Delphine de Vigan - Les heures souterrainesOn prête au Tigre de temps à autre des bouquins qui lui seraient passés sous le nez. Par curiosité et politesse je les lis, parfois ça passe très bien. A tel point que je l’achète. Écriture facile mais percutante, histoire crédible et éprouvante, ce n’est pas un roman à lire pendant une longue soirée d’hiver, au risque d’abaisser un peu plus le moral. Sur la plage, oui.

Il était une fois…

Mathilde et Thibault, deux personnes dans Paris, deux êtres progressivement broyés par la violence de la ville et des hommes. D’un côté un homme seul, qui n’a jamais su autant se faire aimer qu’il aimait, de l’autre côté une jeune veuve en proie à un harcèlement moral inouï. Ces deux êtres vont brièvement se croiser, sans prendre le temps de se regarder.

Critique des Heures souterraines

Bon petit roman, certes sans envergure folle. En deux heures c’est plié, et le lecteur en sortira un peu mal à l’aise. Des passages sont parfois assez dur à lire, notamment la mise au placard en milieu professionnel ou les missions de SOS médecins d’un des protagonistes. C’est révoltant même, on se dit toujours « je réagirai plus vivement à ce qui leur arrive », tout en sachant qu’il n’en sera sûrement rien.

Delphine est donc superbe dans la description du harcèlement constant subie par la femme (environ deux tiers du roman), et la responsabilité qui est sienne en tant que veuve avec enfants à charge. Toutefois l’écrivain passe assez vite sur les affres d’un homme, sujet peut être moins bien maîtrisé. C’est juste parce que Le Tigre veut relever quelque chose.

Quant au style, rien à signaler. Écriture très fluide, tout ça glisse dans le cerveau de manière sympathique. Il faut reconnaître à De Vigan un talent particulier pour, à partir d’une écriture assez simple, parvenir à faire en sorte que le lecteur imagine seul les décors, les scènes. Pas très difficile pour un rat des villes comme Le Tigre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La solitude. Ce qui m’a marqué est la vie sociale quasi inexistante des deux personnages. Thibault, par son métier, est d’astreinte et à parfois affaire à de vieilles personnes terriblement seules. Celles dont le décès se remarque par l’odeur au bout de quelques jours. Quant à Mathilde, entre son boulot et ses enfants, sa marge de manœuvre est désolante. Donner la voix à une telle minorité est salutaire et mérite de songer à leur sort.

Le harcèlement moral. L’homme responsable en question, à la suite d’une remarque anodine (devant des clients) de Mathilde, l’ignore d’abord puis fait tout pour l’exclure de l’entreprise. Mise au placard progressive, violence verbale, épuisement de Mathilde, tout est correctement rendu. Garder d’éventuelles preuves écrites, prévenir son délégué syndical, ne pas plier en démissionnant, on n’est pas loin du « harcèlement moral pour les nuls ».

L’aliénation des transports en commun. Une partie relativement importante du roman se passe dans le métro (et RER) parisien, fournaise d’insensibilité et de violence latente. Le malaise est largement amplifié par l’état de déprime de Mathilde, son évanouissement est terriblement crédible. Si vous vous plaisez à penser que la voiture en région parisienne vaut mieux, attendez de lire les pérégrinations de Thibault dans l’enfer routier.

…à rapprocher de :

– Le film (qui ressemble fort à un documentaire) Violence des échanges en milieu tempéré, qui me rappelle ces personnages seuls pris dans les rouages d’une vie qui va trop vite.

– D’autres bouquins de De Vigan, hélas peu résumés dans ce blog. Ah si, Un soir de décembre. Bof. No et moi. Passable.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez ici trouver ce roman via Amazon.

Daniel Evan Weiss - Les cafards n'ont pas de roiVO : The Roaches Have No King. Un cafard comme narrateur, hum. Finalement ça passe plutôt bien. Loin d’être un chef d’œuvre, ce roman se dévore assez rapidement et mérite d’être lu. Même une décennie après Le Tigre s’en souvient encore. Rien à voir avec le « subversif » et « politiquement incorrect » vendu par l’éditeur en revanche.

Il était une fois…

Nombres est un cafard né dans une bibliothèque à NYC. Vivant avec ses congénères dans un appartement où habitent Ira et sa petite amie roots, la nourriture foisonne tellement c’est le foutoir. Jusqu’à ce qu’Ira se fasse plaquer et jette son dévolu sur Ruth, petite blonde adepte de la propreté. Cette nouvelle femme, par ses manies, va mettre en grand danger de famine la colonie de cafards qui va devoir réagir.

Critique des Cafards n’ont pas de roi

Voici l’archétype d’un roman court mais bon qu’il faut prendre le temps de lire. Titre original, première de couverture assez anxiogène, histoire qui ne ressemble à aucune autre, Evan Weiss a vraiment de la suite dans les idées.

L’intrigue est finement trouvée : prendre une troupe de cafards confortablement installés dans un appartement de New-York, apporter un danger (quelqu’un qui par son hygiène met en danger leur survie), et laissez-les inventer une solution pour s’en sortir. Il en ressort un petit ovni littéraire propre sur lui.

L’écriture passe, rien de révolutionnaire mais le vocabulaire relatif au petit monde des insectes (et comment tout peut leur paraître plus grand) est correct. Certains passages sont graveleux, à la limite du choquant. Il en faut certes plus au Tigre, néanmoins la petite bête qui entre dans la grande (comprenne qui voudra) c’est limite. Et cocasse à la fois.

Quand au fond, rien à dire : chapitres courts, de l’espace dans les pages, ça passe très vite. Deux à trois heures de lecture au maximum. Les références religieuses sont sans doute de trop, sans gâcher le plaisir de la lecture.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Faire parler des êtres humains, c’est facile. Des animaux, un peu moins. Des insectes, faut s’y risquer. Car c’est aussi prendre de plus grandes libertés quant à leur mode de fonctionnement, qui est surtout fait de réflexes et d’une anticipation quasiment nulle. Sans compter leur individualité que Le Tigre imagine bien moins prononcée que, par exemple, chez les mammifères. Daniel Weiss ne s’est pas encombré de tels détails, ici ça réfléchit comme des humains. Sacrifices compris.

Derrière l’aventure des cancrelats, c’est aussi la petite vie bourgeoise new-yorkaise qui est décrite, voire caricaturée : petits dîners entre amis, fonctionnement d’un couple dans une grande ville, solitude aussi de ces personnes, usage de drogues récréatives, rien de bien folichon en somme. Assez terne même.

La sexualité, enfin, ne manque pas dans ce roman. Sexualité des insectes, des hommes, tout y passe. Jusqu’à ce que celle-ci constitue un paramètre de choix, aux yeux des insectes, de la bonne partenaire au protagoniste humain principal. Ce passage pourra en mettre certains mal à l’aise, bien qu’étant hautement improbable. Les descriptions ne sont ici pas forcément réussies hélas.

