JMDJL pour les intimes. Derrière ce motto délicieusement cartésien se cache un impératif pour tout lecteur efficace et soucieux de faire son petit quota de lecture hebdomadaire. Hélas, mille fois hélas, n’est pas « reading walking » qui veut, un entraînement draconien associé à une grande motivation sont de mise.
Marche et littérature ?
Je marche donc je lis. Un mot d’ordre. Quelque part, un ordre. Ce post fera de vous un guerrier littéraire, un être de lumière capable de synthétiser activité sportive et montée en puissance intellectuelle.
Avant d’attaquer le pourquoi. Le Tigre se sent obligé de reprendre, à son compte, une partie de la théorie « les nanas viennent de Vénus, les mecs de Mars ». A en croire certains anthropologues, les femmes auraient une vision plus périphérique que celle des hommes, cette dernière étant en tunnel. Ce n’est pas pour rien que les assurances auto font plus raquer les hommes.
Alors qu’est-ce que ça impliquerait ? Qu’un garçon, imperturbable, serait plus concentré sur son ouvrage quitte à se prendre un poteau tous les dix mètres ? Ça ne fait pas vraiment mal, depuis que Nicolas S. est passé à l’Élysée l’intégralité des poteaux de France et de Navarre a été abaissée de 20 cm. Votre entrejambe ne risque rien, l’amour propre un peu plus.
En suivant le raisonnement, une jeune femme pourrait alors lâcher plus facilement son chapitre en passant devant un magasin digne d’intérêt ? Visibilité basse pendant l’hiver, soldes impitoyables, smartphone qui vibre à cause des nombreux sms, mails et autres notifications, y’a de quoi vite remiser son bouquin au fond du sac.
Le Tigre, noble animal, n’entre heureusement dans aucune de ces catégories.
Pourquoi lire en marchant ?
Je ne vais pas vous rappeler l’intérêt de lire partout où c’est possible, je l’ai déjà fait concernant les transports en commun ici. Sur ce post, le lecteur tout terrain augmentera le niveau, jusqu’à pouvoir lire tout en effectuant de grandes foulées dignes de Bip bip. J’ai appris progressivement, la première fois à cause d’un ticket de bus que je n’avais pas : l’avarice a fini le travail.
Pourquoi sera-t-il possible, pour toi cher internaute, de te taper un bouquin tout en parcourant le vaste monde (du moins jusqu’à ta boulangerie) ? Tout est dans l’attitude, le maintien, bref l’image que vous donnerez de vous-même sur le macadam. Il ne faut guère compter sur les lecteurs pleinement immergés dans leur livre, comptez plutôt sur les autres qui n’ont à foutre que de surveiller devant eux.
Je m’explique : le chien le plus bête de l’Ouest est au milieu d’une route en dormant. Normal. Dès qu’il se lève, tous autour de lui sont surpris et les accidents pleuvent. Vous êtes l’anti Rantanplan, l’objet en mouvement que vos congénères, inconsciemment, auront calculé. Pour cela, mettez-vous en mode « mâle alpha » (même les filles, sorry). Buste relevé, enjambées régulières et déterminées, soyez inratable.
Bref, votre nombril doit être la délicate cicatrice laissée par la pointe du compas céleste. Tout tourne autour de toi, lecteur fanatique. Il te faut donner à n’importe quel péquenaud, à pied ou à vélo, le statut du banal pigeon : la bête craintive aux aguets qui vous contourne respectueusement, et qui ferme sa gueule. Si elle l’ouvre, pas de soucis, vous avez vos écouteurs !
Comment avoir un livre sur le macadam ?
A l’image de la poule de luxe (désolé, première comparaison qui a daigné traverser mon esprit fécond) qui ne va pas s’offrir DSK comme premier client, il convient de commencer petit à petit. Donc laissez Guerre et paix tranquille dans son armoire. Journaux gratuits, magazines, bandes dessinées, un petit Musso, dès que vous maîtriserez la lecture de ces artefacts, vous pourrez ensuite passer à la littérature.
De même, ne faites pas péter votre premier livre à Calcutta ou Hong-Kong, ce serait fâcheux question densité de population. Sans compter que vous serez plus facilement pick-pocketable. Primo, un mignon sentier en pleine Corrèze une journée d’été ; secondo, le tour des rayons dans un hypermarché ; tertio, un centre ville piéton la veille de Noël. Pour les plus valeureux, le tour de pâté du Vélodrome un soir de match.
Le bouquin entre les quenottes, vous marcherez comme je vous l’ai expliqué précédemment. De la maîtrise, de la confiance en soi, ayez la démarche du con prétentieux (pire, BHL gambadant dans Tripoli en ruines) qui est au-dessus de certaines triviales préoccupations humaines telles que se mouvoir prudemment ou faire attention aux autres passants. Vous n’avez aucun compte à rendre si ce n’est au chapitre que vous parcourez. Point barre.
Je marche donc je lis sous la pluie, enfin ! Là on tape à des hauteurs insoupçonnées, peut-être plus haut que son derrière d’ailleurs. Si vous n’avez pas de parapluie, slalomer entre les protections offertes par les vitrines ou marcher tel un Quasimodo de carnaval (consciencieusement courbé sur son livre) est hors de question. Non, non, non, la protection du précieux ouvrage ne serait pas assez optimale.
