Christopher Ross - MishimaSous-titre : Voyages à la recherche d’un samouraï de légende. VO : Mishima’s Sword: Travels In Search Of A Samurai Legend. [traduction FR incorrecte alors ?] Biographie, autobiographie, essai philosophique ou voyage quasiment initiatique, le père Ross a posé plusieurs casquettes pour livrer un essai intéressant et multimodal. Un petit plaisir – hors de prix hélas eu égard le nombre de pages.

De quoi parle Mishima : Voyages à la recherche d’un samouraï de légende, et comment ?

Christopher Ross est un essayiste assez particulier. Incollable sur le Japon (il y a passé quelques années) et spécialiste d’arts martiaux, il a décidé de mélanger, dans cet ouvrage, deux niveaux de narration : sa quête dans l’Empire du Soleil Levant d’une part ; le déroulement du suicide, à 45 berges, d’un des plus grands écrivain japonais du XXème siècle. Car Mishima a longuement planifié ce départ en fanfare, et faut dire que prendre en otage le chef des forces d’autodéfense japonaises, prononcer un discours foiré et se faire seppuku devant la galerie mérite qu’on s’attarde sur son cas de l’écrivain japonais.

L’approche de Christopher Ross est plutôt originale, du moins intéressante : partant du suicide d’un auteur qui a vu le Nobel lui passer sous le nez, Ross s’est mis en tête de rester au Japon le temps qu’il faudra pour savoir ce qu’est devenu le sabre dont s’est servi l’aide de camp de Mishima – pour le décapiter après que l’écrivain de renom ait libéré une soixantaine de centimètres d’intestins.

Cette quête s’articule autour de deux parties, la seconde étant particulièrement édifiante sur la civilisation japonaise. La première partie, intitulée « Les mots », traitera de la biographie de l’auteur. La seconde partie, « Le sabre », est sur l’objet du désastre. L’écriture et l’arme, deux mains qui applaudissent la vie, et la mort, d’un Mishima intransigeant et encore subversif en Asie – même si ces plus grosses ventes sont des textes à destination de journaux dits « féminins ».

L’auteur alterne donc entre sa quête du sabre (souvent tarabiscotée et faite de rencontres trop heureuses à mon goût) et de descriptions de tel ou tel aspect de la civilisation nippone, avec le regard d’un Occidental alerte qui va au fond des choses. L’essai prend souvent la forme d’une ballade, et il faut avouer que la lecture est d’une fluidité assez bienvenue – rien à voir avec un discours de la méthode sur la littérature extrême-orientale voire extrême-droitiste d’après-guerre.

En guise de conclusion, voici un ouvrage à double tranchant – désolé du jeu de mots. Soit vous êtes réceptif et vous avez de quoi apprendre pas mal de choses ; soit Mishima et/ou le Japon ne vous parlent guère, et c’est sur le terrain de l’aventure personnelle que vous pourriez apprécier cet essai – en zappant quelques passages, par exemple les dix pages de résumé du roman Confession d’un masque.

Ce que Le Tigre a retenu :

Vous l’aurez deviné, le seppuku est à l’honneur. Le Tigre ne parle pas de la manière dont sont faits les katanas ou les descriptions (certes sanglantes) du geste, mais de la façon dont est pensé ce geste qui revêt plusieurs significations – à l’image des différents suicides de Durkheim. Ross entretient souvent le lecteur de considérations linguistiques, et l’explication des subtilités d’utiliser tel ou tel terme mérite de s’y attarder : si « seppuku » est destiné pour l’écrit, « hara-kiri » (qui semble plus barbare) s’utilise dans le cadre de l’oral et peut être traduit par « faire preuve de sincérité ».

Et oui, en s’ouvrant le ventre, le suicidé montre qu’il va au bout de ses idées. Soit il (entre autres) 1/ accompagne le décès de son supérieur 2/ reconnaît un échec 3/ proteste contre la politique du pays ou 4/ recherche sa beauté intérieure. Un peu de tout pour Mishima, subtilement surnommé le « kamikaze de la beauté ». A ceux qui souligneraient que ce genre d’acte est complètement barré, il faut savoir que l’auteur, baigné dans un univers chevaleresque (par la littérature seulement, n’ayant pas œuvré pendant la guerre) et à l’esprit contradictoire (la problématique de son homosexualité et du cloisonnement de ses relations notamment), est resté fidèle à ce qu’exigeait son monde.

Hélas, sans doute Mishima s’est trompé de monde. Affolé par l’emprise néfaste de la culture occidentale, il a versé dans un radicalisme dont la façade pouvait prêter à sourire. Le principal reproche est que seul le « versant féminin » du Japon a été maintenu après 1945 (arrangement floral, courtoisie, théâtre nô, etc.), et le pays a été privé de son Yin, à savoir l’art de la guerre et une discipline qui ont fait de l’archipel un État fort centré autour d’un Empereur et d’une armée non amputée – contrairement à ce que décrit la constitution du pays.

Plus généralement, j’ai beaucoup appris sur les samouraïs et leur code (le fameux Bushido) dont se réclame parfois Yukio Mishima. Sans donner de cours d’histoire (on n’est pas là pour ça merde), j’ai cru comprendre que dès la période Tokugawa, quand ce clan a pris le contrôle du pays, la nature des samouraïs a été grandement modifiée : le Bushido a plus ou moins été mis en place pour justifier de la condition du samurai (la plupart pointant au chomdu) qui ne combat plus et s’attache à de nouvelles missions. De serviteur d’un Daimyo à Ronin, le porteur d’un sabre a été grandement malmené au cours de l’Histoire, et son image est plus complexe que je ne l’imaginais.

Histoire, culture, littérature, politique, voyage dans un Japon onirique et réaliste, Ross a tapé sur tous les tableaux.

…à rapprocher de :

Puisqu’on parle de Mishima, voici ce que Le Tigre peut vous conseiller en connaissance de cause : l’essai Le Japon moderne et l’éthique samouraï (fort conservateur il est vrai) ; Le soleil et l’acier (où Mishi’ explique les raisons du seppuku à venir) ; Confession d’un masque (le premier, et sûrement meilleur de l’auteur), etc.

– Ensuite, les tribulations de Ross (notamment avec les gangsters qui lui posent, certes courtoisement, quelques questions) me rappellent vraiment celles du héros de La tétralogie de la Crucifixion en jaune , de Romain Slocombe. Pas mal du tout.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici. Ou via le site de l’éditeur. 

Les textes du TigreSi vous avez suivi l’histoire de Ponzisex (lire la première partie ici est recommandé), j’étais en train de me faire royalement chier à une soirée privée. Politiciens, top model, drogués, artistes, il ne sert à rien de mélanger les beaux QI. J’étais sur le point de me casser de la décadente baraque, mais un évènement particulier va me retenir.

La maison de Ponzisex, seconde partie

Je n’ai même pas le temps de choper ma veste en poils de pandas castrés qu’un énorme cri se fait entendre. Ça vient d’une chambre en haut. A peine si je distingue quelques mots, du style « nom de Zeus », « c’est pas vrai putain » et « pas moyen, dégage ». Le bruit, constant, me met plutôt mal à l’aise. J’ai l’habitude des coups de semonce dès que je fous la musique un poil trop fort chez moi, et ici je m’attends à ce qu’une armée de voisins mécontents nous demandent d’arrêter les frais sadomasochistes.

Non seulement ça ne gêne pas les invités, mais ils ont l’air d’apprécier la gueulante comme on savoure un bon millésime. Je n’ai même pas le temps de remarquer notre hôte, tout à coup rieur, qui tape alors dans ses mains tel un gamin le matin de Noël. Il se précipite vers les escaliers.

Tous le suivent vers la chambre d’où viennent les hurlements. Celle-ci paraît être fermée à clé, toutefois le maître des lieux sort de sa poche ce qui a beau l’air d’être un passe-partout. Il ricane tellement qu’il en devient fébrile. Avec son arthrose, il s’y prend au moins cinq fois avant d’enfoncer l’objet dans la serrure. Nous y voilà.

En entrant dans la pièce, je sens que quelque chose ne tourne pas rond : il fait trop sombre à mon goût ; Monsieur T. est attaché au lit avec des menottes, mais en position retournée ; et Clara semble tenir un gros godemiché couleur chair à la main.

L’ancêtre, encore essoufflé par la montée des marches, intervient et s’adresse directement au mec menotté au pieu :

« Pffuiii… Mais je vois que tout ceci est en très bonne voie ! Splendide ! Tu la voulais, alors tu vas l’avoir. Je te présente Claro, le plus beau travesti de toute l’Union européenne. Maintenant détend toi, Claro va te faire découvrir quelques douceurs de chez lui que tu ne regretteras pas ».

Je vais faire vite pour raconter la suite, c’est un peu trash et ne présente que peu d’intérêt. En outre, faut savoir que le sodomisé n’avait pas pensé à utiliser une poire à lavement, et Clara…euh Claro n’est pas du genre à vaseliner son dard.

J’ai du mal à dire Claro dans la mesure où même avec une belle queue, elle reste somptueuse, et encore à mon goût. Franchement, impossible de se douter une seule seconde qu’il/elle fait partie de la gente masculine, c’est à la fois terrifiant et magnifique – je me méfie maintenant, et la première question que je pose avant de dragouiller concerne le genre de la cible.

Bref, revenons à nos cris de mouton : y’en a eu plein les draps et tous les spectateurs se  gondolaient comme des hyènes – en particulier un invité, mais je reviendrai dessus plus tard.

Apparemment, ça rendra plutôt bien sur les photos.

Et oui, Sanjay, le cuisinier, a sorti une chose monstrueuse de son tablier. Je pense que T. aurait préféré qu’il dégaine sa bite (il n’était pas à une double péné près) plutôt qu’un appareil photo d’excellente qualité. Le cuistot a dû mettre le mode rafales, car au bout de cinq minutes le cuisinier annonce que le serveur cloud sécurisé qui reçoit les images est surchargé.

Quant à l’acte à proprement (sic) parler, c’est la première fois que je vois une telle violence. La tendresse a pris des vacances pour laisser la place au piston d’un moteur de Formule 1 dont le bruyant pot d’échappement n’est rien d’autre que la gueule de Monsieur T. D’ailleurs, il n’est vraiment pas facile de déceler les tonalités et subtilités des glapissements de la victime. Une sorte de doux mélange de tourments intenses, de surprise quant à ce nouveau type de douleurs (du genre « tiens, ça fait mal par ici »), et une note d’humiliation rageuse.

Monsieur T. met quand même bien longtemps à comprendre que, plus il gueule, plus Clara est déconcentré(e) et lui défonce derechef le derche [ceci s’appelle une allitération dentale de qualité mes amis] pour arriver à ses fins. C’est donc en sanglotant et la voie éraillée que T. reçoit, dans le dos, l’amer produit de l’Italienne.

