Gerry Alanguilan - ElmerVO : idem. Scénario original et fantastique, Le Tigre a bu du petit lait : les poulets ayant accédé à la conscience, l’Humanité s’est enrichie d’une nouvelle espèce. Intelligent et émouvant, ce roman assez court vaut largement le coup d’être lu. Dessin classique et vocabulaire parfois amusant, les thèmes abordés le sont évidemment un peu moins.

Il était une fois…

En 1979, les poules et coqs du monde entier sont devenus conscients et ensuite admis au sein de l’espèce humaine. 2003, Jake est contrarié : chômeur, père malade, frère star mondiale, sœur en passe d’épouser un humain. A la mort de son père Elmer, notre héros (qui est un coq au fait, je ne vous l’avais pas dit ?) va découvrir le journal de celui-ci, et découvrir comment la première génération de poulets conscients s’est débrouillée.

Critique d’Elmer

Ne jamais entrer dans une librairie dédiée aux BD sans savoir quoi acheter. On vous refilera sûrement un roman graphique. Sur ce coup j’ai eu de la veine, bien conseillé Le Tigre est tombé sur une petite pépite : ambitieux et réussi, Elmer a tout pour plaire. Un grand bravo à Gerry Alanguilan, auteur étranger qui a pris un gros risque en créant seul une telle œuvre.

En suivant un des représentants des nouveaux coqs et poules intelligents grâce à son journal intime, c’est toute un nouvelle ère que le lecteur va suivre, une période de transition intense : prise de conscience, évolution juridique, changements progressifs de mentalité, inimités résiduelles, rien n’est vraiment laissé de côté. Et raconté naturellement, sans pathos excessif.

En outre, nous découvrirons Jake Gallo, protagoniste principal un peu looser et caractériel sur les bords. Les écrits de son père l’assagiront pas mal à mesure qu’il découvrira ce qu’Elmer a pu subir. Le tout en moins de 200 pages assez denses au demeurant, superbe.

En guise de conclusion, j’ai été agréablement transporté dans cette histoire hors du commun qui ne laissera personne indifférent. Noir et blanc, dessin réaliste, régulier avec des lignes claires et droites, c’est tout ce que j’aime. Quelques lecteurs pourront néanmoins trouver cela peu fantaisiste et terne, même si le scénar’ l’est indéniablement.

L’auteur a pondu (excusez du jeu de mot très douteux) un bel ouvrage.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La discrimination. La présentation de Jack Gallo est géniale, pour un premier contact avec cette BD on ne saurait faire mieux. Le héros échoue à un entretien d’embauche et met cet échec sur le fait qu’il est un poulet et que la boîte discrimine les siens. Remplacez le poulet par un noir, hop c’est la même chose. D’ailleurs Le Tigre n’a cru voir aucune personne de couleur dans le roman graphique, hasard ?

Bien sûr le thème de la discrimination est bien plus poussé que dans le simple cadre de la recherche d’un boulot, et s’étend au racisme en général. Groupuscules extrémistes des deux côtés, brimades de jeunesse qui forgent le caractère,…l’auteur a pensé à pas mal de choses. La violence entre les minorités ici est reportée sur les animaux.

Les mauvais traitements faits aux animaux. Petit mot d’abord sur l’auteur, Gerry A. Philippin de nationalité, ce qui explique le choix des gallinacées pour son scénario. Pour être souvent allé aux Philippines, faut dire que le coq et ses poulettes sont surreprésentés dans le pays. Au point de se faire réveiller 4 fois chaque matin. Alors mettre en scène ces petites bêtes que le pays a à profusion, ça doit avoir son petit effet.

Les premiers souvenirs de la première génération « consciente » sont terrifiants : vus d’un poulet, il y a un petit arrière goût de camps de concentration. Ce qui explique l’état de la mère de Jake, passablement choquée et sujette à des crises assez proches de ce qu’on appelle le syndrome de guerre post traumatique. Alors imaginez le travail sur soi qu’ont pu effectuer les premiers coqs, le parallèle avec les juifs sortant des camps nazis est délicat à formuler : au moins ce roman graphique permet d’aborder une période sombre de l’Histoire de façon originale.

…à rapprocher de :

– Pour augmenter le rythme, roman à lire en écoutant Elmer Food Beat, rien que pour l’association d’idées.

– Sur les auteurs dits « solo », en version française, Come Prima d’Alfred tient bien la route – attention, jeu de mots.

Maus, d’Art Spiegelman, bien sûr, sur la violence de la WWII avec en guise d’humains des animaux. Un chef d’œuvre.

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Frederik Peeters - Pilules bleuesVO : idem. Roman graphique conseillé par mon dealer littéraire, j’ai eu une petite perle dans mes mains. Écrit en trois mois, intimiste sans être sentimental, la vie d’un couple dont un des membres est atteint du SIDA est parfaitement rendue. Le lecteur découvrira, apprendra et sera touché par cette histoire d’une simplicité désarmante.

Il était une fois…

Le narrateur nous invite à suivre son intimité avec sa nouvelle petite amie, séropositive avec son enfant également infecté par le virus. Première rencontre, découverte du quotidien de cette maladie, relation avec l’enfant, gestion des relations sexuelles, visites chez le docteur et à l’hôpital, tout y est.

Critique de Pilules bleues

Le Tigre l’annonce tout de suite, et ce afin de justifier sa critique, ce n’est pas le genre de livres que j’ai l’habitude de lire. Quelqu’un qui raconte sa vie, à moins que ce soit exceptionnel, pas tout à fait ma came. Sauf ici, où j’ai lu d’une traite cette belle histoire.

La femme aimée de l’auteur est donc en mauvaise condition physique, bien que le SIDA ne se soit pas encore déclaré. Plus que la douleur physique, il y la culpabilité qu’elle ressent quant à l’infection de son fils. Le tout sur fond d’alertes quand une capote pète, de projets d’avenir, voyages où les « pilules bleues » accompagnent la petite famille, séjours de l’enfant à l’hosto,…

Frederik Peeters a donné en un trimestre (trois mois en fait) tout ce qu’il a, et le résultat est plutôt bon. Sujet délicat s’il en est, Peeters n’a basculé ni dans le sensationnalisme, ni le voyeurisme, et encore moins le sentimentalisme. Chapeau l’artiste, d’autant plus qu’il est parvenu à distiller une petite dose d’humour bienvenue. Je pense notamment aux épisodes chez l’excellent docteur, très bons moments de BD.