…à rapprocher de :

La trilogie des fourmis, de Bernard Werber. Donner des intentions et réflexions humaines à des insectes, c’est assez rare. La trilogie de Werber reste néanmoins bien plus didactique, et à destination des jeunes.

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Dan Simmons - Cycle d'HypérionVO : Hyperion Cantos. Compliqué de faire une critique sur une telle oeuvre. Très. Longue, monumentale, géniale, les adjectifs ne manquent pas. Même après quelques années le souvenir de ce cycle reste vivace. Dan Simmons a produit un boulot remarquable d’inventivité et de maîtrise. Roman d’initiation, nombreuses intrigues, Le Tigre, relativement porté sur la SF, a adoré.

Il était une fois…

Le cycle , qui se déroule au 28ème siècle, est fort long et bien entendu doit être lu dans l’ordre. Les romans en anglais sont au nombre de quatre, en français tout a été coupé en deux. L’épopée peut être séparée en deux parties :

Hypérion, d’abord. C’est le nom d’une planète où se dirigent sept pèlerins sélectionnés par l’Hégémonie, qui fédère toute la race humaine. Sur cette planète sont en train de s’ouvrir les tombeaux du temps, signe forcément très mauvais puisqu’une grosse bête, le gritche, devrait en sortir. En outre, une faction humaine violente, les Extros, serait sur le point d’attaquer la place. Chaque voyageur nous livre son histoire, les raisons de sa présence et ce qu’il peut apporter à la joyeuse troupe. Hélas à Hypérion ça tourne au très mauvais et une terrible guerre contre un ennemi proche semble poindre.

Endymion, enfin. La guerre contre [Le Tigre ne livre pas l’ennemi] fait rage, et l’Humanité est plus que jamais en très mauvaise posture. Jusqu’à ce qu’apparaisse Raul Endymion, berger quelconque qui va avoir comme but de sauver Aenea, fille de Lamia. Cette dernière étant considérée comme un prophète venue du passé. Au fur et à mesure du roman, la vérité sur le personnage d’Aenea, d’où elle vient et ce qu’elle représente rendra sa mission toujours plus dangereuse. Jusqu’au grandiose dénouement.

Critique des Cantos d’Hypérion

Un chef d’œuvre. Une fresque superbe, et il ne faut pas avoir peur de la longueur. L’histoire est assez simple : un complot universel où se mêlent voyages dans le temps et références bibliques multiples. Rien de révolutionnaire, toutefois Dan Simmons prend largement son temps et s’attache à maîtriser tous les rouages, les petits à-cotés de l’intrigue qui a ainsi de multiples ramifications.

On n’est pas vraiment dans le grand « space opéra », avec des civilisations de partout qui se tapent dessus par vaisseaux interposés pour arracher quelques planètes ici et là. Au lieu d’avoir une foultitude de lieux, ce cycle s’attache à suivre des personnages clé lors des instants importants de leur vie. Le lecteur peut alors être légèrement dérouté puisque des récits s’espacent parfois de plusieurs décennies. Pas de civilisations extra-terrestres, le lecteur qui souhaite une rencontre du troisième type peut passer son chemin.

Ce cycle est trop dense et grandiose pour prétendre en faire le tour, et là on savoure surtout la prose de Dan Simmons (qui est bien traduite) : il s’éloigne de temps en temps de la SF pure pour faire un petit tour du côté du domaine militaire, de l’horreur (merci au gritche), du thriller (nombreuses poursuites ), voire de l’amour.

Idéalement le potentiel lecteur devrait provisionner un bon mois (de tranquillité hein) pour avaler l’intégrale du cycle, au risque d’abandonner en cours de route. Les longueurs sont assez rares, les descriptions certes nombreuses mais le lecteur ne comptera pas souvent le nombre de pages à lire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’intelligence artificielle. L’IA joue un rôle de premier plan, et ses objectifs, assez obscurs au début, sont de plus en plus terrifiants. Logique mathématique implacable, la préparation à très long terme, assistanat des êtres humains, dès que quelque chose va de travers nul ne pouvait imaginer ce que ça peut impliquer concernant l’avenir de l’Humanité. Le moyen de transport entre planètes, dès qu’inutilisable, révèle grandement la faiblesse des Hommes. Factions divergentes au sein de ces machines, volonté de s’ériger en déité, la toute-puissance de l’IA est d’autant plus remarquable qu’en seconde partie du cycle l’Humanité tombe dans une bigoterie des plus arriérée.

Le voyage dans le temps. La guerre commence bien avant que le lecteur s’en doute, les allers-retours vers le passé ou le futur ne manquent pas sans que le lecteur soit aux premières loges. Cela permet de maintenir un certain suspense et de saisir le moment venu la portée de scènes précédemment lues. Exercice d’écriture délicat, Dan Simmons s’en tire honorablement et les nombreuses pages du cycle restent cohérentes.

Le temps est également manipulé sur une personne qui va subir une étrange maladie : un rajeunissement forcé qui fait qu’à chaque nouvelle journée elle perd la mémoire d’un jour. Au bout d’un moment ses parents doivent lui rappeler chaque matin (aidée de ses post-it) son état et ce qu’elle avait fait avant. Jusqu’au jour où c’est trop compliqué, il faut juste mentir et dire qu’il n’y a pas école aujourd’hui. Et ce tous les jours. Jusqu’à la renaissance.

Le sacrifice. L’histoire de Saul et de sa fille (celle atteinte de la maladie précédemment expliquée) est assez poignante, et là Dan Simmons ne se prive pas de faire référence à Abraham et son fiston. Pour contribuer à aider l’Humanité, le père a la conviction d’amener son bébé rajeunissant, promis à un grand destin, dans les tombeaux du temps. Sacrifice des sept pélerins du début du cycle, dont certains vont devoir donner de leur personne. Sacrifice du corps humain en général, notamment lorsqu’au lieu d’aménager les vaisseaux spatiaux pour les accélérations on préfère laisser les passagers mourir, sachant que les petite croix façonnée par l’IA leur rendra la vie automatiquement.

Quant au gritche, dont le rôle essentiel est assez difficile à concevoir pendant une bonne partie du roman, celui-ci ne semble pas très sensible à la notion de dommages collatéraux. Personnage incontournable et inquiétant, la grosse bête métallique apporte le petit plus qui fait penser à un bon roman de Stephen King. Il est de plus considéré par beaucoup comme un ange de la mort, avatar de douleur venant expier les péchés des hommes. Je vous laisse imaginer sa puissance, bien rendue.

