Canales & Guarnido - Blacksad : Artic-NationDeuxième tome du très félin détective privé Blacksad, deuxième claque prise par Le Tigre. Exit la jungle urbaine de New-York des années 50 et bienvenue la guerre entre groupes ethniques. Plus prosaïquement, blancs vs. noirs. Un ouvrage de qualité, fort dommage que ça ne dépasse pas 60 pages, ça se lit définitivement trop vite.

Il était une fois…

Dans un quartier (Le Tigre ne sait où) un peu craignos, deux groupes s’affrontent : les « Arctics » contre les « Black Claws ». Notre héros John (le chat avec ses nombreuses vies) se voit charger de trouver la toute jeune Kayleigh, disparue depuis peu. En pleine guerre des gangs qui n’est pas sans rappeler les pires luttes raciales des États-Unis des années 60, Blacksad qui n’est accepté par aucun des groupes va lever quelques petits secrets bien glauques.

Critique de Blacksad : Artic-Nation

Le Tigre est rarement (pour ne pas dire jamais) déçu par les Blacksad, et encore une fois s’est régalé. L’enquête va au-delà de la petite métisse qui ne donne plus de nouvelles, avec des histoires de luttes politiques (à un niveau certes local) et antagonismes bien plus personnels. Un nouveau personnage (qui pointera le bout de son museau à plusieurs reprises dans d’autre tomes) fait son apparition, à savoir un journaliste espiègle et finaud fort attachant.

L’atmosphère, même dans un autre environnement, reste délicieusement désuète. Ça sent furieusement le roman (voire film) noir U.S. d’après-guerre, avec des protagonistes pittoresques à la profondeur éprouvée. Le héros certes, mais les intervenants dégagent tous quelque chose de dur, dramatique et cynique (à part le journaliste sans doute). Des gueules comme on n’en voit dans les films du type Mississippi Burning. Ce chapitre s’applique à l’ensemble des Blacksad d’ailleurs.

Sur le dessin, encore un immense plaisir. Guarnido et son pote ont poussé encore plus loin d’association caractère / animal. Car les « Artic » (le nom fait référence au White power) sont représentés par des bêtes bien blanches, que ce soit une belle chienne, un ours ou un renard polaires. A l’inverse, le groupe d’en face a comme représentant des chevaux ou taureaux (les deux boss si me souviens bien), forcément noirs.

Si le très arbitraire Tigre ne met pas la meilleure note, c’est que contrairement au premier opus les ficelles m’ont semblé un peu grosses (cf. les différents thèmes). Certes abordés avec talent, mais rien qui soit d’une originalité renversante.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les luttes entre ethnies. Pour ne pas dire raciales. Artic-Nation, c’est un groupe d’illuminés affirmant que les animaux blancs (la plupart étant polaires) sont éminemment supérieurs. Cagoules Ku Klux Klan style, symboles de partout, face à eux l’équivalent animalier des Black Panthers. Ségrégation dans les endroits publics (bars par exemple), dangereuses échauffourées, Blacksad est à la croisée des chemins. Chat noir au museau blanc, tous trouvent quelques chose à lui reprocher.

Les faux-semblants. Il appert (ce verbe se perd) que certains protagonistes ont une jolie façade que notre chat fait savamment voler en éclat. Dans l’humour, il y a le journaliste (une fouine, forcément) qui se nomme Weekly. Parce qu’il publierait, à un rythme de métronome, un article par semaine. C’est ce qu’il prétend en tout cas… [Attention SPOIL]. Quant au chef des Artic, il a de quoi être inquiet. Délicieux jeune homme, il a bien mal tourné, jusqu’à faire de terribles concessions. Au final, la raison de tout ce bordel est une sombre histoire de famille, avec des relents d’inceste assez troublants. [Fin SPOIL]

…à rapprocher de :

– Le premier tome (Quelque part entre les ombres) met très bien dans l’ambiance, le troisième est beau mais m’a semblé moins réussi (Âme rouge), et le quatrième est une pépite (L’Enfer, le silence). Le cinquième, une déception (Amarillo).

– Pour se donner une idée de la ségrégation, il y a l’édifiant Dans la peau d’un Noir, de Griffin.

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Didier Van Cauwelaert - Rencontre sous XLoin d’être mauvais ce petit roman. Acheté complètement pas hasard, le titre étant sans doute pour quelque chose. Belle histoire (quoique passablement improbable) entre un footballer et une hardeuse, le lecteur va découvrir un amour naissant entre deux êtres bruts et déracinés. Style entraînant, descriptions marrantes, presque une valeur sûre.

Il était une fois…

Roy est un Sud-africain à la carrière footballistique plus que prometteuse. Allant avec un pote sur un tournage de film porno, il fait opportunément la connaissance de Talia, avec qui il tournera une scène en tant que quéquette de substitution. Talia, c’est la rising star du X, une sublime slave aux allures de princesse. Après avoir baisé devant une caméra, ils vont repartir de zéro et se découvrir.

Critique de Rencontre sous X

Ce qui est bon avec Didier Van Cauwelaert (DVC pour les intimes), ce sont ces œuvres de taille variable mais qui se lisent comme d’autant succulents quality street. Si je balance ce genre de bonbons, c’est que ceux-ci feront une entrée assez kawaï dans le fil du roman. Rencontre sous X ne fait pas exception.

Le scénario est relativement original, le lecteur émotif sur les bords pourrait même y déceler du suspense. Que va-t-il se passer entre nos deux stars (chacun son domaine), quels liens peut-il y avoir entre une actrice porno et un footeux de talent ? Le tout est mignon comme tout, si on laisse de côté quelques égarements de l’écrivain, par exemple le mystérieux sms en cyrillique que le jeune Roy reçoit. N’importe quoi. La fin en général m’a laissé un goût doux-amer, disons qu’on mériterait mieux.

Quant au style, maîtrise apparente de DVC sur toute la ligne, même s’il n’a pas réussi à faire frétiller la queue du Tigre sur les scènes de cul de la frétillante Talia. Les deux univers sont rendus avec une certaine fidélité, même si je suppute quelques traits caricaturaux (cf. infra) ici et là. Mais rien qui ne donnera au lecteur l’envie de crier un gros « Fake ! » entre deux chapitres.

Pour conclure, à partir d’une configuration bien merdique (deux êtres qui d’abord copulent devant des dizaines de personnes) dans deux mondes peu connus pour être peuplés de bisounours sous ecstasy, Didier a pondu quelque chose de fort plaisant qui se lira à vitesse grand V. Nombreux chapitres aidant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Tigre va, une fois encore, se caresser la moustache en proposant deux thèmes évidents. Ainsi, va falloir que je les saisisse correctement :

Premièrement, la pornographie. L’auteur maîtrise le vocabulaire, décrivant de matière convaincante les séances d’enregistrement digne d’une usine d’abattage de viande froide. Les fans, les petits plus du métier, voire quelques enjeux également abordés. A ce titre, la jeune Talia fait preuve d’un culot assez bienvenu : en recevant un hot d’or (en présence d’un prêtre, tant qu’à mélanger les genres), la miss prend la parole et prononce un discours acerbe sur le manque de vigilance de l’industrie porno par rapport aux risques du SIDA. C’est également une manière de se saborder, comme annoncer à Roy qu’elle est prête à lâcher le métier.

