Michel Rabagliati - Paul à la campagnePremier opus de l’inénarrable auteur québécois, et déjà le lecteur attentif saura repérer les thèmes qui sont chers à Rabagliati. Le temps qui passe inexorablement, la nature omniprésente, la famille et une bonne dose d’empathie, rien à dire. Un poil court pour un début, mais Le Tigre pardonne facilement. Surtout à Michel.

Il était une fois…

Dans Paul à la campagne, notre héros (qui est père d’une petite fille) rend visite au grand-père qui se prélasse au grand air. Entre environnement qui a changé (nombreux condos) et souvenirs de gosses dans cet endroit, c’est toute une famille que l’auteur présente à ses lecteurs.

Dans Paul apprenti typographe, le petiot prend cher question cours d’accordéon – n’est pas VGE qui veut hein. Après une leçon particulièrement difficile, son père (qui est venu le chercher) passe rapidement au boulot avec lui. Le soir, l’atelier de typographie semble être un monde merveilleux où produire des textes n’est pas si simple.

Critique de Paul à la campagne

Voici donc les toutes premières (du moins je l’ai compris ainsi) planches pondues par le bon Michel R., et je me suis quasiment dit « heureusement que tu n’as pas commencé par celui-ci, sinon tu n’aurais sûrement pas continué avec cet auteur ». Ce qui aurait été une profonde erreur. Car ce qui suit accuse une montée en puissance scénaristique – et quantitative.

La majeure partie du scénar’ trempe dans les insouciantes années 60, et franchement c’est plus que rafraîchissant. Le félin va se concentrer sur la première partie (qui occupe 30 pages sur les 45 du tome), qui présente un concentré du talent prêt à éclore de l’artiste canadien. Le séjour chez les parents de Paul est magnifiquement rendu, et à partir de très peu le personnage principal parvient à faire monter la mayonnaise à sentiments. Autobiographie touchante et juste, on en redemande.

J’ai trouvé le dessin un poil brouillon (normal me direz-vous) où les visages des protagonistes sont encore exagérés, du moins leurs émotions criardes. A part quelques efforts ici et là sur le décor (peu de grands plans), on peut remarquer que l’illustrateur s’est avant tout concentré sur le texte – au sujet duquel rien ne semble pouvoir être reproché. Le noir et blanc fait toutefois quelques merveilles, notamment les planches sur l’atelier de typo qui hésitent entre précision et grandiloquence – âge du héros oblige.

Bien que le rapport prix / nombre de pages soit trop élevé à mon goût, bien que pour une première œuvre c’est relativement peu engageant, Le Tigre est dans l’impossibilité de donner une note trop négative à un auteur qui m’a tant apporté de bonnes lectures.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Très naturellement, l’auteur a traité d’un sujet qui, jeune, interpelle. Il s’agit….suspense… de la mort bien sûr. Double confrontation. D’une part, expérience de la mortalité à cause du comportement du héros qui, dans sa tendre jeunesse, s’amusait avec une carabine à plomb. Un oiseau dans la ligne de mire, l’accident bête, la repentance et l’effroi face à un acte qu’il regrettera longtemps. D’autre part, le décès du père d’un de ces amis, évènement qui a mis toute une communauté en émoi. Ce thème reviendra dans un autre opus avec le décès de la mère de Paulo – chialant à souhait.

Le second thème sélectionné par mes bons soins est surtout un hommage au père de Paul au travers son métier. Car, comme le répète ad nauseam M. Belleau (le cas qui accueille le père et son fils à l’atelier), le père du héros est « un artissss ». Il n’a pas tort le bougre, car les descriptions sur une dizaine de pages paraissent relever de l’art, un univers de connaisseurs où les matrices en cuivre servent de « patrons » pour composter un titre solide (à partir de plomb fondu). Et là, connement, Le Tigre pense : putain, ça devait coûter cher à l’époque. Comment ça se fait que le prix des publications (je pense aux journaux), qui n’a pas baissé, ne s’est pas accompagné d’un saut qualitatif ? – je me pose souvent des questions idiotes.

…à rapprocher de :

– Rabagliati a une jolie collection avec le fort sympathique Paul : Paul a un travail d’été, Paul en appartement, Paul dans le métro, Paul à la pêche, Paul à Québec, Paul au parc, Paul dans le Nord. Pour l’instant j’espère.

– Concernant un autre illustrateur canadien francophone de renom, le premier jet de Guy Delisle (très présent sur QLTL) est Réflexion. Faudrait que je me le procure un de ces quatre.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman graphique en ligne ici.

Grant Morrison – Batman T7 : Batman IncorporatedPublié sous Batman, Incorporated #1-8 et Batman, Incorporated : The Leviathan Strikes !  Si l’image de couverture annonce des aventures all over zi world, c’est que Batman et sa clique vont faire les routards pour botter des culs un peu partout sur la planète. Illustrations variées, scénario réservé aux connaisseurs, ce n’est pas toujours fameux.

Il était une fois…

Lors du dernier tome de Grant Morrison, Batman était enfin revenu à notre époque après quelques voyages à travers le temps (à cause de DarkSeid si j’ai bonne mémoire). Après une pseudo-lutte avec Robin, revoilà nos héros qui établissent des succursales dans pas mal de pays étrangers. Bien sûr, le crime est aussi international, et la nouvelle menace, insaisissable, porte un nom nouveau : Léviathan – rien à voir avec Hobbes.

Critique de Batman T7 : Batman Incorporated 

Premier tome de Morrison décevant, deuxième superbe, troisième presque catastrophique, quatrième tome passable, cinquième plus que mitigé, sixième tome très sympa, et septième un poil chiant ! La loi des séries, je vous dit. A moins que ce soit un pouvoir de suggestion à l’œuvre depuis le troisième opus.

Sur une dizaine de chapitres, Bruce Wayne (qui finance Batman Inc.) va visiter du pays : le Japon (avec la Catwoman) pour recruter M. Invisible ; l’Argentine pour checker comment El Gaucho va bien ; puis les Malouines en compagnie de Batwoman ; un internat de jeunes filles et un pays africain sous la coupe d’une puissante organisation. A chaque fois, l’inquiétant Death Man, apparemment immortel, est à l’œuvre pour trucider ces héros, seulement derrière ce personnage se planque Léviathan, à la tête d’une armée prête à tomber sur la gueule de toute la planète.

Ce n’est pas tant que c’est chiant puisque les récits sont relativement fluides et Morrison a su exploiter toutes les facettes de l’univers de Batman. Cependant, Le Tigre ne connaît pas suffisamment cet univers (je ne pensais pas être capable de le dire un jour) et ses protagonistes (même si retrouver le professeur Pyg fut sympa) pour pleinement apprécier les subtilités de la narration de cet imposant opus.

Quant aux dessins, bah pour une fois il y en a pour tous les goûts. D’un côté, les traits sanglants et glauques de Yannick Paquette dans le chapitre 2 ; de l’autre, des dessins qui fleurent bon les années 80 grâce à Burnham dans au chapitre 4 (celui sur Kane). Encore mieux, et c’est là que je me suis régalé, l’illustrateur Scott Clark s’est fait plaisir dans le chapitre 8 avec un conflit numérique. Des dessins assistés par ordinateur avec d’intenses couleurs au service d’un scénario moderne, quoiqu’un peu exagéré question menace virale sur la toile.

En conclusion, un ouvrage exigeant et que j’ai eu du mal à m’approprier. Toutefois, il y a assez de matière à espérer une suite explosive et satisfaisante. J’attends donc énormément du huitième (et dernier) tome.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est plutôt prenant, dans ces chapitres, est que pour une fois le lecteur ne sera pas connement cloîtré dans cette misérable bourgade qu’est Gotham City. Cela permet de changer d’environnement, et il faut dire que l’architecture des lieux dans lesquels se rend le Chevalier Noir et ses potes est plus que correctement rendue. Et ces voyages sont salutaires dans l’histoire. en effet, les antagonistes de la Corporation Batman ont décidé de frapper un peu partout : telle une mafia tentaculaire (cf. la pieuvre du premier chapitre), Léviathan a ses agents dans tous le globe. Et ils sont prêts à attaquer de front.