Les convives l’applaudissent alors de concert, retirent les menottes du pauvre type et filent vers les escaliers, laissant les deux amants à leurs petites morts respectives. Je sors précipitamment de la chambre qui sent sérieusement le fauve mal rasé.

Dans le salon où on attend T., le vieux me prend à part et me raconte à peu près ça : « Tu vois, Tigre, c’est ce qu’on a trouvé de mieux pour nous autres. Les crapules peuvent à la rigueur avoir peur de perdre tout ce qu’ils ont, voire de la mort. Pour notre mafia politique, il n’y a rien de plus infamant qu’une réputation déglinguée. Imaginez cet épisode qui occupe plus du tiers de votre bibliographie sur Wikipedia, ça fait réfléchir non ? »

Je me retiens de lui demander le pourquoi d’une enculade, et ne pas plutôt faire chanter la personne avec un truc pédophilo-zoophile, genre un bébé panda amoureusement accroché à son zob. Après, de la part de cette caste de gouvernants idiots, je sais qu’être de la passive jaquette, c’est comme être de gauche : un machin vaguement honteux qui fait peur dans les dîners mondains. A chacun ses peurs.

Douze minutes se passent lorsque T. descend, accompagné de Clara…merde, Claro (m’y ferai jamais) ! En fait, Claro l’aide surtout à marcher, et là le gus à l’anus dilaté ne dit pas non à une béquille. Il s’assied comme Edward Norton tente de se poser à la cantine de la prison dans un excellent film en noir et blanc.

Il nous toise, l’œil mouillé, et tend sa main vers la poche arrière de son jean. Petit instant de flottement, je me dis brièvement qu’il va sortir un surin. Il attrape en fait un mouchoir et se met à franchement rigoler. Tellement qu’il en pleure. De joie ?

J’ai dû mal à y croire, mais un mec qui vient de se faire sauvagement taper la rondelle, sous l’œil rigolard de ses futurs amis qui en plus prennent des photos, bah ça le fait rire.

Le mecton qui se fait bizuter sévère et en redemande, je comprends bien puisque j’en étais dans ma jeunesse – et cela restait soft, sauf concernant les boissons. Un autre qui développe un syndrome de Stockholm et sympathise avec ses vilains geôliers jusqu’à leur donner des conseils en matière de sécurité, pourquoi pas.

Mais les deux en même temps, c’est du jamais vu. Faut que je trouve un mot pour ça. Réaction Stockizutée ? Un complexe de Bizutholm ? Trop dur à prononcer.

Voilà, j’ai été témoin de l’intronisation d’un jeune loup dans leur cercle trop privé de puissants.

A ce prix, je préfère rester derrière mon écran à bloguer sur des livres et à boire du Canada Dry. Dont acte.

ÉPILOGUE

Pour la petite histoire, je suis revenu un mois après à une autre de ses pinces-fesses (trous-culs plutôt). L’aristocrate sur le déclin m’avait proposé une deuxième soirée puisqu’un vieux général venait d’avaler son bulletin de naissance. Le Cercle a donc décidé d’établir dans la place un autre couillon dont la dentition raye notoirement le marbre.

Ce couillon, ce n’était pas moi. Je n’avais rien demandé de toute façon. Du moins c’est que m’avait assuré le vieil aristo en me donnant le nom du gus : je vous le donne en mille, c’était le très gazouillant Monsieur []. Vérité vraie. Quel veinard. Si ça peut vous aider à comprendre sa démarche coincée et son attitude « droit dans les bottes »…

Ça s’est déroulé exactement comme la dernière fois. Enfin presque. Bien avant que Claro n’intervienne, un autre invité s’était un peu égaré. Disons qu’il avait un peu trop abusé sur les boissons à base de taurine et la petite pilule bleue : ce sombre imbécile voulait faire ce qu’il nommait un « Yathzee », à savoir enfourner les cinq bisexuelles soudanaises en chantant l’hymne du Commonwealth.

Pendant qu’il remettait, pour la troisième fois, le couvert à l’étage supérieur, il s’est chopé une tachycardie aigue et a perdu l’équilibre. Autant par réflexe que par connerie, ses mains sont restées accrochées aux reins de Miss Baomi, 120 kg à la dernière pesée. Et, très logiquement, Baomi lui est tombée dessus.

Le résultat, une fracture du zob (et du frein en prime), est assez marrant à voir. J’ai appris que c’est comme une fracture ouverte,  plus impressionnant que douloureux. Hélas, ne pas souffrir nécessite d’absolument rien toucher. Ni bouger non plus, donc ni bander. Sauf qu’avec le kilo de pilules avalés, le boulet n’a point débandé jusqu’à la réception de la facture des urgences. On a cru bon lui faire fumer un peu de méthamphétamine afin qu’il oublie sa douleur, il s’en est accommodé. Cependant il est resté éveillé 28h d’affilée.

Sinon, la soirée s’est exactement passée de la même manière. On sent bien le respect des procédures chez ces gens-là, rien n’est tout à fait laissé au hasard. Derrière l’aspect grand guignolesque et faussement improvisé de ces soirées, il y a comme un strict emploi du temps à respecter. Si Louis XIV avait son timesheet réglé à la minute près, celui du maître de maison est plus insidieux, une espèce de calendrier soft powerisé où tout n’est qu’aimables invitations et suggestions.

Monsieur [], sensible au charme de Carla, l’a accompagné à l’étage. Classique. Claro s’est occupé de lui. On a tous ri. Évidemment. Une demie heure après, le violé aussi. Le propriétaire des lieux, malgré mes nombreuses relances, a refusé de m’avouer depuis combien de temps cette coutume existe. Étant donné qu’il répète souvent être déjà passé par là, l’individu qui l’a « introduit » devait être né au dix-neuvième siècle.

Je n’ai pas poussé plus loin mes recherches sur ce Cercle, si ça se trouve le premier enculé à avoir mis en place ce système n’était rien d’autre que Gilles de Rais.

Conclusion ponzisexée

Vous voulez la morale de ce que j’ai retenu de cette histoire? Il y a trois volets en fait.

Premièrement, j’ai remarqué que, pendant que Claro était au turbin, une personne semblait particulièrement apprécier le spectacle. Mieux, cet individu aidait le transsexuel (en retenant un peu plus []) et lui demandait d’y aller plus fort. Cette personne, c’était Monsieur T., celui-là même qui avait pris cher à la précédente soirée.

Cela m’a rappelé la démonstration d’un théoricien dont j’ai oublié le nom, et qui parlait du « dernier liant culturel ». Comme quoi, les études de philo me servent, au moins une fois, à quelque chose.

Grosso merdo, cette théorie énonce que pour perpétuer toute coutume incompréhensible au sein d’un groupe, celui-ci compte moins sur ses membres les plus anciens que les jeunes initiés. Ces derniers, s’ils ont été suffisamment marqués par l’expérience (par la joie certes, mais la douleur et la mortification fonctionnent mieux), en seront les plus ardents défenseurs.

Par conséquent, quand on te destroye la gueule (ou autre chose) sans que tu ne saches pourquoi, et que la réponse reste « on est tous passés par là », alors tente de repérer celui qui te pourrit et se réjouit le plus : c’est lui qui a douillé en dernier. Soit tu tentes de briser le cercle vicieux et fait appel à ses bons sentiments pour casser la boucle ; soit tu sais que cela ne servira à rien, et tu le regardes bien dans les yeux pour avoir une idée de ce quoi tu auras l’air bientôt.

Deuxièmement, la reproduction sociale, ça marche. Y’a rien de mieux que l’esprit de corps : il n’y a presque pas de différence entre un « Toi aussi Claro t’a enculé ? Ouais, bienvenue au club de l’élite » et un « Tu étais dans quelle promotion à l’école d’administration ? ».

Troisièmement, ne faites pas de politique. Du moins pas dans mon pays.

Alain Damasio - La Horde du ContreventUn roman fantastique, dans tous les sens du terme. Damasio a pondu un chef d’œuvre d’aventure, d’intelligence et de complexité autour d’une élite censée remonter un vent à décorner des bœufs. Une imagination de dingue, c’est tout bonnement génial. Pas de science-fiction, peu de fantasy, seulement un monde avec quelques différences finement exploitées par l’auteur.

Il était une fois…

Dans un monde où les lois physiques telles qu’on les connaît sont tranquillement bafouées, vingt-trois héros ont pour mission de remonter la source du vent. C’est la 34ème Horde, menée par le dur Golgoth (neuvième du nom). Poursuiveurs qui veulent décimer la troupe, cités peu accueillantes, étendues désertiques, glaciales ou trempées, franchement on se demande pourquoi ils s’infligent de telles souffrances.

Critique de La Horde du Contrevent

Encore un roman bien dense vis-à-vis duquel je pourrais pondre un résumé de 2 000 mots, heureusement que Le Tigre n’est pas là pour vous bourrer le mou. Ce n’est pas tant le nombre d’idées présentes dans ce titre que le fait que l’auteur a réussi à créer un univers unique et cohérent méritant des chapitres entiers d’analyses.

Tout d’abord, la narration. Damasio, doux-dingue comme il l’est, a souhaité livrer l’histoire de la Horde d’après le point de vue des protagonistes. De l’amont vers le désert glacé de Norska, en passant par la rencontre avec les Fréoles, chaque gros paragraphe commence par un symbole expliquant qui prend la parole. Si on peut avoir du mal au début à suivre (les cent premières pages en particulier), s’accrocher vaut le coup d’autant plus que les textes sont décrits dans un ordre parfaitement chronologique. Remercions à ce propos l’éditeur qui a eu l’excellente idée de joindre à l’ouvrage un marque-page rappelant le « nom » des personnages.

En outre, sur les 23 protagonistes, à peine quatre reviennent régulièrement : Le scribe Sov au verbe précis et précieux (le vrai héros puisque c’est lui qui découvrira où finit le monde) ; Caracole le troubadour (héros d’une joute verbale qui est un délice à lire) ; le prince Pietro ; Erg le combattant – dont la lutte contre une mystérieuse confrérie envoie du très lourd. Chaque individu a son propre vocable, qui va du très recherché au franc grivois (le boss Golgoth en particulier), offrant une appréciable palette de styles.

Ensuite, l’histoire est proprement hallucinante. Le monde d’Alain D. est une planète hors du temps où un vent ravageur souffle de partout. Depuis des siècles, une institution (gérée par l’Horde) envoie des hommes et des femmes remonter le vent pour savoir ce qu’il se trouve à son origine. Chaque Horde met presque une génération pour évoluer contre les éléments, et les rumeurs ou légendes sur leurs parcours vont bon train. Si le Tigre se doutait (parmi d’autres hypothèses) du fin mot de l’histoire, il faut convenir que celui-ci, bien amené, ne perd rien de sa splendeur.