Deuxièmement, le football. DVC s’est moins épanché sur cette activité, le lecteur survolera le monde richissime du ballon rond. Le président du club et ses bonnes bouteilles de pinard ; les obligations de la jeune recrue (Roy n’est pas vraiment docile) ; les énormes intérêts financiers derrière tout joueur ; ou encore l’incommensurable pression médiatique. Pas de tout repos les métiers de nos deux héros, même si l’alliance de ces professions peut faire mousser les deux protagonistes.

…à rapprocher de :

– Du père Didier, Le Tigre vous dirige aimablement vers L’évangile de Jimmy (excellent), Hors de moi (presque un classique du genre), Un aller simple ou Un objet en souffrance (fort correct).

– Des épisodes érotiques mieux décrits, c’est Vers chez les blancs du bon Djian. Comme pour un film porno, Le Tigre cherche où peut bien se cacher le scénario.

– Le porno, par des amateurs, c’est Irvine Welsh et son Porno.

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QLTL - Tigre dortPetit post éminemment personnel pour signaler une affection nocturne qui sape la tranquillité du Tigre. Rien de honteux ni de sexuel, n’ayez crainte. Il s’agit seulement de rendre compte d’une expérience redondante (une fois par semaine environ) qui, certes amusante au début, n’en devient pas moins chiante à la longue.

C’est grave, docteur ?

Comme déjà expliqué dans un de ses Sutras, Le Tigre se repaît de quelques chapitres avant de s’endormir. Calé comme un sac de patates entre deux coussins, lampe (solaire, s’il vous plaît) à cinquante centimètres du visage et livre soigneusement orienté pour maximiser la réception de la lumière, j’attends tranquillement que ma machine biologique me dise stop. Les paupières qui tombent restent un excellent indicateur.

Il m’est arrivé d’ignorer certaines « alertes » corporelles, notamment lorsque le roman est captivant, et lire jusqu’à ce que le réveil matinal tente de m’expliquer qu’on m’attend à 9h chez mon employeur. Rarissime, mais pour un Alastair Reynolds ou un Tristan Egolf par exemple, la nuit blanche est plus légitime qu’une virée en boîtes de nuit exclusivement fréquentée par l’association des nymphomanes du 16ème. J’ai des noms d’ailleurs.

Mais de temps à autre, un truc bizarre se passe. A partir d’un certain moment je me surprends à dévorer les chapitres à une vitesse ahurissante. Plus génial encore, l’intrigue du roman se densifie, si bien que je me dis qu’il va falloir en relire une partie le lendemain. Mieux que de la densification des aventures des protagonistes, l’histoire à un moment part (quasi littéralement) en quenouille. Et à ce moment, le fauve pense à deux choses :

D’une part, je me dis que l’auteur me bluffe bien avec son jeu littéraire que j’imaginais plus « morne ». Le petit cachottier, il attendait que le lecteur daigne terminer le premier tiers de son œuvre pour sortir son arsenal onirique. Et il faut avouer que c’est excellent ce qu’il nous conte. Le style change subrepticement, le scénario prend une dimension étonnante avec des références et autres cross-over dont j’ignorais qu’il fût capable. Chapeau bas.

D’autre part, Le Tigre est assez colère contre lui-même. Cela fait des dizaines de minutes que je suis, non sans plaisir, le délire de l’écrivain, et il se fait tard. Ayant besoin de mes 7-8h de sommeil par nuit, je m’en veux correctement pour négliger ma santé tigresque au profit d’un bouquin que j’aurai tout le temps de terminer le lendemain. Relativement mécontent de mon comportement, je décide de me lever et d’éteindre définitivement la lumière.

Et là, c’est le drame…Je me redresse dans le noir, et il est deux plombes du mat’. Ignorant quand j’avais tout éteint pour me plonger dans les bras de Morphée, ce con a visiblement préféré me rendre mon livre de chevet et m’inviter à le terminer. Le félin, docile, a donc dans sa phase de pré-sommeil (vous savez, celle où on tombe) laissé son inconscient imaginer la suite du roman. Et comme tout rêve, je n’ai presque aucun moyen de savoir que je dors ni de contrôler (quoique…) ce que je lis.

Mais le pire n’est même pas encore arrivé ! Déjà j’ai en tête tous les fabuleux rebondissements produits par mon cerveau, et le quart d’heure qui suit est une déchirure entre l’envie physique de se rendormir (avec ce plaisant souvenir) et le besoin intellectuel impétueux de me lever pour de bon et coucher sur papier les nouvelles aventures du quelconque héros du pavé. Adaptées par les bons soins du Tigre, best-seller assuré. Cependant vous le savez autant que moi, sauf extraordinaire, après quelques minutes on ne se souvient de strictement rien. Sauf que c’était révolutionnaire comme idée. Frustration intense.

Mais surtout, le fâcheux arrive le lendemain. Soit j’ai laissé un marque page, et la reprise de l’œuvre me paraît terne et au ras des pâquerettes. Soit (pire) je ne sais plus où je m’étais arrêté, et là je suis bon pour reprendre tout depuis le début. Car le mélange entre réalité et rêve ne va pas s’arranger dans quelques heures, votre cerveau ayant fait un lien logique entre les deux : du coup, inutile de chercher le passage où le héros d’un Nothomb traverse un champ magnétique et tape la discute à Batman qui se marie sur Pluton avec Le Joker, celui-ci n’existe que dans votre imagination.

De même, si vous voulez reprendre là où Frédéric Beigbeder dégrafe le très facétieux porte-jarretelles d’Irma, la camériste de la grosse Castafiore, pendant que Tournesol concocte un peu de méthamphétamines dans son annexe, c’est que vous avez eu un épisode de lecture inconsciente. Et qu’il est temps d’arrêter de visionner du coin de l’œil un site coquin en regardant Breaking Bad suivi d’un Spielberg de très mauvaise facture.

Conclusion

Lire avant de s’endormir peut ainsi être dangereux, faire travailler son cerveau de la sorte peut amener ce dernier à vous jouer quelques fourberies. Plus dur est de reprendre le roman là où il avait été abandonné, car il y a fort à parier que vous ne vous souviendrez de plus grand chose.

Si cela vous est déjà arrivé, ou si vous avez des idées de scénarios encore plus idiots, vous êtes encouragés à livrer vos impressions. D’habitude Le Tigre n’incite pas au commentaire, profitez de l’exception.

