaire pour ne pas perdre pied avec les termes utilisés par les nazis. On sent le travail du thésard (taiseux, hélas non) qui a compulsé des kilos d’archives dans tous les coins et les ressors un peu partout, comme s’il voulait tester la patience du lecteur.

Trop réaliste, en considérant que ça puisse être une tare. Description froide, minutieuse, des passages sont réellement douloureux à suivre. J’ai par exemple en tête des pages et des pages de réflexion du narrateur et de son équipe qui se demandent si telle tribu de l’Oural (composée d’une dizaine de péquins) pouvait être considérée comme juive ou non, ce qui allait sceller leur devenir au sein du reich millénaire. Passage long, intéressant, mais le lendemain Le Tigre ne se souvient de rien.

Paradoxalement, heureusement que le narrateur est malsain par certains côtés : ses dérives sexuelles (je ne parle pas de l’homosexualité, entendons-nous bien), son métier délirant, ses passages de folie, notamment quand il est dans les vapes à la suite d’une balle reçue, viennent ensemble interrompre la monotonie descriptive du gross pavé.

Et puis la ponctuation et le chapitrage. Nom de zeus. Trois ou quatre chapitres sur près de 1.000 pages (livre grand format), des retours à la ligne quasiment inexistants, des sauts de pages attendus comme autant de prophètes, j’ai cru un moment que c’était une blague. Combien de fois le Tigre a espéré en vain l’escroquerie, qu’au milieu du livre des dizaines de pages blanches auraient été insérées comme l’aurait fait un étudiant trop feignant pour pipeauter.

Bref, préférer les polars de son père, Robert Littell. Le Tigre reconnaît n’être pas suffisamment armé en patience, voire en intelligence pour produire une critique constructive sur ce roman, mais là je n’ai rarement eu autant l’impression d’en être le mauvais destinataire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les thèmes sont nombreux, wikipedia s’en charge très bien. C’est pour cela que le Tigre va plutôt parler des thèmes relatifs à la lecture d’un tel pavé. Pourquoi, comment,…

Déjà pourquoi : on n’achète pas un tel truc, on se le fait offrir (par son meilleur ennemi ai-je envie de rajouter). Parce que celui qui achète ça est (au choix) : un misérable follower, un professeur de philologie à l’ENS (ou ailleurs hein), un curieux excessif, un amateur de beaux romans, un retraité,… Et je le reconnais, qu’on me l’offre m’a à la fois donné une excuse et une obligation de le lire.

Cette oeuvre est l’archétype du livre qu’on doit lire pour ne pas paraître con en société. Pouvoir en parler l’air de rien et susciter l’admiration de son entourage. Avoir une certaine autorité, voire être le seul à l’ouvrir si le sujet vient sur la table. Alors que neuf dixièmes des lecteurs ne vont se souvenir de rien ! Le Tigre a découvert qu’un critique n’est pas forcément obligé de lire/regarder/écouter l’objet de son métier, il lui suffit parfois de le parcourir tout en ayant une solide culture générale.

Ensuite comment lire ça. Le Tigre répond sans hésitation : le plus vite possible, en mode « les pages me brûlent les doigts ». C’est simple : le livre fait 1000 grosses pages. En lisant correctement, à raison de deux minutes par page en moyenne, on arrive à environ 32 heures de lecture. Pour ma part ça a été plutôt 35 heures, en une semaine, chaque soir du lundi au vendredi, de 21h à 2h. Il y a de meilleures manières de perdre son temps.

J’ai atteint, malgré moi, des summums d’ennui, et depuis Les bienveillantes je n’hésite plus à abandonner toute lecture qui me rappelle cet état d’esprit. Même sur un roman de 200 pages, parce que qui dit long ne dit pas forcément chiant (et inversement). Par exemple, le cycle de L’aube de la nuit d’Hamilton ou la tétralogie de Reynolds dépassent les 4 000 pages, pour notre plus grand plaisir. Idem pour La Tour sombre de King.

Enfin, parce que Le Tigre aime finir sur un bon point, la finesse promotionnelle de l’auteur est à saluer. Mettre un titre que personne ne comprendra au premier abord, ni même à la fin du roman, c’est astucieux comme tout. Un titre qui ne résume rien, et dont la sonorité, simple mais percutante, apporte une fluidité que le texte n’a pas.

…à rapprocher de :

– Pour Le Tigre, le fin du fin a été atteint lorsqu’on lui a dit d’où venait le titre : une référence à une tragédie d’Eschyle, le même Eschyle dont la lecture des œuvres complètes a entraîné un ennui semblable à la lecture du kolossal Buch. La boucle est bouclée.