Presqu’enfin, le style général de l’auteur est impressionnant. Le vocabulaire est entièrement adapté à un univers venteux où la civilisation se construit par rapport à des contraintes difficilement imaginables. Si vous rajoutez quelques belles fulgurances descriptives (comment noter les vents, de la première à la neuvième forme) ou des postulats métaphysiques poussés (les chrones, le principe du vif qui régit la vie en général), le lecteur saura être en possession d’une aventure d’exception.

Pour conclure, un ouvrage atypique qu’il faut au moins tenter de lire une fois dans sa vie. J’avoue avoir survolé quelques passages ou perdu le fil du scénario (notamment deux années qui s’écoulent comme par magie), cependant rien n’a troublé le plaisir de la lecture. Et rien que pour le fun, voici les glyphes des 23 héros de la saga – par placement pour contrer un fervent. Certains mourront, d’autres seront décisifs, quelques uns presque insignifiants, toutefois la Horde reste un bloc à qui il faut rendre hommage :

Ω
π )
¿´ Δ ¬
> ^ ´, )-
ˇּ ∞ χ (.) <>
∫ ◊ ~ ∂ ≈ √ ]]

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le vent. C’est peut-être con comme thème, mais imaginez un monde où quelques bourrasques donnent le ton et font que remonter vers l’amont est une gageure justifiant la mise en place d’une équipe spécialisée. Face à cette force naturelle, les êtres humains ont décidé de créer des surhommes (à cause de leur entrainement drastique) qui vont exceller dans leurs domaines : un raconteur, un scribe, un chef, un oiselier, des ailiers, le faiseur de feu, etc. Du team working comme on en voit rarement.

Pour chaque personnage, l’aventure de la Horde oblige à un dépassement constant de soi. Car la déontologie de leur organisation fait la part belle à la tradition et l’expérience personnelle. Plus d’une fois, je me suis dit : « mais vas-y, prend un navire fréole et remonte le vent tranquillement assis dans un fauteuil ». Sauf qu’ils ne l’entendent pas ainsi, arriver au but (y’en a-t-il un d’ailleurs ?) doit s’accompagner de la réalisation de découvertes, comme être en présence de toutes les formes de vent ou faire face aux terribles chrones – objets mouvants aux propriétés surprenantes.

Ce que Le Tigre retiendra surtout est l’histoire d’un monde sans pitié où la sélection des meilleurs, violente, n’est que le prélude à une aventure dont ils se seraient bien passés. Et si chaque individu démontre son utilité dans la compagnie, on voit bien que certains se révèlent plus indispensables que d’autres au fil des pages. La numérotation de ces pages, de façon surprenante, est inversée, comme pour souligner l’abjecte quête poursuivie par nos pèlerins en souffrance.

…à rapprocher de :

– De cet auteur, Tigre a également lu La Zone du Dehors. Pas aussi bon, mais ça reste du Damasio – donc faut lire.

– La fin, sans spoiler, fait gravement penser à celle du cycle de La Tour sombre, de King. La marque des grands auteurs ?

– Un roman bien écrit où les héros souffrent, c’est également Gagner la guerre de Jaworski. Made in France encore.

– Sinon, à tout hasard, il existe un autre roman qui commence par la dernière page pour finir par la première. C’est Survivant, de Palahniuk.

– Pendant un chapitre, deux protagonistes mènent une joute purement verbale qui est d’une rare qualité. Les règles de la joute sont complexes et posent des contraintes qui raviront tout amateur de l’OULIPO.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Vérifiez bien que le marque page de la Horde est proposé avec le titre.

Les textes du TigreLe Tigre a conscience de prendre un risque en publiant ce genre de texte fait maison et que vous ne devriez sûrement pas faire lire à votre petit neveu. Dites-vous juste qu’un soir, je m’étais passablement emmerdé et ai voulu accumuler un maximum de mots orduriers pour attirer du trafic sur les moteurs de recherche. Aucune velléité littéraire sous-jacente. Sinon, toute coïncidence avec gnagnagna…

Prologue du Tigre

Avant de présenter le texte suivant, sachez juste que, tel un chat, l’hôte de ce blog a au moins neuf vies. Non, mille ! Dans l’une d’entre elle, si je me souviens bien, j’étais journaliste dans un grand magazine d’obédience conservatrice. Même les péripatéticiennes ont leurs cartes de presse, disait je ne sais plus qui.

Invité, pour la première fois, à une partie fine d’un vieil édile encore alerte que je connaissais bien pour avoir régulièrement échangé des blagues salaces devant l’Assemblée, j’avais par réflexe embarqué mon carnet et un stylo en me rendant chez lui. Le politicien voulait me montrer « quelque chose d’édifiant et drôlissime », sans doute pour bien me museler à terme.

Mais on ne fait pas taire de la sorte un félidé.

A ce propos, ce billet n’a été rendu possible grâce à mon dernier déménagement au cours duquel j’ai miraculeusement retrouvé mes notes. Celles-ci ont été directement retranscrites par mon secrétaire – que j’ai dû tuer après. C’est pourquoi cet article est livré au présent – avec une concordance des temps relativement aléatoire, j’en conviens.

Il était temps que je m’en occupe d’ailleurs, quelques passages (comme par hasard, les noms des protagonistes) sont quasiment illisibles. Si certains pensent se reconnaître, vous faites fausse route. Je n’ai jamais dit que ça s’est passé en Europe.

Si le champ lexical vous semble à la limite de l’indécence, dites-vous que les endroits qui font l’objet de reportages les mieux léchés (d’un point de vue littéraire) sont ceux où les journalistes n’ont jamais mis les pieds. Pour les autres articles, on prend au vif ce qu’on découvre, puis la mise en page « propre » suit. Sauf que je n’ai pas eu le temps d’effectuer cette dernière étape.

Quant au choix du titre, je vous laisse gamberger.

La maison de Ponzisex (première partie)

Ooooh, you touch my tralala…hummmm…my ding-ding-dong !

Bordel à queue, cet aristo de mes deux a encore changé la sonnette de son manoir. A peine sorti de ma caisse à savon que Günther me brame ses inepties dans les oreilles. Un petit supplice, heureusement que la porte d’entrée daigne s’ouvrir rapidement.

Je lâche à Jo, le groom nain, les clefs de ma voiture de facture coréenne ainsi que mon téléphone (toujours coréen, décidément) en échange d’une flûte de Veuve Cliquot. Le carnet et le crayon ne semblent pas le déranger, à croire que je ne compte m’en servir que comme d’un sex-toy. Je n’ai pas de temps à perdre, aussi je m’enquiers du chemin et file illico là où c’est sensé se passer.

Direction donc le salon des plaisirs. La mansarde du vieux me fait l’effet d’un château comme on en trouve dans certains jeux vidéos où une blondasse attend d’être sauvée. Pour faire simple, il y a d’abord la grande entrée qui suinte le chien mouillé. A droite, les cuisines et appart’ du petit personnel. Sur la gauche, on devine la salle à manger qui, d’après un magazine de déco pro-gouvernemental, peut contenir cinq caravanes de manouches. Je m’y dirige en empruntant un petit couloir d’où quelques portes mènent à des pièces d’à peine 5 m2. J’entrouvre celles-ci par curiosité  : dressing, pièce vide, chiottes à la chinoise, autre dressing, galerie de photos du vieux avec les grands de ce monde, une armurerie.

Me voilà enfin au salon de 200 mètres carré, avec au moins quatre portes menant à des chambres/fumoirs/baisoirs. Tout au fond, une large ouverture et un escalier où se trouvent les « vraies chambres ». Dans la salle, plus d’une dizaine de personnes qui ne remarquent à peine mon arrivée. Certains que je connais bien, d’autres dont je ne me souviendrai pas de toute façon.

Généralement, j’aime bien arriver avec une bonne heure de retard aux parties de ce genre d’individu, en principe je trouverai des convives déjà au turbin. Je m’oriente vers la demi-douzaine de crétins assis autour d’une table basse où un invité semble avoir esquissé des opérations mathématiques avec des rails de coke et trois cristaux de meth.

Mes cours de maths de prépa m’aident à reconnaître une loi de poisson, toutefois je préfère ne pas le relever. En plus, une bombe de brune inconnue de mon goupillon n’arrête pas de croiser et décroiser les jambes. Ce n’est vraiment pas le moment pour passer pour un geek.

Néanmoins, je ne fais que saluer brièvement ce petit monde. En effet, quelque chose de singulier retient ailleurs mon attention : Madame C…, dans un coin de la pièce, en porte-jarretelles, sur l’avant-dernière marche d’un escabeau, est en train de se faire sucer l’abricot. C’est quand même bizarre, la radasse est en même temps en train de changer une ampoule au plafond. Avec l’aide de sa bouche de surcroît.

« Kèkevousfaitesdoncmachèramie », susurré-je en jetant vers elle quelques gouttes de champagne. Je ne reconnais pas la femme qui lui bouffe son clito turgescent, et de toute façon un détail m’empêche de regarder ailleurs : C…ne remplace pas la lampe mais suce une bite flétrie qui pendouille depuis un trou au plafond. Vu la taille du trou, je n’ose imaginer le lustre qui se trouvait là avant.

Mes réflexes de journaleux se réveillent. Je lâche mon verre, monte six à six les marches et vais vers ce que je pense être la pièce au-dessus du glory hole vertical. Je ne prends même pas la peine de toquer à la porte, il est des urgences qui font qu’un journaliste bien élevé ne s’excuse pas de mettre les pieds dans le plat.

Vision terrifiante : le maître des lieux est allongé sur le ventre, entouré d’un trio de lesbiennes japonaises au travail – et qui le fouettent au passage. Il pousse un couinement de phacochère. Soit il balance la purée, soit la cravache qui rebondit sur son immonde cul n’est pas une imitation en plastique.

En tout cas, il a la forme. La vitesse à laquelle il se remet sur pied en m’apercevant est foudroyante. Un vrai ressort. Qui parle :

« Ah, je vous attendais, mon cher Tigre. Comment se passe cette première soirée ? Vous avez eu le temps de…enfin bon, on a tout le temps de voir. Allez, on file déguster ce que nous a préparé Sanjay. Rhabillez-vous mes chéries, papa a faim ! »

Je ne sais pas qui, de Sanjay ou du vieux, est le plus dérangé, mais en ouvrant le menu qui traîne sur les porcelaines de Sèvres je comprends que la soirée ne risque pas de changer de ton coquin.