Avec le Regenshirm, c’est déjà mieux. Tenez le pébroque dans la main qui n’est pas votre côté fort (gauche pour droitiers, et vice-versa), puis calez-le sur l’épaule adéquate. Ensuite, l’autre main tiendra, et pourra même tourner les pages du bouquin. La partie délicate, c’est votre mémoire qui la résoudra : un petit coup d’oeil au loin, mémorisation intense de la topologie du terrain (rues, passants, circulation, déjections canines camouflées, témoins de Jéhovah), et priez pour que ça passe. Opération à effectuer tous les 30 mètres. A 6 km/h, vous aurez moins de 20 secondes devant vous, soit une demi-page. Deux coups d’oeil par page, le ratio est simple non ?
Conclusion à pied (contrepèterie…)
Bon, Le Tigre reconnaît que tout les enseignements de ce sutra sont un peu bancals sur les bords. Voire carrément dangereux (ça fera office de disclaimer). Toutefois, imaginez le meilleurs des mondes, à savoir la majorité des piétons adeptes du JMDJL : à part les klaxons, seul le doux bruit des pages qui se tournent se mêlerait aux croassements des oiseaux (la pollution les touche également). Le rêve de tout voleur à l’arrachée aussi.
Et c’est là que la technologie intervient. D’ici peu de temps, il y a fort à parier que les lunettes de « réalité augmentée », en plus d’indiquer des informations sur l’environnement, afficheront le roman que vous souhaitez lire. Bonheur suprême. Des passants-lecteurs, avec des binocles de taille conséquente (souvenez-vous celles des hommes politiques des années 70), en train de loucher, voire présenter des mouvements oculaires désordonnés tel un épileptique sous LSD. Il aura l’air beau et intelligent, le jeune branché. Déjà que le geek prend cher question look… La drague dans la rue saura se réinventer pour l’occasion.
Sinon, vous pouvez toujours écouter un livre audio. Ou apprendre le braille et tâter le roman dans sa poche. Que des solutions rendant ce post inutile. Et celles-ci sont à l’encontre de la philosophie du Tigre, très « matérialiste » concernant l’objet littéraire. Pas le genre de la maison.
Finissons par l’ennemi intime du passant : les voitures. A part déconner en beauté sur les passages piétons devant lesquels vous êtes censés attendre, s’il vous arrive quelque chose vous n’aurez pas le temps de souffrir. Et si c’est le cas, c’est que vous êtes vivant, et à vous les pépètes. En plus d’un fauteuil roulant sans doute.
Le fauteuil, devant un feu avec un verre de genepy à la main, peut-être le meilleur endroit pour lire tranquillement au final.
VO : In God’s Country : Travels in the Bible Belt, USA. Douglas Kennedy quitte ses habits de romancier pour enfiler (hum) ceux de journaliste. Voyage édifiant au sud des États-Unis, dans la fameuse « Bible belt », le lecteur rencontrera les acteurs du néo évangélisme américain dans ce qu’il est de plus excessif. Ennuyeux parfois, mais toujours instructif.
VO : idem. Neverwhere occupe une place particulière dans la biblio de Neil. Film imaginé par l’auteur, tiré ensuite en livre par Gaiman lui-même, on est loin de la fantasy hilarante et délirante à laquelle on peut être habitué. Bien plus glauque, cette visite dans les bas fonds de Londres laissera le sombre souvenir d’un monde certes onirique, mais dur. Pas le préféré du Tigre.
VF : Janus. Après le grandiose Cycle des Inhibiteurs, voici un petit (600 pages quand même) one-shot de Reynolds. Et c’est magnifique : un roman d’une profondeur abyssale sur la notion de temps qui passe où règne une atmosphère de solitude sans nom. Avec en prime l’amitié et la relativité en général (des cultures, du temps). Miam.
VO : The Children of Abraham. Robert Littell, journaliste et écrivain émérite, a de la suite dans les idées. Malgré la collection de l’éditeur, cette œuvre ressemble plus à un cours de philosophie (et d’histoire) qu’à un polar. Sous couvert d’un enlèvement en pleine Palestine, victime et ravisseur vont avoir une conversation des plus intéressantes sur le sens de leurs combats et ce qui les différencient.
VO : Hell House. Richard Matheson est connu pour son Je suis une légende, c’est pourquoi Le Tigre a préféré lire un autre de ses ouvrages. Également porté sur les écrans, La maison des damnés a dû, lors des années 70, en faire frissonner plus d’un. Suspense, terreur, ce n’est pas du Stephen King mais l’idée est là. Heureusement que la fin est excellente.
VO : Herushingu. Manga très connu (et aussi grâce à l’anime qui est sortie) que Le Tigre se félicite de posséder, j’ai passé des moments réjouissants grâce tant au scénario délirant qu’à un style de dessin bien propre à l’auteur. A destination des adolescents (voire jeunes adultes, mais pas plus), mâles de préférence, Hellsing mérite d’être lu et relu.
VO : Absolution Gap. Dernier opus de la sublime tétralogie des Inhibiteurs, Reynolds a fini comme il avait commencé avec L’espace de la révélation : en beauté. Près de 1.200 pages, on aurait pu en avoir un peu moins certes, mais ça ne semble pas être le genre de l’auteur. En fermant ces pages, Le Tigre a eu l’impression de déracinement depuis un univers si familier et prometteur.
VO : Redemption Ark. Troisième et avant-dernier roman du Cycle des Inhibiteurs, enfin quelques réponses aux nombreuses questions qui nous taraudent. Pas le meilleur opus de Reynolds, mais à ce niveau on reste sur du très bon, sans compter que cet ouvrage est incontournable pour apprécier la suite. D’excellentes idées, réaliste à souhait, Le Tigre prend claque sur claque avec cet auteur.