Canales & Guarnido - Blacksad : Quelque part entre les ombresPremier tome d’une série policière avec des animaux anthropomorphes, voici la présentation du héros, Blacksad, et de sa première enquête d’envergure en tant que détective privé. Scénario captivant, fluidité de la lecture et dessin d’une minutie à couper le souffle, nos auteurs espagnols ne pouvaient démarrer plus bruyamment.

Il était une fois…

Natalia, magnifique comédienne qui avait du potentiel, est retrouvée assassinée. Or la belle fut, pendant un temps, la fougueuse amante de Blacksad, détective privé . Celui-ci, à partir du peu qu’il sait finalement de la victime, va remonter le fil jusqu’à punir son meurtrier. Le fil mènera très très haut.

Critique de Blacksad : Quelque part entre les ombres

Quelle belle surprise, en fait point de découverte tellement ce premier opus a été chanté de partout et a occupé les têtes de gondoles des magasins. Et à juste titre, car après des années de travail le résultat est là. Le Tigre pensait (par rapport à l’espagnolité certaine des noms des auteurs) que cette BD venait du sud de l’Europe, or il n’en est rien. Guarnido et Canales ont sorti leur ouvrage à l’attention du marché français, ensuite les traductions vers d’autre pays (dont l’Espagne) ont été effectuées.

Le héros, Blacksad, chat noir au museau blanc, est un personnage que le lecteur aura plaisir à suivre. Taciturne, doté d’un certain sens de l’humour, désabusé et conscient de la médiocrité de ses contemporains, c’est le Canardo version sombre et plus « léchée ». Sur le scénario, c’est du solide. Le chat déroule son enquête et plus il se rapproche du but, plus les dangers pleuvent autour de lui. Jusqu’à une fin presque amorale mais réjouissante. Un polar noir somme toute classique, mais délivré de la sorte, c’est du grand art.

En effet, c’est le dessin qui rend cette BD excellente. D’une part, l’illustrateur (Guarnido si je ne m’abuse) a opté pour un zoo complet de protagonistes, où gentils sont représentés par des animaux plutôt amènes et méchants par des alligators, serpents et autres trucs peu ragoutants. Le policier en chien, le boxer gorille, chaque tempérament correspond parfaitement au bestiau.

D’autre part, les planches offrent un luxe de détails qui plongent vite dans l’ambiance, avec une ligne claire agrémentée de jeux d’ombres (le titre aidant) et d’expressions faciales très inspirées. Un titre qui démarre superbement la série, et donne envie d’acquérir les autres tomes.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le New-York des années 50. Comme je le disais, les illustrations sont réussies, et en particulier l’atmosphère d’une grande ville d’après-guerre. Saluons le travail de l’illustrateur sur l’architecture de Big Apple, entre quartiers typiques à la population animalière hétérogène et immeubles de grand standing que le héros est amené à visiter. Un régal pour les yeux, on oublierait presque le bestiaire des personnages qui ne sont que trop humains dans cette jungle.

A ce titre, les disparités sociales sont traitées au travers du prisme de l’antagonisme populace / puissants. Plus Blacksad avance, plus il s’avère que des personnes hautement placées sont sans aucun doute impliquées. Sans spoiler, le méchant final est un pur produit du capitalisme sauvage, un être sans morale si ce n’est celle du rapport de forces. Notre détective sera d’autant plus seul dans sa quête qu’au sein même de la police la consigne est donnée de ne pas trop se fouler sur ce meurtre. Les dernières planches, heureusement, insufflent un peu d’optimisme au lecteur.

…à rapprocher de :

– Le Tigre vous enjoint à lire les autres tomes : Artic-Nation, Âme rouge, L’Enfer, le silence, Amarillo .Que du bon, sauf le cinquième à la rigueur.

– Avec des animaux, mais en documentaire, il y a le pullitzerisé Maus de Spiegelman ou La ieuvre, BD réalisée par des Italiens talentueux sur le pool antimafia de Falcone.

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Ian M. Banks - L'homme des jeuxVO : The Player of Games. Un de mes préférés du cycle de la Culture, sans rire. Des descriptions superbes autour d’un jeu qui est au centre d’une civilisation borderline. Et un homme de la puissante société galactique qui y sera envoyé pour foutre son petit bordel. Politiques, stratégies, un petit monument (allez, un mastaba) de SF qu’il serait dommage de rater.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture est un modèle du genre, il y a tellement peu à redire que Le Tigre va vous le livrer sur un plateau :

« Gurgeh est l’un des plus célèbres joueurs de jeux que la Culture ait jamais connus. Il joue, gagne, enseigne, théorise. Le Contact, service de la Culture spécialisé dans l’évaluation et l’infiltration de civilisations étrangères nouvellement découvertes, considère l’empire d’Azad, terrifiant de puissance et de cruauté, comme un danger potentiel. L’Empire repose, historiquement, sur un jeu infiniment complexe dont le gagnant devient Empereur. Si bien que Gurgeh, contre son gré, manipulé mais fasciné par le défi, se retrouve à cent mille années-lumière de sa confortable demeure, devenu un pion des IA qui régissent la Culture et lancé dans le formidable jeu d’Azad. »

Critique de L’homme des jeux

Superbe à lire, Le Tigre ne fut pas loin de prendre un panard complet. Même sans rien connaître de la Culture, métacivilisation surpuissante intelligemment gérée par des IA et où rien ne manque, on se prend vite au jeu.

Dans notre cas, on va suivre le champion de la Culture d’un jeu complexe (et complet) qui va affronter les joueurs de l’empire Azad, civilisation décadente et ressemblant à pas mal d’autres empires de l’histoire humaine. Presque des barbares sanguinaires aux us un poil rustres (euphémisme). Or ce fameux game est à la base de l’empire, ça remplace tout concours, élections,… Les meilleurs obtiennent un métier plus porteur, et le « meilleur des meilleurs » (pour paraphraser Z des Men In Black) devient tout simplement le big boss.

Notre héros n’est hélas pas très chaud pour aller rouler sa bosse à des lieues de son confortable environnement, aussi les IA le manipulent plus ou moins (faisant appel à sa fierté par exemple) pour qu’il aille, avec le sourire, dans l’arène. Et quelle arène ! Au-delà d’un style très correct (chapitres assez longs, comme tout roman de SF), l’auteur parvient à rendre compte de parties entre joueurs de manière sublime. On aurait presque envie d’y jouer, si au moins on connaissait le quart du centième des règles !