Entrée : clito de bœuf avec sa sauce italienne. En vérité, des raviolis en forme de minou avec une bolognaise des plus délicieuses.
S’ensuit un sublime boudin noir aux pommes intelligemment nommé « Compote de Mandela », ou « compote des Auvergnats ». La finesse, vous dis-je. Puis la tournante des fromages.
Enfin, la branlette britannico-espagnole, qui consiste en deux îles flottantes ayant forme de seins et aspergées de foutre sucré.

Pendant ce repas à dix, j’ai la chance d’être en face de la pétillante brune repérée tout à l’heure. De puissantes phéromones transpirent des pores de Clara (son joli nom), n’importe quel geste anodin de sa part semble être une invitation à se désaper et enfiler dans l’urgence une capote. Elle le sait en plus, je vois bien que son regard néonaïf n’est qu’une façade pour justifier un poli refus au cas où quelqu’un se déciderait à passer à l’acte. Et, croyez-moi, elle est suffisamment charpentée, au muscle sec mais discret pour encaisser les coups de rein d’une équipe de football américain – remplaçants et coach compris.

Exactement mon genre de nana.

Clara débarque de Milan et elle nous livre ses objectifs qui restent assez simples : percer à Paris. Ce n’est pas la seule, le jeune T… à ses côtés aimerait bien faire de même (percer seulement). D’ailleurs, cette belle enflure la travaille ardemment depuis l’apéro, et je comprends que mon retard est incompressible quand je le vois sucer l’oreille gauche de la miss.

Vexé comme rarement, je tente, à l’aveuglette, une délicate approche sur ma voisine de droite. Elle répond à mes appels négligés du pied. L’adrénaline de la complicité s’éveille jusqu’à ce que je me décide de voir à quoi elle ressemble de face. Sauf qu’en voulant lui poser une banale question, je suis saisi d’effroi : en plus de ressembler à un cul de singe gratté à cinq mains, la voisine n’entrave que pouic au français – ni en anglais.

Merde, c’est bien ma veine de tomber sur une Kazakh monolinguée. Le pire est qu’elle continue de me poser des questions dans sa langue maternelle avec son sourire niais. N’étant pas assez bourré pour passer outre sa dégaine générale, je décide de me concentrer un peu plus sur le vin.

Je capte alors le clin d’œil du vieillard. Cet aigrefin s’amuse du double échec (dont un qui ne me chagrine guère) et m’adresse un petit clin d’œil destiné à me rappeler que je suis ici pour autre chose. Sauf que j’ignore complètement ce que cette vieille dondon me prépare. Vu sa gestion des rétrocommissions de ventes d’armes à la moitié du globe, je crains que ça défouraille dans tous les sens.

Hélas, mille fois hélas, il ne se passe toujours rien de notable pour l’instant. Les conversations sont chiantes, il est question des potins au sujet des dernières coucheries dans le show-biz. Rien qui ne m’est inconnu. A peine si je pourrais faire un article d’une dizaine de pages sur l’ambiance des forces vives du pays avec ce que j’entends jusqu’ici, et très franchement je me passerai bien de ce marronnier.

Pour tout dire, j’ai l’impression d’être à un club de Rotary de junkies.

C’est bien beau tout ça, mais je n’ai pas signé à cette soirée pour gober des îles flottantes et s’enfiler quelques coupettes. Les frasques de ces connards, on les connaît tous (enfin, entre journalistes), et je ne vois pas comment je pourrais dégoter ici un scoop racontable – ou un quelconque moyen de pression. La fin du dîner se passe à un rythme de sénateur, sans compter le lourd digestif qui m’inspire des relents de bouffe.

Il est temps de se casser, et fissa. Surtout que Carla est partie s’amuser avec l’autre enfoiré qui doit se faire joliment reluire. Dernier cognac, j’écrase le Churchill, puis me lève. Le vioque m’accompagne à la sortie du salon et insiste.

« Vous partez déjà ? Non non non, ce n’est que le début…Je ne vous ai pas invité que pour faire le pique assiette et éventuellement tremper votre jolie quéquette. Allez, encore une petite demie… »

Et soudain, quelque chose se passe.

[La suite à la seconde (donc dernière) partie.]

DodécaTora« Salutations, Tigre. Je ne t’écris pas de l’au-delà pour te demander de changer les paroles de certaines de mes chansons, mais seulement pour me rendre un petit service. On organise un concours de suicides, et à part regarder les films de Mélanie Laurent les incitations se font rares. Si tu peux nous signaler quelques bouquins, ce serait perfect. Bises du Nirvana, Kurt C. »

Douze livres qui poussent au suicide

Attention, ce billet n’est pas une incitation à commettre l’irréparable, Le Tigre ne veut pas terminer comme l’auteur du premier ouvrage qui sera abordé. C’est pourquoi les titres dont je fais référence doivent être lus, de préférence, au soleil, en bonne santé et après avoir reçu une augmentation.

Qu’est-ce qui fait un bon livre déprimant ? A mon sens, il faut :
1/ Une fin aussi joyeuse qu’un dimanche pluvieux en Angleterre. A quoi bon foutre tous les protagonistes dans la merde si c’est pour découvrir que ça se termine bien ?
2/ Des péripéties malheureuses du fait des Hommes, et non pas à cause de Dame Nature qui fait sa coureuse de remparts ou d’une quelconque divinité désireuse de faire ce que, petit, vous faisiez subir à une colonie de fourmis. Non. Le roman doit être infiniment triste à cause de la nature humaine et son insondable méchanceté.
3/ Une intrigue et un environnement un tant soit peu réalistes, histoire que le lecteur puisse rapidement s’identifier aux personnages. Et souffrir encore plus avec eux.
4/ Une absence notable (flagrante même) d’humour dans le texte.

Dans ce DDC, Le Tigre ne s’intéressera qu’aux romans qui se dévorent relativement vite, et pas ceux qui sont déprimants à cause des thèmes abordés ET du nombre de pages. C’est pour cela que le félin a souverainement décidé de ne pas mentionner certains auteurs du XIXème siècle qui ont fait de la misère humaine leurs fonds de commerce. Zola et sa nana, Dosto’ et ses frérots, Hugo et sa Cosette, inconnus sur ce blog.

De même, j’éviterai d’aborder les livres où seul le héros (et quelques uns de ses proches) en prennent plein la gueule. Ce genre de personnages ne sont déprimants qu’à cause de leurs petites situations – difficilement applicables à d’autres. Madame Bovary qui veut péter plus haut que son cul ; Frodon Saquet qui saute volontairement dans l’aventure ; Roméo qui aurait dû larguer Juliette depuis belle lurette ; L’assassin royal (Hobbs) incapable de se rebeller et se prendre en main ; Holden Caufield (L’attrape-coeurs) qui fait sa crise d’ado, etc. tous au pilon !

Voici donc quelques titres à ne pas lire les longues soirées d’hiver, au risque d’avoir envie de se tirer une balle ou avaler une caisse de médocs. Liste personnelle certes, suivant l’état d’esprit au moment de la lecture, cependant il y a bien deux ou trois ouvrages qui feraient l’affaire pour vous.

Tora ! Tora ! Tora ! (x4)

1/ Guillon & Le Bonniec – Suicide, mode d’emploi

Avouez, vous vous attendiez à cette référence. LE livre censuré en France à cause des « méthodes » délivrées par les auteurs sur le meilleur moyen d’en terminer. Incitation au suicide Vs. liberté d’expression ; propagande néfaste Vs. droit à la mort, Le Tigre ne tient pas ce blog pour discourir de sujets aussi sensibles. Pour ne rien arranger, Yves Le Bonniec a, par une correspondance épistolaire, donné quelques recettes à un pauvre homme qui voulait en finir – ce qu’il a fait.

2/ Hubert Selby – Retour à Brooklyn

Vous êtes sûr de ne pas connaître ? Le jeune Harry et sa belle Marion, leur ami Tyrone, et la maman Sara, tous vont irrémédiablement sombrer dans les addictions – héroïne et amphétamines. Un début assez pépère, et progressivement ça part en sucette. Jusqu’à un « nasty ending » qui fait très mal au cœur. Adapté au cinéma sous le titre original en anglais, à savoir Requiem for a dream. Oui, Le Tigre adore quand ça se termine mal.

3/ John Steinbeck – La perle

Poétique et pessimiste, Steinbeck a commis un sans faute avec ce très court roman – qui reste dense, ceci dit. Le couple de l’histoire, pauvres pêcheurs de perles, trouvent ce dont ils ont toujours rêvé : la pépite qui va les rendre riche. Mais c’est sans compter l’avarice et la cruauté de tous qui, à leur manière, vont ériger d’infranchissables barricades à leur bonheur. Les héros sont pris dans un piège inextricable, tenu de main de maître par les notables – religieux, médecins, négociants, etc.

4/ Agota Kristof – La trilogie des jumeaux

Tapez son nom sur les moteurs de recherche et lisez la joie de vivre sur son visage… Imaginez la alors écrire avec son air tristounet au sujet de deux frères, Lucas et Klaus, séparés contre leur gré. L’environnement est miséreux, entre affres de la guerre (et les exactions qui vont avec) et alignement de déceptions comme autant de petits soldats. Déprimant, enfin, à cause du troisième tome qui est douloureusement imbitable.

5/ George Orwell – 1984

La guerre, la dictature, la bêtise, l’univers d’Orwell est tout simplement dégueulasse. Le pire est que l’espoir est nul, faut voir comment le héros – le seul qui a l’air de se rebeller – se fait gentiment torturer et retourner le cerveau. Un déni d’Humanité sur toute la ligne, avec une impression de malaise augmentée du fait des souvenirs de jeunesse de Winston Smith – la vie semblait alors plus douce. La fin a failli me traumatiser.

6/ Delphine de Vigan – Les heures souterraines

Mathilde et Thibault. Rien que le nom des protagonistes fout le bourdon. Une se fait harceler avec une banalité choquante, l’autre par son métier est témoin d’une grande partie de la misère humaine – à commencer par la sienne. Delphine parvient à nous rendre compte de la ville et de l’entreprise capables de broyer, moralement, tout individu pourtant normalement constitué. Petite mention pour les transports en commun, grands « moments de dégrâce ».

7/ Christiane F. – Moi Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée,…

Avec un tel titre, pas besoin d’en rajouter. Dépression prononcée parce que : 1/ C’est une histoire vraie. 2/ Ça se passe dans un pays « riche ». 3/ Christiane F. peut être votre fille. 4/ La descente dans le glauque est crédible, pas une seule fois on se dit « non mais là arrête tes conneries ». 5/ On croyait l’héroïne sortie de ce pétrin, en fait depuis la publication de l’essai elle alterne entre rechutes et séjours de désintox.