Enfin, Dan Simmons est un grand fan de John Keats, poète Anglais dont le poème (inachevé) Hypérion, véritable épopée titanesque (au premier sens du terme), est partiellement reproduit. Cela insuffle de la grandeur supplémentaire dans l’œuvre, notamment lorsqu’une copie de Keats, se retrouvant dans une ville en tout point semblable à celle où il est décédé, subit les affres de sa maladie.

…à rapprocher de :

Des grandes sagas, mieux, des cycles, il y en a assez peu de cette envergure. On peut néanmoins citer :

Ilium et Olympos du même auteur. Deux fois mille pages, allez zou !

Le cycle des inhibiteurs, d’Alastair Reynolds. Mon préféré. Qui commence par L’espace de la révélation.

Le cycle de l’Aube de la nuit, de Peter F. Hamilton.

– Simmons verse aussi dans le thriller d’anticipation sociale. Flashback se dévore, toutefois c’est insupportable sur les idées de l’auteur.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez avoir cette saga via Amazon : dans l’ordre, Hypérion (tome 1 et 2, puis 3 et 4) suivi d’Endymion (tome 1 et 2, puis 3 et 4). Ça fait beaucoup certes. Mais c’est bon.

Jack Williamson - La légion de l'espaceVO : The Legion of Space. Quand on vend au Tigre un « très grand ouvrage » fondateur du space opéra (ce n’est donc pas Asimov ?), on ne peut prendre le risque de passer à côté d’une telle œuvre. Hélas c’est franchement mauvais (ça a terriblement mal vieilli). Au point de lâcher au milieu du premier tome de la trilogie. Ne jetons pas la pierre (plutôt la carrière entière) à Williamson, Le Tigre lui trouve quelques circonstances atténuantes.

Il était une fois…

Pour une fois, cela n’arrivant que rarement, Le Tigre ose un copier-coller du 4ème de couverture, pour vous vendre du rêve :

« Est-ce le crépuscule de l’humanité ? En ce triste XXXe siècle, l’homme n’a jamais été aussi près de sa propre destruction. Venues de l’espace profond, les Méduses et leur civilisation belliqueuse s’apprêtent à anéantir l’espèce humaine. Et rien ne semble pouvoir arrêter la puissance de leur technologie, sauf… Sauf Akka, une arme terrifiante dont une seule personne, la belle Aladoree, détient le secret. C’est elle que doit protéger John Star, jeune officier de la légion de l’espace. Aussi, lorsque Aladoree est kidnappée sur la planète des Méduses, lui faut-il tenter l’expédition la plus risquée qu’ait jamais entreprise un soldat. Une poignée de combattants contre tout un monde. Ils incarnent l’honneur de la légion ; et l’ultime espoir de la race des hommes… »

Critique de La légion de l’espace

Le Tigre ne recule devant rien et surtout ne laisse aucun livre sur le bord du chemin. Sauf certains où toute la meilleure volonté du monde même n’y peut rien. Ici je n’ai même pas voulu continuer, et pour me rassurer j’ai même lu en diagonale le dernier opus qui était de la même veine.

Insupportable à lire. Plus qu’ennuyeux, désagréable de suivre l’histoire qui, en plus d’être invraisemblable comme ce n’est pas permis, est digne d’une mauvaise série B. Les personnages et les intrigues sont à la limite du niais. Bref, un navet du cosmos.

Finissons sur une note optimiste. J’étais à deux doigts de faire mon premier autodafé lorsque je me suis aperçu que ce livre a été pour la première publié au début des années 30. Ce qui signifie qu’à la même époque William Faulkner écrivait quelques uns de ses meilleurs romans, qu’hélas Le Tigre a très moyennement aimés.

Il faut avant tout blâmer Gallimard, qui a décidé de rééditer cet auteur sous l’illustre (à mon sens en tout cas) collection « Folio SF ». Le connaisseur se représente une trilogie pas trop vieille et oubliée, toutefois il n’en sera rien.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Une vrai gageure, trouver des thèmes à ce truc. Essayons.

La légion de l’espace, ça ressemble surtout ici à des marines bien américains. Surentraînés, forcément sympathiques avec leurs petits travers, le genre de mecs qu’on bazarde pas très finement en terrain hostile et qui évidemment s’en sortent quoiqu’il arrive. Les personnages sont d’autant plus insupportables qu’ils sont caricaturaux : le héros, sans vraiment de défauts ; l’ami « faire-valoir », équivalent de Sam dans le Seigneur des anneaux, qui ne pense qu’à bâfrer, se plaindre et se révèle au final plein de ressources, la belle à sauver / sauter aussi, etc.

La SF n’est pas une affaire d’heureuses circonstances, mais d’époque à laquelle on en écrit. La Légion de l’espace, en son temps, devait sans doute représenter le summum de ce qui se faisait dans un genre encore sous exploité. Mais au XXIème siècle, la mayonnaise ne prend plus. Seuls quelques grands auteurs comme Bester ou Asimov voient leurs œuvres procurer à peu près le même plaisir cinquante ans après. Qu’en sera-t-il de Reynolds, Hamilton ou Simmons en l’an 2060 ?

Parce que certains génies de la SF étaient sans doute d’exceptionnels visionnaires, ils ont été capables de représenter un avenir cohérent avec des problématiques encore d’actualité (exemple de I, Robot). D’autres arrivent à exposer un message universel suffisamment fort pour faire oublier les incohérences scientifiques. Dans le cas de Williamson Le Tigre est passé à côté.

…à rapprocher de :

N’importe quel roman de fantasy…

– Blague à part, d’improbables bagarres dans le futur, c’est un peu Les Aux’ de David G. Est-ce que ça vieillira aussi mal ?

– Un autre cycle que je n’ai pu finir en SF, c’est van Vogt et son Monde des Ā.

– Le premier roman d’Heinlein, Sixième colonne, fut également difficile à terminer (écrit en 1941).

Enfin, si votre librairie est fermée et que vous tenez à découvrir cet auteur, vous pouvez trouver sa trilogie en ligne ici.

Patrick Süskind - Le ParfumVO : Das Parfum. Le nom de l’auteur, le titre, l’image de couverture, l’histoire, tout laisse croire qu’il s’agit d’un vieux roman qui est devenu au fil des ans un classique. Il n’en est rien. Œuvre (relativement) récente, avec certes en toile de fond la France d’il y a longtemps, mais un héros et une histoire que seul un esprit de la seconde moitié du XXème siècle aurait pu imaginer. A lire et relire tellement c’est condensé.

Il était une fois…

Paris, un quartier très mal loti, XVIIIème siècle. Grenouille naît dans le dénuement le plus total, rejeté par sa mère (exécutée dès sa naissance) et élevé par une nourrice et ensuite un tanneur. Grenouille a une particularité, en plus de l’absence d’odeur corporelle, qui est d’être un « nez » exceptionnel. De sa naissance à sa mort très particulière, le lecteur suit Grenouille à la recherche du parfum absolu, et de son propre parfum.