Réussir à faire péter du suspense sur un sujet dont le lecteur ne connaît pas grand chose au final, voilà qui est grandiose. Notre héros Gurgeh se bat comme un beau diable, et parallèlement à ses exploits (qui commencent à inquiéter les Azadiens) de nombreuses intrigues politiciennes se déroulent sous nos yeux. Vous l’aurez saisi, Le Tigre a été conquis.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Au-delà du jeu, ce roman traite de la notion de l’ingérence. La Culture est plus ou moins en guerre contre l’empire d’Azad, et la manière de procéder de cette première est d’une rare finesse. Contrairement à tout État contemporain (Le Tigre ne vise personne, y’a pas que les Américains ou BHL sur Terre) qui décide de sortir l’artillerie lourde pour décapiter les forces armées et les gouvernements ennemis, l’organisation (utopique) de Banks préfère jouer selon les règles de l’adversaire. A la guerre totale annihilant les fondations du perdant, la Culture préfère le changement de régime en douceur. Bon, ça n’empêche pas quelques barbouzeries ici et là.

En outre, le lecteur aura l’occasion de découvre quelques beaux exemples de bêtises humaines (ou E.T., mais l’homo sapiens se reconnaîtra) : la structure excessivement pyramidale d’une société (la Chine des Ming, c’est l’anarchie à côté) ; les guerres injustes, notamment les traitements que les grands délivrent aux des autres cultures considérées comme inférieures, toutes ces problématiques sont traitées de façon fort inspirée. Au final, Le Tigre a compris cette œuvre comme une vibrante ode au libéralisme et au laisser-faire, en particulier afin que tout changement d’envergure soit accepté de l’intérieur.

Libéralisme certes, mais pas terrorisme de la transparence, la Culture montrant non sans conviction qu’il est parfois nécessaire de laisser un accès limité à l’information, le bien général oblige. Le bien général, chez Banks, ce sont des intelligences artificielles (et leurs bras armés que sont les drones) qui le déterminent. Bien mieux comme ça.

…à rapprocher de :

– De Banks et ses ouvrages impliquant la Culture, il y a (pour ce que je connais) Une forme de guerre, L’Usage des armes, Inversions, Excession, La Sonate Hydrogène, et tant d’autres.

– Un exemple de civilisation de l’abondance (et comment celle-ci peut foutre la merde chez des organisations « inférieures ») est le Festival du roman Crépuscule d’acier, de Charles Stross. Fin et drôle.

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Collectif - Batman : Knightfall Tome 2Sous-titre : Le Défi. VO : Who Rules the Night. Tiré des comics strips Batman #498-500, Detective Comics #664-666, Showcase ’93 #7-8, Batman:Shadow of the Bat #16-18 et Justice League Task Force #5-6. Ça en fait du monde ! Le Tigre poursuit la mythique saga de Knightfall, et a noté dans ce tome une certaine amélioration.

Il était une fois…

Bane vient de briser le Bat dont les jours semblent en danger. Il faut le sauver, et vite. En attendant, Gotham est sous la coupe du bodybuilder. Mais si Monsieur Wayne est aux abonnés absent, Jean-Paul Valley (Azrael), un autre justicier, est prêt à reprendre le costume du Chevalier noir et à remettre de l’ordre dans Gotham. Hélas le nouveau Bat a des méthodes un peu plus brutales que son prédécesseur.

Critique du deuxième tome de Knightfall

En achetant le second tome, Le Tigre sait qu’il lui restait encore trois à acquérir. Alors je n’avais pas intérêt à acheter de la daube, surtout que le premier tome ne m’avait pas vraiment ravi. Néanmoins, une fois Bruce sur un fauteuil roulant tel une petite centenaire nippone, les scénaristes et illustrateurs (Moench, Dixon, Grant et O’Neil majoritairement) ont fait du bon boulot.

Outre les réminiscences de Brucie qui se désole d’avoir mené, trop souvent seul, la lutte contre les vilains relâchés par Bane tout en gérant sa relation avec sa belle psy (faut-il tout lui avouer ?), le lecteur assistera à l’émergence d’un nouvel homme chauve-souris en la personne de mister Valley. Or le prétendant a ses petits défauts (cf. infra). Si on laisse de côté d’autres héros comme Tigre (et oui, un grand black avec des peintures jaunes !), Green Arrow ou Nightwing, le scénario s’attache aux premiers pas du Bat V2 et de l’évolution de Wayne dont l’état diminué ne l’empêche pas d’être actif.

Il ne faut pas oublier Bane, qui de son côté poursuit sa conquête de la ville tout en s’étonnant du Chevalier noir revigoré (ce dernier aura finalement raison de lui). L’épouvantail, en sus, fait une entrée remarquée : nous découvrons la biographie du vilain filiforme et son plan machiavélique pour que la ville le déifie (eh oui, l’individu fait montre d’un complexe d’infériorité assez fun). Si Le Tigre n’était pas limité à 1.000 mots par post, je vous en parlerais volontiers.

Sur le dessin, Le Tigre a cru remarquer un léger mieux, signe que les illustrateurs se sont appropriés l’univers (notamment le costume de Jean-Paul). Cela reste certes fort oldschool, toutefois certaines planches présentent des tableaux assez agréables (cases plus grandes et dantesques).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le thème principal, c’est comment Valley va gérer son rôle de justicier mythique. Batman, c’est un costume avant d’être un homme. Le protagoniste va revêtir le fameux déguisement et tâcher d’être à la hauteur. Il ne trompe pas Bane qui se doute que ce n’est pas Wayne derrière le masque. En outre, les différences par rapport au Bat d’origine se font nombreuses, par exemple Gordon qui s’étonne de ne pas le voir disparaître à peine après avoir fini sa dernière phrase.

Hélas, dans notre cas, le sieur Valley fait un peu plus de la merde que ça. Conditionné par l’ordre de Saint-Dumas (tant qu’à faire frenchy jusqu’au bout), Jipé ne se sent plus en tant que Batman. Déjà, il bastonne plus que de raison. Une vraie brute. Ensuite, ses priorités paraissent différentes, en particulier concernant la protection des civils. Enfin, le blondinet (pour mieux marquer son antagonisme vis-à-vis de Bruce) met progressivement en place un costume plus « agressif » : armes incorporées, piquants de partout et cape qui le fait ressembler à un ange de la mort. Et tout cela inquiète le pauvre Robin qui n’est plus vraiment à son aise (le team work est en grand danger).

…à rapprocher de :

– La saga est plutôt longue, commençant par La Chute, puis le présent opus, et se poursuivant avec La Croisade, ensuite La Quête, pour se terminer par La Fin.

– Si le passage avec Robin vous a plus, vous ne devez pas être tenté par le premier tome de Nightwing. Ni le deuxième, pas mieux putain. Espérons que le troisième tome, Hécatombe, rattrape le coup.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Ian M. Banks - Une forme de guerreVO : Consider Phlebas. Premier contact avec Banks et sa sublime série de La Culture, glorieuse civilisation anarchiste et richissime. Dans cet opus, un métamorphe voue une haine infinie vis-à-vis de la Culture et va tenter, avec ses petits bras, de la détruire. Un homme luttant seul, d’excellentes idées, un passage quasiment obligé pour tout fan de SF.