Face à ces nombreux superhéros, la gestion de ces doubles identités est multiple, chacun ayant sa manière de lier vie civile et existence à sauter de toits en toits. Entre l’anonymat total à la Parkoureur (héros français que l’on voit que rarement) et l’identité connue d’un El Gaucho, les teintes de gris sont nombreuses. Enfin, et sans spoiler, même la personne du Léviathan est liée à la famille gravitant autour de Bruce Wayne. Personnellement, je ne m’y attendrais guère.

Le Tigre pourrait finir en discourant sur la fameuse Batman Incorporated qui souvent prend l’allure d’une secte – avec des intronisations très solennelles. Néanmoins je préfère vous laisser découvrir ce dernier aspect.

…à rapprocher de :

–  Ce comics ne peut hélas se lire indépendamment des autres, qui sont dans l’ordre : Batman : L’héritage maudit ; ensuite Batman R.I.P. ; puis Batman : nouveaux masques ;Batman : le Dossier noir ; Batman : Le retour de Bruce Wayne ; Batman contre Robin ; et enfin Batman : Requiem, qui est une totale déception.

– Parlons un peu des dessinateurs : outre quelques noms déjà connus, on retrouve Paquette dans Swamp Thing. Le monde des comics est une grande famille.

– De Morrison, vous pouvez préférer le génial reboot (avec Quitely) d’un autre héros grâce à All-Star Superman. 

– La guéguerre dans un univers numérique, c’est aussi le final de L’affaire Sonoda – production made in France.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

DodécaTora« Salut Grand Tigre ! Beaucoup de gens se foutent de ma carrière qui, après un excellent démarrage, s’est piteusement cassée la gueule – avec une régularité qui force le respect. Ce serait gentil que tu montres que les happy ends ne sont pas automatiques, même en littérature. Bises de l’au-delà. Gary Coleman. PS : tu n’aurais pas quelques exemplaires du film érotique tourné avec Dana Plato STP ? »

Douze bouquins sans happy ending

Le Tigre est un peu gêné aux entournures par rapport à la demande du bon Gary, star déchue s’il en est. En effet, j’ai déjà tenté de 1/ lister quelques romans déprimants, dont les excipits n’arrangent rien, et 2/ ceux dont la fin est plus ou moins scandaleuse, notamment parce que ça se termine en eau de boudin. C’est pourquoi sortir de ma besace des œuvres inédites fut plus que délicat.

Pour sélectionner un tel roman, il faut que la situation, en refermant les pages, soit pire qu’au début. Ou alors qu’un happy end ait été possible, mais au dernier moment quelque chose a gravement déconné. Histoire de rajouter de la difficulté dans la démarche, le félin a décidé de ne pas inclure les tragédies grecques ou autres vieilleries pleurnichardes. Ce serait trop facile.

Voici donc une sélection personnelle de titres dont le dénouement malheureux peut surprendre. Le Tigre parlera peu de ces romans en tant que tels et s’attachera à expliquer comment les dernières pages/chapitres font parfois pleurer. Il y a donc du très vilain spoil en perspective.

Tora ! Tora ! Tora ! (x4)

1/ Richard Matheson – Je suis une légende

Une terrible épidémie a sévi sur la planète, et toute la populace s’est transformée en un savant mix zombie/vampire. Sauf Robert Neville, être esseulé qui va tenter de trouver un vaccin. Contrairement au film de basse extraction où une communauté de gens non contaminés survit, le roman est l’histoire d’une légende décédée, un mythe raconté par des zombies pas si inconscients qu’on le croirait. Triste.

2/ René Barjavel – La nuit des temps

Une expédition made in France trouve un curieux artefact en Antartique. Il s’agit d’un couple endormi dont on se demande d’où ça peut sortir. Eléa est tirée la première de son sommeil et raconte son monde qui, il y a 1 Mo d’années environ, s’est éteint. En plus, la petite histoire d’amour contrariée avec Païkan, qui aujourd’hui prend une tournure plus tragique. A la rigueur, on pourrait penser que la tragédie ne concerne qu’Eléa, toutefois cet échec renvoie superbement à celui de notre civilisation.

3/ Stephan Zweig – La Pitié dangereuse

Avant la première guerre mondiale, Anton Hofmiller (jeune officier autrichien) rencontre Edith de Kekesfalva, fille d’un riche propriétaire de la région. Il l’invite à danser, sauf que la demoiselle est paraplégique. Anton, souhaitant réparer sa belle bourde, ira de faux pas en faux pas, et Edith tombera folle amoureuse du gus. Jusqu’à ce que ça prenne des airs de tragédie, à l’image de l’Europe qui s’engagera dans un conflit suicidaire.

4/ Kressmann Taylor – Inconnu à cette adresse

Passage littéraire presque obligé – d’autant plus que c’est extrêmement court. C’est un roman épistolaire qui met en scène Martin Schulse, Allemand qui monte dans la hiérarchie nazie, et son pote Max, Juif allemand exilé aux États-Unis. Au fil des lettres, on sent bien que papa Schulse (désolé) se met en délicate position avec son ami éloigné, et lui demande de mettre un terme à leurs correspondances. Max, perfidement à mon sens, saborde son ex ami (et sa famille) par une suite de missives plus que complices. Titre publié en 1938 de surcroît, comme si le pire était encore à venir.

5/ Michel Houellebecq – Plateforme

Si le tourisme sexuel a retenu toute l’attention des médias à cause du cynisme dont l’auteur s’est emparé du sujet, c’est oublier la profonde romance entre le héros, Michel, et la belle Valérie. Les deux tourtereaux apprennent que le sexe et l’argent, point d’orgue d’un libéralisme effréné, peuvent être dépassés par l’amour. Point de rédemption pourtant pour ces deux-là, qui finiront assassinés lors d’un attentat terroriste de grande ampleur.

6/ Alain Damasio – La Horde du contrevent

L’histoire est épique, le talent de l’écrivain flippant, et la fin (bien que attendue) m’a retourné. Tout ça pour ça… Pendant plus de 500 pages, le lecteur aura la larme à l’œil en suivant un groupe surentraîné pour remonter le vent. Beaucoup clamsent en route, et lorsque le dernier atteint la source du vent, c’est pour se retrouver à l’extrême-aval (leur point de départ) avec une perte de mémoire nous permettant de capter pourquoi une trentaine d’Horde a déjà échoué. Et oui les mecs, la terre est ronde.

7/ Emmanuel Carrère – La classe de neige

A peine 150 pages, et quelle petite claque. Dommage que le quatrième de couv’ gâche tout en annonçant que la fin est terrible, car j’ai mis un peu de temps avant de comprendre que ça allait allègrement partir en sucette. L’histoire des vacances de neige de Nicolas est un peu terne au début, mais au fil des chapitres il y a comme une tension doublée d’une morbidité qui explose avec la découverte du meurtrier, si évidente hélas.

8/ Delphine de Vigan – No et moi

Lorsque Lou cherche un sujet d’exposé pour sa classe, elle ne trouve rien de mieux que traiter des femmes SDF. Sa rencontre avec Nolwenn va changer la vie des deux filles, sauf qu’il paraît impossible de sortir No de l’ornière. Autant que je me souvienne (avec de Vigan, ma mémoire est celle d’un poisson-chat), le dénouement n’est pas à l’optimisme. L’auteure y semble habituée, me direz-vous.

9/ Alphonse Daudet – La chèvre de Monsieur Seguin

Oui oui, Le Tigre apporte de vieilles références un poil surannées. Mais avouez que l’histoire de la bique du père Seguin, éprise de liberté, est terrible. L’animal décide d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, et tout ce que les nouveaux pâturages ont à lui offrir est un loup cruel. Le berger, évidemment, retrouvera trop tard sa petite chèvre.

10/ Johan Harstad – 172 heures sur la lune

Attention, 172 heures sur la lune est un roman plutôt réservé aux adolescents, n’attendez pas de lire de la hard SF à la Ben Bova. La NASA, pour redorer son blason, décide d’envoyer une poignée de jeunes sur la lune en 2019 (sic). Tout semble se dérouler comme prévu…jusqu’à ce que nos ados découvrent, sur le satellite naturel de la Terre, une menace imprévue. Le titre démarre dans une ambiance de joyeuse colonie de vacances spatiales avant de prendre une tournure finale d’horreur et d’épouvante. Bien fait.