8/ Boston Teran – Satan dans le désert

Le problème, avec cet atroce roman sur un père flic à la recherche de sa fille enlevée par une bande de psychopathes à la frontière mexicaine, est son auteur. Boston Teran, c’est un pseudonyme. Le gars est anonyme et personne ne sait qui il est. Sachant cela, sa première œuvre peut faire penser à un documentaire sur l’acmé de la folie individuelle. A désespérer de l’espèce humaine, capable de subtiles tortures dont personne ne peut se remettre.

9/ Mo Hayder – Birdman [et d’autres titres]

On m’a beaucoup parlé de cette écrivaine anglaise qui n’a pas eu une existence des plus faciles. Non seulement ses polars sont glauques et flirtent avec un trash au réalisme inquiétant, mais en plus eu égard le pédigrée de Mo Hayder on ne peut s’empêcher d’avoir une idée de ses romans. Tokyo est pas mal dans le genre, paraît-il…

10/ Donald Goines – L’accroc

Allez, encore de la drogue. Allez, encore un auteur qui s’inspire de son expérience. Ici, Terry, jeune femme pleine d’avenir, passe d’un métier de vendeuse à une activité de catin réclamant son gramme d’héro. Elle est aux mains d’un dealer qui lui fera faire des choses peu ragoutantes. Sombre, sans concession, le lecteur aura sa dose de corps et esprits ravagés. Le crack, c’est le génocide des noirs [cette phrase n’est pas de moi]

11/ John Updike – Brésil

Isabel est riche, Tristao vit dans les favelas. Deux univers en pleine collision, deux êtres amoureux qui vont jusqu’à tout abandonner pour rester ensemble. Sauf que la pauvreté, évidemment, l’emportera. L’amour entre les protagonistes est pur, tangible, toutefois l’environnement impitoyable saura tailler quelques coups de canifs dans les cœurs. Leur destin constamment brisé m’a fait finir ce roman à vitesse grand V.

12/ Marc Levy – [n’importe quel titre]

Marc, c’est un peu mon marronnier favori pour finir sur une touche d’humour. A titre purement personnel, ces romans sont déprimants parce que, en les lisant, je me dis toujours : « putain, j’aurai pu écrire ça et être riche ». Sauf que si c’était le cas, Tigre ne tiendrait pas un blog et vous ferait des bras d’honneur depuis son chalet de Gstaad.

Mais aussi :

Silhouette minuscule, de Streese & Szabowski. Deux personnes qui ne se connaissent pas vont aller sur les pas d’une amie commune qui s’est suicidée. Roman numérique agrémenté de photos en noir et blanc d’une ville du Nord de la France, n’en jetez plus putain.

Bruit de fond, de Don DeLillo, conseillé par un ami. Sur fond de catastrophe écologique et de morbidité nazifiante, voilà de quoi désourire en grande pompe.

– Tout le monde me parle du Sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari. Je ne sais pas trop de quoi ça parle, dans le doute je le mets – en attendant de le lire.

N’hésitez pas à me donner d’autres cordes à mon arc de pendu. Surtout en termes de BDs et romans graphiques, je n’ai guère de pistes.

Cooke & Sale - Superman KryptoniteVO : Superman Confidential #1-5 et #11. Superman #61. Belle sucrerie presque intemporelle livrée par deux auteurs de talent, voici un travail de qualité qui repense intelligemment les origines du justicier en cape rouge. La kryptonite, ultime ennemi de Superman, sait surprendre par son parcours pendant que Lois Lane fait chavirer les cœurs. Et quelle mise en page !

Il était une fois…

Clark Kent débute à Métropolis, et Superman aussi. Ce dernier vit une idylle avec Lois (dont les seins ont doublé de volume depuis Terry Hatcher) qui vit mal son héros lui posant des lapins pour sauver un peu tout le monde partout. Parallèlement, un bel inconnu s’installe dans la ville et est sur le point d’ouvrir un méga casino, ce qui paraît bien suspect pour le Daily Planet. Ce dernier apporte dans ses bagages un fragment de météorite qui semble considérablement affaiblir notre héros…

Critique de Superman Kryptonite

En démarrant (encore) quelque chose sur les origines de Superman, j’ai eu peur de m’emmerder entre un Kent qui ressemble à un puceau, Luthor qui veut contrôler le monde et l’insaisissable Loïs Lane qui fait sa mijaurée. Il n’en est rien grâce à l’introduction d’Anthony Gallo, un méchant qui amène les différents protagonistes à se repositionner dans l’univers du héros (cf. dernier thème). Lex Luthor, par exemple, cherche toujours à tester les failles du superhéros, néanmoins il se fait plus d’une fois damner le pion par Tony Gallo.

Ce qui m’a particulièrement plus dans cet opus est la narration assez originale. Les remarques in petto du héros, en jaune, sont mises en relation avec un double intime qui a voyagé avec lui : la météorite de Kryptonite – du moins le pense-t-on au cours de l’histoire. Ainsi, les textes sur fond vert introduisent un personnage mystérieux, mi-spectateur mi-philosophe sur la nature humaine qu’il apprend à connaître.

Pour tout vous avouer, je me suis procuré cet album de Superman parce que Darwyn Cooke était crédité. Et j’adore le boulot dessinatoire de ce mec, un pur plaisir. Sauf que c’est son pote Tim Sale qui s’est frotté aux illustrations, et celles-ci sont plutôt réussies : comme on peut le voir sur la couverture, le style paraît presque enfantin (voire sorti d’une propagande soviétissime), en fait c’est terriblement touchant grâce aux expressions des différents protagonistes.

Pour conclure, un comics que même le plus touriste des lecteurs concernant cet univers saura apprécier. Rien que pour les yeux et les faiblesses dont fait montre le gus. Pour ne rien gâcher, la préface de Darwyn Cooke permet d’appréhender ses intentions quant au kryptonien. Si en sus la BD originelle de 1949 (Retour sur Krypton) sur laquelle se basent les auteurs est livrée, alors que demander de plus ?

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La découverte des origines s’inspire donc d’un vieil épisode assez mal foutu il faut l’avouer. Et Cooke est parvenu à l’adapter à notre siècle (le 21ème hein) en imaginant (attention mini SPOIL) un E.T. qui fait office d’historien. Le lecteur découvrira, en même temps que Kent, le terrible destin de son monde natal mort trop vite. En écho à ce funeste sort, Superman découvre qu’il n’est pas si immortel que prévu. La krypnonite, évidemment, mais également la peur de la mort alors que le héros ne risque rien. La péripétie dans le volcan, avec Kent qui pense mourir étouffé dans la lave, est frappante tant côté scénario que visuel.

L’amour, parlons-en. Ce thème est finement décliné à toutes les sauces : amour familial entre Kent et ses parents (Jonathan et l’autre dont j’ai encore zappé le nom) ; amour de Superman envers son prochain ; et relation difficile avec Loïs qui se laisse dragouiller par Gallo, l’ennemi principal. A ce titre, ce dernier est bien le seul totalement dépourvu d’amour et tout ce que fait un être humain – les explications à ce sujet sont plutôt bien rendues d’ailleurs. Il semble alors que Lex Luthor fasse les frais de cet opus dans la mesure où son rôle, secondaire, n’est pas totalement celui du grand malade qui mène la danse.

…à rapprocher de :

– Sur un comics « fondateur » (en terme de reboot) de l’homme en cape rouge, vous pouvez éviter Superman : Les Origines, de Yu et Waid.

– Puisque je parlais de Darwyn Cooke et de son excellent boulot, ceux que j’avais en tête concernent la saga avec Parker : Le Chasseur ; L’organisation ; Le Casse.

– Cooke a même versé dans le Batman, et le résultat est enchanteur. Tim Sale aussi, avec notamment Amère Victoire.

Si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Snyder & Capullo - Batman : Le deuil de la familleVO : Batman Vol.3 : Death of the family. Batman #13-17. Revoilà le Joker, ennemi juré de l’homme chauve-souris, prêt à foutre un bordel monstre. Du moins sur le papier. Si les premières escarmouches installent une belle ambiance, le reste s’essouffle au fil des pages. Illustrations correctes, scénario perfectible. On oublie.

Il était une fois…

Le quatrième de couverture est sobre et honnête, autant le livrer tel quel :

« À peine remis de son éprouvant combat contre la Cour des Hiboux, Batman voit revenir son pire cauchemar, le plus terrible de ses adversaires : le Joker ! Et cette fois-ci le Clown Prince du Crime est décidé à détruire non pas uniquement le Chevalier Noir, mais également tous les associés qui gravitent autour, à commencer par Alfred, le fidèle serviteur… »

Critique du Deuil de la famille

C’est marrant, ce tome est le troisième (et dernier?) opus d’une saga autour d’un nouvel ennemi qui a repensé une partie de l’histoire de Gotham. Toutefois, la Cour des Hiboux une fois défaite, Le Tigre ne pensait pas que Joker allait revenir en force. Entre modifier l’intégralité du personnage et de sa folie ou poursuivre la cohérence de l’univers batmanesque, Scott Snyder a choisi la première option.

Comme si le scénariste était tétanisé face à ce super vilain d’exception, le résultat est quelques chose d’assez décevant. Pourtant, le clown blafard commence par quelques méfaits qui font froid dans le dos, notamment la scène dans le commissariat ou la flippante capture d’Alfred. Ensuite, les enlèvements commis par le Joker auguraient du très lourd et des exactions qui auraient pu éliminer la moitié des protagonistes. Que nenni, le final reste assez convenu (à savoir on prend les mêmes prêts à recommencer), outre le héros qui saute à pieds joints dans les pièges sans prise de recul aucune.

L’histoire, à mon sens, tombe dans deux écueils. D’une part, Snyder s’encombre des fameux Batbébés (Batgirl, Nightwing, le petit Damian, etc.) à l’apport scénaristique relativement limité. Parce que Bruce Wayne finance Batman Inc., le Joker s’attaque à ses représentants, et nos jeunes amis craignent pour leurs vies – à raison. D’autre part, le méchant invite à sa sauterie d’autres super vilains du Bat. Et que ce soit le Pingouin, Edward Nigma ou Double-Face, tous ressemblent plus à de vilaines potiches, au mieux des faire-valoir.

Quant aux illustrations, Greg Capullo et Jock ont su nous introduire un Joker plus inquiétant que jamais, et ce grâce à sa manie de se greffer un visage sur une tête qu’on imagine déglinguée. Toutefois, l’aspect général de l’ouvrage n’est pas si net que d’autres aventures contemporaines de Bruce Wayne, en particulier les couleurs relativement ternes. En conclusion, un tome dispensable.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La famille. Le deuil de la famille, c’est un des buts de l’antagoniste qui souhaite éclater les alliés de Wayne. Gordon et sa fille déguisée, ses fils (spirituel ou biologique), l’incontournable majordome, tout ce petit monde semble ennuyer le Joker qui se sent à part et fait des mains pour qu’on s’intéresse à lui. Quitte à rappeler à son seul ennemi comment, jadis, il a su blesser (voire tuer) les proches du Chevalier noir. Car Wayne est allé plus loin qu’avoir de simples alliés, il a donné à sa famille une légitimité en ouvrant des « succursales » de justiciers dans Gotham City. Le deuil de cette famille, c’est quand les actes de Joker sapent la confiance envers Batman, incapables de protéger leurs identités.