Il était une fois…

Horza (son nom est plus long), l’un des derniers métamorphes de l’univers, est capable de se métamorphoser (c’est le principe d’un métamorphe certes) à sa guise, et il se sert de cette capacité comme d’une arme de guerre. Le monsieur en veut personnellement à la Culture, société galactique aux délicieuses saveurs utopistes. Hélas, que vaut le combat d’un seul homme dans le cadre de la guerre qui fait rage entre la Culture et les Idirans fanatiques avec lesquels il pense s’allier ? Une guerre anachronique dans le monde de Banks, en effet c’est une guerre de religion.

Critique d’Une forme de guerre

Ai découvert Ian M. Banks un peu au pif, je m’attendais à de la SF à la papa un peu plan-plan, en fait que tchi ! C’est du grand art, j’ai correctement dévoré ces presque 650 pages en une journée. Et me suis de suite procuré les autres, Le Tigre est de cette race. A signaler que les tomes relatifs à la Culture de l’écrivain peuvent se lire dans le désordre, tout ce qu’il faut connaître est la civilisation principale et son service des « circonstances spéciales » traitant de sujets sensibles.

Cette fois-ci, nous allons pas suivre un protagoniste de la Culture, mais un métaphore en guerre contre celle-ci. Le combat semble hélas perdu d’avance. En effet, même si Bora Horza Gobuchul (son petit nom) possède de quoi faire légèrement trembler la puissante organisation, ça prend souvent des tournures don quichottesques. De prisonnier à mercenaire, c’est un être seul et fanatique qui se démène au sein d’une société galactique plus que bordélique et inadaptée à son mode de vie.

Le gros plaisir avec cet auteur, ce sont les nombreuses bonnes idées du roman et la lutte d’Horza qui est géniale à lire. Tour à tour,  il sera confronté à des indigènes cannibales, un jeu flippant de destruction psychique (cf. infra), et d’innombrables mortelles situations, et s’en sortira en partie grâce à son métabolisme magnifiquement décrit.

Quant au style, c’est dense (chapitres assez longs) et fort réussi. N’ayez pas peur du nombre de protagonistes, le seul qui vaille est suffisamment rendu vivant. Le père Banks alterne entre savantes descriptions et scènes d’action (dont certaines assez sanglantes) et a réussi à accrocher Le Tigre a son ambitieuse œuvre. Peut-être pas le meilleur pour appréhender la Culture, mais le plus abouti à mon sens.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La lutte sans espoir. Désabusé et sans cesse en train de porter ses multiples coups d’épée dans la flotte, notre héros d’un titre a plus ou moins conscience de la vanité de ses actes et en devient presque attachant. En même temps, comment un unique individu, certes doté de fabuleux pouvoirs qui se perdent (sa race se fait rare en effet), peut dans son coin faire sauter la plus grande civilisation que l’univers ait connue ? L’écrivain, à la fin du roman, livre sa réponse grâce à une métaphore littéraire que je n’avais pas comprise avant de le trouver sur wikipedia.

Denier mot sur un jeu très bien pensé présent dans le roman, le « Jeu de Débâcle ». Le pavé comporte pas mal de pages en racontant quelques parties de ce jeu de cartes particulier. Le principe est proche d’un poker avec à la place des rois ou valets des cartes représentant une émotion (peur, joie, paranoïa, etc.). Ca défouraille de tout va émotionnellement, et la puissance du jeu est telle que les spectateurs les plus proches (des fous furieux avant tout) en profitent largement. Des humains sont même utilisés en tant qu’assets, perdre sa mise entraînant leur mort. Alors si le joueur peut prendre à tout moment leur place, imaginez le foutoir.

…à rapprocher de :

– Sur les titres de la Culture, il y a (pour ce que je connais) L’Homme des jeux, L’Usage des armes, Inversions, Excession, La Sonate Hydrogène, et tant d’autres.

– Sur la société parfaite, on peut penser, à une échelle plus petite, aux Moravecs de la saga Ilium de Dan Simmons ou aux Gardiens des Guerres Wess’har de Traviss.

– Un exemple de civilisation de l’abondance (et comment celle-ci peut foutre la merde chez des organisations « inférieures ») est le Festival du roman Crépuscule d’acier, de Charles Stross. Fin et drôle.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Franz Kafka - Le ProcèsVO : Der Process. Classique de la littérature du XXème siècle que Le Tigre a apprécié, voici venu le temps de dire ce que j’en pense. Étriqué et pessimiste, dans un monde où l’arbitraire tient la main à la corruption, Le Procès est un édifiant voyage dans la maison hantée de la justice. Chef d’œuvre d’actualité.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ de l’éditeur Flammarion est plus que correct, vous permettez ? :

« Un matin, Joseph K. est arrêté. Qui l’accuse ? De quoi ? Quand aura lieu son procès ? À ces questions, une réponse implacable : « C’est la Loi. » L’erreur est donc impossible. Ainsi, lentement, au rythme de l’administration, la vie de K. tourne au cauchemar. Avocats désabusés, juges peu scrupuleux, tribunal déserté…la justice n’est plus qu’absurdité, simulacre d’une liberté déjà perdue. »

Critique du Procès

Suis pas fan de résumer les classiques analysés de partout, aussi je vais laisser mes très subjectives impressions lors de la lecture (il y a quelque temps certes) de cette œuvre. Si j’ai mis ce titre dans la catégorie des « romans allemands », c’est parce que l’écrivain hongrois l’a écrit dans la langue de Goethe. Veuillez donc pardonner Le Tigre.

« On a calomnié Joseph K ». A partir de là, tout est joué. Le narrateur (Joseph K) va être trimballé à différents endroits pour sauver son honneur (surtout sa vie) face à une implacable machine judiciaire. Implacable, mais surtout imbitable question procédures : Jo ne sait pas vers qui se tourner pour se sortir de ce mauvais pas, en fait tous les protagonistes de l’affaire ajoutent à sa confusion. Et c’est fait pour, puisque sa condamnation a été décidée bien plus tôt qu’il ne veuille l’admettre.

Un roman que tout étudiant doit hélas bien connaître au risque de passer pour un inculteux de première, heureusement qu’on ne dépasse pas les 300 pages. Car si l’histoire reste plaisante, avec une narration assez détachée, il faut convenir que ce n’est pas un exemple de fluidité stylistique. Loin de là, j’ai eu souvent l’impression de lire un assemblage de télégrammes assez insipides.

Pour un ouvrage non destiné à être publié, ça aurait pu être pire. Ceux qui ont dégoté les manuscrits du père Franz ont fait ce qu’ils ont pu, et le résultat est un ouvrage tellement connu qu’il serait criminel de ne pas le lire au moins une fois.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’arbitraire. On ne saura jamais ce qu’on reproche au héros, et il semble que les protagonistes s’en foutent royalement. Derrière ce déni constant de justice on fait la rencontre d’une bien tristounette bureaucratie, aux relents d’incompétence notoire bien poussiéreuse. Une image qui illustre parfaitement cette problématique est la fameuse « Parabole de la Loi », histoire intégrée dans le roman et contée par un prêtre. Joseph K. n’est qu’un quidam qui n’a pas ses entrées dans le système, il n’est formé que pour recevoir le châtiment final, sans espoir de défense.

