Todd Strasser - La VagueSous-titre : Cela commence par un jeu et finit en dictature. VO : The Wave (Die Welle, c’est le téléfilm originel des années 80, ne confondez pas). Ou comment montrer à une bande de boutonneux en pleine croissance la manière de créer les conditions d’un état totalitaire dans lequel tous sauteront à pied joint. Un roman aisé à lire qui mériterait de devenir un petit classique.

Il était une fois…

Ben Ross, professeur aux States, donne son cours sur la Seconde Guerre mondiale. Et, encore une fois, ses élèves s’étonnent de la facilité avec laquelle une populace peut à ce point suivre aveuglement son leader. C’est alors que Benny a l’idée de mener une petite expérience à l’échelle de sa classe. Il instaure un système progressivement autoritaire axé sur la discipline (de groupe surtout). Et ça marche, non seulement les gosses sont plus attentifs, mais en plus ils kiffent grave se prendre pour l’élite. Tellement d’ailleurs que ça fait flipper le prof qui préfère rapidement mettre un terme à l’expérience….

Critique de La Vague

Avant de lire ce roman, il convient de savoir deux-trois choses dessus. D’une part, La Vague a été écrite (et est tirée) d’après un téléfilm du début des années 80 réalisé par Norman Lear. Or, ce téléfilm s’inspire plus ou moins librement de l’expérience américaine de Ron Jones dans les années 60, rendue publique au milieu des années 70. Avec ce que ça comporte comme difficulté de recouper ce qui est vrai du fantasme.

Bref, tout ça pour vous dire qu’il est facile de s’emmêler les pinceaux et de savoir de quoi on parle vraiment, ce bouquin étant une histoire d’après une histoire d’après une histoire (arf). Sans compter que, comme une buse, Le Tigre a lu ce roman avec les images du film allemand de 2008 (cf. infra). Heureusement, l’idée générale est plus que facile à saisir, et le résultat est cette terrible question : si j’avais été à la place des étudiants embrigadés, qu’aurait été ma réaction ?

Car ce qu’il se passe dans le lycée de Ben Ross est impressionnant : de plus en plus d’élèves assistent à ses cours, et il parvient à rassembler à ses côtés des fans qui rendraient envieuse n’importe quelle secte. Et, lorsque le prof veut arrêter les frais, ce n’est pas aussi simple que cela. En conclusion, ça doit se lire. Mais, à ce prix (et temps passé), autant regarder le film allemand de 2008 de Dennis Gansel, surtout que Todd Strasser a aidé à écrire le scénario. A bon entendeur…

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Trivialement, ce roman présente, par le menu, comment il est possible, de nos jours, de rallier sous un même drapeau un groupe de personnes qui se pensent intellectuellement aguerries. Ben Ross expose  ses idées assez benoitement au début, et il augmente tranquillou la cadence d’autoritarisme – et de fascisme. Jusqu’à parvenir à des slogans du style «  »le pouvoir par la discipline ! Le pouvoir par la communauté ! Le pouvoir par l’action ! ». Pas très fin au premier abord, mais les objectifs affichés avant d’en arriver là sont plus que louables. Par exemple on commence par porter tous le même uniforme (pour soi-disant éviter toute discrimination), et dans La Vague ça monte vite à la tête.

Énième apport supplémentaire du roman (donc du téléfilm), il y a une petite histoire d’amour, forcément contrariée. En effet, deux protagonistes qui sortent ensemble n’ont pas la même vision de ce qu’il arrive. D’un côté, David est à donf’ et suivrait le prof jusqu’au bout (c’en est triste), épanoui par ce nouvel ordre dans la classe. De l’autre côté, sa copine, Laurie, qui au passage s’occupe du canard du lycée, regarde d’un œil inquiet sur ce qu’il se passe. Jusqu’à lutter frontalement contre la « vague », trop grosse pour qu’une seule personne puisse l’arrêter à la force de ses mots.

…à rapprocher de :

– Au risque de dire une énormité, y’a Nothomb qui aborde ce sujet (de loin, certes) dans Acide sulfurique. Très moyen.

– En matière de film, y’en a partout partout sur ce thème. Notamment sur l’expérience de Stanford, avec L’Expérience, d’Oliver Hirschbiegel.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Goscinny & Uderzo - Alstérix et LatraviataLe petit Gaulois à la vive intelligence et son obèse copain sont de retour, et ce n’est pas fameux du tout. La magie des premiers tomes est bien loin, voici comment une idée porteuse peut être allègrement gâchée. Deux jolies Falbala qui roulent du cul dans la nature, quelques speed datings organisées par les mères des héros, et, malgré ça, même pas une petite séance de cul.

Il était une fois…

Les gentilles mamans de nos deux héros (leurs papas restant à faire du commerce) débarquent dans le village des irréductibles pour l’anniversaire des deux célibataires. Car elles sont bien décidées à marier leurs fils – passages inutiles au demeurant. En guise de cadeau, un somptueux glaive et un casque leur est offert. Sauf que c’est celui du bon Pompée, le même qui veut chier dans les bottes de César – historiquement, c’est un peu l’inverse. Alors le gros Consul va demander au préfet de Condate de récupérer ses biens. Comment ? En utilisant un sosie.

Critique de Astérix et Latraviata

Allez hop, on prend au pif ce qui traîne dans la bibliothèque de la vieille tante, et voyons voir ce que ça donne. Après une trentaine d’albums d’Astérix déjà publiés, voici le premier opus du 21ème siècle. Et bah, à part les illustrations, les glorieuses aventures du Gaulois sont bien loin.

La fameuse Latraviata (référence triviale à ce pauvre Verdi), c’est une actrice qui sera engagée pour prendre la place de Falbala, la nana dont nos deux puceaux sont raide dingues. Un peu comme dans La Zizanie, l’arrivée de la belle (qui a une mission bien déterminée) va provoquer quelques tensions au sein du duo de choc. Après moults péripéties plus insignifiantes les unes que les autres, les protagonistes réussiront à libérer leurs pères (des clones, en plus vieux) et, accessoirement, aider César dans sa guerre pour récolter le pouvoir.

Hélas, mille fois hélas, toute cette histoire fleure mauvais, l’absence de Goscinny commence sérieusement à se voir. Le scénario est une petite pépite d’incohérences et d’improbabilités accumulées. Et je ne parle pas des caricatures répétées (un dauphin gentil, chouette ; les batailles grossières) qui, lorsqu’on a dix piges, ne se voient guère…jusqu’à ce qu’on les relise quelques années après.

En conclusion, un opus qui, à vouloir ne pas prendre de risque, est désespérément fade. La seule nouveauté est une dispute qui, exceptionnellement, se termine en baston entre les deux héros (un n’ayant pas toute sa tête, j’en conviens). Pour une telle première, le scénario aurait mérité d’être mieux ficelé. J’aurai pu mettre la plus mauvaise note à Latraviata, toutefois les tomes qui suivront seront pires.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Chose assez rare, cette partie n’accusera qu’un seul paragraphe. Il n’y a pas de raison que je me fasse plus chier à rédiger cette chronique que les auteurs leur album. Aussi je m’intéresserai aux menues piques concernant les antagonismes entre la cité (Rome, Condate) et la « paysannerie » du village armoricain.

En effet, la pauvre actrice grimée en Falbala a l’impression d’arriver chez des ploucs, sauf que les gags qui auraient pu être tirés d’une situation de la sorte n’ont pas été exploités. Pas une seule fois la difficulté de se fondre dans le village tenu par un chef coléreux n’a été abordée. Comme si Astérix chez les Normands, avec ce petit ingrat de Goudurix, avait oblitéré toute tentative des auteurs. A peine si Latraviata remercie les bouseux à la fin en affirmant qu’elle s’était méprise sur eux.