– L’Allemagne nazie, en restant à Berlin et du côté des victimes : Seul dans Berlin de Hans Fallada.

– Quelque chose d’aussi long et parfois abscons, c’est très fort et peu de livres ont osé faire de même. En vrac : les Laboratoire de catastrophe générale de Maurice G. Dantec, la Bible,…

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (en poche, mais ça ne réduira pas votre migraine). 

Neil Gaiman - Sandman : brief lives7ème tome de la saga, read in English please ! Ayant pas trouvé l’équivalent français, Le Tigre, armé de son courage et de quelques pounds en poche s’est risqué à le lire dans la langue originale. Et les traductions françaises tiennent bien la route en général. Quant à cet opus, c’est loin d’être le meilleur lu. Hélas.

Il était une fois…

Delirium souhaite retrouver son frère dont le nom sera tardivement révélé même si le lecteur chronologique sait de qui il s’agit. Pour cela elle demande l’aide de Dream, pas franchement emballé à l’idée de le retrouver. A côté, ledit frère se prépare à les accueillir avec son fidèle chien parlant (rien ne m’étonne plus chez Gaiman). Le trouver ne sera pas aisé, et le chemin pour y parvenir sera pavé de nombreux décès. Et de rencontres très intéressantes parfois.

Critique de Sandman : brief lives

Curieusement j’ai vraiment eu un peu plus de mal avec celui-ci. Je vous vois arriver avec vos « ah mais dès que ce n’est plus en bon français Le Tigre est à la ramasse ! Il s’endort devant des phrases qui lui semblent avoir plus d’un COD ! ». Sans doute. Il n’empêche que cet opus me semblait réellement plus long, même si le tout reste cohérent et la quête du frangin est parfois digne d’intérêt, notamment sur les modalités de passage d’un monde à l’autre.

C’est pour ça que l’Anglais n’arrange rien à une foultitude de petits griefs à formuler au sieur Gaiman, namely : la taille des bulles qui parfois fait qu’on doit s’accrocher sévère pour ne pas perdre un mot en route, les digressions qui ont rendu cet ouvrage particulièrement long, la fin qui ne reçoit pas l’apothéose tant légitimement attendue de l’auteur.

Pour l’instant c’est le moins bon Sandman lu, et ce malgré quelques chapitres dignes d’intérêt qui auraient pu constituer de petites histoires indépendantes de l’intrigue principale.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La quête d’un être aimé mâtinée de thriller (oh elle est belle cette phrase nominale). Un peu comme le premier tome de la saga, Dream est en pleine quête : avant il s’agissait de ses objets et il était très motivé, ici c’est son frère et il n’a pas trop envie de le retrouver. Pour Delirium le trouver semble plus que nécessaire, et il ressort de ce roman une sorte de parcours initiatique pour elle. Il n’y a pas vraiment d’énigmes, disons que les indices tombent plus ou moins cuits dans la bouche des deux membres de la famille.

La déification. Les dieux sont presque mortels, et un des chapitres nous offre un exemple poignant. Dream rend visite en rêve à une vieille déesse qui n’est en fait que déchéance. Des millénaires avant celle-ci était courtisée de toute part, piochait parmis les nombreuses prières qu’on lui adressait, sa force dépendait des efforts des hommes faits en son nom. Maintenant elle a surtout l’air d’un animal apeuré prisonnier d’un de ses temples.

Ce tome est aussi un essai sur les raisons de l’existence des Eternels. Destruction les définit comme les opposés de caractéristiques toute humaines : Dream représente la réalité, Death la vie, et Destruction n’est rien de moins que la création. La création se portant très bien, ce dernier s’est dit que sa présence n’était plus nécessaire. On retrouve la trame de base de certains comics, où le héros ne peut exister sans son « anti », qu’on appelle alors super-vilain. « super » car, étant plus qu’un homme, incarne le mal, seul notion digne d’être combattue par le héros.

L’amour paternel enfin. Je ne spoilerai pas plus, mais on a un bel exemple de décisions difficiles à prendre, dans la veine de celle prise par Abraham.

…à rapprocher de :

American Gods, du même auteur, traite également des dieux déchus et de leurs préoccupations quotidiennes (cf. Bast dans le chapitre 6 du présent livre commenté, et qu’on retrouve dans le titre cité).

– Sur les autres Sandman lus par Le Tigre et résumés sur QLTL, en vrac il y en a ici, , encore ici ou de ce côté.