Rien n’est parfait, loin de là même. Le dessin, d’une part, fait un peu brouillon, voire « sale ». Style de l’auteur, qu’il maîtrise certes, hélas en noir et blanc ce n’est pas optimal. A titre de comparaison, Guy Delile fait dans le même coup de pinceau, et ça rend bien mieux.

D’autre part, sur la fin, il y a un passage des plus abscons avec un mammouth : discussions philosophiques entre le vénérable animal et le protagoniste, j’avoue avoir un peu lâché. On se demande d’où ces planches sortaient. A part ceci, rien à reprocher à Peeters, il a fait du bon boulot. Merci à lui.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour. Amour envers la femme, contre puis avec son affection. C’est un engagement énorme, le narrateur se met en concubinage avec son amie mais également la maladie, omniprésente dans leur couple. Dépasser la pitié, botter le cul quand il le faut de sa compagne, travail d’équilibre permanent. Amour également vis-à-vis du gamin, qui doit progressivement se laisser apprivoiser. Remplacer peu à peu la figure paternelle, être gentil sans permissif, au final la maladie ici ne change pas grand chose.

La gestion de la maladie au quotidien. Les pilules bleues, ce sont les médocs de la trithérapie. En plus de suivre deux personnes dans leur vie de tous les jours, pas mal de questions légitimes trouvent des esquisses de réponses séduisantes : comment avoir des relations sexuelles, jusqu’où peut-on aller ? A quel point se projeter dans l’avenir ? Mais surtout, comment réagissent les proches (amis, famille) dans les différentes étapes (découverte de la maladie, petit ami,…) ?

…à rapprocher de :

– Jean-Philippe Amar a adapté cette histoire pour la télévision, je vous préviens dès que je la visionne.

– Roman graphique sur une maladie mystérieuse (allégorie du SIDA même), il y a Black Hole de Charles Burns. Magnifique. Voilà.

– Sur le VIH, il y a le très bon essai de Michel Kazatckine, La consultation du soir.

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Adam Roberts - GradisilVO : idem. Roman intéressant sans être décoiffant. Gradisil, femme au nom tout nordique, est à l’origine de la création d’une nation particulière, sur fond de tensions entre l’UE (enfin une vraie fédération) et les EUA. En plus du roman de hard science qui est livré, c’est toute la construction politique et diplomatique d’un État pas comme les autres qui est abordée, même si c’est parfois très manichéen.

Il était une fois…

De 2060 à 2150 environ, trois générations de femmes vont irrémédiablement bousculer le paysage mondial. Si au début avoir son habitat dans l’espace était considéré comme un caprice de milliardaire, très vite le nombre de personnes dans les cieux a exacerbé le « vide » juridique et fiscal de ce nouvel État en suspension. Quand les grandes puissances s’en mêlent, la marche vers la reconnaissance sera plus dure que prévu.

Critique de Gradisil

Le Tigre a assez peu de souvenirs au final de ce roman. Sur près de 800 pages il y a eu des passages sublimes (une personne qui tombe dans l’atmosphère depuis l’espace notamment) comme des pages et des pages sans grand intérêt qui passeront vite à la trappe de vos neurones.

L’intrigue est belle, crédible et toute en longueur puisque sur 150 ans nous suivrons pas moins de quatre protagonistes acteurs de l’émergence d’une nation. Dans un futur proche, Européens et Américains s’affrontent alors qu’au dessus de leurs têtes des habitats se construisent et échappent à leur contrôle. C’est là que l’auteur a plutôt bien bossé son sujet quand il aborde les conséquences politiques et juridiques de la création d’une sorte d’Islande dans l’espace.

Hélas Adam Charles Roberts fait parfois montre de facilité quand il présente les Américains, très cons et brutaux dans leur approche par rapport aux Européens qui soutiennent la démarche de Gradisil. Un poil stéréotypés nos États-Unis tout en conquête, l’auteur n’avait pas besoin de ces démonstrations de « busheries » pour que le lecteur comprenne la géopolitique des acteurs.

En revanche, la psyché, les sentiments de ces individus sont magnifiquement décrits, sans pathos excessif, en particulier un homme qui malgré lui va trahir la femme qu’il aime ou encore un viol en apesanteur. L’idée de suivre des générations d’une même famille est bien exploitée, on sent qu’on a affaire à une lignée d’exception, entièrement à l’image de l’aventure qui se déroule sous nos yeux.

Pour conclure, ouvrage excellent en particulier pour le juriste en droit de l’espace ou qui est curieux de voir comment on traite ces problèmes de « néant législatif ». Si la longueur de l’œuvre peut paraître excessive, c’est oublier le réalisme sans faille de l’auteur qui créer pour nous une nation en l’espace d’un siècle et demi.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le nationalisme et ses variantes. Outre les EUA toujours aussi belliqueux ou l’UE un peu plus « soft power », Adam Roberts nous invite à réfléchir sur la définition de nation « spatiale ». Tout d’abord ce sont des gens voulant être tranquilles et échapper à l’impôt de leur pays, ensuite une certaine solidarité naît entre eux. Gradisil, au final, propose de subsituer à la patrie la « matrie », penchant féminin et plus doux d’un pays.

Du coup, le roman tourne à l’anticipation politique : le matriotisme, c’est l’espace commun référence de ces pionniers qui ne sont pas attachés à une propriété car indéfinissable dans l’espace. Espace d’accueil et de liberté avec des droits et devoirs allégés. Un peu comme l’UE de Gradisil, fédération dont on aurait souhaité en savoir plus. Comme le lecteur aurait aimé savoir ce que penses les autres continents, ce qu’est devenue l’Asie, l’Amérique du Sud,… Comme s’ils n’existaient pas.

La guerre spatiale. Dès que les hostilités sont déclarés entre les habitats spatiaux et les EUA, place à la pratique. Les Américains souhaitent capturer Gradisil, cette dernière se cachant dans les différents habitats en changeant régulièrement de lieu. Ça vire vite au cauchemar des deux côtés : approvisionnements délicats et fatigue extrême d’un bord ; impossibilité de contrôler l’immense espace ou de chercher une personne très mobile de l’autre bord. Pas de conflit façon Moonraker avec Roger Moore, juste quelque chose de long et fastidieux.

…à rapprocher de :

– Sur une aventure spatiale racontée sur le (très) long terme, avec plusieurs générations qui se suivent, découvrons ensemble La guerre éternelle, de Joe Haldeman.