11/ Stephen King – Simetierre

Le félin aurait pu invoquer d’autres titres du roi de l’épouvante (comme Brume, qui tient plus de la nouvelle), toutefois Simetierre accuse une régularité dans le glauque avec un dénouement qui ne pouvait être que maléfique. Un cimeterre indien aux propriétés maléfiques, un homme désespéré (Louis Creed) qui veut faire revivre les êtres qui lui sont chers, forcément de tels actes contre natures ne peuvent rester impunis.

12/ Peyo – [n’importe quel titre avec les Schtroumphs]

Terminons sur une petite blague. Dans la plupart des tomes, le vrai héros est ce pauvre Gargamel –  accompagné de son magnifique chat. Or le vieil homme, qui n’a plus toute sa tête, est aux prises avec ses démons intérieurs : il a des hallucinations mettant en scène des petits hommes bleus qui lui chient dans les bottes. Gargamel essaie tant bien que mal de mettre fin à son bad trip, hélas sa maladresse et sa condition physique l’empêchent de se débarrasser de ces communistes au vocabulaire limité. Chaque album se termine par la victoire des suppôts du diable.

Mais aussi :

Comme vous l’avez remarqué, j’ai sué sang et eau pour trouver des idées. Comme si une fin heureuse devait être une obligation pour ne pas effaroucher le lecteur sensible et bien vendre. Eshyle, Sophocle, ces mecs devaient avoir d’autres priorités. A signaler tout de même :

Démences, de Graham Masterson.

N’hésitez pas à me spoiler d’autres romans qui font mal au derche sur le final, j’ai conscience qu’il doit en exister pas mal et dont j’ignore tout.

Alastair Reynolds - Galactic NorthHuit nouvelles prenant place dans un des plus grands cycles de SF qui a fait mouiller Le Tigre, huit textes de taille (voire qualité) inégale mais dont certains envoient du très lourd en termes de narration. Du transhumanisme aux différents chemins que peuvent prendre une Humanité toute puissante (qui hélas va rencontrer plus forte qu’elle), y’a de quoi être scotché.

Il était une fois…

Ce recueil comprend Great Wall of Mars (très bonne entrée en matière) ; Glacial (dispensable) ; A Spy in Europa (assez bien foutu) ; Weather (mystérieux et fin triste), Dilation Sleep, Grafenwalder’s Bestiary, Nightingale et enfin Galactic North (le meilleur de la liste, sans aucun doute).

Critique de Galactic North

Presque dix textes, franchement Le Tigre ne compte pas se farcir un résumé pour chacun d’entre eux. Surtout que certains ont été lus il y a quelque temps déjà. En revanche, sur les deux-trois qui ont retenu mon attention, là je peux être intarissable. Notamment la première nouvelle, qui « pose » l’antagonisme entre les Conjoineurs (qui s’amusent à trifouiller dans le cerveau pour l’améliorer) et la Coalition de la pureté neurale, fermement décidée à faire du corps humain un sanctuaire.

Du coup, la plupart des scénarios de Reynolds tournent autour de ce conflit qui va lentement évoluer, notamment lorsqu’une menace plus grande apparaîtra. Cependant, l’intérêt de Galacic North réside en quelques découvertes et précisions qui sont précieuses pour comprendre l’univers général planté par l’auteur – à quoi ressemblait Galiana, fondatrice d’un mouvement, ou les débuts des simulations beta. Le fauve pense en particulier au dernier texte, qui a une curieuse résonance avec les « Greenfly » (pourtant décrits comme venant d’un univers parallèle) du dernier opus intitulé Le Gouffre de l’Absolution.

Malgré mon anglais de casserolle, je n’ai eu que peu de difficulté à comprendre les péripéties, même si je suppute que quelques finauderies de l’écrivain me sont passées au-dessus du ciboulot. De même, je ne saurais trop vous déconseiller d’attaquer ce truc sans avoir lu le Cycle principal, qui est génial. Car il est question de protagonistes, de technologies et de chronologie qu’il faut mieux bien avoir en tête.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce qui est constant, en hard SF mâtinée de planet-opera, est la guerre entre groupes à des échelles stratosphériques. Ici, il ne s’agit pas de luttes entre États ou groupes politiques, mais entre factions qui ont leur propre idée de l’Homme. D’un côté, la race des Conjoineurs (race, parce qu’ils perdent pas mal d’attributs humains) fait face à une coalition hétéroclite d’individus paniqués par les possibilités de la bio/nanatechnologie. Au milieu de tout ça, il y a les Démarchistes, groupe plus ou moins neutre qui va s’établir à Yellowstone, formidable ceinture d’astéroïdes qui a son importance dans le cycle.

Ce qui se joue dans ces histoires, ce n’est rien de moins que l’avenir de l’Humanité et quelle voie celle-ci va emprunter. Et, face à ces problématiques plutôt intimidantes, l’immensité du vide spatial et la solitude d’une poignée d’individus ajoutent un côté sombre, sinon gothique aux écrits de Reynolds. En sus, les protagonistes que le lecteur apprendra à connaître sont ceux qui font l’Histoire. Il n’est que rarement question du petit peuple, mais d’hommes et de femmes dont les aventures peuvent se dérouler sur des millénaires – cf. la dernière nouvelle.

…à rapprocher de :

– Comme je me tue à le répéter, ce recueil complète le Cycle des Inhibiteurs, somptueuse tétralogie avec les romans suivants : L’espace de la révélationLa Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution.

Diamond Dogs, Turquoise Days, deux autres textes pour en savoir plus sur ce monde. Quant à The Prefect, le lire ne vous apprendra rien de plus, si ce n’est que Reynolds a du talent.

– Pour des nouvelles qui aident à comprendre un complexe univers de SF, je vous renvoie vers A Second Chance at Eden, de Peter F. Hamilton sur la saga de l’Aube de la nuit.

Jodorowsky & Beltran - Megalex : IntégraleTrois BDs (L’anomalie, Le bossu et Le cœur de Kavatah) de qualités inégales, une intégrale qui se lit vite et laisse un peu amer. Certes le scénar’ est marrant, sur fond d’eugénisme et d’utilitarisme outrancier, certes le dessin est mon genre, toutefois ça ne déplace pas des montagnes. Pas sûr que le prix en vaille la chandelle.

Il était une fois…

Bienvenu sur la planète Megalex, où grâce aux soins du bon roi et de sa famille la nature a été tranquillement balayée. Toute la nature ? Non, une grosse forêt résiste toujours à l’envahisseur, et de là quelques hommes et femmes libres font des raids contre Calam, la ville principale. Tous les 400 jours, la génération d’individus programmés pour mourir, sauf que parmi les nouveaux « produits » une anomalie parvient à s’échapper. Sauvée in extremis par des résistants « naturels ». La guerre peut continuer.

Critique de Megalex

Jodorowski, ça ne peut être que de la bonne came non ? De tout ce que j’ai lu de l’auteur, c’est certes loin d’être la meilleure saga imaginée. En effet, le félin a trouvé les ficelles narratives souvent aussi grosses qu’un vénérable baobab, comme si mon Jodo en sucre avait tissé deux ou trois (bonnes il est vrai) idées autour d’une structure narrative assez terne.

Globalement, la fameuse anomalie va se retrouver au beau milieu d’une guerre entre le pouvoir, une institution dégueulasse d’hédonistes/eugénistes perfusés de drogues qui fait sauter toute menace par le nucléaire, et une bande d’activistes surentraînés très « gaïa » dans l’esprit mais sans le pacifisme associé. Au fil des tomes (même si le troisième dénoue tout abruptement), notre blondasse de héros va se découvrir une humanité pendant que se prépare l’assaut final contre les forces du mal lors d’une gigantesque fête où sera sacrifié une partie non négligeable de la populace.

Fred Beltran est allé encore plus loin niveau dessins, avec l’utilisation à outrance des illustrations numériques. Les couleurs claquent au vent, le trait est régulier quitte à délaisser les détails au profit de gros tableaux architecturaux un peu balourds – à l’image des protagonistes d’ailleurs. Toute est dans le symbolisme en fait, et la taille des cases donnera au lecteur l’impression de lire à vitesse grand V une saga de SF digne des plus gros blockbusters de dessins animés en 3D.