Cela m’amène à (encore) discourir sur le rapport ambigu entre Batman et le Joker. Si ce dernier fait croire à une hécatombe (seuls quelques flics tombent), c’est pour mieux interpeller le Bat (et le lecteur) dans sa logique qui reste insaisissable. Le gus semble prendre tout ceci comme un jeu géant, et dans ce comics comme une sorte de répétition de leurs affrontements habituels.

Les deux guerriers ressemblent en fait à un petit couple qui se dispute, se remet ensemble, a ses propres souvenirs conditionnant la suite de leur idylle. Oui, c’est bien une histoire d’amour, le Joker joue dessus en imaginant des danses avec son amant (de manière fort glauque, certes) et parle de valse tel le Jack Nicholson du film de 1989. Très rarement Bruce a envie d’en finir et le tuer, mais (héros oblige) il n’en fait rien. Faudra bien un jour faire définitivement sa fête au clown verdâtre.

…à rapprocher de :

– Comme je le disais, il faut sans doute commencer par La Cour des hiboux, suivi de La Nuit des hiboux. Si le premier est une bombe, le deuxième fait le minimum. Quant au quatrième tome intitulé L’An Zéro (1ère partie) qui reprend les débuts de Wayne, c’est sympathique mais sans plus – même topo avec le deuxième tome de L’An Zéro.

– Le titre du présent opus me paraît être un clin d’œil appuyé à Un deuil dans la famille, où Dick Grayson (deuxième Robin) se fait connement buter par le Joker.

– Si vous aimez Snyder, Le Tigre l’a (entre autre hein) rencontré avec la série Swamp Thing (tome 1 et tome 2).

– Sur le vilain Joker, j’ai nettement préféré la version d’Azzarello et Bermejo.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

EncycatpediaVous êtes décidément vernis, Le Tigre va vous entretenir d’un des plus grands mystères des quatre derniers siècles : non seulement je vais vous expliquer pourquoi ces sales bêtes n’aiment pas faire trempette, mais je compte bien vous apprendre comment transformer votre minou en un nageur de compétition aussi à l’aise dans la flotte que le capitaine Haddock dans le whisky [phrase très longue, je l’admets].

L’eau et les chats

Pour les besoins de ce volume, j’ai passé une bonne heure à discuter avec mon vétérinaire pour qu’elle me parle du rapport entre les chats et l’eau. Cette cochonne pensait que je la draguais, et j’ai bien lu dans ses yeux, au terme du rendez-vous de contrôle des vaccins, l’immense déception. J’avais en effet noté tout ce qu’elle disait…sauf son numéro de tel en vue de convenir d’un rendez-vous pour « discuter de votre animal, autour d’un verre, avec vous ». Toutes les mêmes.

La première chose qu’elle m’a dite fut tout à fait révolutionnaire : savez-vous qu’environ 30% des chats aiment l’eau ?? Putain, ils se cachent où ? Ces statistiques prennent en compte ceux qu’on a noyé, à la naissance, dans un sac ? 30%, c’est impossible. Je me suis donc allègrement foutu de sa gueule, et ai excipé de ses chiffres franchement douteux pour demander un rabattement d’honoraires.

Du coup, et pour se justifier lamentablement, la véto a essayé de m’embrouiller avec une sombre histoire d’évolution survivaliste. Si j’ai bien saisi, les chats sont habitués à bouffer des rongeurs, voire des insectes, qui eux-même ne pataugent guère dans des étendues aqueuses. Par conséquent, l’eau n’est pas associée à la recherche de nourriture. Si vous rajouter des siècles de MacCa(r)thisme contre les félins qu’on balançait allègrement dans un lac parce qu’ils étaient noirs (en attendant de faire pareil avec les humains), vous voyez le topo.

Qu’est-ce qu’on n’apprend pas dans les écoles de vétérinaire. Si j’avais un cheptel de vaches, je m’inquiéterais sérieusement… Car j’ai déjà ma théorie, qui est d’une logique et d’une simplicité désarmantes. Je m’étonne que personne ne l’aie évoqué avant d’ailleurs. Le raisonnement est évident :
D’où viennent les chats ? D’Égypte.
Quelle est le climat dans cette zone ? On crève de chaud et l’eau est rare. Les grandes étendues de flotte sont l’exception, un peu comme une émission culturelle sur TF1.
Que faisaient les Égyptiens pour attirer l’eau et amener la crue sur le Nil ? Ils procédaient à des sacrifices partout, et les chats, particulièrement vénérés, étaient en première ligne.
A quoi ressemble l’eau du Nil ? Boueuse et remplie de crocodiles.
Quel réflexe antique anime donc les minous ? Félicide = apparition de l’eau. Eau = danger.

Et la curiosité tua le minou

qltl-chat-eauSi le félin que je suis se sent obligé de traiter ce sujet, c’est parce que personnellement j’adoooore me baigner. Les tigres sont des barboteurs hors pairs : lorsqu’on me pose sur une plage, à peine j’ai lu deux pages d’un Musso que je me dirige vers l’eau (avec le livre pour nourrir la poiscaille) et nage au large pendant trente minutes. Sauf une fois, je suis resté comme un gland un peu plus longtemps, emporté connement par un baïne piégeux – si ça vous arrive, faites la planche, le courant vous ramènera à un moment.

Je m’égare. Tout ça pour que vous compreniez ma démarche intellectuelle : pourquoi mon Grégory rechigne à se piquer une tête alors que son cousin Le Tigre est fan ? [Gregory, c’est le nom que je donnerais au chat de l’expérience du billet – de grâce, ne me demandez pas pourquoi]. Aussi je voulais savoir quelle était la part de l’inné dans les qualités de nageur du petit Grégory. Pour cela, une seule chose à faire : ne surtout pas lui demander son avis.

Pour cela, j’ai profité d’une occasion que tous les amoureux des chats ont connu une fois dans leur vie : celle où vous prenez votre bain et Grégory traîne autour de vous, juste par curiosité. Ou par fascination. Sournoisement, pendant qu’il tentait de laper l’eau du bain (j’avais pissé dedans, ça ne semblait pas le déranger outre mesure), je l’ai poussé de la jambe droite vers la flotte.

Très mauvaise idée mes amis. Autant dégoupiller une grenade offensive dans votre slip et attendre le résultat. Le petit Grégory paniqué s’est accroché à ce qui affleurait de l’eau, à savoir le vit tigresque qui en a pris pour son grade. Au bas du ventre, faut pas vous inquiéter : ça saigne certes sévère, mais la cicatrisation est rapide. J’ai été obligé de changer mon chat passablement traumatisé par cette première approche.

Les chats détestent tant que ça l’eau ?

Et oui : j’ai dû épuiser une dizaine de Grégorys (récupéré auprès de la S.P.A., ne vous inquiétez pas) avant de parvenir à une conclusion satisfaisante. Celle-ci repose en trois points – ce que n’aime pas subir votre minou, et les moyens de passer outre.

Premièrement, la contrainte. Plus que tout autre animal, les félidés détestent sentir qu’on leur pousse la main. Je ne reviendrai pas sur cet aspect trivial, les chats son butés et chiants sur ce point. L’insistance ne paye jamais chez les Grégory, il vous en voudra toute sa vie.

Ce n’est donc pas le moment de saper la confiance, déjà bien entamée si vous suivez mes conseils en général, que le mignon chaton place en votre personne. Procédez par suggestions, voire invitation, en associant à l’eau quelques expériences de pur plaisir : une étendue d’eau d’à peine 10 cm de profondeur pour aller chercher la gamelle de croquettes ; quelques heureuses balades sous la pluie (tenez-le en laisse) ; voire la satisfaire sexuellement sous la douche. Mais, surtout, n’associez pas une bêtise à une sanction à base de brumisateur ou autre pistolet à eau.

Deuxièmement, l’eau dans les oreilles. Le Tigre ne va pas s’attarder sur ce point, celui-ci me semble trivial. Merde, c’est valable pour tout en fait. Soufflez dans les oreilles de Grégory, vous allez voir comme il n’en redemande pas. Insérez votre zizi dans ses écoutilles pour plaisanter, et vous êtes bon pour postuler aux Darwin Awards. Plus généralement, le chat déteste la sensation de recouvrement. Un vrai libertaire en somme.

Troisièmement, et enfin, le froid. Que le premier qui n’a pas balancé Grégory dans la neige me jette la première pierre. Personne ? On se souvient tous de son air néocoincé quand il s’est extirpé de la poudreuse. En plus, le minou qui a pris son bain hésitera à se laisser essuyer le poil par vous. Faut le comprendre : vous êtes en train de ricaner face à son allure de chihuahua anémique, par conséquent il n’aura aucune envie de rester auprès de vous.

C’est pourquoi l’eau qui l’attendra sera à température ambiante, 35° étant un idéal. Et prévoyez la suite : se faire sécher tranquillement, dans son coin, est la seule option envisageable. Mais si des stalactites pendent de ses couilles, il va l’avoir plutôt mauvaise. Il convient de lui préparer un coin douillet où il pourra se lécher le poil et attendre que tout cela sèche. Sans le déranger.

Vous l’aurez compris, tout n’est qu’affaire de subtile dosage. Doucher (sic) la curiosité naturelle d’un félin n’est pas recommandé, nul besoin d’en faire un psychotique (j’ai d’autres idées là-dessus). Procéder par paliers, voilà le secret. Pour faire simple, imaginez que vous souhaitez initier votre petit ami au massage de la prostate. Y aller progressivement certes, mais le fin du fin reste de faire en sorte qu’il a l’impression d’être à l’origine de cette vaseuse idée.

Idem pour Grégory, il doit sauter de son plein gré dans le torrent.

Conclusieau [désolé, pas trouvé mieux]

A tout bien réfléchir, il faut habituer Grégory aux délices de l’H2O quand il est jeune. Suivez mes petits conseils avant qu’il n’atteigne les 24 mois, et en théorie vous pourrez lui prendre un abonnement à la piscine municipale pour ses trois ans.

En attendant, cher lecteur, restez correct avec la gente féline. Si ce n’est pas le cas, évitez de filmer vos exploits pour les poster en ligne. Y’aura toujours des pisse-froid prêts à vous envoyer en prison. A ce moment, eau = douche = savon qui tombe = deuxième trou de balle. Avec une réputation de tourmenteurs de chattes, faudra pas s’attendre à être respecté non plus.

