Emmanuel Guibert - La Guerre d'AlanSous-titre : D’après les souvenirs d’Alan Ingram Cope. Du beau boulot, rien à dire. Les réminiscences d’un vieil homme qui a contribué à la libération de l’Europe, avant, pendant et après la guerre, un témoignage poignant servi par des illustrations plus que correctes, Le Tigre valide. Essai ? Roman graphique ? Les deux mon général !

Il était une fois…

Emmanuel Guibert, grand dessinateur, a par hasard rencontré Alan qui coulait une retraite paisible sur l’île de Ré. Les deux hommes se voient régulièrement, tissant une amitié longue et artistiquement prospère. Alan a en effet combattu l’Allemagne nazie sur le théâtre ouest-européen, et sa mémoire presque infaillible délivrera plus que ces souvenirs.

Critique de La Guerre d’Alan

Emmanuel Guibert aime prendre du temps avec des personnages d’exception (du moins une partie de leur existence l’est), recueillir leurs témoignages, et en faire un roman graphique. Grâce à des heures de conversations enregistrées (d’où les éclats de rire compris), trois tomes maintenant regroupés ont pu être délivrés. Juste à temps, l’auteur a assisté au décès d’Alan alors que celui-ci n’a pu voir le résultat final. Dommage.

A titre liminaire, je m’attendais au débarquement et à quelques belles bastons dès le début. Il n’en est rien, après un entraînement efficace mais sommaire Alan est arrivé plutôt tardivement en Europe. Je n’ai pas bien compris les dates, toutefois en posant le pied en France des soldats américains sont déjà près du Rhin. Car Emmanuel G. illustre la guerre intérieure d’Alan, et non la « guerre » en général (cf. le premier thème).

Comme si, quand cela est raconté par des individus « normaux », l’horreur de la guerre fait qu’alors le conteur cherche à parler de tous les à-côtés, et ce pour équilibrer ses émotions. Ou, pire, tout ce qu’il a vécu comme aventure humaine découle de ce conflit (la plupart des connaissances d’Alan ne prennent racines que dans cette époque).

C’est parce que le récit est livré avec une simplicité et une intimité qui honorent nos deux amis que ce roman graphique est réellement à part. Suivre le parcours d’Alan est un pur plaisir et Le Tigre n’a pas vu le temps passer (sauf sur la fin). J’ai trouvé le ratio illustrations / texte assez faible, disons que le lecteur doit provisionner trois bonnes heures pour apprécier La Guerre d’Alan.

Les illustrations ne m’ont pas choqué dans la mesure où Le Tigre associe ce genre de période aux photographies en noir et blanc (sauf quelques dernières pages) Les traits des protagonistes sont peu fouillés, mais les décors, waow ! Quelques planches, sobres en apparence, fourmillent de détails vivifiant la lecture de l’ouvrage.

Au final, une BD dont il est difficile de dire du mal. Le seul reproche à formuler serait que trois bons quarts de l’œuvre consistent au quotidien parfois morne d’un homme. Ça peut être déroutant quand aucune mise en perspective avec l’évolution globale du conflit n’est formulée. Ce serait une critique formulée par un lecteur qui rechercherait de l’action, à l’instar du Tigre dans une certaine mesure (je reste un bon bourrin). Ensuite, Le Tigre a un peu baillé sur les cinquante dernières pages, qui traitent d’Alan des années 50 jusqu’à la fin du millénaire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le titre est légèrement trompeur, comme je le disais. Le lecteur aurait pu légitimement s’attendre à quelques interventions militaires d’importance, or il appert que le combat d’Alan est tout autre. A mon sens, il est davantage question de la voie que va prendre Alan après les hostilités : embauché en tant que civil auprès des autorités militaires, il restera quelque temps en Europe avant de se former en tant que pasteur en Californie. C’est à ce moment que notre ancien soldat émet quelques doutes (notamment sur sa fiancée dont il se séparera rapidement), jusqu’à tout lâcher et s’installer à la Rochelle.

S’il ne faut retenir qu’une chose de cette BD, c’est bien la force d’un homme capable de se remettre en question, sentir que le chemin qu’il prend n’est pas le bon, et surtout changer de voie sans regarder en arrière.

J’ai découvert que le père Patton (le général francophile un poil dingue sur les bords) a envoyé des troupes jusqu’en Tchécoslovaquie. Imaginez, il voulait être en Europe orientale avant les Russes pour les empêcher de prendre trop de territoires. On apprend même qu’une délégation de soldats (dont faisait partie le héros) a été envoyée encore plus loin derrière les lignes afin de négocier avec un général allemand une reddition, ou quelque chose dans ce goût là. Sauf que ça n’a pas donné de résultats tangibles.