Par conséquent, et c’est là que le bât blesse, ça se dévore tellement vite que j’ai eu la désagréable impression d’une certaine vacuité – intellectuelle hélas. Vu le nombre de tomes et la quarantaine de pages par opus, très franchement j’attendais quelque chose de plus difficile à digérer. On pourra enfin regretter la fin, un d’un pseudo happy-ending relativement nunuche – bien qu’il y a pire en la matière.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’antagonisme entre la technologie décomplexée (caricatural et jouissif) et la mère Nature aimante et bonne est saisissant, surtout lorsque Jodorowsky s’aventure sur le terrain de la politique. Car la sophistication semble, dans Megalex, synonyme de perte de ce qui fait l’Humanité. Il n’y a qu’à voir comment est gérée la planète aux mains d’un homme qui n’a plus grand chose d’organique et de sa fille à qui il manque le cœur (on ne peut guère faire moins). Et le contraste avec le passé du pays fait froid dans le dos – évidemment, l’être humain reste le responsable de tout ce foutoir.

Le décalage entre les deux extrêmes me paraissait tellement exagéré qu’en fin de compte l’auteur m’a offert un dénouement qui ne l’est pas moins. Sans spoiler comme un connard, la synthèse techno/nature des dernières pages de la saga est enfantine, Le Tigre n’aurait pas cru Jodorowski oser faire cela….en fait si, quand on voit le final des Technopères, faut toujours que l’auteur sud-américain gâche sa sortie. Dommage.

En dernier lieu, ce que subit le protagoniste principal a tout d’un parcours initiatique comme on les aime dans les grandes tragédies. L’histoire du gus qui parvient à s’extirper de sa condition néo-foireuse (encore plus réglée qu’une sous-caste indienne) et s’élever par une belle flopée d’expériences (le rejet, l’amour, la lutte, le sexe, etc.) est presque épique. C’est le maillon faible originel du système, si tous l’appellent (au début) « l’anomalie », c’est que celle-ci est à même de résoudre un ordre précaire qui ne demande qu’à se stabiliser. En réfléchissant bien, c’est en fait LE maillon fort, un héros (qui aurait pu être un autre) qui devait survenir dans cet univers.

…à rapprocher de :

Bizarrement, la fin annonce une suite qui a l’air d’être pleinement divine. C’est quand vous voulez les cocos.

– On retrouve Jodo’ et Beltran (aux couleurs seulement) dans Les Technopères, série de huit tomes qui m’avait profondément ravi.

– De Jodorowski seul, Le Tigre s’est régalé avec Avant l’Incal suivi de L’incal. Et Final Incal accessoirement. Plus long à digérer, plus complexe, plus mieux, je me demande sous quelles substances cela a été écrit.

– L’univers totalitariste sur-bétonné parfois attaqué par une bande de culs-terreux, c’est exactement Judge Dredd, dont j’ai lu quelques bandes dessinées.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette intégrale en ligne ici.

qltl-chat-eauAttention : ce billet n’a aucun lien avec les rapports entretenus entre ce blog et la société civile des auteurs multimédias. Comme ce site commence à être mondialement connu, je reçois toute sorte d’ingénieux courriels pour me soutirer des tunes. Je reproduis ici un échange de ce genre, autant pour vous faire marrer qu’éviter que vous tombiez dans le panneau.

Ceci n’est pas du scambaiting ou croque-escroc

Il fut un temps où, sous de multiples identités, je faisais le gentil pigeon pour faire marcher quelques riches héritiers coincés en plein Abidjan. Mais je ne parvenais jamais à contenir mon sérieux, et les margoulins spammeurs étaient trop pressés. Ainsi je n’avais jamais le temps de décrocher ce qu’on appelle un « trophée » – une photo marrante pour justifier de leurs bonnes intentions par exemple.

En principe, je laisse filer les spams. Sauf ici, un a retenu mon attention car il traite d’un sujet dont j’avais, il fut un temps, parlé : lors de l’anniversaire de mon 500ème billet, je m’étais promis d’acheter toutes les extensions de domaines du vaste monde. Et voilà-t-y pas que quelqu’un est déjà sur la sellette ! Pirates !

En publiant la correspondance si tôt, je prends toutefois le risque que le scammeur tombe dessus et comprenne que je suis autant sérieux qu’un clown à un anniversaire. On verra bien !

Une arnaque qui en veut à ma fourrure

Voici donc le déroulement des trois premiers échanges. Pour des raisons de visibilité, j’ai mis en bleu foncé les mails et ai dégraissé la police de caractère qui me piquait les moustaches.

de:larry.chang@cnnetcor.com
à: Le Tigre
date: 27 février 2014 11:48
objet: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Manager,

(If you are not the person who is in charge of this, please forward this to your CEO,Thanks)

This email is from China domain name registration center, which mainly deal with the domain name registration and dispute internationally in China.

We received an application from « DongYing Importing Co., Ltd » on 26/02/2014. They want to register « quandletigrelit » as their Internet Brand and

quandletigrelit.asia ; quandletigrelit.cn ; quandletigrelit.co ; quandletigrelit.com.cn ; quandletigrelit.com.tw ; quandletigrelit.hk ; quandletigrelit.in ;quandletigrelit.tw

domain names. They are the domain names in asia and will work wordwide. But after checking, we find « quandletigrelit » conflicts with your company. In order to deal with this matter better, we send you email to confirm whether this company is your distributor or business partner in China?

Best Regards,

Larry Chang

Auditing Department.

Registration Department Manager

4/F,No.9 XingHui West Street,
JinNiu ChenDu, China

Office: +86 2887662861
Fax: +86 2887783286
Web: http://www.cnnetpro.com

Déjà, j’adore qu’on nomme « Dear manager » le félin, ce genre d’appellations suscite d’intenses frissons qui glissent le long de mon échine telle la rosée du matin sur une ambroisie à feuilles d’armoise. Il me plaît bien, ce Chang. Si j’avais un forfait mobile monde, je l’aurais appelé de ce pas pour lui faire l’amour par téléphone.

Ensuite, un grand merci à mon système anti-spam de paysan du Danube qui n’a pas jugé bon de filtrer ce message. A sa décharge, il est vrai que la requête semble, au premier abord, légitime. Non ? On est d’accord : autant légitime qu’une tranche de coppa dans une synagogue.

D’après ce que j’ai compris, la société DongYing Importing Co. Ltd. a envoyé une demande d’inscription du nom « quandletigrelit » sur une pétée de domaines internet de la Grande Asie. Première rigolade. Heureusement, le gentil Monsieur Chang, qui a reçu la demande, a tout de suite remarqué qu’une société portait déjà ce nom. MA société, à savoir le fleuron industriel qu’est quandletigrelit.fr. Deuxième rigolade.

Là où ça devient encore plus déconnant, c’est que le mec du soi-disant centre chinois d’enregistrement de noms de domaines donne en lien un site (cnnetpro.com) qui est une société qui propose des services dans le domaine de la propriété intellectuelle. Rien d’officiel donc. En tapant le nom sur le net, tout de suite les doux mots « scam » et autres « hoax ». Mais rien en français – heureusement que je suis là.

Bien évidemment, il me demande si DongYing Trucmuche est mon partenaire, étant donné que cette boîte compte utiliser mon auguste nom worldwide. Quand je lis ça, je sens bien ce qu’il attend du Tigre : 1/ que je dise que ça ne me convient pas. 2/ Chang m’annonce que j’ai alors le droit de m’enregistrer moyennant quelques sous. Emballez c’est pesé.

Le Tigre pensait laisser filer ce mail, cependant le fauve est parfois joueur. Voici ma réponse.

de: Le Tigre
à: larry.chang@cnnetcor.com
date: 16 avril 2014 17:23
objet: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mister Chang,

Thank you for your email. Please accept my apologies for this late answer, we are very busy between january and may at QLTL’s office.

DongYing Importing Co Ltd. has no business relation with us, and such registration you talk about indeed will conflict with my business.

I don’t really understand why this compagny wants to use « quandletigrelit » as internet brand name since this name has a long-established reputation in french-speaking countries – Europe, North-America and Africa.