…à rapprocher de :

– Pour l’instant, traînent sur le blog (par ordre de publication) : Le Devin (ça passe) ; Astérix en Corse ; La Grande Traversée ; Le Papyrus de César (ça aurait pu être pire).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

EncycatpediaLe Tigre ose tout, et c’est à ça qu’on reconnaît un félon..euh félin. Au risque de perdre quelques lecteurs, je vais aborder un sujet délicat – autant que la viande de chat. Déjà, pourquoi est-il possible de manger un tel met ? Tout est question d’acceptation et de curiosité. Ensuite, quel goût a cette viande ? Bœuf, veau, lapin, chien, poulet ? Cela dépend de la qualité du produit. A table les amis.

Peut-on manger du chat ?

Pour un sujet touchant à un fort sympathique (quoique..). animal qu’on n’imagine guère finir dans une assiette accompagné d’un bon Beaujolais (oxymoron), je vous prie d’excuser le style objectif (sinon scientifique) avec lequel je vais développer mon argumentation.

A mon sens, le problème principal relève de ce qu’on appelle les tabous alimentaires. Un tel tabou est une sorte d’interdit qu’un individu se pose pour refuser toute alimentation à base d’un certain produit. Certains sont végétaliens, une partie non négligeable refuse de bouffer du cochon, sans compter les connasses qui froncent du nez devant de la viande rouge mais tapent régulièrement dans de la pâte à tartiner à base de noisette – vous savez, celle qui est responsable de correctes déforestations en vue de planter des palmiers à huile ?

En ce qui concerne Le Tigre, les tabous alimentaires se limitent à deux. D’une part, je refuse de manger un autre individu de mon espèce – autre, car se nourrir de ses peaux mortes et crottes de nez n’est pas répréhensible. Si vous êtes un être humain, cela signifie que croquer un semblable devrait vous être interdit….en revanche, un autre primate (singe, BHL) pourrait faire l’affaire. D’autre part, je me refuse à manger une espèce en voie de disparition. Inutile de développer ce dernier point.

Concernant les barrières morales susceptibles de m’empêcher de manger du chat, je les ai tranquillement abolies. Non sans classe. On m’a souvent rétorqué quelques arguments fallacieux, que je vais rapidement résumer – en plus d’y répondre. Un chat, c’est :
1/ Un animal de compagnie. Certes, mais réfléchissez : les lapins ou les chevaux le sont aussi. Et c’est délicieux. Suivant.
2/ Un être intelligent. Voui, et comment est déterminée l’intelligence ? [à ce moment, la discussion devient tellement bordélique que le sujet principal est vite oublié] Suivant.
3/ Un joli minois. Regardons alors ensemble le film Babe, avec le mignon cochon, et mangeons ensuite un filet mignon. Suivant.
4/ De la maltraitance. A ce moment, j’invite mon contradicteur à visiter un abattoir.
5/ Pas dans notre culture culinaire. Grâce au Tigre, ça le redeviendra. A votre avis, dans la chanson de C’est la mère Michel, qu’a fait le gros Lustucru du chat de la vieille conne ?

Concernant les barrières légales, rien en France ne vous interdit de manger du chat. Mais si vous le préparez vous même, il conviendra de respecter les lois relatives à la mise à mort d’un animal hors établissement d’abattage – c’est dans le Code rural, si j’ai bonne mémoire : grossièrement, pas de souffrance inutile et une pétée de règles d’hygiènes assez contraignantes.

Ce qui retient la plupart des individus relève donc d’un manque d’acceptabilité sociale de la consommation d’un félin, ce qui est compréhensible. Le responsable est, à mon avis, le bruit que fait l’animal qu’on compte manger. Marchez une fois, pour essayer, sur la queue d’un chat. Ce que vous entendrez alors n’est pas loin du cri d’un bébé en pleurs. Rien à voir avec la gueulante d’une truie, le chat qu’on maltraite émet un son qui touchera tout humain normalement constitué – très malin comme animal. Aussi, pourquoi faire tant de mal à une bête qui nous émeut à ce point ?

Quelle est la saveur d’un chat ?

Ça y est, on attaque le fond du sujet. Au risque de vous décevoir, il m’est en effet arrivé de manger du chat. A trois reprises dans un endroit que je ne citerai pas – de toute façon, je n’ai jamais pu correctement prononcer 广西. Et c’était bien moins cher que du bœuf. A titre personnel, ça ressemblait à du lapin, mais en plus sec. Mangeable, hélas sans plus.

Lors de la dernière dégustation, et curieux comme je suis, j’ai demandé à accéder à l’arrière-boutique histoire de remercier (et taper la discute) au cuisinier du restaurant familial. Le serveur m’a alors présenté sa grand-mère avec qui j’ai pu m’entretenir une bonne heure – avec le petit-fils en guise de traducteur, la vioque parlait trop vite. Et ce que j’ai appris sur la saveur des chats est édifiant.

Premièrement, elle m’a confirmé ce que je craignais : faire des comparaisons avec ce que l’on connaît peut être vain dans la mesure où elle a entendu tout et son contraire. Ce n’est pas la première fois qu’un touriste lui a fait le rapprochement avec du lapin, même si le plus souvent c’est le porc qui est cité. Une fois, il y a eu même une brochette de d’obèses américains qui ont cru reconnaître la saveur du poulet – peu étonnant quand on voit comment est préparé la bouffe d’un KFC. Tout dépend de la précision de son palais, et à ce petit jeu de comparaison les avis diffèrent trop.

Deuxièmement, le goût dépend bien évidemment de la manière dont c’est cuisiné. A part notamment le mouton ou les rognons qui, par défaut, ont un goût fort prononcé, vous pouvez donner quasiment n’importe quelle saveur à la viande de chat. D’un tartare à qui ont fait un léger aller-retour sur la plaque à un ragoût surépicé qui a mariné des heures, impossible de savoir qu’on déguste la même épaule de minou. A la rigueur, la couleur reste la même (brun foncé), tout comme l’aspect général – morceaux relativement petits et compacts.

Troisièmement, cela dépend enfin de l’aspect du bestiau qui sera cuit. Normalement, la grand-mère utilisait des chats plutôt jeunes et peu nourris, c’est pourquoi j’avais trouvé le plat assez sec et la viande maigre. Un félin mince, ce n’est que du muscle qu’il faut cuire plus longtemps. Mais lorsqu’on engraisse un peu plus son futur déjeuner, ce qui mijote dans la casserole pourra fortement ressembler à la viande de pot-au-feu. Le résultat sera plus mou sous la dent, voire un peu écœurant à cause d’un aspect plus gélatineux.

A table !

Voili voilou, à l’instar du petit Jésus, le fauve vous encourage à manger du chat. Celui-ci, quelque part, est mon corps. J’attends surtout vos retours d’expérience pour le goût que cela a.

Pour faire une ultime comparaison, je peux vous confirmer que la viande de chien est meilleure. C’est bien la seule fois où cette stupide espèce surpasse les félins, et on voit bien où est la place naturelle des canins – entre l’entrée et le fromage.

Dans un autre billet, je vous donnerai une recette pour cuisiner de la viande de chat. En attendant, vous pouvez aller à la chasse et dépecer le minou – je ne compte pas vous apprendre comment, la manipulation est proche de celle d’un lapin.

Michel Rabagliati - Paul dans le métroSous-titre : et autres histoires courtes. Voici une petite dizaine de souvenirs, plus ou moins intéressants, de Michel Rabagliati avec son alter-ego, Paul. Il y a de tout, néanmoins ça n’atteint pas le niveau d’émotion d’autres de ses titres. De Début poussif, rattrapage progressif pour un final mignon comme tout.