Il y a enfin une belle dose de tendresse, sinon, d’humour. Tous ces boys n’étaient pas totalement préparés aux horreurs qu’ils allaient subir. Certes ils ne sont pas parfaits (la case « pillage » était régulièrement cochée), mais Alan a risqué plus d’une fois la cour martiale en « traînant » avec des Allemands : il a eu d’excellents contacts avec quelques familles en leur rendant régulièrement visite, ce qui était à l’époque prohibé. Humour, par exemple, quand on apprend comment notre soldat a obtenu la Purple Heart : il a juste eu une mémorable gamelle en tombant d’une grange parce qu’un de ses camarades avait retiré l’échelle.

…à rapprocher de :

– A signaler, L’enfance d’Alan. Toujours aussi bon, et on peut lire cet opus indépendamment.

– De Guibert, j’ai également gardé un superbe souvenir du Photographe. Direction l’Afghanistan !

– Guibert et B. David (scénario) ont produit l’étonnant Capitaine écarlate, que je ne peux que vous conseiller.

Ce ne sont pas les BD « de guerre » qui manquent dans ma bibliothèque :

– Les trucs de Dupuis (par exemple ici, par là ou de ce côté).

– Antony Beevor (gros essai, attention) a su conjuguer grandes manœuvres stratégiques et anecdotes du soldat de première classe.

Toutefois, sur la vie plus « intimiste » des militaire, je ne vois (pour l’instant) que C’était la guerre des tranchées, de Tardi. Un petit bijou (d’antimilitarisme).

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Nadine Monfils - La petite fêlée aux allumettesJohn Malkovitch en personne m’a vendu chèrement ce titre « crazy », imaginez ! Le moins que l’on puisse dire est que l’acteur n’a plus toute sa tête. Excessif, humour lourdingue, intrigue presque inintéressante, références obscures (sinon attendues), vocabulaire répétitif, ce n’est hélas pas fameux. N’ai pas du tout pris mon pied.

Il était une fois…

C’est infiniment dommage, le quatrième de couv’ était plutôt mignon. Révélateur des difficultés de lecture à venir certes, mais déjanté :

« Pandore, au bord de la mer, c’est la plage mais c’est pas les vacances. Nake, une jeune fille déjà pas futée, pète un boulon supplémentaire à la mort de sa grand-mère. Désormais, chaque foi qu’elle craque une allumette, elle a des visions qui se révèlent être vraies! L’inspecteur Cooper et son collègue Michou, moitié flic, moitié travelo, sont sur le coup. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, Mémé Cornemuse, tout juste rescapée de ses vacances avec un serial killer [référence à un roman antérieur], décide de s’en mêler. Faut dire qu’elle a des compétences: elle lit l’avenir dans les lignes de tricot et parle par télépathie avec Jean Claude Van Damme. Ah c’est sûr, ça aide ! »

Critique de La petite fêlée aux allumettes

Voilà, avec la couverture aurez une idée précise des protagonistes et de l’imbrication touche-à-tout entre eux. Tigre a été patient avec un début un peu mou,  faut dire que la logique bancale n’empêche pas, paradoxalement, de voir arriver les intrigues grosses comme des camionnettes. Pensant que ça allait s’améliorer, j’ai persévéré jusqu’à la fin. D’amélioration, il n’en fut pas question. A peine quelques bons mots de JCVD pour m’égayer.

L’histoire se déroule dans une ville belge (qui n’existe que dans l’imagination de l’écrivaine), sise près de la Mer du Nord. Quelques meurtres secouent la bourgade tandis qu’on suivra chaque mecton et michetonne dans une narration non omnisciente, pour chacun, à la troisième personne. Ce qui m’a relativement ennuyé, dans La petite fêlée aux allumettes, est le titre trompeur : Nake est loin d’être fêlée, du moins pas autant que mémé Cornemuse. Ah bah tiens, la voilà la coupable : mémé C. est insupportable au possible. Je sais que c’est subjectif, mais une chieuse pareille, à la place de n’importe quel « héros » du roman je l’aurais envoyé déposer son gros bilan au Très-Haut en personne.