Sincerely yours

Mr. Martin
CEO of QuandLeTigreLit Inc.

Comme vous l’avez remarqué, ma maîtrise de la langue anglaise n’a d’égale que la taille de ma cheville droite après une entorse. Quant à mon nom, j’ai préféré utiliser le nom de famille le plus courant en France plutôt que signer « Tigre », ce qui aurait été un peu prématuré question foutage de gueule.

J’ai tout de suite accepté d’entrer dans un registre très corporate, n’hésitant pas à balancer d’intimidantes références sur le succès rencontré par ma marque. Si Larry C. me pose des questions sur la visibilité de la marque QLTL©, je lui ferai alors comprendre que mon site n’est qu’une savante vitrine prêtée à un insignifiant blogueur un peu con-con. Il n’aura pas de mal à le comprendre en lisant mes billets. Tout ça pour assurer la partie immergée d’un iceberg/empire économique dont les imbrications financières dépassent l’entendement.

Mon pote Larry Chang a très certainement du s’en douter. C’est pourquoi sa réponse ne s’est pas faite attendre :

de: Larry Chang <larry.chang@cnnetcor.com>
à: Le Tigre
date: 18 avril 2014 13:43
objet: Re: Re: About Domain Name Registration In China: quandletigrelit

Dear Mr Martin,

Thanks for your clarification, Since you are not relevance, we will inform them that you are using it still and persuade them registering others better. Thanks for your write back, have a nice day.

Best Regards,

Larry Chang

[…mêmes mentions qui suivent]

Et dire que je me suis fait chier à faire des phrases compréhensibles… Je cherche toujours ce que signifie « since your are not relevance » ou les règles relatives au gérondif dans cette langue, parce que là mon petit Chang a semé mille doutes dans mon esprit.

Plus sérieusement, mon courriel fut sans appel, et le manager de cnnetpro a bien compris qu’enregistrer mon nom dans tous les pays d’Asie était hors de question. D’ailleurs, il va de ce pas signaler à DongYing Bidule qu’ils peuvent se carrer leur inscription dans le fondement.

Voilà, en tant que PDG à vie de la florissante compagnie QLTL, Le Tigre a (encore une fois) défendu son territoire avec une verve et une classe que les mâles alphas du peule le plus burné au monde (disons les Vikings) m’envient.

Just kidding – mon anglais s’améliore, c’est indéniable. Vous pensez vraiment que Chang en reste là ? J’ose espérer que non.

La suite est ici (en lien).

Fabio Geda - Dans la mer il y a des crocodilesSous-titre: L’histoire vraie d’Enaiatollah Akbari. VO : Nel mare ci sono i coccodrilli. Très touchante histoire d’un immigré contraint à quitter son pays, l’Afghanistan, le lecteur va suivre les pérégrinations sur quatre années d’Enaiat. Du sud du pays des Talibans à Turin, à pied, en car, en bateau (ferry ou petite merde gonflable), le chemin est long. Le Tigre n’aime guère dire cela, mais c’est un must have.

Il était une fois…

Avant l’intervention américaine en Afghanistan, Enaiat vivait tant bien que mal dans le sud du pays. Âgé d’une dizaine d’années, le gosse est relativement mal parti dans la vie : il est hazara, ethnie d’ascendance mongole rejetée par la population qui majoritairement peuple le pays. Parce que ça sent le roussi pour lui, sa mère décide de lui offrir une vie meilleure. A savoir lui faire passer la frontière avec le Pakistan et le laisser mener sa vie, loin de la bêtise des Hommes. Sauf que cette denrée est inépuisable, et c’est une aventure presque sans fin qui va avoir lieu.

Critique de Dans la mer il y a des crocodiles

Cet ouvrage aurait pu être considéré, par le félin, comme un essai. Sauf que c’est bien plus que cela : à partir de l’histoire d’Enaiat rencontré dans un centre interculturel, Fabio Geda (certes journaliste, mais écrivain éprouvé) a pondu un roman exceptionnel. L’émotion y est violente, aidée par un style (j’y reviendrai) et quelques dialogues (peu au final) entre l’immigré et Geda, passages qui permettent une subtile mise en abîme.

C’est donc quatre ans d’immigration que nous allons suivre : le départ depuis son village (Nava) où il ne peut rester ; le Pakistan où il se fait vendeur à la sauvette, puis homme à tout faire chez un marchand ; ensuite travailleur dans des chantiers en Iran ; l’exode douloureux dans les montagnes vers la Turquie (violent) ; la fuite sur une embarcation de fortune vers la Grèce ; puis divers coups de chance pour arriver en Italie. Venise, Rome, Turin, où il trouve enfin une famille. Les religions, pendant ce dangereux voyage, occupent une place plutôt restreinte.

Deux aspects ont réellement étonné Le Tigre. D’une part, en 150 bonnes pages, la densité de l’aventure est exaltante. C’est certes intense de bout en bout, toutefois j’ai cru sentir que plus le chemin de croix avance, plus le héros « lourde » la description de ses pérégrinations. Comme s’il avait hâte d’en finir. D’autre part, le style dénote une sorte d’objectivité qui m’a semblé est choquante : le gars en prend plein la gueule, et pourtant il subit et pardonne souvent, parvenant même à nous offrir des passages d’une rare poésie – sans doute cela est dû à sa jeunesse.

Voilà, ce fut une petite claque dont, je le concède, les dernières pages ont failli ouvrir le barrage lacrymal de votre serviteur. Faut dire que l’artillerie lourde (la famille) a été allègrement pointée vers moi. Heureusement, j’ai lu pire, et ai su relativiser en me disant que ce n’est qu’une fiction. Ah bah non en fait. Merde. Snif.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce roman offre un aperçu de ce que les Hommes peuvent faire de pire. Il ne s’agit pas que des Talibans, même si ce groupe en tient une sévère couche : le début commence fort, avec les « étudiants » islamistes décidés à fermer l’école (à Quetta) où apprend le protagoniste principal. Parmi les vilains, peu d’Afghans en fait, mais une mosaïque de nationalités qui ont dépêché leurs fous furieux dans un pays malade. En outre, que ce soient les Iraniens (le camp de concentration de Sang Safid dont on parle), les Turcs (la police y est terrible), et même les Grecs (en pleine prépa du mondial, tristesse), les machines étatiques ne s’illustrent guère par leur respect des Droits de l’Homme.

Face à cette horreur, Enaiat est d’une simplicité et d’une rectitude dingues. Peut-être les ultimes mots de sa mère résonnent régulièrement dans son cerveau. Trois mantras qui sont en première page de l’œuvre : ne prend pas de drogue [l’Afghanistan étant un vaste entrepôt à opium, ne l’oublions pas] ; n’utilise pas d’armes [malgré l’institution de l’AK-47] ; ne vole pas. Et il s’y tient, ses seuls délits sont de vouloir aller vers un endroit où il peut étudier et travailler. Tout simplement. A sa place, Le Tigre serait sûrement devenu un délinquant de première. Comme Enaiat aurait pu être un jeune Taliban égorgeant les ennemis de son pays natal, s’il y était resté.

Enfin, si vous vous demandez d’où sort le titre, la (première) réponse doit être vers la page 122. Le héros, accompagné de certains acolytes, est sur le point de gonfler un canot pneumatique, sauf que dans la nuit l’accès à la plage est parsemé d’embûches. Comme c’est la première fois qu’ils rencontrent une mer salée, ils se disent que tout peut arriver. Tout, notamment que des crocos les attendent dans la flotte. Peu importe si ces bêtes là ne sont pas censées s’y trouver, ça ne les étonnerait guère au point où ils sont.

…à rapprocher de :

Eldorado, du grand Laurent Gaudé, traite du même sujet. Très bon roman apparemment, je devrais sans doute le lire.

– Sur le déracinement et comment un individu peut gérer plusieurs identités, je vous renvoie vers Les Identités meurtrières, de Maalouf.