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Alastair Reynolds - La Cité du GouffreVO : Chasm City. Deuxième opus du sublime Cycle des inhibiteurs, voici un ouvrage plus qu’original articulé en deux parties. D’une part un thriller de bonne facture en pleine ville couleurs cyberpunk, d’autre part un récit haletant sur le premier voyage spatial à objectif de colonisation. Le tout qui se télescope à la fin dans une avalanche de surprises.

Il était une fois…

Tanner Mirabel doit tuer Reivich, individu inquiétant qui a assassiné son ancien patron et se planque sur Sky Edge, berceau de la colonisation de l’espace. La quête se poursuit dans la Cité du Gouffre où sévit une terrible maladie et dont les habitants s’amusent à changer d’apparences comme de chaussettes. Et comme si ça n’était pas assez difficile, Tanner a contracté un virus qui lui donne des crises au cours desquelles il revit des épisodes, vieux de quatre siècles, du premier voyage de colonisation de l’espèce humaine. Tous en piste !

Critique de La Cité du Gouffre

Deuxième du Cycle des inhibiteurs, sans lesdits inhibiteurs. C’est pour cela que ce roman peut être lu en dehors du cycle, comme un one-shot pour tout lecteur désireux de découvrir du vrai space opera mâtiné de hard science.

Les deux histoires sont très prenantes, surtout celle sur les sept vaisseaux en route pour une lointaine planète. On suit le personnage de Sky Haussmann, grand malade qui fait l’objet d’une religion et a été déterminant dans l’histoire de ce système de planètes. Quant à la poursuite de Reivich, les péripéties de Tanner sont grandioses et dangereuses, hélas de temps à autre Le Tigre a eu du mal à se représenter la scène, par exemple lorsqu’il y a une explosion nucléaire à la base d’un ascenseur spatial et que la déflagration atteint notre héros.

Roman à part puisque les inhibiteurs ne font pas d’apparition trop remarquée, l’Humanité fait face à un autre danger, à savoir la « pourriture fondante » déjà présente dans le premier tome de la saga. Terrible maladie en progression constante, ce fléau a transformé la Cité du gouffre pour en faire une ville gothico-glauque (les nano robots chargés de l’architecture générale étant touchés) peuplée par des individus affolés soit déconnectés de toute bio-technologie soit évoluant dans des caissons hermétiques – on se protège comme on peut.

On peut reprocher à Mister Reynolds d’avoir pris deux récits assez indépendants et à les avoir raccordé à tout prix dans ce grand ouvrage, ce que l’auteur a d’ailleurs reconnu. Un roman à part sur l’histoire de Sky Haussmann aurait été parfait, d’autant plus qu’il y avait de la matière à exploiter. Toutefois il a été préféré de faire un gros pavé (comme souvent concernant Reynolds), tout en gérant finement les liens entre les deux scénarios, notamment sur la fin qui en laissera plus d’un admirateur.

Bref, à acheter les yeux fermés tellement c’est beau, et ce malgré les imperfections qui ne se discernent plus lorsqu’on est happé par l’histoire. Tellement grandiose et épique que c’est juste impossible d’adapter une telle œuvre en film.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La colonisation de l’espace. Les « épisodes Haussmann » liés au virus sont des passages que Le Tigre a adorés. On y retrouve sept vaisseaux (dont un huitième caché d’ailleurs) en route pour une lointaine planète à coloniser. Envoyés par une fédération qui au cours du trajet est dissoute, je vous laisse imaginer les luttes politiques présentes chez nos colons (sans compter les mises à jour foireuses des systèmes provenant de la Terre). En suivant Sky, depuis qu’il est tout petit jusqu’à l’arrivée à bon port, c’est toute une saga que le lecteur découvrira, avec les références scientifiques crédibles et surtout la personnalité torturée des protagonistes.

La noirceur de l’être humain. Tanner Mirabel, Reivich, et avant tout Haussmann sont des êtres sans pitié. Sans spoiler, disons que la poursuite de l’homme qui a tué le patron de Mirabel réserve une surprise de taille assez terrible. Quant à Sky Haussmann, son statut spécial dans le vaisseau et la solitude de son enfance ne justifient pas les atrocités qu’il commet pour être le premier à débarquer sur la planète. On aimerait pas se frotter à eux en tout cas, et ce malgré les tentatives de rédemption qu’ils tentent de mettre en œuvre. Même les dauphins du vaisseau sont psychopathes, c’est dire.

En plus des humains « borderline », les extra-terrestres (du moins l’extra-terrestre) ne sont pas en reste. Et lorsqu’un protagoniste découvre un représentant d’une espèce seule et très âgée, le lecteur découvrira avec effroi ce que ça peut faire de se trimbaler seul dans l’espace en quête de compagnie. Hélas, l’utilité de ce mystérieux personnage semble bien tirée par les cheveux à la fin du roman.

La démarchie. Sous ce mot un peu barbare se cache une magnifique idée de système politique, entre la démocratie et l’anarchie. Pas de gouvernement à proprement parler, grâce à la technologie les décisions politiques se prennent rapidement (et plus efficacement d’ailleurs) : imaginez les citoyens qui ont des nanorobots dans le cerveau et pour une question d’ordre politique donnent leurs réponses centralisées par un ordinateur qui détermine ainsi la marche à suivre. L’exercice de la politique par des mini référendums incessants, voilà qui laisse rêveur.

…à rapprocher de :

– Même si ça peut se lire seul, commencez par L’espace de la révélation histoire d’être parfaitement au point sur l’univers de Reynolds. Puis continuez avec L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution.

– Pour en savoir un peu plus sur cet imposant arc narratif, les recueils de nouvelles Galactic North et Diamond Dogs, Turquoise Days sont tout indiqués.

– Une autre saga, intitulée les Enfants de Poseidon, n’est pas mal non plus : Blue Remembered Earth, On the Steel Breeze, etc.

The Prefect, du même auteur, s’attache à décrire le monde des policiers chargés de contrôler la fiabilité des logiciels de vote démarchistes. Un réel plaisir, mais en anglais.

Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Alastair Reynolds - L'espace de la révélationVO : Space revelation. Lu en 2005, sur conseil d’un ami libraire, Le jeune Tigre a pris sa première claque de SF. 900 pages lues en une nuit, et achat des suites le lendemain. Space opera, cyberpunk, hard science, SF militaire, la crédibilité de l’univers de Reynolds rend ce roman addictif. Une bouffée d’air littéraire avec un suspense assez bien dosé.

