VO : idem. Titre aguicheur, grand auteur de la Beat Generation (celle de Kerouac) aux manettes, il y a de quoi attendre de grandes choses. William qui rend compte de la misérable condition de junky s’exprime bien, mais ce n’est pas le pied non plus. Parfois très agréable à lire, souvent long et poussif, mais toujours saisissant.
De quoi parle Junky, et comment ?
Voici le premier roman de William Seward Burroughs, qui à l’époque a fait grand bruit (1953). Cette œuvre, quasiment autobiographique (le héros William Lee ne trompe pas), mérite de figurer dans la noble catégorie des essais. Tigre a toujours une excuse valable en vue de renflouer cette dernière, si vous ne l’avez pas encore compris.
L’auteur / essayiste nous livre quelques mois de son existence en tant que junky. De ses premiers fixes jusqu’à ses épisodes alcoolisés à Mexico, en passant par les menus larcins et essais en vue d’arrêter la came, c’est la goodlife version trip constant. Point d’apologie de la drogue, juste un triste constat de sa déplorable situation où le centre du monde est une seringue bien remplie.
Il n’y a pas que l’héroïne, d’autres substances sont abordées : le hash bien évidemment (il répète qu’on ne peut être accroc avec, mais insiste sur le danger de conduire sous son emprise) ; la cocaïne (même constat, hem…) ; les barbituriques ; mais surtout l’alcool qu’il s’enfile de manière impressionnante (quand il n’est pas sous héro) au risque d’avoir une crise d’urémie. A la fin du titre, l’auteur exprime même le désir de tester le yage (de provenance amazonienne), qui serait l’ultime défonce… S’il était vivant, serait pas déçu aujourd’hui le père Burroughs.
Sur le style, Tigre précise, à toutes fins utiles, qu’il n’y a aucun chapitre, trop peu de sauts de paragraphes. Heureusement que la taille de la police est élevée. Le problème, toutefois, est que l’auteur passe un temps excessif à discourir sur les gens qu’il croise, et franchement le lecteur pourra consulter un médecin pour décrochage intempestif de mâchoire. Cela fait certes très « cour des miracles », toutefois à partir du douzième gus croisé ça fait beaucoup.
En conclusion, si j’avais lu cet ouvrage avant d’en parcourir d’autres (cf. infra), j’aurais sûrement mis une meilleure note. Parce que Junky fait pâle figure par rapport à ce qui est sorti à l’orée du 21ème siècle. Comme quoi il peut être utile de reprendre des critiques de romans de temps à autre. Quant à la préface de Guinsberg, je ne l’ai pas particulièrement trouvée utile.
Ce que Le Tigre a retenu
La question qui se pose très légitimement est de savoir comment on devient un drogué. Et c’est là que la réponse est étonnante, car d’après l’auteur il faut sévèrement se piquer (deux fois par jour) pendant au moins deux mois avant d’avoir la guenon sur le dos. Ensuite le besoin physique s’installe, mais pas avant. Bon, une fois accroc, on semble l’être pour la vie : quelqu’un de clean mettra un temps extrêmement rapide à replonger, il n’est plus question de quelques semaines.
Plus généralement, le lecteur ne mettra pas longtemps à comprendre pourquoi Burroughs explique que la drogue est avant tout un mode de vie. La vie du junky tourne autour de la recherche de la précieuse marchandise : trouver la tune, un dealer, une veine où se piquer, etc. Et il appert que l’activité première de l’individu est l’attente. Corollairement, ce mode de vie entraîne une certaine déchéance : hygiène douteuse, vols, paranoïa, etc. Si vous rajoutez quelques expériences homosexuelles (dont avec des Mexicains), imaginez le bordel qu’a mis ce roman lors de sa publication au début des années 50.
Sinon, il convient de signaler que les autorités américaines sont loin d’être efficaces dans la lutte contre ce fléau. Déjà, bon nombre d’agents du Bureau des Narcotiques sont aussi marrons que l’héroïne pure qu’ils n’hésitent pas à vendre. Certains flics drogués continuent leurs piquouses dans le cadre de missions d’infiltration, pour eux c’est tout bénèf’. La priorité des autorités américaines est de criminaliser les consommateurs (les presser pour leur faire cracher leurs revendeurs), en faire des hors la loi alors que l’alcool provoque bien plus de dégâts. Quant aux politiques de prévention, quelle prévention ?
…à rapprocher de :
– Le festin nu, du même auteur, paraît encore plus jeté.