La procédure sans fin (enfin presque). Si le déroulement peut parfois paraître abscons, sinon ennuyeux, Le Tigre pense que c’est par un fait exprès. Car les différentes péripéties de notre héros pourraient s’étendre à l’infini, celui-ci peut parfaitement rencontrer une armée d’avocats, un parterre de juges, des conseillers à la pelle, tous peuvent changer leurs discours et lui raconter des histoires menant à des situations au final interchangeables.

Ainsi, il appert que seuls les premier et dernier chapitre sont permanents. Le début, avec la calomnie suivie de l’enclenchement de la machine judiciaire. Et la fin, surtout, qui clos la mascarade de justice. Joseph K. est promis à la mort, et l’exécution est tout ce qu’il y a de plus prosaïque, c’est à dire un égorgement comme on tuerait un vulgaire clébard (ce que remarque le narrateur). Chose intéressante, on lui retire ses habits avant l’assassinat, comme pour ôter ses derniers oripeaux d’humanité et les garder pour les « refiler » à une prochaine victime. Le meurtre couvert d’une mince couche de légalité, comportement hélas universel.

…à rapprocher de :

– Kafka est à l’origine d’un adjectif qui illustre l’histoire de No smoking, par Will Self.

– Les procès (le terme peut faire sourire s’il n’y avait pas tant de morts) de Moscou ont eu lieu une décennie après la publication du Procès (1925), et sont magnifiquement évoqués dans Le zéro et l’infini, de Koestler.

– Joseph K., c’est quelque part Joseph Kaplan dans Ou La vie rêvée d’Ernesto G., de Guenassia. Excellent roman.

L’Enquête, de Philippe Claudel, emprunte beaucoup à Kafka avec le parcours initiatique et violent d’un héros déraciné.

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David Gunn - OffensifVO : Death’s Head Maximum Offense. Sous-titre : Les Aux’ Tome 2. Deuxième opus de l’odyssée de Sven, soldat d’élite envoyé tel un pion dans le grand jeu d’échecs galactique. Excessif et souvent inégal, cet ouvrage est une explosion d’actions et d’intrigues en tout genre, tout droit dans la lignée du premier ouvrage. Mais en pire.

Il était une fois…

Sven est tellement bon que l’empereur en personne a eu vent de ses petits exploits. Octo V (puisque c’est son nom) fait même appel à notre héros et sa joyeuse bande (les Aux’) pour aller sur Hekati. Dans ce monde artificiel a disparu un citoyen de l’Union Libre (l’U/Libre), entité politique bien plus vaste et technologiquement avancée que l’empire du petit Octo. Cette recherche plus compliquée que prévue va conduire notre soldat de surprises en surprises…

Critique d’Offensif

Tout d’abord, il convient de lire cette série de romans de David Gunn dans l’ordre, parce que débarquer comme un gland au milieu de ce titre, l’expérience peut s’avérer traumatisante. Car le monde dans lequel vit Sven est loin d’être rose, et sous couvert d’une technologie de pointe ça prend plus des airs de Warhammer 40k (ou les chroniques de Riddick) avec les tueries d’une violence inouïe et des chefs mi-hommes mi-dieux.

Dans ce tome, sous couvert d’une petite mission Sven et sa bande se retrouvent dans une situation des plus torturée. Ici l’empereur les demande en personne car l’objectif a une saveur éminemment politique où la puissante Union Libre est de la partie. Le Tigre a trouvé ce titre encore plus marrant et provocateur (sex & blood as usual), en outre le héros comme son équipe évoluent finement entre eux. Les protagonistes et ce qui les entoure prennent en effet pas mal de substance.

Le style n’a pas changé (voire est encore plus caricatural), le lecteur n’aura pas vraiment le temps de reprendre son souffle, avec des passages tour à tour totalement déjantés, drôles ou psychologiquement poussés. Le tout dans le désordre (cela peut excéder le lecteur), et ce toujours à la première personne. Les chapitres, courts, se dévorent toujours aussi vite. Bref, du bon et on attend la suite qui s’annonce plus que captivante.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La SF militaire. David Gunn était dans une quelconque force spéciale, c’est évident grâce à Offensif. Les notions de tactique ici développées sont réalistes malgré l’échelle « fantastique » propre à la SF. On retrouve un héros qui ose tout, adepte talentueux du système D (le fameux DIY) et plus débrouillard que les James Bond des films réunis. Enfin, même si c’est parfois capilotracté, cette œuvre tend à nous rappeler que rien n’est jamais fixé. Une situation en apparence désespérée peut se retourner en deux paragraphes (on applaudit souvent face à l’imagination débordante de Gunn), et vice-versa.

Les grandes manœuvres politiques. Déjà, on nous présente pour la première fois Octo V, glorieux empereur au physique de mignon chérubin mais à l’intelligence retors et tournée vers le mal. Si Kim Jong-Il, Kadhafi et Hitler réunis avaient eu l’occasion de partouser, voici l’enfant qu’ils auraient pu avoir. Octo cinquième est dans une petite merde et son empire est constamment à couteaux tirés avec l’Union Libre, organisation puissante dont on se demande pourquoi celle-ci n’a pas encore botté le cul du jeune tyran. Sans spoiler, on découvre rapidement que des liens insoupçonnés existent entre les deux systèmes, secrets bien gardés et d’une moralité cynique à souhait .

…à rapprocher de :

Le Faucheur est le premier tome et introduit intelligemment le héros et son décor. En guise de troisième ouvrage, Le jour des damnés.

– Les enjeux politiques me rappellent certains tomes de La Culture de Ian M. Banks, notamment L’homme des jeux.

– Si vous aimez les combats à l’échelle spatiale, il y a le classique de La guerre éternelle, de Joe Haldeman.

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David Gunn - Le FaucheurVO : Death’s Head. Sous-titre : Les Aux’ Tome 1. Premier opus d’une vaillante série qui se lit avec les zygomatiques, entre science-fiction militaire et space opera. Un héros tout en muscle qui tire son épingle du jeu galactique, des missions toujours plus dangereuses pour le compte d’un empire démoniaque, pas très fin mais réjouissant.

Il était une fois…

Sven Tveskoeg n’est qu’humain à 98,2%, le reste lui permet de cicatriser à une vitesse record. Seul survivant d’une attaque (suivi d’un internement) chez les aliens « Ferox » avec qui il arrive à communiquer par télépathie, Sven attire l’œil de ses supérieurs et s’apprête à entrer dans le corps d’élite de l’empereur, les Faucheurs ! Pour cela, il va devoir effectuer une mission (un carnage en fait) sur une lointaine planète. La suite ne sera que sexe, sang et sueur dans un monde où les soldats ne sont que des pions. Sven s’en tape, il créé ses propres règles.