Il était une fois…

Paul dans le métro, avec les pérégrinations du héros dans les malls (et subway) ; Paul défait ses boîtes nous montre à quel point avoir trop de BDs peut être handicapant ; Paul Mosquito « C » retrace sa courte carrière de joueur de baseball ; Paul fait du ski pendant une courte journée, et ça coute bonbon ; Paul à la quincaillerie, ou le grand bricoleur du dimanche à l’œuvre ; quelques Paulardises (une recette de cuisine) ;  dans Tourisme extrême, Paul propose une visite vivifiante de Montréal ; Men in Black explique le premier contact avec l’éditeur ; Cuisine-radio porte bien son nom ; enfin Bloopers est une sorte de best-of rigolard de ces histoires (pas mal du tout au demeurant).

Critique de Paul dans le métro

Rabagliati est une valeur sûre, et comme d’habitude Le Tigre attend énormément de cet auteur. Ce roman graphico-autobiographique, qui a été publié après quelques titres de qualité, m’a relativement déçu par 1/ sa taille (terminé en une dizaine de minutes) et 2/ les sujets abordés, pas aussi finauds que d’habitude.

Au moins, le lecteur aura le droit à quelques rapides saynètes qui ne se définitivement pas sujettes à une quelconque prise de tête. On retrouve y quelques personnages vus dans d’autres albums (la grand-mère décédée par exemple), en plus d’en apprendre plus sur Michel Rabagliati – que ce soit ses talents de constructeur ou comment il a rencontré celle qui deviendra sa femme.

Bref, une petite sucrerie souvent amère sur le temps qui passe (et certaines choses pas si immuables que cela), servie par des illustrations qui sont loin d’être parfaites : le dessin, noir et blanc (as usual) est encore approximatif et les cases (généralement petites) ne parviennent pas encore à s’imposer. Quoi de plus normal pour un recueil de travaux disparates et publiés il y a déjà longtemps.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le premier thème qui m’a bien fait marrer est la manière dont l’auteur a tenté de présenter les différences de la vision des choses version homme / femme. Voilà un exercice qui aurait pu faire montre de misogynie (sa femme ne l’aurait pas permis, eu égard son caractère), cependant Michel R. est parvenu à montrer quelque chose d’assez juste : une vision en 3D et excessivement matérialiste de Paul lorsque son épouse s’imagine une pièce immaculée, sans les tuyauteries associées ; tandis que celle-ci est douée d’une intelligence émotionnelle (qui confine à la prescience) dont le mâle est dépourvu.

Aspect intéressant, une histoire s’échappe joliment de la réalité pour verser dans l’onirique, à savoir Paul en présentateur radio des années 50 qui fait péter ses bons mots pendant une émission de cuisine. Tout n’est qu’oralité, et à la fin de la prestation plane le spectre d’une nouvelle invention, certes balbutiante : la télévision. Les réactions des protagonistes sont celles de tout conservateur face à une innovation technologique, et la condescendance face à la TV (une « mode qui ne dépassera pas six mois ») est d’une ironie volontaire qui, de nos jours, n’a guère changé.

…à rapprocher de :

– Rabagliati a une jolie collection avec le fort sympathique Paul : Paul à la campagne, Paul a un travail d’été, Paul en appartement, Paul à la pêche, Paul à Québec, Paul au parc, Paul dans le Nord. Pour l’instant j’espère.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman graphique en ligne ici.

DodécaTora« Salut Tikkeri, ça biche ? Toi qui sais bien mieux lire que chanter, ça te dirait de redorer le blason de la noble Scandinavie ? Faut juste que tu balances les noms de quelques auteurs du cru particulièrement connus pour leurs romans policiers, ça ira ? A plus. Signé : ABBA. PS : arrête de harceler nos chanteuses, espèce de vieux pervers ».

Douze écrivains venus du froid

Parlons d’abord géopolitique : nordicité n’est pas synonyme de scandinavité, qui théoriquement regroupe seulement la Suède et la Norvège. Aussi, lorsque Le Tigre évoque les Scandinaves, il pense également aux Danois, leurs cousins Groenlandais (histoire de les garder arrimés à l’UE), les Finlandais et même les Férigiens – 50 000 habitants à la dernière pesée. Quoiqu’il en soit, les éditeurs et lecteurs ont rapidement extrait de leur base de données de polars ceux écrits par les habitants de ces contrées.

Cette extraction est faite à juste titre, car après avoir lu des dizaines de polars de ce genre, voici ce que le fauve retrouve souvent (dans le désordre) :
– Un écrivain né dans les années 50 (d’après ma modeste expérience) ;
– Un même héros dans les bouquins qu’on prendra plaisir à voir évoluer ;
– Héros bourru, flic ou ex-flic et ayant un vice qui en fait presque un marginal ;
– Des scènes d’action limitées, la matière grise du protagoniste (qui ne pète pas la forme) étant plus efficace ;
– Critique acerbe de la société dont le verni s’écaille gravement, avec des méchants ayant un rapport avec le pouvoir ou l’argent ;
– Travail de qualité sur l’unité de lieu – dépaysement garanti, temps déprimant qui s’accorde avec les protagonistes ;
– Travail de qualité sur l’unité de temps – descriptions d’un pan de l’historique du pays immersives ;
– Des noms de protagonistes à coucher dehors.

Vous trouverez donc une douzaine auteurs venus du grand nord (rien à voir avec des Ch’tis) et qui ont su montrer leurs preuves. Je n’en ai pas lu énormément, et à mon sens il y en a un peu trop dans les étagères des librairies. Pour le choix ci-dessous, j’ai fureté dans ma bibliothèque, demandé à quelques sommités intellectuelles (mon chat) de m’aider, et regardé qui a gagné le Prix Clé de verre – récompensant les auteurs scandinaves de littérature policière.

Tora ! Tora ! Tora ! (x4)

1/ Stieg Larsson

Le voilà, le responsable. Décès prématuré ou saga Millenium au succès insolent, Tigre ne sait pas qui de l’œuf ou de la poule a ouvert les hostilités. Au demeurant, l’auteur suédois aux idées généreuses (antifasco/raciste/extrémiste) a contribuer à grandement populariser les écrivains nordiques – du moins dans l’Hexagone. Je mets volontiers cet auteur en premier choix dans la mesure où je n’ai lu (ni ne compte lire) aucun de ses romans.

2/ Henning Mankell

Mankell, c’est un peu la base, un Marie Higgins Clark suédois dont la bibliographie impressionne par sa taille et la récurrence du héros principal, Kurt Wallander. Le lecteur évoluera dans un univers cohérent, entre Ystad et d’autres bourgades franchement déprimantes où le bon commissaire, avec une méticulosité toute militaire, va mener ses enquêtes. Pour ce que j’ai lu, je m’étais un poil ennuyé (par exemple avec L’homme qui souriait).

3/ Arnaldur Indriðason

A peu près mêmes remarques qu’avec Mankell, en remplaçant Wallander par Erlendur Svensson et ses problèmes de famille (notamment sa toxico de fille). A la différence d’Henning, Le Tigre s’est bien régalé (ici, ou encore par ici). C’est dingue comme l’Islande, petit pays s’il en est, parvient à pondre des artistes complets – Arnaldur, Sigur Ros, Bjork, etc.

4/ Jo Nesbo

La Norvège à l’honneur avec des romans plus corrosifs grâce à l’inspecteur Harry Hole, caricature de flic alcoolo et clopant comme un pompier cancéreux. Le truc sympa avec cet écrivain est qu’il fait voyager son personnage principal aux quatre coins du monde – à se demander ce qu’un pauvre flic d’Oslo a le droit de faire en Australie… Faudrait que j’en résume quelques uns sur QLTL d’ailleurs.