– Sur l’Afghanistan, et le voyage dans les déserts gelés, Tigre a eu les images du Photographe, de Lefevre.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

EncycatpediaCeci n’est pas un billet sur la manière de partir aux Seychelles tout en laissant son chat chez soi, attention. Ici, Le Tigre va parler d’une divine technique pour faire en sorte que son animal de compagnie ait à manger pour quelques jours. Il y a d’autres moyens certes, mais aucun n’a la classe et respecte autant les traditions que le mien. Mon véto la recommande à tous, c’est dire.

La chasse aux trésors du Tigre

Cet article ne s’adresse qu’aux dyonisaques accomplis fermement décidés à partir quelques jours sans avoir à trimbaler Louloute – le nom que je donnerai à votre chat qui restera dans votre F3 de banlieue pendant que vous irez entretenir votre cancer de la peau.

Ici, je compte seulement expliquer comment gérer la partie « nourriture » de votre absence. La problématique est la suivante : vous filez à l’anglaise le long d’un long weekend, et aimerez que Louloute ait à bouffer pendant ce laps de temps. Pour cela, il peut être intéressant de faire en sorte qu’elle mérite sa maigre pitance – sans avoir à laisser la TV allumée ni poser une colonie de souris chez vous. Et, la réponse, comme par miracle, m’est venue d’une expérience personnelle que je renouvelle chaque année. Laissez moi vous raconter une histoire :

Tel un félidé, je suis un être exagérément solitaire. Lire un maximum de livres est à ce prix, et je n’ose calculer le nombre de fois que j’ai prétexté une grippe pour ne pas aller rejoindre des potes dans une partouze – ils ont tous la syphilis depuis, j’ai une autre bonne raison de les éviter dorénavant. Et tout ça pour pondre des chroniques, pour toi cher lecteur. A part ma tigresse et ce qu’il reste de ma famille, j’ai très peu d’invitations pour célébrer les fêtes chrétiennes. Dont Pâques.

Concernant cette dernière fête, c’est délicat de se faire plaisir tout seul. Cette foutue coutume au cours de laquelle il faut chercher une pétée de chocolats chèrement achetés, franchement ça me gave autant que la Saint Valentin – je parlerai dans un autre billet de la façon de fêter la St Val’ avec votre chat. Heureusement, mon cerveau néo schizophrène a rapidement trouvé comment passer un aussi bon moment que lorsque j’étais tout petiot. Cela tient en deux étapes.

Premièrement, je me procure les œufs de Pâques avant l’heure. A l’instar du prix du foie gras trois semaines avant Noël, celui du cacao est doublé vers avril. Une honte. C’est pourquoi j’achète mes saloperies bien sucrées tout au long de l’année, et les laisse dans un tiroir que je n’utilise guère (et au frais, bien évidemment). Il est difficile de respecter une telle double discipline : 1/ acheter régulièrement des chocolats et 2/ ne pas bouffer les kinder bueno après un footing ou lors d’une crise d’hypoglycémie.

Le deuxièmement survient lors de la veille de Pâques. En principe, tout le monde fait péter le weekend en famille. Sauf Le Tigre dont les sœurs-panthères et parents-lynx n’ont pas droit de sortir de leurs zoos. Je suis donc seul. Et se retrouver ainsi comme un con avec un placard rempli de bonbecs est incommodant, sans compter que je n’en ai distribué aucun pendant Halloween. Voilà donc comment se déroule le samedi chez Le Tigre, d’après les derniers journaux de bord qui n’ont pas été inondés par mon vomi :

-20h. J’ouvre le premier magnum de Veuve-Cliquot pendant le journal télévisé. La hiérarchie de délivrance des informations par mes contemporains me contraint à boire le breuvage au goulot. Ça commence bien.
-21h. Deuxième litre et demi de roteux sur le point d’être fini. Deux minutes à zapper me suffisent à comprendre qu’il n’y aura rien d’intéressant à la télé. Je ressors alors la saga Emmanuelle que j’ai en VHS.
-22h. Je dragouille cette salope de Reuilly qui me fait de l’œil depuis un mois. La bouteille roule du derche depuis trop longtemps, il est temps de lui montrer qui est Raoul.
-23h. J’attaque le gros œuvre et déniche un vieux Get 27 que mon chat n’a pas fini. Je profite d’un état d’exaltation intellectuelle pour rédiger une nouvelle – qui s’avérera, le lendemain, parfaitement nulle.
-00h. Là, je commence à être chaud. Et encore conscient de ce que je fais. Trois actions s’imposent alors. D’abord, avaler quelques décontractants musculaires pour faire passer ma crampe au doigt – écrire est éprouvant. Ensuite, sortir le tiroir où les chocolats sont entreposés et le placer sur mon pieux. Enfin, il est temps de dire à mon ex, par sms, ce que je pense d’elle. Cette petite coureuse de remparts ne répond pas, je lui lâche alors un mail auquel je joins ma dernière production littéraire – celle de 23h, que j’avais cru bien corriger depuis.
-01h. Mon chat s’est planqué sur le toit, la feuille de rose que j’ai tenté de lui faire avec ma brosse à dents électrique ne lui a visiblement pas plu. Faut que je me lave les dents d’ailleurs avant de me pioncer. Puis dodo. Merde, c’est quoi ces trucs sur mon lit ?
-02h. Blackout.

Le lendemain est tout bonnement divin. Mis à part la gueule de bois carabinée, l’avertissement du commissariat, le message du proprio furieux et la main courante déposée par Sophie (une ex dont je n’avais plus de nouvelles depuis cinq ans pourtant), il n’y a plus d’œufs de Pâques sur mon lit. Et oui, je n’ai AUCUN souvenir des endroits où je les ai cachés.

Je passe donc mon dimanche à les chercher, comme dans ma tendre jeunesse. Sachant qu’on commet de belles conneries étant ivre, c’est également par crainte que je m’active pour en trouver le plus possible.

Jouer à Pâques avec son chat

Vous l’avez saisi, l’histoire que je vous ai contée est parfaitement applicable à votre Louloute. Il suffit de simplement cacher une quantité satisfaisante de croquettes le temps de votre absence. Entourez-les de papier d’aluminium (avec des trous pour qu’elle sente le fumet) ; planquez-les sous votre lit (le chat qui y passera nettoiera la poussière en sus) ; dispersez-les dans d’improbables recoins, merde faites comme vous le sentez.

Après quelques heures de disette, votre Louloutte se sortira les griffes du cul pour chercher sa bouffe. La nature reprendra alors ses droits. Du challenge, de la chasse, un peu de curiosité piquée, voilà pourquoi je préfère cacher ses croquettes light plutôt qu’investir dans un distributeur automatique pour roi félin fainéant.

Au-delà de la bouffe, il convient de respecter deux ou trois autre règles de logistique. Sinon, votre appart’ risque de ressembler à une baraque après un Projet X et une Opération Pélican réunis. Pour ma part, je prépare deux litières, quelques bols d’eau et ferme les portes où je n’aimerais pas que ma Louloute chie. Quand je suis de bonne humeur, j’accroche même quelques bouchons à des ficelles suspendues au plafond. Ça la rend dingue.

Conclusion pascalissime

Vous devez vous demander combien de temps cette délicieuse technique peut fonctionner. Pour cela, je vous renvoie au numéro de ce volume de l’Encycatpedia. Au-delà de trois jours, Louloute fera gravement la gueule.

A votre avis, pourquoi le petit Jésus a ressuscité au bout de 72h ? C’était pour nourrir ses chapôtres.

Sur ce jeu de mots de forain, je m’en vais manger un père noël en chocolat. A vu de nez, celui-ci date de Noël 2012.

Alexandre Jardin - Le ZèbreUn homme qui remue ciel et terre pour recréer l’étincelle qu’il pense éteinte dans son couple, il y a quelques bonnes idées – si vous ne connaissez pas Alexandre Jardin. Tout cela se lit correctement et rapidement, c’est plutôt bienvenu comme littérature même si de la part de cet auteur il y a une curieuse impression de déjà-vu.