Le style rattrape temporairement le triste tableau, sauf que même sur 250 pages très bien aérées (plus de 50 chapitres !) la lassitude s’est faite sentir. La plupart des expressions, sauf exceptions, m’ont laissé gravement pantois. Par exemple « la fidélité, c’est comme les tartines, tant que tu peux mettre du beurre dessus, faut pas te limiter à une tranche ». Au final, Le Tigre ne compte pas lire un autre titre de cette belgissime auteure, à moins d’être tombé sur le canard boitillant et maladif de sa bibliographie.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le surréalisme, de partout. Non seulement rien ne se tient, mais les protagonistes accusent un flagrant manque de consistance doublé de l’impossibilité, pour le lecteur, de se les représenter. C’est peut être là le but de Nadine (tu permets), qui fait dire à Mémé Zinz…euh Cornemuse « car Jean-Claude Van Damme, il est surréaliste, comme la plupart des Belges ». Au moins la vulgarité omniprésente (qui ne m’a pas dérangé outre mesure) est parfois savoureuse, et ce serait bien là l’unique touche d’humanité des personnages.

Puisqu’il faut être à un moment sérieux, Le Tigre tient à signaler les innombrables références aux contes populaires. Si le titre (qui au passage surfe habillement sur un certain polar suédois….) annonce la couleur, alors que dire des mystérieux meurtres qui reproduisent les histoires de nos enfances ? Si vous ajoutez le maire de la ville qui parle par énigmes, alors on est en plein conte (mais pour adultes). Quant à mamie Cornemuse, elle fait douloureusement penser à la Fée carabine, du roman éponyme de Pennac.

…à rapprocher de :

Je suis un poil emmerdé aux entournures, je ne sais pas si je dois rapprocher la prose de Monfils d’un San-Antonio ou de quelque chose de plutôt infamant. Allez, je me lance :

– Les personnages peu crédibles et le style qui tend à gaver, c’est presque Un palace en effer d’Alice Quinn. A éviter hélas.

– A la rigueur, allez donc matez Dikkenek, film déglingué avec des dialogues souvent devenus cultes (« faut pas jouer avec mes couilles » et autres finasseries de bistrot). Dommage que Mélanie Laurent joue dedans.

– Puisque j’en parlais, La fée carabine, de Pennac.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche, on va pas lâcher plus de 6 sacs pour ça non ?)

Joseph Kessel - Les mains du miracleJoseph Kessel ne cessera d’étonner Le Tigre. Félix Kersten, le dernier des justes, masseur du chétif Himmler, devenu son ami et confident, qui est parvenu à sauver des milliers de personnes ? L’histoire est édifiante, et grandement servie par la prose de l’académicien. La question qui se pose après la lecture est terrible : est-ce vraiment un essai biographique ?

De quoi parle Les mains du miracle, et comment ?

Félix Kersten est un masseur hors du commun. Ce personnage rondouillard porté sur la bonne chère et au savoir-faire impressionnant (il a été l’élève d’un maître tibétain) va rapidement être très connu dans son domaine. D’où les demandes insistantes de personnalités européennes pour le soigner. Notamment celle d’Heinrich Himmler, Reichsführer de son état, proposition qu’il ne pouvait décemment pas refuser.

Or, Kersten est au long de ces années dans une situation plus que délicate. Né en Estonie, pays annexé par la Russie soviétique après la « Der des der », il a pris la Finlande comme pays d’adoption. Mauvais choix, il a du combattre les vilains Popov avant de choisir, comme pays d’élection, la Hollande. Cette dernière occupée par l’Allemagne, la réputation de Kersten sera très mauvaise dans la mesure où les fachos de ce pays lui en veulent à mort à cause de son amitié avec le roi et la reine (Wilhelmine), qu’il a brièvement soignés.

Entourés d’ennemis (au sein même des SS), le père de de famille va se lier d’amitié avec Himmler en n’hésitant pas à jouer la corde sensible du personnage : faire appel à son intelligence, le comparer aux grands héros germaniques moyenâgeux (Henri l’Oiseleur), et surtout le soigner aux bons moments. Le héros profite de ces moments privilégiés (sic) pour obtenir quelques menus avantages  qui d’une liste de personnes à libérer, qui de faire travailler des prisonniers dans son domaine, et jusqu’à des actes plus conséquents (relevant de l’espionnage). Avec comme point d’orgue la rencontre entre Himmler et le membre du congrès juif mondial et la signature d’un « contrat au nom de l’Humanité ».