5/ Maj Sjöwall et Per Wahlöö

Un couple d’écrivains, ça ne court définitivement pas les rues (Nicci French, à la rigueur). Mus par la volonté de monter l’envers du décor suédois, les tourtereaux ont produit une dizaine de polars (un par an environ) dès le milieu des années 60. Le héros récurrent est ici Martin Beck, encore un flic. Si on ne m’en a dit que du bien de ces auteurs, c’est que ce doit être une valeur sûre.

6/ Camilla Läckberg

[elle a l’air plutôt mignonne, ce qui ne gâche rien] Étoile montante des années 2010, Camilla s’est fait connaître en France grâce à La princesse des glaces, qui a eu un succès conséquent. Ce roman a introduit deux héros que le lecteur pourra retrouver par la suite, souvent sur fond de mystères à l’échelle d’une petite communauté. Pas sûr que ça me plaise vraiment, mais je garde cette référence dans un coin de ma tête.

7/ Gunnar Staalesen

Presque des romans sociétaux avec le détective Varg, ancien flic qui a tapé un peu trop fort sur un suspect. D’après ce que j’ai compris, la plupart des intrigues naissent dans la ville norvégienne de Bergen (et peuvent s’étendre autour), cité qui serait presque l’héroïne des romans à mesure que le lecteur la voit évoluer. Pour ma part, je me suis arrêté à La femme dans le frigo, qui m’avait bien déçu.

8/ Karin Fossum

Encore un auteur Norvégien multirécompensé, encore un inspecteur récurrent (Konrad Sejer de son petit nom), encore des livres que je n’aurais jamais le temps de lire. Si Le Tigre a mis la petite Karin dans le présent DDC, c’est parce qu’elle a déjà plus d’une vingtaine de romans à son actif. C’est donc loin d’être une touriste littéraire.

9/ Åke Edwardson

Un Suédois (né dans les années 50) qui met en scène un commissaire de police à Göteborg…attendez voir…ce serait presque du Henning Mankell, d’ailleurs les critiques le comparent souvent à ce dernier – pas sûr qu’il en sorte grandi.

10/ Leena Lehtolainen

La Finlande, pour changer. La dame fait montre d’une intimidante bibliographie (peu traduite en FR), notamment un premier roman publié à 12 piges. Relisez les cartes postales de classe de neige que vous envoyez à vos parents, et imaginez que cela vaille la peine d’être publié. Moi non plus. Si vous vous demandez, je n’ai rien lu non plus d’elle, et sa présence répond à des impératifs de double quota : une femme (la parité n’étant pas atteinte) finnoise (Norvège et Suède très représentées).

11/ Håkan Nesser

[J’avant-termine par cet auteur qui a longtemps habité à Uppsala, ville étudiante où Le Tigre a sévi pendant de torrides weekends]. Au milieu des années 2010, Håkan N. avait une dizaine de romans à son actif, dont certains (des dires de mon libraire) tout à fait corrects. A l’image d’un Stieg Larsson, certaines de ses œuvres ont été adaptées à l’écran, et j’espère sincèrement qu’un producteur à Hollywood ne réitérera pas la catastrophe d’adaptation américaine que fut Millenium.

12/ Arto Paasilinna

La plaisanterie pour la fin, comme toujours. Comme beaucoup d’écrivains cités plus haut, il faut savoir qu’Arto aime verser dans différents styles – même si la comédie s’invite plus que de raison. Et, de temps à autre, ça prend la forme d’une délicieuse enquête, voire de quelques décès (bien mérités dans La douce empoisonneuse) dans un pays où le gap générationnel paraît prononcé. Je suis sûr que si on lui demandais, Arto nous pondrait séance tenante un roman policier de qualité.

Mais aussi :

Le félin s’aperçoit qu’il n’a pas grand chose à dire sur la plupart de ces écrivains, à ma décharge j’ai été rapidement gavé par leurs écrits – j’ai fait une overdose en 2006. En outre, lorsque je recherche un polar nordique, j’ai ses propres réflexes qui font que je ne regarde que du côté de certains éditeurs – Folio Policier, 10/18 par exemple. Sans compter que je ne les lis qu’en poche. Du coup, je dois rater pas mal de belles lectures. Tant pis.

Sinon, en cliquant dans la sous-catégorie Scandinavie (ici), il y a de forte chance pour les ouvrages proposés sur ce blog soient des policiers.

[à part ça, je suis bien content d’avoir (partiellement) évité toute remarque d’une triviale grivoiserie autour des belles scandinaves]

Fauche & Léturgie - Rantanplan : La MascotteLe chien le plus bête de l’Ouest dans sa toute première aventure, et faut dire que ce n’est pas complètement nul. Rantanplan devenant le fétiche de ces messieurs en pleine guerre, ça a de la gueule. Certes, ça part dans tous les sens, mais en moins de 50 pages la densité de la BD est appréciable – même si ça a bien vieilli à mon avis.

Il était une fois…

En plein Ouest américain, un régiment de cavalerie (qui siège dans son camp au milieu de nulle part) est au désespoir : leur mascotte, Fifi VI du nom, est portée manquante. Ces idiots ne trouvent rien de mieux qu’aller chercher Rantanplan pour le remplacer. Entre les conneries de ce dernier, le vil Turner (le dealeur du coin) qui veut supprimer le nouveau gri-gri, ou les Indiens qui se prennent à considérer le clebs comme le fils du totem, y’a moyen que ça parte sérieusement en quenouille.

Critique de Rantanplan : La Mascotte

Comme vous le savez, il m’arrive d’extraire de mes chiottes une antique BD qui a bercé mon enfance, et la résumer avec le sérieux qui me caractérise. Ici, je m’attaque au tout premier opus du chien qui, parfois, accompagnait ce puceau de Lucky Luke – et que son canasson ne portait pas dans son cœur. En outre, mon chat s’appelle Fifi, ce qui donne à cette aventure une saveur toute particulière.

Toutefois, le cow-boy solitaire est absent de ce tome, comme si les auteurs avaient souhaité rapidement émanciper le cabot qui est aussi con qu’un chat sous bêtabloquants. Celui-ci, comme par magie, parvient à foutre un phénoménal daroi entre les Anglos et les Indiens, jusqu’à mettre en danger le très sacré Président des États-Unis en personne. Soit Rantanplan comprend tout de travers et ça provoque une cata, soit il agit contre toute logique et parvient à sauver le monde. Un cas.

Le petit souci avec Xav’ Fauche et Jean Léturgie est qu’ils ont foutu trop de gags dans cet ouvrage. C’est comme si les auteurs, qui avaient le bide bien rempli de bons quiproquos avec le héros, avaient eu une subite chiasse d’idées sur Rantanplan et ne s’étaient guère retenus pour tout déverser. En deux mots, too much. Quant aux illustrations, bah je n’ai pas grand chose à commenter sur la ligne claire propre qui est dans la continuité d’un Morris – on sait tous à quoi ça ressemble.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Tigre profite de ce paragraphe pour vous présenter rapidement le personnage principal : Rantanplan, c’est la bêtise et la bonté réincarnées. Bête car il pige tout de traviole, et se méprend sur ses contemporains (qui est gentil, qui lui veut du mal). Bonté totale dans la mesure où ses élans d’affection (souvent traduits par un saut trop court / long) et sa bonne bouille le présentent comme un héros immensément sympathique. Le boulet que tout lecteur apprend à aimer, aidé en cela par ses touchantes apparitions avec Lucky Luke.