Critique du Faucheur

Quelle rigolade. Pas vraiment de la SF, car rien n’est vraiment sérieux ni réaliste dans la description de l’univers du héros, en revanche les scènes d’actions et tout ce qui les entoure sont plutôt bien rendues. David Gunn est parvenu à scotcher Le Tigre sur près de 400 pages avec son premier roman, chapeau.

Je vous présente rapidement l’auteur, qui a dû être un ex espion / militaire ayant sévi dans des théâtres d’opérations assez chauds. Britannique paranoïaque sur les bords, son héros (cf. infra) pourrait être une allégorie de lui-même, la déconne et le second degré en plus. Car le style, sec et rapide, ne s’attarde pas trop sur l’environnement. Plutôt les dialogues entre mâles alpha, quelques parties de jambes en l’air et des fusils laser utilisés en très grand nombre.

Ce premier opus introduit l’odyssée du héros, individu au premier abord bourrin mais qui a de la ressource intellectuelle. Quant au monde conté par Gunn, à mi-chemin entre le cyberpunk (pour l’avenir pessimiste et un peu foutoir) et le space opéra (ça voyage beaucoup), celui-ci se dévoile au fil des chapitres et devient de plus en plus complexe. De nombreuses péripéties, des rebondissements, un peu de réflexion, Gunn n’a rien inventé mais son adaptation de différents styles (du Richard Morgan en passant par San-Antonio) est quasiment parfaite.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le sévèrement burné héros Sven. On pense rencontrer un combattant peu finaud qui par sa force, son instinct et d’autres capacités (qu’il ignorait parfois) se tire scandaleusement de situations inextricables. C’est du grand n’importe quoi ce baroudeur chanceux du futur. En fait le protagoniste a un instinct de survie plus que correct et réussit à faire intelligemment pencher toute balance en sa faveur. De survivant, il passe simple soldat, jusqu’à imposer une unité spéciale qui attire l’attention du grand chef. Je n’en dirai pas plus, on touche ici au deuxième tome.

Là où l’auteur s’est bien démerdé, c’est dans le « plantage de décor » de l’univers de Sven. Manœuvres politiciennes, guerres menées par un empire qui n’a aucun respect des populations civiles, embrigadement des soldats et l’émergence d’un chef,…c’est fort immersif au final.

Pour la petite histoire, le nom du personnage n’est pas sans rappeler le grand Sven Hassel (décédé en 2012 si je ne dis pas de conneries), écrivain danois qui a d’abord officié comme soldat dans une unité spéciale de la Wehrmacht. De ses expériences il a pondu La légion des damnés, pavé qui a eu son petit succès. Certes Le Tigre ne l’a pas lu, mais il semble bien que si vous prenez les péripéties de Hassel, et que vous les mélangez à la sauce SF en exacerbant la plupart des paramètres (l’empire, les intrigues, la folie,…), cela donne les titres de David Gunn.

…à rapprocher de :

– Des auteurs anonymes écrivant des ouvrages où se mêlent polar et espionnage, il y a James Church (Un mort à l’hôtel Koryo par exemple) ou Boston Teran (et son terrifiant Satan dans le désert).

– Halleluia, notre héros revient avec Offensif, suivi du Jour des damnés.

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J. G. Ballard - Le monde engloutiVO :The Drowned World. Les titres de Ballard ne vieillissent guère, c’est dingue. Ce titre n’est pas que de la « SF catastrophe », c’est avant tout une profonde réflexion sur l’évolution de l’Homme et ce qui peut constituer l’inné chez lui. Émouvant et contemplatif, ce n’est ni gai ni optimiste. Beau et dur.

Il était une fois…

Dans un futur proche, des explosions solaires (notez l’absence de responsabilité de l’Homme et son réchauffement climatique) ont dramatiquement augmenté la température de la planète et par là même le niveau des océans. Albion n’est plus que marécages, vases et lagunes en plein cagnard tropical. Dans un Londres presque abandonné où les seuls habitations viables sont soit des navires soit le peu de hautes tours qui émergent, le biologiste Kerans va décider, avec la belle Béatrice et un autre gus, de rester sur place et ne pas accompagner les militaires qui lèvent le camp. Qu’adviendra-t-il de nos héros ?

Critique du Monde englouti

Un roman écrit au début années 60, et encore une fois tardivement traduit en France. Quel dommage. Car c’est un joli titre qu’il m’a été donné de lire, Ballard a un don de voyance assez fascinant pour imaginer le futur de cet opus aquatique (les autres traitent de sécheresse ou de vents violents).

Nous allons suivre une partie de la vie de Kerans, biologiste assez quelconque qui, en plus de lutter pour sa survie, va voir sa psyché lentement mais sûrement modifiée. Car le nouveau monde englouti atteint le cerveau de l’Homme et lui fait prendre des décisions illogiques en apparence, comme celle de vouloir aller vers le Sud, alors qu’il y fait trop chaud.

Le héros seul (les militaires conduits par Riggs étant partis) avec la riche Béatrice Dahl (et pas Dalle !) et un autre scientifique (Bodkin), l’écrivain a eu l’excellente idée de faire intervenir un pirate, Strangman, et sa joyeuse troupe. L’individu, albinos de surcroît, exerce un certain magnétisme et a un comportement borderline. Reçus comme curieux invités (la belle Dahl aidant), très vite Bodkin et notre héros Kerans sentent que ça va forcément empirer. Dictature d’un homme qu’on pressent comme dingue, assèchements de la lagune, tentatives d’attentat, rites de défoulement, tout y passe.

Chapitres assez longs et texte plutôt dense, ces 230 pages ne se lisent pas si vite que ça. Plus qu’un classique de la SF, puisque le style de J. G. Ballard est de très bonne facture. Descriptions hallucinées d’un monde chaud et humide (le monsieur a vécu en Asie ça se sent) et personnages (les pilleurs surtout) surprenants. Le tout servant des thèmes porteurs et définitivement originaux si on daigne se rappeler la date d’écriture de l’œuvre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La survie en milieu hostile. Ce milieu peu accueillant, c’est notre bonne vieille Terre qui a gagné des dizaines de mètres d’eau. Et dont les températures sont franchement insupportables. A partir de midi, et ce jusqu’à 16h, l’air brûlant et le soleil assassin tapent furieusement et rendent nos amis un peu…mous. Or la climatisation (à 60° dehors, c’est presque une question de vie ou de mort) dépend des stocks d’essence, denrée qui ne semble pas produite (on parle surtout de siphonner les containers). Bref, à terme l’Homme disparaîtra.