Tome & Janry - Luna fataleSur-titre : Spirou & Fantasio. Que fait Spirou chez Le Tigre ? Depuis le temps que ça traîne dans mes pattes, il fallait que je vous parle de la première histoire d’amour du rouquemoute asexué. Luna Fatale est belle à mourir, son daron est forcément un vilain, bref c’est l’amour contrarié par nature. Spirou, intelligemment, renvoie à notre enfance de jeune puceau.

Il était une fois…

Vito la Déveine est encore dans de beaux draps. Ses lieutenants lui claquent entre ses doigts, par trahison, en tombant amoureux de Soupir-De-Jade, mystérieuse asiatique à la tête des Triades de New-York. Aussi le vieil Italien souhaite embaucher le plus célibataire des hommes de la planète : Tintin !…euh, non, Spirou. Il kidnappe donc notre héros et son poto Fantasio et le force à élucider le mystère de l’Asiate…

Critique de Luna Fatale

Comme bien d’autres séries dessinées fleuve qui accusent des dizaines de tomes, Le Tigre choisit de résumer celles qui ont bercé son enfance. Puisque mes parents ne sont ni belges, ni portés sur le 9ème art, seule une ou deux BD étaient disponibles dans l’étagère des chiottes.

Luna Fatale est un de ces titres, et il faut dire que Philippe Tome a respecté, à la lettre, l’esprit de la BD tout en instillant un élément novateur – tellement que le félin en a fait son premier thème. Pour les besoins du scénario, on retrouve Vito la Déveine, sorte de Marlon Brando de supermarché assez attachant par rapport aux vilains qui font chier (à l’exception peut-être de Todo le tyran).

Vito ne sait plus vers quels saints se tourner pour comprendre comment Soupir-de-Jade retourne ses sbires italiens, elle utiliserait un filtre d’amour rendant dingue les macaronis. Spirou, quasiment envoyé au casse-pipe, va naturellement aligner les succès jusqu’à découvrir la vérité (des ray-ban trafiquées, voilà pour le spoil) et sauter du toit d’un gratte-ciel pour se retrouver sur le montgolfière de Vito. Running gag oblige, les pétards chinois auront raison de l’engin aérien improvisé.

Quant aux illustrations, le bon Janry a effectué un hommage appuyé à la Grosse Pomme où tout lecteur sera très bien immergé. Hommage surtout vis-à-vis du Petit Spirou et à la plastique de ses dames. Dès les premières pages de l’ouvre, une débauche de photos de belles pépées à poil, et vlan ! Puis l’irrésistible Luna, véritable héroïne de cet opus : intelligente, au caractère bien trempé, mignonne comme un cœur, la miss est aussi bandante que son père est pitoyable.

En guise de conclusion, Tigre vous dit que j’ai dû lire au moins deux cents fois ce titre, et à chaque fois ça a correctement occupé ma douzaine de minutes sur le trône. Inlassablement, Luna et Spirou se sont invités dans mes toilettes pour me présenter un amour pur plein de promesses interdites, de l’eau de rose concentrée remplaçant tout déodorant commercialisé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Comme je le disais, c’est l’aspect sexuel qui a particulièrement marqué le jeune Tigre. Déjà, l’histoire démarre sur une touche résolument sensuelle, à savoir Fantasio en chef de file d’une expo érotico-classieuse. Quant à l’intrigue générale, il s’agit quand même d’une gonzesse qui fait changer de camp tout ce qui porte un zizi et parle italien. Mais ce n’est rien par rapport à ce fameux moment au cours duquel Luna, afin de savoir si elle peut avoir confiance en Spirou, lui demande de lui rouler une galoche. Et le monsieur s’exécute, quelle intensité dans ce baiser mes amis ! Très franchement, cette scène m’a profondément travaillé.

En relisant, des années plus tard, la délicieuse BD, une question terrible demeure. Qu’a fait le rouquin ? 1/ Il lui a bouffé le visage pour qu’elle se sente en sécurité ou 2/ Luna l’a plus ou moins contraint à l’emballer, et tout ceci n’est qu’une malencontreuse méprise rendue possible sous l’emprise de l’adrénaline. La dernière planche, où on voit la demoiselle faire signe au héros, donne envie de croire qu’il en pince réellement pour elle. Hélas, on ne la revoit dans d’autres tomes qu’en tant qu’actrice, sans la petite tension sexuelle des débuts.

Sinon, Tome s’est amusé à ressortir quelques savoureuses caricatures sur deux populations new-yorkaises. Les gus de Little Italy sont pittoresques au possible, en particulier l’adjoint de Vito qui en tient une belle. Quant à la populace de Chinatown, l’illustrateur les a représenté comme dans le pire des Lucky Luke : noms-valise à coucher dehors, gueules citronnées et fourbes bâfrant leurs bols de riz, du grand art. Sauf qu’il n’y a rien de licencieux, c’est aussi désopilant que mignon. Même les flics Irlandais sont de la partie, personne n’est épargné.

…à rapprocher de :

– Comme je le disais, il faut mieux commencer par Spirou à New-York, puis Vito la Déveine, avant d’aborder cet opus.

– Les héros qui emballent, en plus vilain, lisez donc sur QLTL Tintin en Thaïlande, de Wezer. Rires garantis.

collectif-contes-marron-vol-1Les Artistes Fous s’attaquent à l’humour pipi-caca-vomi, mais avec une certaine classe. Ce premier opus des contes marron (au singulier, la couleur marron étant invariable), un peu trop court à mon sens, offre quelques beaux spécimens d’humour tendre et déjanté sur un sujet où tomber dans le graveleux aurait été facile. Bref, un titre à lire dans les WC.

Il était une fois…

Le lecteur commencera avec le court et mignon L’odeur des légendes, de Nelly Chadour : un vieillard, sous l’emprise de l’alcool, livre la vérité sur une vieille légende au sujet d’un esclave et sa femme contre un chasseur envoyé par le maître mécontent.

Ensuite, Corvis imagine, dans Monde de merde, un dieu soucieux transformant toute arme en déjections. Sauf que la tâche est plus complexe qu’initialement prévue.

Puis vient Mon ami Olfa, long texte touchant de Gallinacé Ardent. Improbable amitié entre un homme et son vomi, ce dernier étant d’une abyssale culture.

Quant à Monsieur Léonard décrit par Herr Mad Doktor dans le Ca(ca)pitalisme, (les jeux de mots sont légion avec cet auteur), son invention de Cacamobile© est belle sur le papier (cul), toutefois les autres ne semblent pas partager son enthousiasme.

Enfin, Vinze nous offre, avec Vol au-dessus d’un lit de caca, un amour d’une rare scatologie aussi bref qu’intense entre une infirmière et un soldat blessé.

Le digestif d’à peine deux pages est signé Gallinacé Ardent (encore). La Nuit est un exercice de style sur un mec qui va simplement pisser dehors. Pas mal pour clore le débat.

Critique des Contes marron

contes-marron-vol-1-dedicaceVoici ce que Le Tigre a reçu, comme dédicace, en recevant ce court recueil. En demandant quelque chose de dégueulasse, je ne pensais pas qu’ils oseraient autant conchier l’institution tigresque. Le dessin est tout simplement superbe, comment dire du mal de l’ouvrage du coup ?

Passons à la critique : sur les cinq nouvelles, la première et la troisième sont décidément mes préférées (désolé pour les autres). C’est rieur, fin et l’intrigue se révèle sacrément étonnante eu égard au nombre de pages. Dans tous les cas, on sent que les auteurs se sont creusés le ciboulot pour aborder le noble thème des expulsions corporelles avec originalité et en soignant le style. Il fallait mieux, sinon les lecteurs leurs tomberaient violemment sur le râble.

En conclusion, voilà une centaine de pages qui se lira à vitesse grand V. Le format poche est une bonne idée, toutefois je me suis senti plutôt floué de n’avoir eu qu’une demi-douzaine de textes. En annonçant « volume 1 », il faut croire que des suites sont prévues. Toutefois, pourquoi ne pas rester sur le format habituel et pondre, d’un seul coup, une vingtaine de nouvelles ? Seule explication : Les Artistes Fous devaient avoir la taupe au guichet, et n’ont pas pu attendre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Non seulement les auteurs ont su ne pas verser dans le trash gratuit, mais certains ont su présenter les « produits » corporels peu ragoutants comme ayant une utilité certaine. L’Odeur des légendes explique comment concevoir un piège humiliant. Ailleurs, Francis a un ami-vomi Olfa, et se faire démanger permet à ce dernier d’apparaître, comme un génie, pour aider le jeune homme dans les étapes de sa vie (au prix d’une santé déclinante). Et que dire de Leonard qui conçoit un véhicule roulant grâce à de la merde ?

On retrouve ainsi l’idée, reprise dans la préface, selon laquelle il ne faut pas juger tout ce qui sort de nos orifices comme étant tabous. Mieux, ce n’est pas sale, et produire de la littérature à dans le genre des Contes marron est un modeste hommage aux 250 jours qu’un homme passe, dans sa vie, dans les WC. En outre, la merde apparaît comme un dénominateur commun assez satisfaisant qui rappelle que les hommes, chefs d’État ou esclaves, sont tous assis sur le même trône (oh, je la note cette phrase).

…à rapprocher de :

– De cet éditeur doux-dingue, vous pouvez dévorer quelques nouvelles de Fin[s] du monde, assez inégal. La suite, intitulée Sales Bêtes !, est d’une rare qualité, ça m’a profondément ravi. Puis Folie(s) est globalement correct. Quant aux Contes roses, petite déception (à la différence du premier opus des Contes Rouges). Même topo avec L’Homme de demain, mitigé.

– Quant au texte de Corvis, l’auteur rappelle que celui-ci est tiré d’une planche de Franquin dans l’indispensable album Idées noires. En poussant la logique de Franquin jusqu’au bout, on voit bien que ça cloche dans les grandes largeurs.

– Pour les « bouquins de merde », j’avais déjà évoqué ceux à lire aux chiottes ici.

Enfin, si vous souhaitez juger de la chose par vous-même, c’est disponible sur le site de l’asso (en lien). Soyez prudent si vous demandez une dédicace…

Aguirre-Sacasa & Marquez - Fantastic Four : Season OneVO : Idem. Jane Storme et son frère Johnny, Dr Red Richards, Ben Grimm, voilà la fameuse bande. Nom de Zeus, imaginez que j’ai dû rouvrir cette daube pour écrire leurs noms, c’est dire comme ça m’a marqué. Car ce comics présente un intérêt plus que limité. Et le dessin ne rattrape guère cette catastrophe de moins de 150 pages.