Critique du Parfum

Un chef d’œuvre. Rien d’autre à dire, si ce n’est qu’on en sort pas vraiment indemne. Ce livre est LE classique de Süskind qu’il faut avoir lu. Le Tigre se sent ici indigne d’écrire dessus tellement ce roman a été étudié, analysé alors qu’il y a déjà quelque temps que cette œuvre a été lue.

Tout ce qu’on peut dire, c’est que Süskind fait montre d’une maîtrise sans faute du sujet, avec un vocabulaire riche et très parlant dans le registre des odeurs (ça fait un peu « écoute voir comme ça sent bon »). Quant à l’histoire, de grande qualité, c’est un réel drame d’une personne pas vraiment humaine, dont les actes sont déterminés par la quête du savoir olfactif. Passages assez durs, violents, l’œuvre ne devrait pas se lire avant 15 ans afin d’apprécier la prose de l’auteur.

Chose étonnante, le style ne fait pas très XXème siècle. On se croirait face à un livre du XIXème siècle tellement l’écriture et l’environnement général sont fouillés, sans compter un vocabulaire un peu surrané par moments mais d’une redoutable précision. Mais non, Patrick Süskind est né après la seconde guerre mondiale. Last but not least, tout ça en moins de 300 pages – assez denses il est vrai.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les thèmes sont nombreux, les encyclopédies en ligne s’en chargeant fort bien. Le Tigre se souvient avant tout :

Une description de la France de cette époque très crédible, et très dure également. Criminalité, bassesses de la plèbe et des puissants, insalubrité de l’environnement, c’en est écœurant à la fin. C’est d’autant plus troublant que l’auteur associe le parfum, le luxe et le rêve propagé par ce produit à l’insensibilité la plus totale, celle qui mène naturellement au meurtre. Le titre est le premier exemple de ce paradoxe, en étant un parfait oxymoron (à moins que ce soit oxymore ?).

Les odeurs, thème entêtant voire nauséeux du roman. La palette des descriptions olfactives de Süskind est plus que large : le lecteur ne manque pas d’être ébloui par tant de termes relatifs à un sens qui est souvent négligé par la littérature. La vision, le toucher (la douleur par exemple), le son sont toujours bien traités dans les romans, ici Süskind fait la part belle au parent pauvre de la narration qu’est l’odeur. On est à la limite d’un exercice de style à la Queneau, mais sur 300 pages et un scénario de qualité.

…à rapprocher de :

Le Pigeon n’est pas mal du tout, vraiment. Pas à la mesure du présent titre, mais c’est une régalade.

– Une adaptation cinématographique de 2006 réalisée Tom Tykwer est à signaler. Assez bien foutue je dois le reconnaître, et j’avoue n’avoir que tardivement percuté que l’acteur principal était Ben Whishaw.

– La scène finale, ainsi que la rage de la foule ne sont pas sans rappeler Mangez le si vous voulez, de Jean Teulé.

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Juliette Volcler - Le son comme armeLe son comme arme : les usages policiers et militaires du son. Voilà qui est fort intéressant. Sorti en 2011, ce documentaire a un 4ème de couv’ bien plus que séduisant, avec un petit côté anarchiste digne d’une TAZ (je vous laisse découvrir ce que c’est). Fort bien rédigé et concis, ouvrage parfait pour déjouer les fausses idées et mettre quelques points sur les « i ».

De quoi parle Le son comme arme, et comment ?

Enfin un ouvrage portant sur un sujet original, hélas trop traité en surface dans les journaux (type de tortures, dispositifs « mosquito »,…). Ce qui surprend c’est le nombre de fantasmes qu’on pourrait avoir sur le sujet, et qui sont proprement démontés en moins de 200 pages. Les rappels historiques sont assez rares, on s’attache surtout à ce qui se fait en ce moment et les enjeux dans un proche avenir. Mme Volcler pointe, et c’est heureux, quelques conséquences sur la possible privation de l’espace public à tout moment par les forces de l’ordre, et le vide juridique qui s’annonce.

Juliette Volcler s’est attelée à une tâche qui la passionnait assurément. Il en sort quelque chose de précis, et malgré ce qu’annonçait la couverture (du moins Le Tigre le pensait), l’essai est objectif, se contentant de donner les faits, et se garde la plupart du temps de donner un avis. Les références bibliographiques, les notes de bas de page (la plupart en Anglais) sont tout simplement énormes, le meilleur du sujet semble avoir été tiré par l’auteur.

Un livre assurément distrayant, et qui devrait être mis dans les mains de toute personne souhaitant travailler dans le domaine de la sécurité, voire pour tout citoyen un peu attentif aux libertés publiques.

Ce que Le Tigre a retenu

Savez-vous qu’au dessus de 200 à 220 dB, le corps peut exploser à cause des vibrations ? Toutefois pour réunir cette puissance (dont la courbe est logarithmique), autant faire péter une vraie bombe. Plus précis, moins cher et bien plus « propre ».

Comme Le Tigre l’a dit, c’est la masse d’idées reçues sur des possibles applications militaires que l’auteur met consciencieusement en lumière : trop chères, recherche et développement assez décevantes, arme difficile à bien diriger,… Bref, toute arme sonore de portée et d’efficacité convaincantes n’est pas prête de sortir

En revanche, l’usage policier et surtout « détentionnaire » a un glorieux avenir devant lui : dégager les foules, voire une partie de la jeune population sensible à un certain son. Les « flash bangs » parfois utilisés en marge de grandes réunions (G20 par exemple) sont suffisamment assourdissantes pour rapidement disséminer les alter-mondialistes.

Quant à la torture, mettre certaines musiques (le métal, comme par hasard) à fond dans les geôles des prisonniers récalcitrants peut s’avérer efficace. Surtout si on ajoute d’autres petites attentions comme la lumière vive et la limitation du sommeil.

Au final, et en guise de « consolation » pour les grandes muettes des pays du monde, le son peut être utilisé comme une arme « pré létale » : désorienter l’ennemi qui est pendant un certain laps de temps étourdi, voire aider à savoir où il se cache, avant de le tuer. Pendant la guerre d’Irak de 2003, il était relativement efficace de sortir le gros bruit afin de se faire un sniper irakien embusqué.

…à rapprocher de :

A quoi peut-on bien rapprocher cet essai ?? Non mais vraiment ?

– Dans le film Small soldiers, les petits méchants, pour faire sortir les gentils de la maison, mettent les Spice girls à fond les ballons. On rigole, mais un peu moins en connaissant l’utilisation extensive de cette procédure dans certaines prisons.

– Dans la série Homeland, saison 1, pour faire parler un terroriste on lui envoie des passages d’un morceau de musique (du métal forcément), musique entrecoupée de silences aléatoires. Efficace.