Il était une fois…

Voilà ce qu’en dit l’éditeur. Ça m’évitera de m’appesantir sur l’histoire :

« Gaspard Sauvage, dit le Zèbre, refuse de croire au déclin des passions. Bien que notaire de province, condition qui ne porte guère aux extravagances, le Zèbre est de ces irréguliers qui vivent au rythme de leurs humeurs fantasques. Quinze ans après avoir épousé Camille, il décide de ressusciter l’ardeur des premiers temps de leur liaison. Insensiblement, la ferveur de leurs étreintes s’est muée en une complicité de vieux époux. Cette déconfiture désole Gaspard. Loin de se résigner, il part à la reconquête de sa femme. Grâce à des procédés cocasses et à des stratagèmes rocambolesques, il redeviendra celui qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’Amant de Camille, l’homme de ses rêves. Même la mort pour lui n’est pas un obstacle. »

Critique du Zèbre

Alexandre Jardin est l’auteur de l’enfance du Tigre, avec des romans qui à l’époque m’avaient plutôt ravis, même si les thèmes sont redondants. Du coup, je suis un peu emmerdé pour ce billet, j’ai peur de me mélanger les pinceaux avec d’autres titres de l’écrivain français.

Néanmoins, je me souviens bien de l’impression de gêne face à un protagoniste principal à qui, franchement, il manque plus d’un grain. Gaspard, petit notable de province (heureusement que ses associés gèrent sans lui d’ailleurs), devient au fur à mesure moins crédible lorsqu’il met en place ses menues trouvailles. Certaines confinent au malsain, avec un homme fétichiste de sa femme – qui n’a rien demandé. En outre, le personnage renvoie à notre condition d’éternel insatisfait : en poussant la logique « vie tes rêves » jusqu’au bout, le résultat est, à mon sens, une catastrophe qui fait rire de loin.

Ces deux cents grosses pages se lisent plutôt vite, tel un roman d’aventures avec un homme fantasque qui chie sur le conformisme des sentiments. Chapitrage court, écriture simple et entraînante, petite touche d’humour et formules qui font mouche, rien à dire de ce côté. Toutefois, j’ignore ma réaction en lisant cela dans quelques décennies. La magie continuerait d’opérer ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour à tout prix. Le père Sauvage (s’est pas emmerdé pour trouver le nom du héros) en fait définitivement trop, la pauvre Camille ne sait pas à quel saint se vouer. Le problème de Gustave, c’est qu’il idéalise comme un benêt sa relation de couple, attaché à de pétillants souvenirs qu’il veut recréer. Hélas, la création de ces rocambolesques situations m’ont paru être autant de dégradations de l’amour – dans la mesure où très rarement, Camille a son mot à dire.

Comme l’annonce le quatrième de couverture, ces désirs immodérés vont se poursuivre au-delà même de l’existence de Gustave. L’amour qui bat la mort, j’ai trouvé que la fin du roman a été gravement catapultée de bons sentiments un tantinet décevants. C’est également à ce moment que l’auteur fait fort, en imaginant un stratagème (odieux, selon moi) pour rester l’amant de sa femme. C’est bien beau de préparer l’avenir quand on se sait mourir, mais à un moment faut laissez vivre les vivants.

…à rapprocher de :

– De Jardin, Le Zubial (presque un jumeau du Zèbre) et Fanfan m’ont semblé bien proches. Personnellement, j’ai préféré L’ile des gauchers. Laissez passer quelques années entre deux lectures.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Alfred - Come PrimaPetite histoire familiale de qualité mâtinée d’un certain road-movie européen (France-Italie du moins), il font convenir que cette grosse bande dessinée est autant rondement menée que subtilement illustrée. Le pardon, l’Histoire qui s’en mêle, les liens fraternels, la parentalité, tout est là. C’est gentillet comme tout, même si ça ne casse guère cinq pattes à un tigre.

Il était une fois…

Vers le début des années 60 (58, si j’ai bonne mémoire, et encore faut attendre avant de le savoir précisément), Fabio est un énième boxeur en France. Après un combat, son frère Giovanni, qu’il n’a pas vu depuis des lustres, se présente à lui avec leur papa dans un gros cendrier – comprenez : le daron est mort. Bon gré mal gré (je n’utilise pas assez cette expression), Fabio va suivre le frangin vers leur village natal, et ce à l’aide d’une caisse à savon qui n’a pas passé le contrôle technique depuis l’élection du Duce. L’occasion de taper la discute et lever le voile sur quelques zones d’ombre.

Critique de Come Prima

Le félin voue un mini-culte aux auteurs « solos » de BD, à savoir ceux qui pondent le scénar’ en même temps qu’ils s’acharnent sur le dessin. Ici, Alfred (aka Lionel Papagalli) a du énormément bucher sur cet ouvrage, chaque planche étant d’une qualité certaine – sans compter leur nombre, très appréciable.

Sur l’histoire, on comprend vite que les deux frérots se sont quittés assez salement, et il y a comme une certaine tension entre eux. Petit à petit, on en apprend un peu plus sur ce qu’il a pu se passer dans la famille : un père qui déteste un des fils, une communauté prise dans les remous du fascisme italien, et quelques chiards qui traînent dans la nature. La relation entre les deux protagonistes n’évolue pas si rapidement, disons qu’ils ne se rouleront pas tout de suite quelques galoches. Quant au voyage en caisse, les péripéties sont bien amenées, avec des flashbacks savamment dosés – le départ, les souvenirs avec les petites amies, etc.

En outre, Alfred fait montre de belles astuces scénaristiques, que ce soit au début (le parallèle entre le match de boxe et la conversation entre les frérots) ou plus tard – l’improbable dialogue, ivre, avec un chien abandonné. En plus, au niveau des illustrations, l’auteur s’est permis d’innover pour rendre ses textes comme plus éthérés (les nuages sont omniprésent, cf. le passage avec la femme qui étend des draps), sinon onirique. Plus généralement, le trait a un caractère reconnaissable, les personnages et les couleurs prenant largement le pas sur le texte.

En guise de conclusion, c’est pas mal. Sans plus, et pour justifier la note Le Tigre vous dira qu’il a découvert, après lecture, que ce truc a été primé dans un festival bien connu. Alors que je l’avais acheté au pifomètre dans une grande surface ! Pour une fois, bonne pioche.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La famille dans tous ses états. Sans spoiler, il faut savoir que Fabio a quitté ses proches très jeune, ce qui a été vu comme une trahison par certains. En s’imaginant que sa ville natale est trop petite pour ses ambitions, Fab’ a décidé de mener la grande vie à l’étranger. Du moins c’était son intention première. Parallèlement, Giovanni n’est pas non plus tout blanc de son côté, et le mec faible du début de la BD prendra une consistance plutôt surprenante. Quant au père, je vous laisse la surprise. La mama ? On en entend jamais parler (en tout cas, je ne m’en souviens guère).

Au-delà des petites bisbilles familiales, Come Prima (putain, d’où vient ce titre ?) est affaire de courage, et surtout de lâcheté – abandons en tout genre. Les protagonistes ont certes quelques secrets, mais le plus important est de savoir comment ils vont pouvoir solder leurs vieux comptes. Au final, on remarque que les antagonismes sont souvent des mésententes que seuls les liens du sang sont capables de créer. Finalement, ça pourrait être une histoire banale, mais sous le trait d’Alfred, ça prend la tournure d’une tragédie sans pathos excessif – et avec une pointe de symbolisme bien placé.

…à rapprocher de :

Très franchement, sur les prix d’Angoulème, je préfère le lauréat précédent avec Quai d’Orsay (le tome 2), de Blain et Lanzac.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette intégrale en ligne ici.

Léon Tolstoï - La Mort d'Ivan IlitchVO : Смерть Ивана Ильича, Smert’ Ivana Ilyicha. Dans l’édition que je lis il y a en plus Trois morts (VO : Три смерти) suivi de Maître et serviteur (VO : Хозяин и работник). Trois nouvelles de l’auteur russe centrées autour de la mort, trois textes écrits à des périodes différentes mais où la morbidité est constante, c’est terrifiant tellement Tolstoï semble indémodable.

Il était une fois…

Ivan Ilitch est promis à un bel avenir. Magistrat (un tantinet arriviste) et fils de fonctionnaire, femme bien sous tout rapport, enfants bien élevés, et tutti quanti. Il aligne les promotions et les beaux apparats qui le classent parmi les grands bourgeois. Subitement, le quarantenaire tombe malade. Médecins après médecins, un constat finit par s’imposer : il va mourir.