En fait, ce climat extravaguant ne semble être une catastrophe que pour l’homo sapiens. La grande bleue (il n’y a que ça, du bleu et le vert des jungles) s’est repeuplée de nombreuses espèces qui ont, en quelque sorte, repris le dessus : puisque l’environnement tend à se rapprocher de celui des origines sur Terre, les reptiles (iguanes, crocodiles) aquatiques ne se sentent plus pisser et peuplent gaiement le globe.

Plus mystérieux est le retour en arrière de certains comportements humains. Par exemple, le protagoniste fait un rêve particulier, et apprend que d’autres l’ont eu et que c’est dans l’ordre des choses. Il semble alors que les humains reviennent progressivement à un « état intellectuel » préhistorique qui n’a jamais totalement disparu, comme la peur innée (et injustifiée à notre époque) des reptiles l’illustre. Cet aspect du roman, en plus d’apporter correctement du suspense (le seul à mon sens), apporte une belle réflexion sur l’avenir de l’Homme dans un environnement « régressif ».

…à rapprocher de :

– Ce roman, comme je l’ai dit, fait partie d’une tétralogie composée, en plus du présent titre, du Vent de nulle part, Sécheresse et La Forêt de cristal.

– Ballard est surtout (à mon humble sens) un auteur d’anticipation sociale, avec Crash ! ou encore Sauvagerie. Ce dernier est superbe.

– En SF plus « dure », Blue Remembered Earth de Reynolds se situe dans un futur où le niveau de la mer, rehaussé, a bouleversé les équilibres géopolitiques – jusqu’à l’émergence d’une nation aquatique. Premier opus très réussi de la saga des Enfants de Poséidon.

– En plus « littéraire », Le monde enfin de Jipé Andrévon est une belle tuerie.

– En BD, et à l’inverse du réchauffement de la planète, il y a le fort correct Transperceneige, de Lob, Rochette et Legrand.

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Collectif - Batman : Knightfall Tome 1Sous-titre : La chute. VO : Broken Bat. Tiré des comics strips Batman #489-497 et Detective Comics #659-663. Le fameux collectif, ce sont Doug Moench, Chuck Dixon, Jim Aparo, Norm Breyfogle, Jim Balent et Graham Nolan qui ont inventé dès les années 90 la plus éprouvante aventure de Bruce Wayne. Cycle long mais nécessaire, le début est hélas moyen.

Il était une fois…

Un homme terrible et inquiétant caresse l’idée de devenir le maître de Gotham, et entre lui et son objectif se dresse le puissant Batman. Cet homme à la musculature impressionnante se nomme Bane. Et il veut briser, à la fois physiquement et mentalement, Bruce Wayne. Pour cela, Bane va d’abord « attendrir » la viande en planifiant l’évasion de tous les criminels de l’asile d’Arkham. Trop de boulot pour le Bat exténué qui va, pour la première fois, être durablement vaincu.

Critique du premier tome de Knightfall

Attention, en souhaitant suivre la saga Knightfall de fond en comble, tout lecteur doit savoir qu’il s’apprête à bouffer cinq tomes de plus 350 pages chacun  Un bonne centaine d’euros pour quelques heures de lecture, on sent le monopole d’Urban Comics qui a publié ce récit inédit en France de manière assez fine, juste au moment de la sortie du dernier film de Christopher Nolan.

Bon, je ne vais pas vous dire pour chaque tome, voire chaque chapitre, qui a mis la main à la pâte, car entre les scénarios, dessins, couleurs ou encrages, un beau paquet d’artistes ont planché sur l’aventure. Il faut juste savoir que le cycle a duré plus d’un an et que ce premier tome, intitulé « La chute », porte plutôt bien son nom en plus d’avoir été savamment distillé dans les nombreuses publications relatives au chevalier noir.

Le premier cinquième de l’aventure m’a hélas un peu déçu. On ne présente plus Bane, individu ambitieux, tueur de sang froid et extrêmement réaliste par rapport aux autres vilain un peu dérangés sur les bords. Celui-ci fait sauter Arkham et quasiment à chaque chapitre le Bat affronte un nouvel ennemi pour le mettre à nouveau à l’ombre. Et c’est là que le bât blesse : ai eu l’impression de lire plein de mini séries un peu oldschool où à chaque fois Batman se plaint de souffrir toujours plus mais néanmoins continue sa quête. A la limite j’étais heureux que Bane se décide enfin à lui briser la colonne vertébrale. De temps à autre, on nous présente une émission où un psychiatre du dimanche explique que les vilains sont sains et qu’il faut les accepter comme ils sont (sans les montrer du doigt), et ce à l’encontre du bon sens le plus élémentaire.

Le dessin, en outre, m’a paru un peu trop vieillot. Sans doute Le Tigre est trop habitué aux publications de ce millénaire bien plus léchées niveau graphisme. Car entre les couleurs agressives, les costumes; muscles et visages des héros (Bat, Robin et Azrael) pas forcément bien rendus, l’effort architectural très moyen, on sent l’intense productivité de l’année 93 au détriment de la qualité. Mais bon, c’est le début des nineties.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’égo surdimensionné. Bruce tient à s’occuper personnellement de chaque méchant, et ce malgré sa santé déclinante dont il a pleinement conscience. Tim Drake (troisième Robin si ma mémoire est bonne), Jean-Paul Valley (qui prendra un rôle prépondérant par la suite), et même le vieil Alfred, tous lui demandent d’y aller mollo et lui proposent de l’aider dans son combat. Et bah non, cet idiot de Batounet (dixit Joker) y va avec seulement avec sa bite et ses batarangs. Habitué des escapades solitaires, le héros ne semble vouloir que trop rarement s’encombrer d’alliés, ce qui évidemment précipitera sa chute.

L’ennemi de tous les ennemis. Bane, c’est un peu l’ultime cauchemar du Batman « classique ». Rien à voir avec la brute muette (dont on devine que deux neurones se battent en duel dans son cerveau) de Batman & Robin de Schumacher. Une illustre daube ce film au passage. Plutôt un être certes puissant, à la suite d’expériences avec le fameux venin, mais d’une intelligence rare. Un des seuls à avoir tout de suite compris qui est Bruce Wayne. Un fin gourmet même, puisqu’il se délecte des épreuves successives de l’homme chauve-souris et retarde toujours plus le coup final qu’il compte lui asséner.

…à rapprocher de :

– La saga est plutôt longue, et se poursuit avec Le Défi, puis La Croisade, ensuite La Quête, pour se terminer par La Fin (logique).

– A tout hasard, vous pouvez découvrir les premiers faits d’armes de Jean-Polochon Valley dans La Lame d’Azrael (en lien évidemment).

– Un court one-shot assez bien fait concerne la vie de Bane, super vilain atypique s’il en est. C’est La revanche de Bane, de Dixon et Nolan. C’est plus ou moins un salvateur prélude à Knightfall.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.