Il était une fois…

Resurgam, planète très éloignée, 26ème siècle : Sylvestre et son équipe découvrent les restes d’une civilisation extra-terrestre qui semble s’être éteinte, du moins enfuie à cause d’un terrible évènement. Parallèlement, un vaisseau humain se dirige vers Resurgam pour récupérer Sylvestre, seul capable (par le biais de son père) de soigner le capitaine du vaisseau atteint d’une maladie mi-organique mi-virus informatique. Mais les habitants du vaisseau ont des intentions cachées, certaines pouvant amener à l’extinction de l’Humanité. Pas moins.

Critique de L’espace de la révélation

Il s’agit, à mon sens, du genre de romans qui vous fait aimer la SF, avec La cité du gouffre ou Peter F. Hamilton. Alors soit on accroche très vite, après 100 pages on ne peut plus s’arrêter, soit le nombre de protagonistes présentés (pas moins de trois) vous fait lâcher le fil du récit, d’autant plus que le style d’écriture est loin d’être parfait.

Petit mot sur le père Reynolds : astrophysicien, universitaire, employé à l’ESA, il sait de quoi il parle et les bases technologiques de sa grande odyssée sont à la fois compréhensibles et crédibles. Par exemple, exit la vitesse de la lumière, les vaisseaux mettent des dizaines d’années pour arriver à un endroit, d’où la cryogénisation. Quand une femme est séparée par erreur de son mari, ils ne pourront plus jamais se voir sans avoir une bonne génération d’écart.

L’histoire est complexe, avec pas mal de personnages, mais qui interagissent assez rapidement entre eux. La maîtrise du suspense est correcte, ce sont avant tout les idées de Reynolds qui m’ont « foudroyé » tellement c’était bien trouvé : pourquoi le Voleur de soleil tente absolument d’empêcher l’avancée des héros, qu’y a-t-il derrière le voile de Lascaille, qu’est-ce que cette peste qui sévit dans le Gobe-lunem ? Wikipedia peut y répondre, toutefois c’est bien meilleur de le découvrir soi-même.

A titre d’exemple, un passage est délicieux : une femme veut absolument récupérer quelqu’un, et, pour menacer la planète où il se trouve, détruit un de ses campements éloignés (pour monter qu’elle est sérieuse). Grande panique, on cède, etc. Deux heures après le départ de la kidnappeuse, les spécialistes locaux s’aperçoivent que le système informatique planétaire a été piraté (je vous laisse deviner par qui) : un campement a été créé numériquement (comprenez ex nihilo), avec en son sein des personnes qui n’ont en fait jamais existé. Malin.

Bien sûr ce roman reste imparfait : le style est encore « jeune » et n’est pas d’une fluidité à toute épreuve. La longueur parfois mal dosée : des descriptions peuvent paraître longues (sauf si comme moi vous êtes captivés), les ultimes réponses un peu tardives et le chapitrage mal conçu. Pour ma part, ce sont les 100 dernières pages de révélations finales qui m’ont échappé, disons que ça devenait trop compliqué et « jeté » pour que j’apprécie l’exipit à sa juste valeur.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le transhumanisme. Ce qui surprend au début, et est finalement logique eu égard les distances traitées dans le bouquin, c’est la foultitude de factions humaines qui n’ont plus vraiment grand chose en commun. Reynolds nous fait plaisir et présente une humanité décomplexée, avec des individus qui poussent l’amélioration de leur corps à des niveaux que je n’osais même imaginer. Les ultras et leurs capacités décuplées, l’interaction homme / machines,…ça donne envie d’y être. Quant aux conjoineurs, on en saura plus sur eux dans les opus suivants.

L’amélioration de l’espèce prend une tournure extrême par la famille Sylvestre, notamment le papa et ses expériences fondamentales. L’idée est de « transférer » l’esprit d’une personne dans un ordinateur quantique, et éventuellement pouvoir le réinstaller dans un autre corps. Si les versions bêta sont un peu bancales, force est de constater que celle de Calvain a un peu plus de gueule.

Le grand « space opera ». A savoir les espaces immenses, les vaisseaux (les fameux gobe lunem) impressionnants, des méchants qui font froid dans le dos, des enjeux phénoménaux,… Par rapport à un petit polar, Alastair Reynolds nous fait prendre de l’envergure. On se prend à regarder le potentiel de l’Humanité avec optimisme, une telle diversité faisant rêver. Alors le lecteur peut trouver que les personnages ne sont pas très approfondis, semblent froids et distants, mais quand on voit leur environnement et ce qui pèse sur leur épaule, n’importe qui virerait sociopathe à ce stade.

D’autres thèmes me passent à l’esprit, vous en retrouverez certains en lisant les résumés des autres romans du Cycle des inhibiteurs. Surtout que parler de ces inhibiteurs, c’est un peu spoiler.

…à rapprocher de :

– Si on accroche, on poursuit par La Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution.

– Pour en savoir un peu plus sur cet imposant arc narratif, les recueils de nouvelles Galactic North et Diamond Dogs, Turquoise Days sont tout indiqués.

– Une autre saga, intitulée les Enfants de Poseidon, n’est pas mal non plus : Blue Remembered Earth, On the Steel Breeze, etc.

Janus, du même auteur, est dans la même veine : ébouriffant et long. Le Tigre a lu ce titre en anglais, qui répond au doux titre de Pushing Ice.

Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.

– Pour le space opera plein de bonnes idées, prenez Dragon déchu de Peter F. Hamilton. Et puis ce n’est pas une saga, il n’y a qu’un tome !

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Nicolas Fargues - J'étais derrière toiSecond (et donc dernier) roman de Fargues que Le Tigre a envie de résumer. Comme pour l’autre, c’est long, néo dépressif et sans fantaisie. Toutefois l’auteur parvient à capter le ressenti d’une séparation amère et à la restituer sous une jolie forme. Encore une fois, heureusement que le maximum syndical de 250 pages pour ce type d’ouvrages n’est pas dépassé.

Il était une fois…

Le narrateur, la trentaine, voit se terminer une relation sentimentale. Séparation difficile, mais au cours d’un dîner en famille une belle inconnue lui laisse un mot. Ce mot, c’est le titre d’ailleurs. Entre nouvelle rencontre et souvenirs de sa dernière petite amie, l’esprit est soumis à des sensations très contradictoire.