Critique de La Mort d’Ivan Ilitch

Si Le Tigre s’est concentré, dans la partie précédente, sur la nouvelle phare de l’œuvre, c’est que (selon le félin hein) celle-ci se démarque des autres pas sa taille et sa qualité – d’ailleurs, l’éditeur l’a mise en avant. En outre, je ne me souviens quasiment plus de Trois morts, comme si quelque chose n’avait pas franchi mon cerveau éreinté.

Quant à Maître et serviteur, je me suis légèrement ennuyé à la parcourir, et ce en dépit des dernières pages où on entre dans le vif du sujet. Les rapports entre Andréitch Brékhounov et son commis Nikita sont certes finement décrits, néanmoins c’est lorsque l’improbable couple est forcé de passer la nuit dehors que je me suis régalé. L’insupportable froid, le canasson qui clamse, les pensées du maître ou du serviteur aux abois, il faut convenir que ça dépote pas mal.

Revenons à La Mort d’Ivan. Dès que le héros ressent ses premières douleurs, le style de Tolstoï frise la perfection : les phrases sont précises, ciselées et créent une empathie totale avec l’homme qui voit défiler les médecins et dont la souffrance est pernicieuse. Obnubilé par sa maladie, la petite existence d’Ivan s’évapore progressivement pour laisser la place à une vie réglée en fonction de ses maux – de la question de la médecine parallèle jusqu’à des questions bien plus métaphysiques.

Dans l’ensemble, du très bon qui n’a que peu vieilli, comme si l’auteur avait touché à l’essence même d’un sujet universel – concernant l’écrivain, j’ai conscience que c’est un peu light comme commentaire. Sinon, pour les élèves obligés de commenter ces textes, il y a l’intellectualisante préface de Françoise Flamant. Trop longue et documentée, Le Tigre n’est pas allé au-delà de la sixième page toutefois.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La mort, au centre de ces nouvelles, a été magistralement traitée. Tolstoï a un talent (que je qualifierais de flippant) pour faire entrer Thanatos dans des récits qui semblent se borner à présenter des gens (et intrigues) plutôt banals. Ivan qui ne pense qu’à sa carrière, le maître Andréitch désireux de rapidement conclure une bonne affaire (son serviteur est une bonne affaire en soi), tous vont voir arriver un peu trop vite la grande faucheuse. Les protagonistes et les univers sont assez différents, pourtant c’est avec la même implacabilité que le néant s’offrira à eux.

Concernant Ivan Ilitch, la maladie va le transformer, lentement mais sûrement. Il s’apercevra que, derrière les menues satisfactions (parties de whist par exemple) et la situation dont il s’enorgueillit, il n’y a qu’hypocrisie et vanité. Toutefois, il met un certain temps à se rendre compte de la piètre estime que ses proches lui portent, et la colère (associée à la souffrance certes) reste sa première réaction. Lorsque le magistrat consent à changer, il semble que la prise de conscience de sa vanité ne survienne que trop tard – la fin est d’une rare tristesse.

…à rapprocher de :

De Tolstoï, je pense que vous savez quoi lire. Et, pour un tel auteur, Le Tigre n’ose guère faire de rapprochements.

– Je dois avoir un autre écrivain russe du XIXème dans ma bibliothèque, il s’agit de Gogol et ses Nouvelles de Pétersbourg.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Acker & Blacker & Espin - Wolverine : Season OneVO : idem. L’homme au squelette d’adamentium et capable de se régénérer est dans de nouvelles aventures plutôt fades, et c’est bien dommage. On n’apprendra à peine plus sur l’histoire (déjà bien connue) du personnage, sans compter un scénario trop vite expédié. X-Men incontournable et membre de la secte des Avengers, Logan a été pauvrement rhabillé dans ce reboot, qui plus est au dessin imparfait.

Il était une fois…

En pleine forêt canadienne, le gros Logan est en train de se bastonner comme un sagouin contre Wentigo, une sorte de grosse brute aux allures d’abominable homme des neiges – le lecteur qui ne connaît rien à Wolverine est mal parti, j’en conviens. James et Heather Hudson sont de passage (en pleine lune de miel, les cons) et recueilleront chez eux le pauvre hère – mi-arme, mi-mutant. Qui est-il donc ?

Critique de Wolverine : Season One

Je suis particulièrement curieux des redémarrages de superhéros que je connais de loin, et c’est aussi l’occasion de voire si je ne suis pas largué dans ce que produisent mes contemporains. Ces derniers, hélas, ont de temps à autre la main aussi lourde que le squelette de Wolverine.

Pour faire simple, James Howlett ignore tout de son passé. En plus, il ne répond qu’au nom de « Logan » et le lecteur le découvrira dans un état tout ce qu’il y a de plus bestial. Sauf qu’au fil des pages, les quelques flashbacks et découvertes du couple Hudson ne sont point parvenus à me tenir éveillé. Trivialement, c’est le Canada qui avait créé son super héros (à la manière d’un Captain Canada de carnaval) en vue de mettre un terme à lutte entre Wendigo et le verdâtre Hulk. Wolverine est le summum du projet arme X – old weapon of ridiculous destruction qui n’a pas évolué pour un sou dans ce reboot.

Les scénaristes Ben Acker et Ben Blacker (un rapport entre les deux ??) ont sauvegardé les meubles en proposant une version que j’ai trouvée assez plate du héros. Comme par hasard, James Hudson bosse au département H (allez savoir ce qu’est ce truc canadien), et grâce à lui les révélations sur le Wolverinissime arrivent facilement, avec comme point d’orgue l’ébauche de son entrée dans l’école des mutants.

Pour ne rien arranger, y’a quelque chose qui cloche dans les illustrations de Salva Espin. J’ai mis du temps à voir ce que c’était : le trait est résolument moderne, les muscles des persos un poil trop hypertrophiés et la couleur ne choque pas. Toutefois, ça fait un peu cheap dans l’ensemble, sans réel caractère. Et j’ai finalement trouvé, la solution était sous mes yeux : ce sont des dessins de BD de supermarché – en effet, je l’ai volé dans un Wall-Mart francisé. En conclusion, encore un comics grandement dispensable – sans doute parce que je ne connais pas assez cet univers.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le félin a beau avoir ricané en lisant ce truc, mais il faut avouer que le sujet de la sauvagerie vs. l’humanité est plus que présent. Car Woverinette semble avoir tout oublié de la civilisation, que ce soit bouffer proprement au resto ou ne pas planter quelqu’un par réflexe au réveil. Ses nouvelles connaissances (enfin, surtout une femme) feront le maximum pour l’aider à retrouver une humanité malgré ses pouvoirs. Et cette quête résonne étrangement par le comportement parfois animal des Hommes – que ce soit le staff des armés ou le mari Hudson ponctuellement jaloux de l’attention que son épouse porte au superhéros.

La manipulation est également au centre de ce titre puisque ce benêt de Logan n’a pas été créé pour rouler du postérieur dans la nature comme un énième Crusoé. Et, lorsqu’il reprend contact avec les militaires nord-américains, ces derniers l’utilisent pour un but précis – et ils se gardent bien de le lui dire. Parallèlement, entre le protagoniste principal et M. et Mme Hudson, on sait pas vraiment qui dirige qui, et surtout quelle partie a besoin de l’autre. Au final, les rapports entre tous les intervenants restent ambigus, plus particulièrement entre Logan et Wendigo – ça semble se terminer bien pour les deux gus.

…à rapprocher de :

Il faut savoir que Marvel ne s’est plus sentie pisser et a décidé de reprendre tous ses héros en leur attribuant le suffixe « Season One ». Iron Man (ça passe) ; Les 4 fantastiques (un bijou de mauvais goût) ; Thor ; Spider-Man ; Hulk ; X-Men, etc…suis pas vraiment sûr de vouloir tous les lire. En fait si, il y a bien une pépite qui s’y cache. A la rigueur, Silver Surfer : Requiem, de Straczynski & Ribic, est excellent malgré la présence des quatre fantastiques.

– L’homme et l’animal en comics, c’est bien sûr Animal Man, dont le félin a lu les tomes de Jeff Lemire et Travel Foreman (Tome 1 ici, tome 2 là).

– Des reboot des héros, je préfère nettement Batman avec Year One, de Miller et Mazzucchelli.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.