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Junichi Saga - Confessions of a YakuzaLes lectures du Tigre sont aussi intéressantes que variées, vous l’aurez remarqué. C’est surtout dans le cadre de mes études que j’ai du rédiger une étude sur une part de l’économie asiatique, et quitte à joindre l’utile à l’agréable, la mienne portait sur l’économie souterraine du Japon. Si les livres sur la criminalité de ce pays ne manquent pas, une biographie romancée sur un Yakuza, c’est bien plus rare et intéressant.

De quoi parle Confessions of a Yakuza, et comment ?

Junichi est médecin au Japon, une sorte de kiné, et en auscultant un très vieux patient il remarque tous ses tatouages vieillis. Au fil des séances ce vieil homme lui raconte son histoire en tant qu’ancien membre puissant de la société criminelle japonaise, les Yakuza. De ses premiers pas jusqu’à sa vie en tant que boss, en passant par son rôle pendant la seconde guerre mondiale, c’est tout un pan obscur (pas tant que ça parfois) du Japon du XXème siècle qu’il raconte.

Acheté en Asie, ce livre fort bien reçu par la critique mérite quelques applaudissements. Celui-ci donne une vision très précise de la culture des Yakusa, ses codes, son idéologie, ses moyens d’actions surtout dans le Japon d’après-guerre. On est très loin des fantasmes occidentaux habituels sur le Japon underground, avec un homme d’apparence normale qui progressivement ne pense et ne peux plus faire machine arrière.

Assez grandiose aussi comme biographie, venant d’un homme dont le principe fondamental est la discrétion et le secret autour de ses activités – je n’imagine pas les restrictions imposées ou que s’est imposé l’auteur. Il en ressort un style sec et sobre, sans artifices ni exagérations qui peut parfois provoquer un bâillement. Mais c’est toute la force d’un ouvrage dont le deuxième prénom est « réalisme ».

Ce que Le Tigre a retenu

La vie de Yakuza n’est pas enviable, et malgré quelques avantages le criminel entre dans un monde loin des autres civils, où très peu lui sera pardonné.

Tout d’abord, l’initiation se révèle longue et passe, à l’époque du vieil homme, par la case prison. Pour être admis, il convient de faire ses preuves en commettant un crime, ou en prenant la responsabilité d’un autre commis par un yakuza plus âgé. La relation entre les membres, très pyramidale, repose sur un principe proche du paradigme grand frère / petit frère.

Ensuite, la vie du Yakuza est totalement dédiée à son clan (il en existe pas mal d’ailleurs), comme toute mafia les intérêts de son groupe sont au-dessus de tout, même la famille. Ce qui surprend c’est le rapport avec le citoyen lambda, où les différents avec celui-ci sont d’abord traités avec courtoisie. Il n’est pas rare que le clan tranche en faveur de l’homme extérieur à l’organisation.

Enfin, c’est l’évolution d’après-guerre de la criminalité japonaise, qui a investi de manière constante et durable dans les activités économiques légales du pays. N’hésitant pas à se montrer, les Yakuza ont souvent aidé la population, en contraste avec l’incompétence des autorités locales, comme le montrera plus tard les tremblements de terre de Kobé en 1995. Quant aux tatouages, en plus de l’aspect esthétique notable, c’est surtout un moyen de sceller la condition du Yakuza qui restera un membre à jamais, à l’image des mafias russes (cf. Les Promesses de l’ombre de Cronenberg)

…à rapprocher de :

Yakuza : Japan’s Criminal Underworld, de David Kaplan. Ouvrage de référence qui a aussi grandement aidé Le Tigre à pondre son mémoire. D’ailleurs certaines des présentes analyses proviennent sûrement de ce titre. A tout hasard, lisez l’édifiant essai de Jake Adelstein, Tokyo Vice.

Yakuza moon de Shoko Tendo, Tigre ayant lu la version manga par Wilson et Morikawa. Peu de choses sur les Yakuzas, plutôt l’histoire tragique d’une fille d’un boss déchu.

Sanctuary, manga de Fumumora, comporte une partie sur l’expansion d’un des frères en tant que Yakuza. Assez réalistes, les 12 tomes se lisent très rapidement.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai en ligne ici.

Daniel Lesueur - John Holmes 35 cm de talentPremier bouquin du grand éditeur indépendant Camion Blanc résumé, quoi de mieux que commencer par du subversif, à savoir la biographie de l’acteur porno le plus emblématique des années 70. Sexe, drogue et crimes, tout y est, synthétisé par les bons soins de Daniel Lesueur. Plus qu’un acteur, c’est toute la Californie de l’excès qui est dépeinte.

De quoi parle John C. Holmes, 35 cm de talent, et comment ?

Courte biographie de John Curtis Holmes, sans doute le plus « grand » (donc long) acteur pornographique américain, né en 1944. Sa vie est digne d’un roman, et en 150 pages Lesueur parvient à dresser un portrait que Le Tigre se plaît à croire fidèle. Ça se lit comme un roman, et on a intérêt à être assis tellement c’est tragique et édifiant.

Non éduqué, sans empathie ni morale, John est un grand malade :  sexe débridé, prostitution, usage et trafic de drogues, détournement de mineures, vols crimes, complicité d’assassinat, et tant d’autres. Tout cela sur fond de soleil californien et de liberté sexuelle des années 70 à 80, avant l’arrivée du SIDA, qui d’ailleurs a eu raison de l’acteur.

Daniel Lesueur a effectué un travail très correct de recherche, et est parvenu à faire court, pas comme certains auteurs (Marx par exemple, même si le sujet n’est pas vraiment le même). Les éditions Camion Blanc, ici sur le thème Camion Noir (un peu plus sulfureux) ont encore tenu un bon sujet, très bien traité.

Bien sûr l’ouvrage, le « beau livre » plutôt, reste assez cher par rapport au nombre de pages et à l’absence de couverture en dur. Mais le posséder n’a pas de prix, rien que pour la couverture ou les images d’archives (rien de pornographique dedans !) qui y sont exposées.

Ce que Le Tigre a retenu

L’absence de frontières d’un homme qui ne pense qu’à sa gueule. Holmes c’est avant tout la personnification de l’excès. Et les exemples sont plus que nombreux : ses relations avec les femmes (des milliers), entre amour, trahison et mensonges en tout genre. L’argent, dont il manquait chroniquement. Pour satisfaire ses besoins, notamment plus de 3 000 dollars quotidiennement dépensés dans la cocaïne à un moment, il tournait le plus possible, y compris dans des pornos gays. Et puisque ça ne suffisait plus, il s’accoquinait avec des escrocs voire des tueurs. Jusqu’au massacre qui a tant défrayé les chroniques.