Ce tome est l’occasion de se moquer gentiment des improbables croyances locales et autres superstitions. Le colonel de cavalerie est un superstitieux totalement dingue qui dit amen à n’importe qu’elle action du clébard. Quoique le héros canin fasse, ça a toujours un sens forcément bénéfique même si caché. Pareil pour les Indiens, capables de déclencher (et arrêter) une guerre à partir de presque rien. Les Romains qui checkent les augures, Le Tigre qui secoue une boîte de cent bâtonnets chinois avant de partir à l’action, la concierge qui lit l’horoscope, nous sommes tous plus ou moins à la recherche d’un indice (ou d’une approbation) qui nous dédouane.

à rapprocher de :

– Lucky Luke, certes…mais aussi Rintintin, dont notre héros est une grossière parodie – qui me fait régulièrement rire il est vrai.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Marc Dugain - Avenue des GéantsRoman largement inspiré de l’histoire d’Edmund Kemper (mieux vaut lire le titre sans savoir ce qu’il a fait), tueur en série aux imposantes proportions, Marc Dugain a tenté d’aborder l’Amérique en pleine guerre du Viêt Nam via l’implacable regard d’un homme d’exception. Pas mal, mais sans plus – le tout manquant sérieusement de peps. Dommage.

Il était une fois…

Al Kenner est loin d’être comme les autres : il fait péter son 2 mètre 20 de hauteur et un QI supérieur à celui d’Einstein en personne. Le grand dadais (sic) vit chez ses grands parents, sa mère n’ayant pas envie de l’avoir dans ses pattes. Par une calme journée, c’est un Kenner âgé de 15 ans et excédé par les rodomontades [écrit du premier coup, je le jure] de sa grand-mère qu’il tuera cette dernière. Puis le papy. Placé dans une institution spécialisée, il en sortira à peine soigné de ses pulsions, la nature reprendra vite ses droits.

Critique d’Avenue des Géants

D’habitude, Marc Dugain régale Le Tigre avec ses titres qui reprennent de grands moments de l’Histoire avec une touche intimiste qui parvient à me toucher. Mille fois hélas, la mayo n’a pas pris avec Avenue des Géants, qui pourtant part d’un fait divers terrifiant. Dès le début, j’ai senti que ça n’allait pas le faire : la couverture fait référence à l’assassinat de Kennedy qui aurait changé la vie du protagoniste, sauf que c’est fort mal expliqué dans le bouquin – avouons-le, je n’ai rien bité.

Ces premières pages passées, le meurtre des grands-parents passera comme une lettre à la poste. Les autres mensonges et exactions du protagoniste se laissent lire également, sans réellement pouvoir entrer dans la peau de psychopathe – on n’arrive pas à le comprendre, il doit être trop intelligent. On ne s’ennuie pas cependant, il faut dire que son existence est intéressante : rapports difficiles avec la mère (il s’en libérera de façon surprenante) ; passages chez les flics en tant que profiler (il ne sera pas loin d’épouser la fille d’un des leurs, ironique non ?) ; grandes chevauchées sur des motos (l’avenue des géants étant le lieu d’un violent accident), bref une vie bien remplie.

Si le déroulement des péripéties reste intéressant, l’évolution du personnage et son interprétation des évènements et des individus qui l’entourent m’ont laissé une impression d’incomplétude. C’est un peu plat, terne même, avec des scènes balancées au petit bonheur la change – le chapitrage n’aide pas : presque 70 chapitres pour moins de 450 pages, certains courts, d’autres interminables en comparaison. Sans doute l’esprit dérangé du héros veut que le style soit presque mécanique (étant donné Kenner est dépourvu d’empathie), néanmoins c’est bien morne.

En conclusion, c’est davantage un roman tiré de faits réels qu’une savante biographie romancée (souvent l’apanage de l’auteur). Et ce titre ne m’a pas paru à la hauteur des titres précédents du père Dugain, même s’il faut convenir que l’exercice n’était pas de tout repos. Tout n’est pas que question de taille – du héros, et le nombre de pages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Puisque la couverture insiste…lourdement…dessus, l’Amérique des années 60 et 70 est au cœur du roman : celle-ci est analysée au via le prisme du héros, et il faut dire que son bilan est fort sévère : le gars dégueule volontiers sur ses contemporains, en particulièrement le mouvement hippie qu’il abhorre. Les nanas qui s’offrent volontiers ne reproduiraient qu’un schéma qui ne profite qu’aux hommes, en sus le pacifisme outrancier exposé à l’époque le révolte – lui qui trouve normal de se débarrasser de quelqu’un qui l’étouffe. Curieusement, ce ne sont pas celles-ci qu’il zigouillera.

L’autre thème est quelque chose qui, à titre personnel, m’a bien marqué. Il faut savoir que ce roman est découpé entre les flashbacks (80% du bouquin au moins) et le présent, à savoir les rencontres entre Kenner et une visiteuse qui lui apporte des livres. Car le prisonnier est devenu un grand lecteur et créé des romans audio en les lisant à voix haute. Il y a mieux : se plonger dans un ouvrage bloque ses sombres pensées (c’est mieux que l’alcool), on ne peut avoir mieux comme preuve des vertus apaisantes de la littérature.

…à rapprocher de :

De Dugain, j’ai nettement préféré Heureux comme Dieu en France (sans plus cependant) ; La Malédiction d’Edgar (mouais) ou Une exécution ordinaire (pas mal si vous vous intéressez à la Russie) ou En bas les nuages (là on est à la limite du bof).

– Un psychopathe en liberté, et dont le lecteur connaîtra les pensées intimes, c’est Psychopathe (titre facile), de Keith Ablow (livre fascinant).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Loeb & Sale - Batman : Des Ombres dans la NuitVO : Batman : Haunted Night, puis Catwoman : When in Rome, et encore une partie de Batman : Dark Victory – ouf. Joli pavé du milieu des années 90, avec quelques histoires fondatrices d’un nouveau Batman adapté au monde contemporain, voici de quoi bien compléter l’univers de Bruce Wayne en retrouvant quelques super vilains redondants. San parler de Catwoman, un des meilleurs.

Il était une fois…

Ce comics, sorte de mini intégrale, se subdivise en deux parties de taille égale :

Dans Legends of the Dark Knight, Bruce Wayne fait face à des ennemis passablement plus dérangés que les pontes de la mafia : l’Épouvantail lui fait passer une très mauvaise journée à cause d’une toxine distillant la terreur (Peur) ; le Chapelier souhaite recréer une ambiance Alice aux pays des merveilles et capture la fille du commissaire Gordon (Folie) ; enfin le Pingouin provoque une étrange insomnie à un Batman qui voit se dessiner son passé et son avenir (Fantômes).

Dans Catwoman When In Rome, la belle Selina file vers la ville éternelle, accompagnée d’Edward Nigma, pour rechercher des réponses sur ses origines. Accueillie par Blondie (parce que, pour un Romain, sa couleur de cheveux et ses yeux bleus détonnent), elle cherchera à voler une bague particulière, celle qui assurera à son porteur le statut de Capo di tutti capi. Sauf que les obstacles seront de taille (Cheetah notamment, que je ne connaissais pas) et ses nuits agitées par des rêves érotico-oniriques avec le Batman.

Critique des Ombres dans la Nuit

Après le reboot de Batman Year One et la lutte du Bat contre la mafias et les supervilains qu’on connaît bien (Joker & Co), Le Tigre ne peut décemment pas passer à côté des comics qui se déroulent parallèlement à ces histoires.

Le premier arc est plutôt bon et relativement flippant (du moins les deux premières histoires), avec des armes chimiques classiques et le Chevalier noir qui est, psychologiquement, fragile. Le lecteur basculera entre les luttes du héros (assez convenues certes) et quelques flashbacks qui traitent, sous de nouveaux angles, la légende de celui qui deviendra Batman.