– Sur la façon de devenir une droguée, y’a du bon matos (notamment su l’existence organisée autour de la drogue) dans Moi, Christiane F., 13 ans,…
– On retrouve bien les affres de la désintox’ et les semaines qui suivent avec Trainspotting, du grand Irvine Welsh (le film est très correct au demeurant).
– En bien plus sombre, vous aurez du mal à détourner des yeux de L’accroc, de Donald Goines. Le gus sait de quoi il parle aussi.
– En plus fun (donc moins crédible, alors que c’est pourtant véridique), le bon Hunter S. Thompson et son Las Vegas Parano ont fait fort.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Allez zou, Tigre s’entête en lisant tout ce que le bon Schmitt a pu écrire. Monsieur Ibrahim, c’est un sympathique musulman qui tient son épicerie dans un quartier populaire de Paname. Les Fleurs du Coran, bah c’est sa vision rieuse de la vie sous le prisme de l’Islam. Une sucrerie littéraire, ça se lit scandaleusement vite.
Lorsqu’il lit un roman, le lecteur ne pense pas vraiment comment l’auteur a pu se branler le mou pour découper son œuvre en différents chapitres. Exercice d’équilibriste pour les plus attentionnés des écrivains, pitoyable découpage au pifomètre pour d’autres, il y a matière à discuter. Le Tigre est aussi là pour ça.
Une équipe de scientifiques (plus un journaliste) découvre une population dont on se sait si celle-ci est humaine, et c’est parti pour une prise de tête mondiale sur ce qui fait l’Homme. Vercors a presque pensé à tout, bravo à lui. Mais malgré 280 pages très aérées, Tigre a trouvé le temps long. La plume de l’auteur n’est pas de toute fraîcheur et le début est loin d’être intéressant.
Tigre n’était pas loin de la claque littéraire avec ce roman graphique qui offre une version modern-trash de Pinocchio. Imaginez : une histoire réadaptée qui part aux quatre coins de la rose des vents, des illustrations sales mais puissantes, il y a largement de quoi halluciner. Du grand art même si certaines références me sont passées au-dessus de la tête.
Poursuivant son fameux « cycle de l’invisible », le père Schmitt nous convie au Japon avec un jeune homme qui va devenir un grand sumo malgré son gabarit de geek. Genre de roman qui peut se lire en une petite demie-heure, Tigre a hésité entre être soufflé par tant d’audace (faire court et bon) et crier au scandale, puisque c’est presque de la guimauve consensuelle.
Écrit par quelqu’un qui était de la maison, la fiction ne s’est jamais autant appuyée sur la réalité. Le résultat est un roman sur le monde interlope et incestueux de la politique (avec un très petit « p ») comme on le lit rarement : affairisme, petits arrangements entre amis, élite nécrosée, presque Le Tigre a été révolté en refermant la chose.
VF : Manteau de neige. Oh la belle claque visuelle et sentimentale qui a envahi Le Tigre ! Blankets, pour la couverture du lit, au début du roman, et le manteau neigeux, omniprésent dans cette région au climat souvent excessif. Le narrateur se livre, sans fausse pudeur, pour une aventure biographique aussi pure que les premières neiges.
Sous-titre : L’entre deux-guerres (suite du précédent). Ce n’est pas nul, loin de là, certes. Mais vraiment pas fameux comme BD : on reconnaît bien tous les grands protagonistes de cette époque, toutefois ceux-ci débarquent dans les planches sans réelle logique ni fil scénaristique cohérent. Bref, les années 70 auraient du se contenter du disco (d’ailleurs, jetez un œil à la couverture).
Sous-titre : Beau Danube Blues [joli jeu de mots]. Marcus Malte réserve de belles surprises, c’est indéniable. Sous couvert d’une quête assez « simple », les harmoniques (entendez, les ondes fantômes derrière un morceau de musique) complexifient le tout jusqu’à la découverte de l’hideuse vérité. Noir et bien rythmé, un roman qui monte en puissance.
VO : Graforpögn. Décidément, Arnaldur tient fermement entre les pognes les clés du succès. Quelques tas d’os trouvés au milieu de nulle part, et c’est parti pour un petit plongeon dans le temps, savoir l’Islande de l’après-guerre. Avec un héros toujours aussi réaliste en proie à de graves difficultés familiales.
« Tigre de merde, j’ai bien compris que, lorsque je t’ai invité à venir admirer ma collection d’estampes japonaises, tu t’en foutais royalement. Armé de ta clé usb aussi discrète qu’un mot compliqué dans un de mes romans, tu as volé mon bien le plus précieux. Je te prie de ne pas l’utiliser, tu ne saurais pas l’apprécier à sa juste valeur. Marc L. ps : je te hais »