La drogue et l’alcool, toujours plus, au point que ça devienne indispensable pour avoir une érection. Quant à la taille de son membre, les versions sont nombreuses, sans doute à cause de ses problèmes de santé et aussi au fait qu’à partir d’un certain degré d’érection l’afflux de sang était tel qu’il s’évanouissait. Obligé à être plus ou moins mou selon son état, on imagine la douleur de son métier.

Prisonnier de ces vices dont on voit qu’il ne peut se détacher, au final on plaint surtout Holmes, victime d’un système où il a été pendant un certain moment indispensable.

Dernier thème, plus en rapport avec la lecture. Comment lire un tel livre ? Seul hélas. Ce n’est pas le genre d’essai que Le Tigre lit en société, par exemple dans le métro. A la rigueur, des titres comme Les Seigneurs Du Chaos, sur le black métal satanique qui a fait rage en Norvège, ça en jette pas mal de les lire. D’autant plus que lorsqu’on est en costard, imaginez la tête du métalleux qui vous voit dévorer cet ouvrage…

Mais ici rien à faire, on ne peut pas se retrancher derrière la couverture, puisque cette-dernière est sans appel : John C. Holmes, votre voisin peut ne pas connaître, mais « 35 centimètres de talent », et bien pas besoin d’avoir l’esprit mal tourné pour savoir de quoi il s’agit. Ce qui fait de cet ouvrage un objet qui ne sortira pas de votre chambre, et sera ensuite à votre bibliothèque ce qu’une balise mayday est à une mer calme, de nuit.

…à rapprocher de :

– Le même auteur s’est intéressé à deux égérie du monde porno, à savoir Traci Lords et Jenna Jameson.

Confessions intimes d’une porn star, à savoir Monica Mayhem, chez le même éditeur. Attention c’est une biographie, pas un documentaire…

– Le film Boogie nights, apparemment, serait influencé par la vie d’Holmes.

Les œuvres sur Holmes que Le Tigre a regardées sont :

Wadd, the life and times of John Holmes, documentaire assez long sur le personnage, avec en prime les témoignages de ses proches.

Wonderland, avec Val Kilmer dans le rôle de l’acteur pornographique, qui se concentre surtout sur la sanglante tragédie finale.

Les œuvres avec Holmes que Le Tigre a regardées ne sont pas.

Enfin, si votre librairie est fermée ou ne veut pas vous vendre ce titre, vous pouvez le trouver sur Amazon ici. Ou sur le site de l’éditeur.

Alan Glynn - Champs de ténèbresVO : The Dark Fields. Parce qu’un film tiré de ce roman est sorti dans les salles, Le Tigre a débusqué le bouquin consciencieusement caché dans sa très grande bibliothèque. Et l’a relu rapidement : la littérature c’est comme le vélo en fait, tout semble être plus ou moins resté dans le cerveau. Un excellent souvenir de littérature, qui justifie l’envie de l’adapter sur les écrans.

Il était une fois…

Eddy Spinola n’est pas loin d’être un loser. Fric et fille, nada. Jusqu’à ce que son ex-beau-frère, ancien dealer au demeurant lui propose de tester une pilule miracle, le MDT-48. Vrai miracle en effet, Eddie va voir sa vie radicalement changer, trop radicalement pour que ce médicament soit innocent et sans graves effets secondaires.

Critique de Champs de ténèbres

Bon petit roman sans prétentions, qui se laisse lire facilement. L’écriture est assez fluide, sans lourdeurs et descriptions inutiles car centrée sur les effets du MDT et le désarroi du protagoniste. La narration, sous forme de testament rédigé par le narrateur, est bien trouvée et rajoute un aspect réellement dramatique au scénario. Quant au titre, il fait selon moi référence aux mystères entourant le cerveau, et comment on n’est peu avancé sur le sujet.

Dès l’instant où le héros reçoit son premier cacheton de drogue, le lecteur est très rapidement entraîné dans la spirale de l’histoire. Impression de rapidité, de confusion parfois, les blackouts du héros sont crédibles et ne sont pas sans rappeler ceux d’un coma éthylique. Tout va crescendo, jusqu’à la fin digne d’une apothéose qui est de pure beauté. Une fin pessimiste, sur fond de guerre régionale, c’est plus que rafraichissant.

Petit point sur Limitless, qui est l’adaptation de ce roman. Bien sûr les différences d’avec le livre sont relativement nombreuses mais de manière générale pour ce genre de titres, assez proche de la SF, il faut mieux lire d’abord le livre. Le Tigre pense notamment à la fin, assez heureuse dans le film (même si le personnage est gravement drogué), alors que le roman se termine bien mal. Des non happy ends, c’est rare et bon.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le médicament MDT est terrifiant, et montre en accéléré la descente aux enfers due à la drogue. D’abord Eddy prend quelques pilules, et là c’est le pied : il nettoie son appart’ comme jamais, apprend l’Italien en quelques heures, lis des romans dans cette langue en cinq minutes, se fait remarquer en société. Ensuite tout s’emballe : il fait des montages financiers que sobre il ne peut même plus comprendre, devient agressif, a des comportements à risque (dont il ne souvient pas bien), est obligé d’augmenter les doses,… Enfin c’est la cata : il est trop tard pour faire marche arrière, son cerveau a des lésions irrécupérables, il découvre que c’est un cobaye comme tant d’autres, on veut l’éliminer, et les hautes sphères du pouvoir sont également touchées.

Le monde de Wall Street, même par un auteur irlandais, est dans cette œuvre plausible et aisé à suivre. Le héros surboosté va entrer dans les arcanes de la finance internationale. Repéré puis rapidement testé (trier des dizaines de sociétés selon leurs bilans en vingt minutes), il propose un montage de fusion entre deux sociétés totalement novateur et se voit proposer une somme colossale : 3 à 4, non pas des millions, mais le pourcentage de l’opération à réaliser, soit des centaines de millions de dollars. Les personnages rencontrés sont de solides requins, qui ont de la bouteille mais sont réellement surpris par Eddy, qui n’a rien à voir avec les jeunots un peu intimidés issus de business schools.

D’autres protagonistes touchant à cette drogue semblent se diriger naturellement vers le monde des affaires, comme si le pouvoir et l’argent serait le summum à atteindre pour quelqu’un d’intelligent. Pas une seule fois un personnage a pour idée trouver un vaccin ou autre chose jugée par certains plus « utile » qu’une M&A.

…à rapprocher de :

L’Homme terminal, de Michael Crichton, sur le dérèglement généralisé du cerveau.

– Pour les fulgurances que le cerveau peut fournir, notamment trouver en un temps record des solutions à diverses problématiques, Le Tigre a tout de suite pensé à un passage des Tommyknockers, de Stephen King, lorsque des conducteurs ne passent pas loin du village envahi et sont touchés par la « grâce intellectuelle ».