Quant à l’histoire de Catwoman, c’est une petite pépite centrée autour de l’héroïne que les auteurs ont décidé d’hypersexuer (si ça vous parle). Aussi agile que sexy, la féline voleuse se balade dans Rome dans un but plus ou moins précis [Attention SPOIL : elle s’imagine être la gosse de Carmine Falcone, rendez-vous compte [Fin SPOIL]. Ses tours de passe-passe entre Selina et Catwoman ne paraissent tromper personne (sinon les spectateurs de ses exploits sont des buses), et progressivement elle passe de chasseuse à proie. Fin intéressante, je me suis régalé.

Toutefois, Le Tigre n’a pas vraiment feulé de plaisir face aux illustrations de Tim Sale qui ne sont pas aussi abouties que d’autres de ses productions. Si on dénote une certaine amélioration au fil des chapitres, avec des personnages plus inquiétants et caricaturaux que jamais, j’avoue que les aventures de Selina Kyle sont visuellement parfaites. Ce n’est pas du vieux dessins style eighties, juste quelque chose de contemporain qui ne bascule pas encore sur les illustrations assistées par ordinateur des années 2000.

Bref, une bonne intégrale qui plaira au néophyte de Gotham (voire Rome…) comme à l’habitué (que je suis presque). Les drogues hallucinogènes sont de la partie, sans doute votre enfant de douze ans ne comprendrait pas tout.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’introspection est prégnante dans la totalité des récits. D’une part, Bruce Wayne réfléchit (pas plus que ça à mon sens) au sens de sa mission et sont degré de culpabilité quant à la mort de ses vioques. Quant à la femme chat, elle est tout simplement à la recherche d’un aspect fondamental de son identité, tout en se demandant pourquoi Batman occupe tant son inconscient – ça l’énerve que le Chevalier servant tente de l’aider à tout bout de champ.

Pour Batman, ces questionnements sont amplifiés par la folie furieuse des individus qu’il combat, ces derniers ayant tendance à lui administrer des toxines qui lui font presque perdre la tête. Les voyages intérieurs effectués par l’homme chauve-souris – grâce au Chapelier par exemple – permettent une prise de conscience sur la nature de son combat, notamment par les trois visites de Noël au cours desquels les fantômes de son esprit dérangé vont se manifester.

à rapprocher de :

– Comme je le disais, Batman : Year One (de Miller et Mazzucchelli) est à l’origine du reboot, toutefois le lire n’est pas nécessaire pour comprendre de quoi il retourne.

– Il faut savoir que cet opus se situe dans la même période que d’autres enquêtes du héros, réalisées par les mêmes auteurs dans Batman : Un long halloween et Batman : Amère Victoire. A signaler que Jeph Loeb s’est particulièrement illustré dans Superman Kryptonite.

– Quant à Catwoman, le trait m’a rappelé Catwoman : Ego, de Cooke. Petit plaisir.

– Outre la référence appuyée à Alice au pays des merveilles de Carroll (Chapelier oblige), la nuit d’hallucinations de Bruce Wayne dans le style Un chant de Noël de Dickens a été particulièrement bien adaptée dans un one-shot sobrement intitulé Batman : Noël, de Lee Bermejo.

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Amélie Nothomb - Acide sulfuriqueAmélie-mélo a cru pousser le bouchon littéraire un peu loin, toutefois le résultat est loin d’être fameux. Une émission de télé-réalité aussi abjecte qu’immorale, des téléspectateurs qui sont plus cons que possibles, bref ce roman m’a paru aussi crédible qu’une partouze au Vatican. Aussitôt lu, aussitôt oublié. Encore une production dite alimentaire ?

Il était une fois…

Dans un futur plus ou moins proche, un producteur a une idée de pseudo-génie : organiser une émission de TV réalité qui a tout du camp de concentration – d’ailleurs c’est son nom. « Internés » choisis par quelques rafles, gardiens qui prennent le doux noms de « Kapos », deux morts par jour, etc. Tout ceci devient encore plus délicieux lorsqu’on laisse au public la sélection des futures victimes. Toutefois, la machine se grippe à cause d’une Kapo qui tombe amoureuse de Pannonique (sic) et fait tout pour savoir qui elle est vraiment.

Critique d’Acide sulfurique

Il tardait au Tigre de lire LE roman de Nothomb qui aurait laissé certains lecteurs mal à l’aise. Un ouvrage d’Amélie qui donnerait une telle nausée, énorme ! Mes espoirs ont été vite douchés par ce court texte (200 pages, y’a pire avec cette écrivaine certes) qui m’a plus fait marrer qu’autre chose.

En effet, les grosses ficelles sont de sorties : une émission qui fait la part belle à ce que le nazisme a produit de plus sympathique (troisième degré) ; une émission qui laisse la populace se rouler dans la fange la plus ignoble ; sans compter la grosse Zedna, impitoyable kapo lesbos qui tente de se lier avec l’héroïne qui prend des airs d’Antigone – mais sans la classe de cette dernière. Tout ceci pour une histoire peu aboutie dont les péripéties sont aussi lourdes qu’une mama italienne.

En conclusion, et parce que je connais un peu les autres écrits de Nothomb, je lui laisse le bénéfice du doute : Acide sulfurique est exagéré et gros, comme pour dénoncer les travers humains en balançant une purée de lieux communs et d’évidentes références. Il n’empêche, ce n’est pas une raison pour se laisser aller de la sorte. Elle aurait pu faire de cette œuvre une nouvelle.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La télé réalité est l’objet d’un texte qui se complaît à pousser la logique voyeuriste jusqu’à un niveau extrême. Tellement que ça tendrait à perdre en terme de crédibilité…sauf que de nos jours, en regardant le petit écran, plus d’une fois le félin s’est dit que la frontière n’est pas si imperméable que cela. Presque logiquement, plus ça devient gore et dégueulasse, plus la populace zappe sur la fameuse chaine pour voir ce qu’il en est. On a beau dire, entre un documentaire sur la seconde guerre mondiale ou un snuff movie, le choix sera vite fait.

Plus généralement, la bêtise humaine face à toute autorité est confondante. Remplacez des uniformes du Troisième Reich par les cols bleus du marketing de la société de production, le tour est joué ! L’être humain s’abaisse volontiers dans le rôle de tourmenteur (comme de victime, hélas), pourvu qu’il pense avoir un blanc seing issu d’une institution à ses yeux légitime. Expérience de Standford ou horreurs d’Acide sulfurique, même combat de dénonciation ?

…à rapprocher de :

Tigre ne va pas vous dérouler l’intégralité de l’auteur, toutefois sachez que Tigre a lu pas mal de titres, dont (par ordre de publication) : Hygiène de l’assassin (bof), Les Combustibles (sans plus, heureusement c’est court), Attentat (pfffiouuu), Stupeur et tremblements (à caractère bibliographique et pas mal au demeurant) ; Cosmétique de l’ennemi (relativement insupportable) ; Biographie de la faim (à lire) ; Le Fait du prince (le pire, je crois bien) ; Une forme de vie (dialogue épistolaire) ; Tuer le père (sans plus).

– Pour élever le débat, dans la catégorie « enfermement pour amuser la galerie », faut mieux aller lire A l’estomac, de l’inénarrable Palahniuk.

– Pour ENCORE plus élever ledit débat, y’a La Vague, de Todd Strasser, qui envoie un certain pâté.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Henning Mankell - L'homme qui souriaitVO : Mannen som log. Lu il y a quelque temps, et le souvenir que j’en garde est plus que périssable. Je crois même avoir été incapable de terminer cette interminable enquête (au sujet d’u double meurtre et d’un homme trop parfait) d’une déconcertante platitude. Ce n’est pas nul certes, hélas ma patience n’était pas au beau fixe lors de la lecture.

