[VO : A Jealous Man Can’t Win]. Dans un Harlem d’après-guerre peuplé de créatures iconoclastes, deux flics vont chercher à élucider un meurtre assez étrange. Polar poussif avec des dialogues parfois durailles à suivre, il y a pire certes. Hélas, le feignant félin a été incapable de finir les cinquante dernières pages.
Il était une fois
Harlem, fin des années 50. Dans la nuit, un voleur est témoin d’une brève rixe au cours de laquelle un homme se fait tuer. Et est laissé dans une vaste corbeille de pains frais. Le lendemain, devant cette même corbeille, une maison accueille des funérailles. Le révérend Short (beurré comme à l’accoutumé) tombe malencontreusement du deuxième étage. Et atterrit comme par miracle dans la corbeille….où git déjà un homme tout ce qu’il y a de plus mort.
Critique de Couché dans le pain
Voici un des premiers romans de Chester Himes, écrivain afro-américain qui semble avoir eu son petit succès dans les années 60 (notamment en France). Il y en a d’autres qui trainent dans ma bibliothèque, hélas je ne suis pas vraiment certain de poursuivre avant quelques mois.
Il s’agit du premier opus introduisant deux flics que le lecteur pourra retrouver dans d’autres œuvres : Fossoyeur Jones et Ed Cercueil sont deux hommes plutôt bons limiers et connaissant suffisamment le quartier d’Harlem pour pouvoir s’y balader et y faire régner un certain ordre. Curieusement, ces deux personnages apparaissent peu dans l’histoire, on suit surtout Johnny et la clique gravitant autour de ce gangster (des pépées violentes, d’autres malfrats dépensant leur fric à des jeux de cartes, et les parents de tout ce joli monde).
Sauf que votre serviteur s’est acharné à tenter de rentrer dans un roman qui ne lui parlait guère. Soit Himes avait un vocabulaire propre à son milieu, soit la traduction a été réalisée à la truelle, mais dans tous les cas les dialogues et certaines descriptions ne passent pas. On s’ennuie ferme, et savoir qui a tué le pauvre hère ne m’a que moyennement intéressé – si cela se trouve la fin est sublime.
Au surplus, les individus décrits sont certes truculents, mais question crédibilité y’a quelque chose qui rend le tout peu cohérent, tel un rêve alcoolisé sous une chaleur accablante – avec des protagonistes que j’ai souvent confondus. C’est comme si l’écrivain, qui a tant de sujets et de caractères à décrire, aurait eu envie de tout coucher dans ces 250 pages. En vrac. En fin de compte, un univers que Le Tigre maîtrise peu et rendu par l’auteur comme une évidence, un meurtre guignolesque et des personnages barrés difficiles à se représenter.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le lecteur attentif et patient pourra se faire une petite idée de ce que pouvait être Harlem pendant les années 50. Des restaurants mal fréquentés avec des menus à étouffer une armée de Chrétiens ; des processions funéraires à n’en plus finir (rien à voir certainement avec celles dansantes de la Nouvelle-Orléans) ; des usines à préparer les poulets où les employés sont payés à la journée ; des hommes d’église mystiques et postillonnant des injures alcoolisées ; des petites frappes vivant au jour le jour, etc. Il est souvent délicat de situer la part d’exagération dans tout ce fatras.
Chester Himes n’est pas un écrivain noir lambda qui évoque au premier abord le racisme qui sévit à New-York. Il est ici surtout question de la terrible violence que s’inflige la population noire. Meurtres de sang froid, échauffourées constantes, menus larcins, tout ceci entretient une tension constante au sein d’un groupe dont le taux de mortalité est plus élevé que la moyenne. En revanche, pour ce que j’ai lu, l’auteur se contente de décrire une situation inquiétante sans aller plus loin dans l’analyse des causes (à part peut-être l’alcool que s’envoient derrière le gosier la plupart des protagonistes).
…à rapprocher de :
Dans le style hard boiled, je peux vous conseiller d’autres titres plus marrants :
– James Hardley Chase, notamment son Vipère au sein (en lien) ou Pas d’orchidées pour Miss Blandish.
– Dashiell Hammet avec Le sac de Couffignal (très marrant).
La semaine dernière, j’ai proposé à un presque ami de me trouver une contrainte. Sa réponse : « je veux que tu fasses deux histoires qui se lisent en parcourant une ligne sur deux. Sauf qu’en lisant le bloc, l’histoire doit être cohérente ». Le mec n’a guère réalisé la difficulté de son sujet, et qu’un des textes serait obligatoirement une métaphore de l’autre.
[Sous-titre : Les Chevaliers du Ciel, Tanguy et Laverdure, tome 20]. Deux pilotes mettant tout en œuvre pour libérer de pauvres otages français, scénario passable (et encore…), illustrations qui piquent les yeux, dialogues techniques qui passent dans un œil pour ressortir dans l’autre, Le Tigre a connu nettement mieux.
[Sous-titre : The Expanse 3. VO : Abaddon’s Gate] L’Humanité a essaimé dans le système solaire. Trois factions sont au bord de la guerre tandis qu’une molécule E.T. a créé un portail vers des destinations inconnues. C’est le grand test pour les humains qui devront montrer qu’ils avancent comme une seule personne et méritent de se voir ouvrir la porte vers d’autres mondes. Bien en deçà des tomes précédents, mais la lecture reste plaisante.
[VO : The Lady of Zagreb]. Gunther est de retour, plus cynique et amoureux que jamais. Cela commence par une conférence des polices européennes fort ennuyeuse, et se termine par le souvenir d’une histoire d’amour avec la plus belle femme du monde. Entre les deux, de quoi faire basculer la neutralité de la Suisse ou mettre à mal la position d’Himmler en personne.
[Sous-titre : The Expanse 2. VO : Caliban’war]. La fin du premier tome avait laissé le lecteur sur sa faim, plein de questions demeurant sans réponses. Et la menace réapparaît sous une forme plus inquiétante, avec des kidnappings de gosses utilisés comme cobayes. Plus politique, plus fin sur les descriptions d’un conflit froid (qui se réchauffe certes), moins SF sans doute, mais quel joyau.
Ach, la guerre, gross malheur. Sauf avec Bastien Vivès, qui est capable de tirer de l’absurdité de la violence pseudo-institutionnalisée quelque chose de poilant. Recueil de saynètes qui se laissent aisément liure, quelques pépites qui feront sourire, dessin un peu brouillon mais efficace. Dommage que ce soit court et inégal.