Critique de J’étais derrière toi

Tiens, pour une fois, je vais d’abord consciencieusement descendre ce bouquin, puis donner les quelques bons points qu’il mérite. Comme ma prof de mathématiques de prépa.

L’histoire est triviale, à savoir un mec qui ressasse (et se fait mal) ce qui a cloché dans son ancienne relation, tout en entamant de manière assez poussive une autre. Tout ce bouquin à partir d’un petit mot doux laissé dans un restaurant en Italie, il fallait le faire.

Sans surprise de la part de notre petit Nicolas (d’accord elle était facile), le style est long et lourd. Synonymes de partout, phrases alambiquées au service d’un vide narratif, ton du narrateur tout en morosité, faut pas lire ce truc un soir d’hiver seul dans son pieu.

Les bons points : d’une part ça se lit fort vite. A peine le temps de se dire qu’on va s’ennuyer ferme. D’autre part, Fargues arrive à parler d’amour de manière très (trop dirais-je) crédible. Pour n’importe quel lecteur qui a vécu un amour contrarié, J’étais derrière toi ravivera de douloureux souvenirs chez n’importe qui. Aveuglement, concessions en tout genre pour garder l’être qui fait surtout souffrir, etc.

Ma conclusion, il ne faut pas la prendre mal : même si le narrateur est un homme, c’est décidément écrit à l’attention de ces dames. Le Tigre ne peut hélas en aucun cas être compris dans le « cluster » marketing pour lequel ce livre a été écrit. C’est pour ça que la critique globale reste positive. Dont acte.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’amour, encore l’amouuur…mais vu côté face. On ne met pas longtemps à s’apercevoir que l’ex concubine du narrateur est sans pitié, et a décidé de faire cher payer le premier « cocufiage ». En plus d’en faire autant, la jeune femme maintient une pression inouï sur le héros. Ce dernier me fait d’ailleurs penser à un otage victime du syndrome de Stockholm. Quand les excès de l’amour amènent à une intense violence psychologique, il est grand temps de tailler sa route seul.

Tailleur seul sa route, le narrateur semble trop désespéré pour y penser. Et c’est un autre gros défaut de ce roman. Le mec subit, incapable de se sortir les doigts du cul et avoir une réaction un peu digne. C’en est frustrant. On comprend que l’amour rende aveugle, mais se plaindre sans cesse sans se bouger, c’est à la limite du masochisme. Ça tombait bien pourtant, son ex avait tout de la sadique.

…à rapprocher de :

– Un autre roman de Fargues, One Man Show, ne mérite pas d’être lu. Est puni.

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Laurent Scalese - Le samouraï qui pleureLe Tigre, toujours porté sur la culture asiatique, a lu d’un œil avide ce roman japonisant écrit par un Français. Facile à lire, rythme correct, histoire intéressante quoique parfois invraisemblable, c’est passable. Sans plus. Thriller avec des nombreuses références culturelles sur le pays, il faut néanmoins déplorer le manque d’envergure du récit.

Il était une fois…

Un Japonais et toute sa petite famille sont retrouvés morts à Paris, et leurs corps ont subi des outrages assez glauques. Meurtres ou suicides, c’est au lieutenant Sagane de le découvrir. Doté d’une bonne dose d’intuition, et avec l’aide d’une « connaisseuse » en civilisation japonaise, notre flic va entrer dans un monde qu’il n’imaginait pas un seul instant.

Critique du Samouraï qui pleure

Je l’annonce, ce n’est pas de la littérature d’orfèvre qui se lit le petit doigt en l’air avec le bourbon de papa à ses côtés. Plutôt le bouquin qui se lit dans le métro / tram puisque le temps de lecture d’un chapitre correspond à la durée du trajet entre deux stations. Malgré 400 pages affichées au compteur vous vous surprendrez à finir plus tôt que prévu cet ouvrage.

D’une part l’histoire est assez basique (enquête à la française) et menée à un rythme plutôt soutenu. Les intrigues et révélations ne dépotent pas plus que ça néanmoins. D’autre part, vous ne verrez pas passer le temps car : en supprimant les espaces et pages vides entre les chapitres on arrive à 300 pages ; les explications sur la culture japonaise (et sa partie plus « underground ») raviront le lecteur inculte comme le plus mélomane qui fera sa mise à jour annuelle.

Quant aux protagonistes, il y a de quoi écarquiller les yeux en mode « what the f*** ? ». En effet ceux-ci semblent est un peu trop caricaturé pour les délicates pupilles du Tigre : flic qui fonctionne à l’instinct un peu briscard, méchants nippons échappés tout droit d’un Sanctuary (le manga hein), délicate érudite forcément mignonne, ça manque d’originalité.

Vous l’aurez compris, c’est le genre d’œuvres à lire rapidement entre deux activités, mais surtout à offrir à un adulescent (entre 15 et 25 piges, pas après). Lecteur exigeant, passe ton chemin sauf si petit faible envers le Japon.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le monde très souterrain de la mafia japonaise est ici largement abordé, et surtout bien expliqué. Au-delà des us et coutumes japonais, l’auteur met la main dans le cambouis de la grande criminalité nippone. Assez fort de la part d’un auteur français dont la biographie n’indique en rien une quelconque connaissance en la matière (à moins que je me trompe), Scalese a du compulser pas mal de documentation et l’a bien restituée dans son roman.

Le polar à la française mâtiné d’ingrédients anglo-saxons. Le héros, certains autres personnages, c’en est presque too much tellement ceux-ci semblent parfois caricaturaux. L’environnement reste très hexagonal néanmoins c’est sur le style que l’écrivain se démarque : nerveux, chapitres très courts, suspense bien dosé, le lecteur n’est pas loin d’un thriller à la James Patterson. Idéal pour le lecteur qui n’aime pas lire trop longtemps d’affilée.

…à rapprocher de :

– Sur une approche de l’espace japonais certes plus « artistique » mais avec de l’action, lire Un été japonais de Romain Slocombe s’impose.

– Sur la mafia japonaise, vous pouvez vous référer aux nombreux essais en la matière (notamment Yakuza : Japan’s criminal underworld de David E. Kaplan), et même lire l’essai plus ou moins biographique Confessions of a Yakuza de Junichi Saga.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Nicolas Fargues - One Man ShowNe vous fiez pas au titre, encore moins au 4ème de couv’. Sous couvert d’un personnage de fiction, cela ressemble bel et bien à une sorte d’autobiographie que nous « offre » l’auteur. Style très français, entendre déprimant et passablement ennuyeux, ce roman s’attache à démonter le petit monde littéraire français (et américain de surcroît) en le présentant sous sa pire lumière. Bof.