Il était une fois…

Dans une petite ville, Gustav Torstensson est méchamment assassiné sur la route. Le fils de la victime, Sten Torstensson, fait appel au commissaire Wallander pour découvrir le coupable. Sauf que le comico déprime sévère à Ystad et n’est pas très chaud pour une nouvelle enquête. Mais le décès suspect du fiston (le moins que l’on puisse dire, étant tué par balle) va changer la donne. Kurt Wallander, piqué par la curiosité, décide de voir ce qu’il se trame.

Critique de L’homme qui souriait

Mankell fait des polars en général corrects, toutefois à côté d’autres auteurs (même scandinaves), L’homme qui souriait m’a profondément ennuyé. Pourtant le style passe bien et l’aération du bouquin permet de ne pas bailler. Néanmoins c’est définitivement trop lourd, le lecteur est trimballé au gré des fausses pistes et révélations que le héros découvre, tout ceci est trop rondement mené pour être captivant.

Pour faire simple, Wallander (qui n’est pas à la fête) remarque rapidement que son ami clamsé (l’avocat) s’occupait des affaires d’un homme extrêmement riche qui a l’air bien sous tout rapport. Sauf que ce mec a bâti sa fortune [attention SPOIL] en vendant les organes des personnes qu’il fait assassiner. En rajoutant une sombre histoire de paradis fiscaux, franchement l’intrigue ne déplace pas des montagnes. [Fin SPOIL].

De fil en aiguille, le flic décortique les sombres affaires de celui qu’on soupçonne, du moins je serai incapable de dire comment. J’ai juste, par curiosité, lu les derniers chapitres, et c’est plus débile que prévu : Wallander semble parvenir à stopper le méchant qui s’apprêtait à filer par la voix des airs…en jetant un tracteur sur la piste de décollage devant l’avion. Génial.

En conclusion, sûrement pas le premier Mankell avec lequel commencer. Même le titre est lourd, puisque si un homme souriait, c’est qu’il ne le fait plus désormais – ayant été confondu par Wallander.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le doute. Le début de ce titre présente un héros complètement largué, dépressif comme pas permis et profondément paumé dans un monde qu’il ne comprend plus. Bref, Wallander s’apprête à démissionner. Une sorte d’abandon, alors que dans ce genre de métier présenter une lettre de dém’ est plutôt rare – d’habitude, on se tire une balle. Le coup de fouet qui remettra le triste sire sur les rails sera un mélange d’égo piqué et d’amitié – rien de très original il faut avouer.

Enfin, l’auteur scandinave nous présente un antagoniste tout en froideur, une caricature de faux semblant comme on en trouve dans les mauvais James Bond – il y en a peu ceci dit. Car Harderberg semble être une vraie perle, un richissime individu qui a tout du Bruce Wayne : lâchant une part non négligeable de ses tunes pour des bonnes œuvres, souriant au possible, forcément c’est louche. C’est sans doute le problème de ce polar : se doutant de l’identité du vilain, le lecteur peu curieux ne sera pas tenté d’en savoir plus.

…à rapprocher de :

– De cet auteur, une douzaine de romans . Autant mieux commencer par les premiers, toutefois ne comptez pas sur Le Tigre pour vous dire lesquels. Tea bag (un one-shot) est pas mal, n’hésitez pas à le lire. Sombre.

– Dans la littérature « nordique », je préfère nettement Arnaldur Indridasson. Y’en a plein sur ce blog, faites-vous plaisir (ici ou là par exemple).

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Will Eisner - Dropsie AvenueVO : idem. Sous-titre : biographie d’une rue du Bronx. Plus d’un siècle de développement d’une petite avenue, entre essai et roman graphique. Will Eisner a abattu un travail fascinant et presque addictif grâce à la fluidité du récit. Évolution, gentrification, criminalité exacerbée (dealeurs comme cols blancs), politique locale, on en redemande.

Il était une fois…

Sur près de 200 pages, un des plus grands illustrateurs de tous les temps raconte l’histoire d’un avenue en plein Bronx. Contrairement à ce que le quatrième de couv’ vend, il ne s’agit pas de quatre siècles d’Histoire, car le lecteur sera introduit à la Miss Dropsie Avenue des années 1870 jusqu’à la seconde moitié du 20ème siècle.

Critique de Dropsie Avenue

Ce roman graphique est le troisième (et dernier) opus de la fameuse Trilogie du Bronx (Contract with God Trilogy, en VO) où l’auteur dépeint, avec brio, tout ce qui fait la vie d’un quartier que le lecteur aura l’impression de brièvement habiter.

D’un bout de terre au milieu de nulle part, où quelques Hollandais construisent des maisons, rejoins par les Anglais, puis quelques Irlandais jusqu’aux personnes noires (en passant par les Juifs ou Italiens), Will Eisner nous raconte une rue dont le cœur bat à l’instar d’un être humain. Car comme dit l’avocat Aby, « Peut-être qu’un quartier a un cycle de vie…comme une personne ». La qualité narrative est due à la volonté d’Eisner de suivre quelques personnages clé, qu’on verra naître, vivre et mourir en même temps que l’idée du quartier qu’ils s’étaient façonnés.

Quant aux illustrations, rien à dire c’est superbe. Le noir & blanc ne gâche rien, et l’auteur semble être un spécialiste des contrastes :  le trait finement ciselé ignore l’existence des cases (délimitation inexistante), sans compter l’humour (le passage du chien est à se pisser dessus) qui côtoie la méchanceté et les exactions les plus basses de l’Homme. Double claque visuelle avec 1/ le quartier dont l’évolution de l’architecture est bien rendue (de belles planches) et 2/ les hommes et femmes de cette avenue qui sous la plume de Will E. prennent vie comme jamais.

Un classique de la littérature dessinée, tendre et édifiant, qui est susceptible de plaire à tous : à partir de 15/16 ans jusqu’à pas d’âge, une BD qui me paraît indémodable – on verra dans cinquante ans.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui m’a profondément marqué est, au cours des décennies, la répétition des erreurs. La nature humaine est, d’une génération sur l’autre, gravement oublieuse. Notamment ce que je nommerais l’antigentrification, qui semble être le sujet principal de l’œuvre. La gentrification, c’est quand des populations aisées investissent un quartier modeste et font pousser tous les prix vers le haut. Dans Dropsie Avenue, c’est l’inverse : les populaces démunies débarquent au gré de l’histoire de l’immigration des États-Unis, ce qui inquiète les habitants qui ont peur de voir les prix baisser.

Les Anglais pestent contre les Italiens, qui cracheront sur les juifs, eux-même voyant d’un mauvais œil les Latinos, ces derniers qui deviendront horrifiés par l’arrivée des Afro-Américains, etc…tout immigré semble reproduire l’expérience sociale que la première génération a subi, partant du principe que le quartier est le sien. Assez triste, et intéressant puisque le lecteur se demandera qui sera le nouvel arrivant, et comment il sera accueilli – avec quelques belles histoires d’alliances entre communautés, comme le mariage italo-juif.

Le second thème est la croissance, inévitable, du quartier. Et, à l’instar d’un corps humain qui grandit trop vite, il faut de temps à autre tailler dans le gras. Le schéma « arrivée des plus pauvres – loyers en baisse – entretien de l’immeuble inexistant – insalubrité – départ des plus aisés » se répète ad nauseam, et au bout d’une centaine d’années il faut se rendre à l’évidence : tout raser. Et reconstruire. Et recommencer l’Histoire.

Parallèlement, Will Eisner nous entretien des différentes criminalités selon les époques. Menus cambriolages ; tueurs à gages ; corruption active d’ingénieur en charge du tracé du métro ; arnaques à l’assurance (on ne voit pas comment le quidam peut faire autrement), y’aura toujours des mecs pour profiter du système.