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Alfred Bester - Terminus les étoilesVO : The Stars My Destination. Pas vraiment aussi bien que L’homme démoli, toutefois un très bon cru qui doit être lu. Cette fois-ci l’humanité a colonisé une très grande partie de l’espace, et le « plus » technologique de l’histoire est la téléportation. A partir de là, toute l’évolution humaine est repensée.

Il était une fois…

Gulliver Foyle, mécano inculte et frustre, se retrouve malgré lui prisonnier d’un vaisseau-épave. Survivant dans un placard à balai, seul lieu pressurisé, quelle n’est pas sa fureur lorsque le Vorga, vaisseau appartenant à la puissante famille Presteign, ignore ses appels au secours. Sauvé miraculeusement par un curieux peuple, Foyle n’a désormais qu’un but : se venger des occupants du vaisseau, quoiqu’il en coûte.

Critique de Terminus les étoiles

Encore un excellent roman de Bester, ce petit gars avait vraiment de la suite dans les idées. Avant même le début de l’histoire, et en guise de prologue, c’est la grande légende de la téléportation qui est expliquée. Et derrière cette histoire se dresse une critique virulente de notre système économique actuel, avec les tares de la mondialisations (criminalité, épidémies, perte d’identités). Assez marrant quand on sait pendant quelle décennie ce livre a été écrit. Très affuté.

L’épopée (il n’y a pas d’autres mots) de Foyle est grandiose, vraiment pas crédible tellement notre héros a la rage en lui et a parfois de la chance. Un comte de Monte Cristo futuriste, rien de moins ! En plein conflit entre la Terre et ses planètes proches et le reste (les Satellites Éloignés), notre homme va poursuivre une chimère, savoir qui l’a trahi alors que des enjeux bien plus importants gravitent autour de lui. De quoi faire péter le système solaire, rien de plus hein.

Le style est passable, avec de temps en temps les fulgurances propres à Bester, notamment quand celui-ci s’amuse avec la typographie, ce qui est toujours surprenant dans un roman, pour représenter certaines idées assez…incompréhensibles. Mélange des sens, bruits en guise de couleurs, odeurs correspondants à la vue,… A ce titre, la fin est d’un abscons comme on en voit rarement : ça me rappelle un peu la dernière partie de 2001 de Kubrik (tirée de Arthur C. Clarke), et tous ses voyages spatio-temporels soi-disant révélateurs pour le héros. Et visuellement chatoyants pour le téléspectateur comme le lecteur.

Bref, il semble que Bester, en proposant une vision à la fois sombre et violente de l’humanité en devenir, aux mains de corporations dynastiques sans fois ni lois, a imaginé avant bien d’autres les prémices du cyberpunk.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La vengeance est LE fil directeur du roman. Foyle est fou de rage, un personnage paradoxal et très profond : idiot au début, apprenant en prison à l’aide d’une femme, et puis imaginant les plus fins stratagèmes en seconde partie du roman, la rage porte ses fruits. Tout son intellect est porté vers cette vengeance, et chaque fois que ses plans sont gravement contrariés il perd plus ou moins les pédales. Aspect bien traité, le tatouage qu’il portait réapparaît lorsque ses sentiments sont trop puissants : forcé de se contrôler, Foyle représente quasi visuellement la frontière entre l’homme et l’animal (tatouage de tigre en plus, j’aime).

La téléportation, trame indispensable de l’intrigue. Dans cette œuvre la « fuggue » a été trouvée par hasard au début de notre siècle, par quelqu’un qui avait un urgent besoin de se barrer d’un endroit. Après des décennies d’apprentissage tous peuvent se téléporter, jusqu’à 1000 km pour les plus doués. Il suffit de connaître intimement son lieu d’arrivée (des plateformes de réception). Les coursiers fuggent (adieu les communications numériques), les plus riches ne le font pas par snobisme, les prisons sont conçues dans le noir afin d’éviter toute fuggue, pour immobiliser un homme on frappe à certains endroits pour l’empêcher de se concentrer (et ainsi fugguer), la téléportation mal préparée qui tourne au désastre, tout est si différent et en même temps si cohérent ! Corolaire de la fuggue, tout n’est que Volonté, et la fin du roman le rappelle.

La société du spectacle. Le Tigre ne paraphrase pas le génial Guy Debord, rassurez-vous. Je fais référence à la seconde partie du roman : De Quatmyle (on va dire que l’orthographe est correct), énigmatique patron d’un grand cirque, fait tout pour rentrer dans la haute. Cela commence par un objectif simple : faire le buzz à tout prix, en gaspillant allègrement sa fortune dans un projet loufoque. Le cirque est énorme, constitue un centre de coûts inutile, à l’image des dizaines de savants employés à trouver le mouvement perpétuel. Surprendre le plus possible, tout oser et ce à la limite du subversif, voire ne plus s’arrêter dans la déconne, Cérès de Quatmyle est un personnage hors du commun. Aidé par une télépathe qui le guide au sein de la haute, Quatmyle découvre une classe sociale insouciante, faite d’apparences et de vieilles fortunes : la famille Esso, Coca ou encore Ford qui sont autant de critiques des grands groupes capitalistes de l’époque de l’auteur.

…à rapprocher de :

– Du même auteur, L’homme démoli est bien plus sympathique. Ce n’est pas pour rien que les éditions précédentes étaient attachées au premier roman précité.

– La force de l’esprit, c’est aussi Le Monde des Ā, de van Vogt. Attention, philo non-aristotélicienne qui envoie du pâté.

– Un homme, seul, qui à force de volonté peut s’élever dans un monde futuriste aussi bordélique, Le Tigre pense tout de suite à Sven Tveskoeg, des Aux (Le Faucheur pour commencer), de David Gunn.

– Une fin plus que bizarre, avec des références scientifico-spirituelles que Le Tigre a souvent du mal à saisir (surtout après 600 pages), relisons ensemble les excipit de L’espace de la révélation, d’Alastair Reynolds, ou Babylon Babies, de Maurice G. Dantec.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Adam Fawer - ImprobableVO : idem. Auteur inconnu au bataillon, et roman conseillé par le petit libraire d’en face de la tanière du Tigre. Le spectre de mon régime alimentaire étant fort large, pourquoi pas ? Et c’est un thriller « néo-scientifique » de bonne facture. A partir d’une idée assez originale et bien exploitée, Fawer nous offre de l’action brute, sans s’encombrer de menues descriptions.

Il était une fois…

A la suite d’une crise d’épilepsie, David se retrouve à l’hôpital. On lui propose un traitement expérimental, à partir duquel bien sûr il va avoir de jolis pouvoirs. Capable de déterminer de solides probabilités à l’aide de la physique quantique, il devient très intéressant aux yeux de nombreuses organisations : FBI, NSA, chercheurs, mafias, tous le veulent.