Il était une fois…

Plusieurs fois étant parfois coutume, Le Tigre va copier-coller le quatrième de couverture. La flemme a ses raisons que la raison accepte volontiers.

« Bonjour. Je ne voudrais pas me vanter mais si la lâcheté masculine, le petit monde de la télévision française et l’Amérique du Nord vous intéressent, ce roman devrait vous plaire. Je vous le dis avec d’autant plus de simplicité que, de même que le héros ne cherche pas jouer les héros dans ce livre, je n’ai pas cherché, moi, en l’écrivant, à y faire de la littérature. »

Critique de One Man Show

Zéro envergure, zéro fantaisie, je ne sais même pas pourquoi je résume One Man Show. Sûrement pour remplir des mots clés que je trouve bien orphelins, ou montrer qu’il arrive au mighty Tiger de s’égarer dans un magasin de gare et acheter, dans l’urgence, une tête de gondole pas trop chère.

Ce bouquin est pour Le Tigre l’archétype du nombrilisme littéraire dans toute sa splendeur. Faussement ironique et long, avec un héros lâche et au final égocentrique, à part les personnes du show-biz et leurs groupies je ne vois pas qui apprécierait de lire ça. Peut-être par rapport au style de l’auteur, hélas ce n’est pas ma came : digressions de partout, phrases dont on se demande si celles-ci se termineront un jour, longueurs de descriptions non nécessaires, à un moment on se surprend à vouloir arriver à la dernière page.

Comme le dit si bien Fargues, il ne cherche pas à « faire de la littérature ». Ouf, nous voilà sauvés. Hélas cette « œuvre » semble être bien passée auprès des lecteurs, j’en déduis que que je n’ai guère compris le but de cet exercice littéraire et mal apprécié le roman à sa juste valeur.

Si ça vous dit, allez le lire, mais honnêtement pour moins de 300 pages il y a plus folichon dans n’importe quelle librairie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le microcosme littéraire, germanopratin de surcroît. Pour Le Tigre, germanopratin tend à se rapprocher de germanogratin, voire germanocrétin. Nicolas Fargues, en connaisseur averti, a certes réussi à présenter, de manière parfois amusante (corrosive plutôt), ce monde fait de jeunes arrivistes, de vieux beaux tirés de partout où copinage se lie avec coups bas. Rien qu’on n’ignorât (j’aimerais avoir un avis sur le grammaticalement correct de ce verbe).

L’auto fiction, jusqu’à se déboiter la mâchoire d’ennui. Tout est dit.

Vous l’aurez sans doute saisi, Le Tigre ne veut pas produire plus d’efforts pour commenter ce truc que Nicolas F. en a fourni pour le pondre. 500 mots, cahier des charges rempli. Non sans peine.

…à rapprocher de :

– Je n’ai (pour l’instant) résumé que deux Fargues, l’autre en question étant J’étais derrière toi. Moins pire.

– Dans le style « je-me-fous-de-la-gueule-de-mon-milieu-mais-je-me-suis-bien-goinfré-avant », applaudissons tous Beigbeder (le jeunot de la famille, celui qui écrit). Au moins c’est un peu plus déjanté et politiquement incorrect.

– Du roman bien français, mais mieux écrit et avec plus de fantaisie, préférons tous ensemble les bouquins de la famille Jardin, notamment Alexandre. Quelques titres ici et là, en vrac : Le Zubial ou Les coloriés.

Enfin, si votre librairie est fermée et que se procurer cette chose est une question de vie de mort, vous pouvez la trouver via Amazon ici.

David Gates - JerniganVO : idem. Lecture de vacances, Jernigan a constitué un très agréable moment. Quelques mois dans la vie d’un Américain plus que moyen, les 350 pages se lisent assez vite non sans quelques longueurs. Médiocrité ambiante, difficultés de compréhension entre les protagonistes, ce n’est pas la joie mais ce n’est pas déprimant non plus. Merci à l’humour de l’auteur.

Il était une fois…

Fin des années 80, un 4 juillet : la bourse new-yorkaise est morose, la femme de Jernigan s’est tuée. Depuis, Jernigan vivote dans son emploi peu stimulant et s’apprête à s’installer chez sa nouvelle petite amie, qui est également la mère de la copine de son fils. Situation malsaine, d’autant plus que quelques secrets restent bien cachés chez sa nouvelle amie. Le héros va-t-il pouvoir sortir d’une spirale infernale faite d’alcools, de loose en tout genre et d’incompréhension généralisée ?

Critique de Jernigan

Très bon roman, pas exceptionnel certes mais qui laisse à réfléchir. Pour une fois, la fiction pure, sans fantaisie ni violence (encore que…) est très bien passée à mes yeux. En décortiquant une période charnière (nouvelle amie, chômage) de la vie d’un Américain assez moyen, Gates est parvenu à rendre son personnage attachant non sans humour.

Jernigan (Le Tigre parle du personnage), c’est un peu la personnification de l’Amérique en pleine déconfiture. Alcoolisme plus du tout mondain ; être avachi devant sa télé en regardant des conneries ; sauter la première femme consentante qui passe, s’installer avec et le regretter amèrement ; ne pas savoir s’y prendre avec son gosse (déjà adolescent) ; être souvent plus heureux dans sa voiture que chez soi,…

Maladresse, mots piteusement choisis pour s’exprimer, chômage plus ou moins assumé, le héros n’en est pas vraiment un, vous l’aurez compris. Si en sus vous le mettez en relation avec une famille (mère et fille) que je qualifierai de catastrophique, c’est normal que ça parte rapidement dans tous les sens et que ça finisse dans une institution médicale.

Let’s talk about the style. David Gates a un certain talent, et parvient à nous mettre rapidement dans le bain. Le narrateur, c’est le héros, qui dispose d’une bonne dose d’auto-dérision et de comique de situation (qu’il imagine le plus souvent). Très sympathique du coup, même si quelques digressions de Jernigan sont pesantes, en plus de perdre chronologiquement le lecteur. Chapitres assez longs mais bien découpés, on n’a pas l’impression d’avoir lu 350 pages denses.