…à rapprocher de :

– La Trilogie New-Yorkaise est une petite tuerie (assez longue certes) que je conseille également.

– Sinon, du même auteur, j’étais resté dubitatif face à L’appel de l’espace – scénario trop complexe, dessin dégueulasse.

– Sur l’évolution générationnelle dans un quartier craignos de NYC, Trois femmes de Boston Teran est plus sombre, plus dur.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman graphique en ligne ici.

Les Sutras du TigreEnfin un billet à peu près sérieux et utile sur l’inénarrable blog tigresque. Rien de plus désagréable que de voir son petit ouvrage chéri trempé jusqu’à l’os. Déjà ce n’est pas pratique, mais en plus ce petit con a perdu plus de la moitié de sa valeur.  Voici quelques modestes réflexes à avoir avant que votre nouvelle serpillère ne ressemble au flasque postérieur d’un acteur (dont je tairai le nom) sur le déclin.

L’accident / le déluge

Le lecteur pressé pourra zapper cette partie, toutefois l’expérience du félin dévoreur de roman a permis de mettre à jour quelques statistiques. Et ceux-ci sont édifiants : si votre bouquin prend l’eau, c’est majoritairement de votre faute.

On pense tous au monstrueux dégât des eaux pendant que vous n’êtes pas chez vous, et au cours duquel toute votre armoire (où sont forcément vos romans) prend allègrement la flotte. Seulement ce cas, impressionnant certes, n’est pas vraiment en soi un souci. Pour peu que vous ayez gardé les factures d’achat, le remboursement par l’assurance interviendra. Je plaisante, personne ne garde ces tickets, et c’est pourquoi prendre une photo de votre bibliothèque (en très grosse résolution) peut être utile.

Et oui, l’objet littéraire fera trempette à cause de vous. Et les exemples ne manquent hélas pas : oubli du livre dehors avant la pluie ; renversement d’eau pétillante dessus ; littérature sur la plage un jour de grande marée ; lecture dans les WC qui tourne mal ; sans oublier les larmes amères versées sur la collection Harlequin, etc.

L’accident se produisant ainsi en votre présence, vous serez en principe à même de réagir rapidement pour rattraper les dégâts. Le Tigre ne traitera donc pas de la bibliothèque passablement humide depuis des semaines où d’inquiétantes moisissures (quand ce ne sont pas des champis de la taille d’un furoncle) ont pris racine – cela fera sans doute l’objet d’un autre billet à dominante culinaire.

Les premiers secours

Le premier conseil que je donnerai est le suivant : ne pas se précipiter et évaluer tranquillement la situation. En effet, si c’est un roman de poche, demandez-vous si le jeu en vaut la chandelle. Un petit poche un peu abîmé, qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Au pire vous le prêterez à tout bout de champ.

Ensuite, si le bouquin semble irrémédiablement trempé (genre il traîne depuis 12h dans votre seau à champagne où les glaçons ont fondu), jugez au moins si c’est récupérable. Sans évoquer l’épineux sujet de l’euthanasie sous toutes ses formes, très souvent tenter de maintenir un quasi cadavre sur pied est une profonde erreur. Plus le bouquin aura pris son bain, plus le remettre d’aplomb sera une gageure. Face à ce constat, il est parfois arrivé au Tigre de procéder à un infâme échange :

Muni du livre salopé caché dans ma besace, je me balade benoîtement dans une grande surface culturelle et sors discrétos le bouquin pourri. Puis je le mets dans le rayon à la place de son frère jumeau sec. Si on vous fait chier à la sortie du magasin, babillez ce que Le Tigre vous a appris dans un autre billet (en lien). Allez même, si vous en avez le temps, faire l’inventaire avec le gars de la sécurité – qui, en principe, n’ira pas regarder de très près l’état du roman dans le rayon.

Sinon, il faut se résoudre à utiliser quelques papiers buvard. L’étape d’urgence veut que vous ôtiez le gros de l’humidité sans saloper l’œuvre. Pour cela, insérez ces papiers dans quelques pages (pas toutes, sinon ça risque de péter la tranche) pendant une heure, puis recommencez avec les pages suivantes. Pendant ce temps, je fais personnellement brûler un peu d’encens autour du bouquin en émettant quelques mantras à destination de Sainte Mogadiscio, déesse de la sécheresse.

Pour accélérer le processus, je ne saurais trop vous conseiller d’utiliser le sèche-cheveu avec lequel vous martyrisez votre chat. Attention, ne réglez pas l’appareil sur une température chaude, sauf si vous voulez que les pages de votre ouvrage soient aussi gondolés que les cheveux d’une niaiseuse Anglaise pléonasmée. C’est également la raison pour laquelle poser le bouquin sur un radiateur est une aussi bonne idée que de recourir à son sèche-linge.

Le vent froid est tout indiqué pour retirer les menues gouttes qui se sont perfidement glissées dans les interstices. Veillez seulement à viser un peu partout afin d’éviter les traces de séchage sur les pages.

Ces gestes de premier secours effectués, récupérer un bouquin bouquin comme neuf nécessitera quelques petites attentions plus contraignantes que traiter l’Alzheimer de grand-maman.

La convalescence

Le truc idiot qui vient à l’esprit du quidam est de laisser l’œuvre prendre un peu de repos au soleil. Calamitas merdumque – comme dirait mon professeur de chant en m’écoutant. Non seulement les pages risquent gravement se gondoler (cf. explication ci-dessus), mais en plus l’astre divin va apporter une teinte foncée auxdites pages – qui ressembleront alors à des chicots de paysan cubain sous caféine et tapant quotidiennement dans la réserve à cigares du Líder Máximo.

La solution est d’utiliser des produits qui ôtent et/ou absorbent, lentement mais sûrement, tout ce qui ressemble de près ou de loin à des molécules H20. Au hasard, le fauve peut vous indiquer quelques substances qui feraient l’affaire : farine, morceaux de coton, mais je pense avant tout au talc. Ce dernier produit est génial car le saupoudrage est aussi aisé que se débarrasser de ce qui reste après sur les pages. En revanche, évitez d’utiliser du sel, substance certes efficace mais intensément corrosive. Ce serait pire que lire dans la mer morte (en lien d’ailleurs).

Ensuite, pour fignoler l’aspect final du bouquin, n’hésitez pas à le faire reposer dans un endroit relativement frais et fermé, tout ça bien évidemment à l’abri du soleil. Le must serait de placer quelques sachets déshydratants dans cet espace confiné et ne pas l’en sortir de là. En fait, je m’aperçois que je suis en train d’exposer les caractéristiques que devrait avoir toute bibliothèque qui se respecte – du moins, la mienne est ainsi.

Concluseau

Si vous avez des remarques au sujet de la monomaniaquerie du félin qui a plus d’une fois gambergé sur la manière de protéger ses petits bouquins, gardez-les pour vous.

Si vous avez des remarques sur la difficulté à avoir du papier buvard ou une prise électrique à portée de main lorsque la catastrophe survient, utilisez du sopalin et des piles – des modèles de sèches-cheveux à piles existent.

Si, de guerre lasse, vous préférez jeter le livre trempé, laissez-le plutôt sur un banc public avec un post-it « servez-vous ».

Si vous vous faites choper au magasin du coin pour avoir vainement tenté un échange, balancez Le Tigre comme instigateur. Faut bien que je fasse parler de ma personne…

Enfin, pour les curieux, j’explique souvent le choix du numéro du Sutra. Ici, la référence au Déluge, obligatoire, m’incitait à parler de ce bon Noé qui a construit son radeau avant que la marée ne monte. Le même gus qui aurait vécu 950 ans. Sûrement une erreur de traduction, le zéro étant en trop.