Critique d’Improbable

Ce n’est pas un chef d’œuvre, et n’a aucunement cette prétention. Tout ce qui convient au Tigre. Comme tout bon thriller anglo-saxon très peu de pauses, on va de péripéties en courses poursuites. Chapitrage court, assez d’espace, ce n’est pas du James Paterson mais presque. Donc peu de descriptions, ce qui ne gêne pas outre mesure car l’imagination prend rapidement le relais.

Quant au scénario, celui-ci est fort intéressant. L’histoire se tient plutôt bien et l’auteur apporte des éléments de réflexion (sur l’épilepsie notamment) assez séduisants. La vision de l’avenir est crédible et parfois cocasse, pour ne pas dire tirée par les cheveux : les 10 lancer d’une pièce à la suite qui retombe forcément sur pile ; l’homme qui pour échapper à ses poursuivants manœuvre astucieusement afin que le conducteur de train ne s’arrête pas à la prochaine station (en « faisant » perdre les eaux à sa femme), etc.

500 pages qui passent vite, un apport scientifique non négligeable (cf. infra), le lecteur curieux et potentiellement ouvert à l’ésotérisme y trouvera son compte. Forcément, le petit happy end presque tiré par les cheveux m’a agacé, mais en littérature les horribles fins sont rares.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’épilepsie est le thème fondateur du livre, et les informations à son sujet son fortement instructives. Déjà le héros, atteint par le « grand mal », est un exemple de la souffrance procurée par la maladie. Ses crises, les ondes du cerveau qui partent en sucettes, tout est correctement expliqué, un vrai Larousse médical (sans les images gores) ! S’ensuit des théories assez marrantes sur le potentiel de ces crises, et comment celles-ci sont en mesure d’offrir des « fenêtres » sur l’avenir pour celui qui sait les interpréter. César, Napoléon, et plein d’autres encore, étaient des épileptiques notoires, et on su faire preuve d’une lecture des évènements, de l’Histoire en général plus que précise. La connexion à l’esprit des hommes serait alors facilitée par cette affliction.

Suite logique (dans le roman hein) des caractéristiques de l’épilepsie, c’est toute la physique quantique qui est réinventée. Et là le travail de vulgarisation du Fawer mérite d’être salué. Brièvement, la physique quantique « appliquée » permettrait de connaître les différents états possibles à venir (le cerveau les devine, sans corrompre en vérifiant les hypothèses), et par calcul de tous ces états de la matière une tendance générale apparaîtrait, du moins celle dont la probabilité est la plus élevée. Bon je sens que ce n’est pas clair, en tout cas après l’avoir lu j’ai eu vite envie de parcourir les pages d’une grande encyclopédie en ligne relatives à ce sujet. A ce propos les articles sur les ordinateurs quantiques ont pu être lus, voire grossièrement compris et ce simplement par pure curiosité. Si si c’est possible.

Se pose bien sûr la question du hasard, si celui-ci existe vraiment ou si on peut tout calculer. La problématique sous-jacente étant alors celle du destin mathématique ou de la liberté totale des hommes. L’auteur ici prend clairement position pour l’inexistence du hasard et de la liberté d’action des hommes, sans pour autant la développer.

…à rapprocher de :

– Un homme dont le cerveau est à ce point transformé, ça rappelle surtout L’Homme terminal, de Michael Crichton, et un peu L’ultime secret, de Bernard Weber.

– Un pauvre quidam qu’un élément perturbateur (ici un médoc) va transformer en génie, avec d’intolérables effets secondaire, il y a aussi Champs de ténèbres, d’Alan Glynn.

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Chuck Palahniuk - Tell allPalahniuk, c’est un des auteurs préféré du Tigre, point barre. C’est pour cela qu’un roman décevant de sa part, autant le résumer tout de suite. Seul livre de l’auteur non fini, il n’y avait rien à y faire. Sauf sans doute être meilleur en anglais. Histoire qui a forcément du potentiel, Le Tigre attend donc la traduction.

Il était une fois…

Hazie Coogan est la super-camériste de Katherine Kenton, grande star tout en excès. Elle gère la carrière de sa maîtresse jusqu’à ce que débarque un gentleman, Webster Carlton, bien décidé à être indispensable à la diva. Hélas les intentions de ce monsieur sont loin d’être louables, et Hazie va devoir batailler ferme pour sauver « Miss Kathie ».

Critique de Tell all

Le scénario a l’air génial, du moins l’idée, comme d’habitude chez Chuck. Hélas Le Tigre n’a pas pu dépasser le premier tiers. Première fois. Le texte est nerveux, comme toujours, avec un je-ne-sais-quoi qui fait lentement monter la pression, hélas cela n’a pas suffit.

Les excuses que je vais formuler ne sont pas pour me dédouaner, seulement expliquer comment j’ai pu si rapidement lâcher pied : dans ce roman Chuck P. semble avoir tenté un exercice de style tout à fait original, sans doute trop pour mon niveau d’Anglais. En sus, utilisation excessive du name dropping, histoire qui part dans tous les sens, un vocabulaire / style qui parfois m’échappent.

Ce sera sans aucun doute le premier roman qui sera résumé deux fois : l’original ici, et la version française qui arrivera.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

C’est assez rare mais n’ayant pu finir le pourtant très court roman, les thèmes exceptionnellement ne seront qu’un : le style de Palahniuk, qui ici atteint ses limites.

De très bons auteurs pondent de temps à autre des romans qui seront proprement illisibles pour le francophone de base que je suis. Ces idiotismes qui font la langue anglaise et que Chuck parvient à si magnifiquement utiliser, avec ses phrases nominales (certaines répétitives, ça rend très bien) sans compter la cadence rythmique des marques. Et bien ici ça m’est copieusement passé au-dessus de la tête.

C’est d’autant plus surprenant qu’avec cet auteur il m’était autrefois arrivé exactement l’inverse : Pygmy, œuvre à se taper sur les cuisses, je l’ai commencée en Français. Impossible de continuer, la traduction du langage « petit nègre » du protagoniste faisait très mal aux yeux. Et comme le roman est raconté de son point de vue, je vous laisse imaginer la frustration. Alors qu’en Anglais, c’est passé comme une lettre à la poste. Avec les honneurs. La magie de la traduction.

…à rapprocher de :

– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.

– Il faut absolument lire les autres Palahniuk, abondamment résumés dans ce blog (Pygmy, par exemple, mais en anglais).

Diary, spécialement (Journal intime en français), sur une femme à poigne qui tient un rôle plus qu’important. Même auteur encore.

– Sinon, toujours chez les Anglo-saxons, Stone Baby de Joolz Denby est pas mal, avec une femme (encore) victime de l’amour d’un fou furieux (et ses amis qui tentent de l’aider).

Pour finir, si votre librairie est fermée et que vous tenez absolument à vous le procurer, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.