Ainsi, bon petit livre pour celui intéressé par la vie américaine sous l’ère Reagan et qui est écœuré par la prose et histoires invraisemblables d’un Bret Easton Ellis. Ah oui, faut mieux l’acheter en format poche, contrairement à ce que j’ai fait.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La décadence à l’américaine. Jernigan, c’est aussi la présentation de deux familles mal dans leurs peaux : le père qui a bien du mal à communiquer avec le fiston, mais surtout la fille et la mère qui sont de sacrés cas. Archétype de la jeune fragile médicamentée (ancienne droguée), check. Mère adepte du « survival », ancienne femme battue et sélectionnant de manière très douteuse ses partenaires, double check. Les gens croisés dans le roman ont une utilité sociale proche de zéro, à part peut être le meilleur ami du héros.

Le « gap » générationnel. Édifiant. Jernigan incapable de trouver les mots et bien s’intéresser aux lubies musicales de son fils. Celui-ci acoquiné à une fille un peu barge sans que le père ne puisse comprendre pourquoi. Le héros qui se fait avoir par un ami de son fiston. Mère et fille dont on ne sait si elles parlent entre elles. Ne vous inquiétez pas, entre adultes ce n’est pas forcément mieux. Dans toute ce fatras, personne ne semble en outre y mettre du sien.

L’alcoolisme du protagoniste semble être la pierre angulaire du récit. Pas un chapitre ne se passe sans que le héros s’envoie de sévères lampées de gin derrière la cravate. Prendre la voiture dans un piteux état ne l’inquiète pas, pas plus que se torcher consciencieusement quand il est sûr que ça se verrait. Les signes de l’alcoolique sont légion : planquer quelques bouteilles ici et là, boire en cachette, se souvenir plus ou moins de son état de la veille, bref le personnage est bien mal parti. Et se console plus ou moins en regardant ses aïeux, qui avaient les mêmes soucis de ce côté (sans compter feue sa femme).

…à rapprocher de :

– John Updike sait très bien aussi capter les misères de ses contemporains, par exemple dans Terroriste.

– Le midwest, les personnages tristement réalistes, c’est un peu l’Amérique de Joe R. Lansdale, mais avec moins d’humour. Quoique… (contre-exemple en lien)

– Jernigan m’a vraiment fait penser à une version digeste et réaliste d’un Bret Easton Ellis, ce dernier paraissant ne s’occuper que de la jeunesse dorée.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche).

Susan Abulhawa - Les matins de JénineVO : Mornings in Jenin. Lorsqu’on m’offre un roman grand format qui parle d’un sujet ô combien délicat, la moindre des choses est de le lire dans l’instant afin de livrer rapidement mon opinion. Histoire fort intéressante sur la formation d’Israël et ses terribles conséquences pour deux peuples, je n’ai toutefois pu finir l’ouvrage qui m’a trop vite lassé. A relire jusqu’au bout sans aucun doute.

Il était une fois…

Hassan et Dalia, Palestiniens vivant des olives qu’ils récoltent, subissent en 1948 l’impensable : leur deuxième enfant est enlevé par un couple d’Israéliens désireux d’avoir une progéniture. Le lecteur suivra trois générations, de la famille palestinienne spoliée au fiston (dénommé David du coup) arabe sans le savoir, en passant par la sœur qui a préféré s’établir aux États-Unis.

Critique de Les matins de Jénine

Susan A. a écrit quelque chose dont elle voulait visiblement parler, et eu égard aux récompenses reçues pour son premier livre, elle s’est très bien débrouillée.

Le thème, ambitieux, est d’offrir un point de vue inédit sur un conflit qui traîne depuis plus de 60 ans déjà. Pour ce que Le Tigre a lu, le récit avait l’air fort équilibré et abordant pas mal de problématiques : l’expropriation des populations arabes, la crainte des juifs qui s’installent, la perte de savoir-faire sur ces riches terres, le terrorisme,… Pas une seule fois j’ai été mal à l’aise, l’auteur étant d’une « honnêteté » assez rare sur le sujet.

J’ai pu ainsi en apprendre pas mal sur la création d’un État et ses terribles conséquences pour les deux peuples. Toutefois le style n’était pas vraiment à mon goût : poignant, à la limite du mièvre parfois, le mal de cœur n’était jamais loin. Du coup j’ai progressivement décroché au fil des pages pour finir dans une certaine lassitude.

Le résultat, c’est que Le Tigre n’a pu aller au-delà de la 280ème page. Alors soit c’est un thème qui m’est passé au-dessus de la tête, soit ce type de roman-fiction sur une époque mal enseignée à l’école et que je ne maîtrise pas ne créé pas d’échos dans mon cerveau pourtant fécond. Une erreur certes, mais au moins j’abonde dans la catégorie « non terminé ».

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le conflit israélo-palestinien, ici décrit intimement par deux familles que tout oppose au premier abord. Très astucieux de la part de l’auteur, le coup de l’enfant enlevé par deux Israéliens pour rester dans la même famille mais visiter les deux camps. Quelle sera la réaction de l’enfant se croyant juif alors qu’il vient d’une famille arabe et musulmane ? Les deux frères se cherchant, les liens du sang seront-ils plus forts que leurs éducations respectives ? J’en ai aucune idée, n’ayant pas terminé ce roman.

Le style de l’auteur, que Le Tigre a trouvé un peu trop « lourd » à lire, a toutefois le mérite de bien s’accorder avec l’histoire : ce roman historique est également une histoire d’amour, le début du livre regorge de nobles sentiments assez joliment décrits. Lorsqu’on entre dans le vif du sujet, de la violence latente à la violence explosive, le lecteur peut être surpris par le vocabulaire qui ne change pas, toujours aussi compassionnel. Cela permet, entre autres, de désacraliser celle-ci

…à rapprocher de :

– Concernant la fiction historique, Jean Teulé fait plus court et plus marrant, même sur des sujets graves. Certes plus anecdotique, mais tellement facile à lire. Y’en a des tas sur QLTL.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche).

Marc Lambron - Les MenteursMarc Lambron est un auteur que je qualifierais de neutre : ni navets ni chef d’œuvres, même si Les Menteurs est plus proche de la seconde catégorie. Trois personnages évoluant dans les désillusions et changements majeurs des années 80, trois individus que le lecteur va intimement suivre. Si le style est parfois morne et excessivement porté sur la description, ça n’empêchera pas le lecteur de cette génération d’aimer.