Il était une fois…

Le docteur Red Richards est un bosseur et un tombeur. Il a notamment levé la belle Jane, une de ses anciennes étudiantes (bravo chef !). Féru d’exploration, Red veut parcourir le vaste espace – je ne sais plus trop pourquoi. Même si sa copine, qui se sent parfois esseulée, lui rappelle qu’un orage cosmique risque de faire rage, Richards et ses trois proches partent tranquillement faire leur voyage. Forcément ça merde, et trivialement les ondes leur ont offert certains pouvoirs. Ça tombe bien putain, y’a un doux-dingue dans la nature qui se réclame de l’antique île d’Atlantis et a une dent contre ces nouveaux héros.

Critique des Fantastic Four : Season One

L’énorme souci de cette BD est que je me suis plongé dedans avec le souvenir des catastrophes cinématographiques des 4 Fantastiques des années 2000. C’est donc avec l’œil alerte, prêt à déceler la moindre chose qui cloche, que Le Tigre a tourné les pages de ce reboot du quarteron de héros mal dégrossis. Même sans avoir ragé face au grand écran, je n’aurais pas trouvé cette BD à mon goût.

L’histoire, j’en ai parlé en première partie. Rien à ajouter, si ce n’est que ce n’est ni prenant, ni drôle. La belle Jane qui s’épanche auprès de ses copines, le super-vilain qui invoque une sorte de Léviathan qui ne fait pas peur, la Chose qui se fait prêter un autre monstre pour le combattre, la bataille qui ne dure que sur deux planches, emballez c’est pesé.

Quant aux illustrations, au premier abord je m’étais dit qu’au moins le dessin assisté par ordi avec des couleurs vives n’était pas déplaisant. Mais c’est sans compter les personnages aussi réalistes et attachants qu’une poupée Barbie. Expression faciale inexistante, architecture qui assure le minimum syndical, au moins la coloration n’aggrave pas le comics. Bref, tout ça est si mauvais que je n’ai pas jugé utile de citer les noms des auteurs et illustrateurs.

En conclusion, un ouvrage à éviter définitivement. Sauf si, comme le félin, posséder et lire toutes les Season One relève plus de la collectionnïte aiguë qu’un désir de lire de bons comics. Marvel est même parvenue à se faire dessus avec les bonus de fin d’ouvrage : à peine quelques esquisses de protagonistes, et aucune justification sur le choix narratif de cet opus. Belle bande de branquignolles finis.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

En vrac, voilà ce dont il est question : la gestion de la gloire lorsqu’on est un être exceptionnel dont l’identité réelle est connue ; et par conséquent la manière dont ces individus vivent leurs statuts. Je pense notamment à La Chose (le gus en pierre) qui, au tirage au sort des super-pouvoirs, l’a bien eu dans l’os. Ou le principe de la famille de superhéros avec chaque membre qui représente une qualité : le cœur, le corps, l’esprit et l’âme (oh que c’est niais). Ou la manière dont on vit son statut de super-héros. C’est tout.

En fait, parler de sujets traités dans un ouvrage à ce point chiant est trop difficile, et Le Tigre préfère philosopher sur les raisons de cet échec du 9ème art. Et je crois bien avoir, modestement, décelé l’origine du problème. A ma décharge (étant peu rigoureux), la solution se trouve dans la première tranche du bouquin où l’éditeur assure que :

C’est donc le point de départ idéal de génération de jeunes lecteurs qui feront ici la connaissance de personnages de légende à travers leurs premières batailles épiques […gnagnagna…]. C’est également un rendez-vous incontournable pour les fans de la première heure qui assisteront à l’enrichissement de sagas du passé.

Et voilà ce qui cloche ! Soit c’est pour les « jeunes lecteurs », à savoir les gosses pour qui les dessins classiques à chier et le scénario ronronnant ne piquent pas les yeux ; soit c’est pour le geek en puissance et incollable sur ces héros, prêt à se branler le mou sur les différences et évolutions des protagonistes au 21ème siècle. Le Tigre ne se rapproche, hélas, d’aucune de ces espèces.

Enfin, je ne sais pas pour vous, mais cette façon de survendre le produit m’a profondément tapé sur le système. Parler, en quatrième de couverture, de « batailles homériques qui feront des membres de cette courageuse famille d’aventuriers de véritables héros ! », ça fleure trop Picsou Magazine Meets Indiana Jones. Presque un cas d’école de droit pour aborder le cours sur le délit d’escroquerie.

…à rapprocher de :

Il faut savoir que Marvel ne s’est plus sentie pisser et a décidé de reprendre tous ses héros en leur attribuant le suffixe « Season One ». Iron Man (à côté des 4 merdes, c’est presque bon) ; Thor ; Spider-Man ; Hulk ; X-Men ; Wolverine (horreur, malheur), etc…suis pas vraiment sûr de vouloir tous les lire. En fait si, il y a bien une pépite qui s’y cache.

– Des reboot des héros, je préfère nettement Batman avec Year One, de Miller et Mazzucchelli.

– Celui d’Oliver Queen est moins bon : Green Arrow : Année Un (de Diggle & Jock, dommage). DC Comics ne fait pas que du bon boulot, c’est sûr.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

qltl-750emeCe site a environ 20 mois, et déjà 750 billets qui resplendissent sur la toile numérique. Que le temps passe vite, j’ai l’impression qu’hier je publiais, avec autant de frénésie que fébrilité, mes premiers articles. Le félin, qui reste maître de son petit calendrier, préfère s’adresser à vous à l’occasion d’exploits bloguestes plutôt qu’au 1er janvier. Après le bilan d’incompétences du 500ème billet, voici le troisième rendez-vous chronologique du Tigre.

État de Quand Le Tigre Lit avec ses 750 billets

Comme je le disais rapidement, c’est non sans quelques larmes versées sur le clavier que je vous annonce avoir fait péter la frontière des sept cent cinquante articles. Soit plus d’un article par jour. Si certains billets (Sutras, DodécaTora) me prennent plus de deux heures de rédaction, il m’arrive de résumer certains romans en une demie-heure à peine. Quant aux BDs, je passe plus de temps à en parler qu’à les lire. Allez comprendre.

Tout cela pour vous dire que je ne tiens plus le rythme de gueudin des premiers mois. Quand Le Tigre Lit est aux débuts du blogging ce qu’un dragster est à une course automobile : une accélération violente qui donne l’impression que la suite est plus lente, alors que le véhicule continue à afficher ses 150 km/h au compteur. Lire (et résumer) occupant une place presque secondaire, je préfère vous prévenir que le temps des quinze billets par semaine est révolu. Vous pouvez diviser ce chiffre par trois au moins.

A tout hasard, je vous signale que, depuis le 500ème billet, j’ai mis en place une nouvelle catégorie qui me titillait depuis longtemps déjà. Très trivialement, je me suis dit : « Oh, Tigrou, tu es un félin, tu parles littérature, et dans le vaste monde plein de connass…euh blogueuses déblatèrent au sujet de leurs chats sur le web. Coupe-leur donc l’herbe sous les pieds et parle de ton animal de compagnie à ta façon ». C’est ainsi qu’est née la fabuleuse Encycatpedia, qui je l’espère deviendra la référence des vétérinaires au sein de l’UE. Au pire, je me contenterai d’une mise en demeure de la SPA.

Enfin, puisque certains sites me lisent, voici les menus chiffres du blog : le ration [j’ai décidé de laisser cette coquille d’affamé] 1 visiteur / 2 pages vues est globalement respecté. Chaque jour, et en moyenne, plus de 100 internautes arrivent sur QLTL via des moteurs de recherches. Un peu plus via d’autres sources, dont certains sites d’information dans lesquels je distille la bonne nouvelle littéraire. Au final, ça fait plus de 250 vues uniques par jour, soit une moyenne de 15 000 pages visualisées par mois.

Ce qu’il ne faut pas attendre du Tigre

Pour tout avouer, je suis plutôt déçu du nombre de vues que QLTL récolte. Certes, Le Tigre est trop ambitieux et ne se rend guère compte que 1/ la littérature n’est que peu porteuse sur la toile et 2/ les gens en ont rien à taper d’un site comme le mien. Pour ne rien arranger, mes connaissances en SEO (les trucs pour rameuter des internautes via les moteurs de recherche) sont celles d’une buse finie. Mais surtout, le félin reste un animal solitaire.

Lorsque je demandais à d’autres administrateurs de weblogs littéraires ce qu’il fallait faire pour attraper les visiteurs comme la merde attire les mouches, j’ai interprété toutes leurs réponses de la même manière : « Tigre, faut que tu fasses ta catin sur les réseaux sociaux et ailleurs ». C’est-à-dire twitter comme si j’avais le diable au corps, partager sur FB non-stop et mettre des liens vers d’autres blogs littéraires. Sauf que le félin n’en a ni le temps, ni l’envie.

Ni les moyens surtout, mon smartphone n’a de smart que le nom, et dans les transports (ou en marchant) la lecture prime. Et oui, je suis plutôt à lire ou besogner mes articles dans mon coin avec des œillères et un casque anti-bruit, sans vraiment échanger chez les autres.

C’est pour ces raisons qu’il faut que vous sachiez deux petites choses sur Tigrou : d’une part, n’attendez pas de lui qu’il rentre dans le jeu des challenges littéraires et autres échanges entre blogueurs qui s’auto-référencent. La solitude est une qualité féline, ne l’oublions pas. D’autre part, la page « Pile à Lire » est supprimée. Peu de personnes l’utilisent, et très franchement l’administrer me gave. Je préfère récupérer quelques bons plans littéraires via courriels ou, mieux, IRL.

Conclusion du 750ème

750 billets, je me plais à croire que le fauve commence à passer pour quelqu’un de sérieux. Et, à l’inverse d’un César du web se reposant sur ses nombreux billets, je compte bien continuer de manière aussi régulière que provocante. Si de nouveaux projets vont voir le jour, Tigre publiera, inlassablement, ses modestes critiques sur les ouvrages vaguement littéraires qui lui passeront sous les griffes.

Comme je lis un roman par semaine en moyenne, deux fois plus de BD, et sachant qu’il me reste un bon millier de bouquins à commenter qui attendent dans ma base de données, je vous laisse deviner ce simple calcul : QLTL n’est pas prêt de fermer.

Voilà, il ne me reste plus qu’à vous donnez rendez-vous pour célébrer le 1.000ème billet. Oui, un millier. Ce jour là, je vous promets que le champagne et le caviar vont tomber du ciel comme la pluie en Bretagne. Tellement d’ailleurs que le gros Pernaut en parlera dans son journal de 13h. Début 2015 en principe (en lien).

Merci de votre attention et de vos visites régulières, maintenant place à la lecture.