Il était une fois…

Karine, Pierre et Claire étaient ensemble au lycée hypokhâgne à Lyon en 1975. Trois adolescents intelligents avec leurs propres caractères mais une envie commune de réussir. Ils se retrouveront dans 30 ans, d’ici là nous suivrons chacun d’entre eux dans ses pérégrinations. Études, jobs, mariages, considérations politiques, rien ne sera épargné au lecteur.

Critique des Menteurs

Le Tigre a plutôt aimé ce roman, un peu plus de 300 pages qui se lisent sans trop de difficultés. Je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps et il m’arrive de lire quelques chapitres ici et là, rien que pour le style de l’auteur.

Le style, parlons en : c’est franchouillard et presque dépressif, sans étincelles de folie. Chiant diront certains. Un peu comme Philippe Djian, la désillusion presque amusante en plus. Car ces menteurs, ce sont tous ces jeunes plein d’espoirs qui ont lâché tous leurs élans de jeunesse pour s’embourgeoiser et au final ressembler à leurs parents.

Le Tigre a placé le mot-clef « documentaire » car Lambron a réussi le pari de décrire avec exactitude toute une génération, celle des années 70 / 80, avec une qualité de descriptions et de tableaux pertinents à souhait. Hélas trop réaliste sans doute, heureusement que cette œuvre n’entre pas dans la catégorie « pavé » sinon on s’ennuierait ferme.

Vous l’aurez compris, ce titre est un peu à la littérature ce que le cinéma français est au 7ème art : quelque chose d’intimiste et tout bonnement « inexportable ». L’étranger désireux de tirer la substantifique moelle des années Mitterrand y trouvera son compte, le Français qui veut retrouver cette période sous un prisme original sera également comblé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La récit quasi autobiographique. Ces fameux menteurs, c’est presque Monsieur Lambron qui raconte sa vie. Puisant au fond de ses souvenirs, le lecteur peut être ébloui par la précision des détails et des lieux que les protagonistes fouleront de leurs pieds (oh c’est joli cette phrase). Vous me direz que tout roman (à part la SF sans doute) est plus ou moins autobiographique, mais dans Les Menteurs, c’est assez flagrant.

Le roman générationnel. Pari risqué pour un auteur de parler exclusivement de ceux qui constituent sa classe d’âge. Le Tigre n’en fait pas partie, et c’est certainement pourquoi je n’ai pas été transporté plus que ça. Alors j’imagine que les quarantenaires (bientôt cinquantenaires) doivent se retrouver dans l’histoire et la prose de Lambron. Au moins l’écrivain est assez talentueux pour plaire à tous, donc pari remporté.

…à rapprocher de :

– Pur roman générationnel et drôle en plus, relisons (ou revoyons, au choix) Fight Club, de Chuck Palahniuk.

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Will Self - Vice-versaVO : Cock and Bull. On m’a dit le plus grand bien de Will Self, commencer par deux nouvelles pas excessivement longues est alors de bon aloi. Et il faut avouer que c’est tellement déplacé et drôle comme ouvrage que Le Tigre ne peut que vous enjoindre à le lire. Au moins pour découvrir le fin du fin de Self, et peut-être s’attaquer à de plus gros morceaux de l’écrivain.

Il était une fois…

Deux nouvelles miroirs, deux textes assez particuliers : d’un côté, Carol, découvre qu’un sexe masculin « pousse » dans son intimité. Est-elle toujours femme, et que va-t-elle en faire ? De l’autre côté, Bull se rend compte qu’un sexe de femme apparaît dans le creux de son genou. A qui en parler ?

Critique de Vice-versa

Le fer de lance de l’anticipation sociale n’a pas été loin de me fait mourir de rire avec ces deux longues nouvelles de très bonne facture. Premier contact avec l’auteur, que je rapproche volontiers d’un Chuck Palahniuk, cet ouvrage est une invitation à acheter tout ce que Self a pu écrire.

Déjà le début de la narration n’est pas commun. Dans un train un homme tient la jambe à son voisin et lui conte deux histoires plus que particulières. Sur la question de savoir qui est cet individu et comment se fait-il qu’il en sache autant sur les protagonistes, Le Tigre vous laisse le découvrir à la fin.

Quant aux deux nouvelles, les mots ne suffisent plus : déplacé, dérangeant, « out of the box » sur la narration, j’ai été soufflé par le culot et l’imagination de l’écrivain. Une femme qui commence à avoir un pénis qui lui pousse près du clitoris, et comment elle s’en servira pour se venger de son très médiocre époux, très fun et vocabulaire délicieux. Mais le mec bien bâti qui a un vagin derrière le genou, en avise son médecin qui n’a pas la réaction appropriée qu’on pourrait attendre, alors là c’en est trop d’un point de vue du comique de situation.

Plus que l’imagination de Self, c’est son vocabulaire d’une rare pertinence qui parvient à créer un microcosme « doux dingue » et le lecteur, après 300 pages à peine, sortira de ces deux textes un peu groggy. Le retour sur terre est difficile, mais quel fabuleux voyage.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’inversion sous toutes ces formes. Vice-versa, c’est un titre fort à propos, avec deux nouvelles qui s’auto référencent et dont les thèmes s’entre-croisent allègrement. L’écrivain mélange les genres, les sentiments, et surtout réussit à explorer l’intimité d’une femme, et puis d’un homme sans qu’on ait une impression de déjà-vu. Maîtrise totale du vocabulaire et du ressenti général des protagonistes, Self (aidé d’un bon traducteur) est un excellent auteur.

Le rire dans la sexualité. Will Self a ici réussi à rendre des situations sexuelles extraordinaires tellement réalistes et comiques qu’on se demanderait si le reste du roman n’est qu’habillage autour de ces descriptions. Une femme qui profite de l’acte pour discrètement pénétrer l’intimité de son mari, un jeune homme ayant une relation toute particulière avec son médecin fétichiste sur les bords, mais où va-t-il chercher tout ça ?

…à rapprocher de :

– Tout Will Self mérite d’être lu, en vrac : No smoking, Mon idée du plaisir, Dr Mukti, , Ainsi vivent les morts (plussss que correct), etc.

– Une autre nouvelle, plus courte mais moins aisée à lire, peut être testée : The Sweet Smell of Psychosis. Toujours en VO, Umbrella est excessivement difficile à suivre. Quant à La théorie quantitative de la démence, deux nouvelles sont excellentes, le reste bof).

– Sur les bizarreries de l’être humain sexué, allons ensemble butiner chez Palahniuk et son excellent Monstres invisibles.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.