Sur le style de l’essai, bah ça reste du Kessel (donc c’est excellent). L’immersion est quasiment parfaite, l’auteur parvient à rendre compte d’une époque et d’enjeux de grande ampleur au travers du prisme d’un homme presque acteur malgré lui. Kessel a eu la chance de s’entretenir avec Félix Kersten juste avant qu’il ne décède, cet essai aurait bien pu faillir ne jamais voir le jour.

Ce que Le Tigre a retenu

Quelques mots sur Heinrich Himmler d’abord. La santé du malingre bonhomme est exécrable, son corps frêle est une boule de nerfs mal agencée. Son masseur, malin, joue avec ses douleurs et explique qu’il « psychosaumatise » les terribles missions confiées. Par exemple, il parvient à retarder (indéfiniment) la déportation du peuple hollandais vers la Pologne (pour l’anniv’ du Führer) en expliquant que cette tâche va le tuer. Dès qu’Himmler accepte cette idée, Kersten le soigne vraiment. Sinon, j’ai tilté devant la description de la bibliothèque d’Heinrich qui présente tous les textes religieux : ce dingue était censé constituer une nouvelle religion pour le Reich millénaire.

Ensuite, le lecteur apprendra deux-trois trucs sur le Führer en personne. Et c’est encore pire que ce que Le Tigre imaginait : syphilitique en phase presque terminale dont le cerveau atteint relevait de la maladie mentale ; brusques accès de colère où la dépression succédait à l’engouement ; enfin nihiliste total qui souhaite que tous, même le peuple allemand, soient exterminés. Les propos que rapportent Himmler de son maître sont hallucinants, c’est à se demander si Kersten n’a pas exagéré sur les bords.

Enfin, Le Tigre a eu un entraperçu du « bordel organisé » qu’est l’organisation SS. Bordel, parce que les ordres affluent de toute part et un coup de fil peut sauver, comme condamner (surtout ce dernier cas) des milliers d’innocents. Organisé toutefois, derrière l’agitation au siège de l’organisation on pressent l’implacable hiérarchie où tout ce petit monde doit bien rester à sa place. Le vieux Himmler qui gueule comme une pucelle quand Kersten lui propose d’aller à l’encontre d’un ordre du Führer est pitoyable, quand ça ne fait pas froid dans le dos. Quant aux glorieux plans du Reich millénaire, plus la débâcle avançait, plus les idées deviennent tarées (dépecer la France en transformant son nom, déplacement massif de populations, extermination de partout, etc.).

…à rapprocher de :

– Les essais sur le nazisme sont légion, et il convient de remarquer que ce sont avant tout les Anglo-saxons qui ont sorti les plus édifiants. Kessel semble, à mon sens, l’exception.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet essai via Amazon ici (nouvelle édition).

Chester Brown - Vingt-trois prostituéesVO : Paying for It. Un auteur peu connu (du moins depuis ma tanière) qui décide de « payer pour ça ». Ne vous attendez pas à du sexe à tous les étages, c’est avant tout intellectualisant. Le classement de cette œuvre dans les biographies est largement justifié, d’autant plus qu’à l’instar de ce genre d’essais c’est parfois longuet. Mais édifiant.

De quoi parle 23 prostituées, et comment ?

Un mot rapide sur Chester Brown. Ce mec est un vrai cas social, un concentré d’indifférence d’une unicité revigorante : derrière sa frimousse à Geluck se cache un libéral pur jus (merde, non, un libertarien) au rationalisme effrayant. D’ailleurs son pote Seth (dans les annexes à la fin de l’ouvrage) parle du « robot Chester » qui ne pense pas comme nous.

En effet, le début même est révélateur (après l’intro par Crumb en personne et la préface) dans la mesure où la petite amie de Chester, l’artiste Sook-Yin Lee, lui annonce qu’elle le quitte pour un autre. Et ça ne lui fait quasiment rien ! Il ne cherche pas à la récupérer, aucune once de jalousie ! On apprend même, quelques pages plus loin, que le beau Steve va s’installer chez eux sans que ça en touche une à Brown. C’est là que l’idée de se payer des putains va faire son chemin.

Sur une trentaine de chapitres, Chester va rencontrer (et revoir) quelques tapineuses, tout cela entrecoupé de discussions à bâtons rompus avec des amis ou son ex. Beaucoup d’infos à avaler (sans jeu de mots graveleux, pas le genre de la maison), des textes écrits en tout petit, des annexes sur 20 pages avec une pétée de notes de fin de pages, ce n’est pas un roman graphique pépère pour le cerveau. C’est notamment à cause de cela (devoir se taper des pages d’explications et de références sur la fin) que la note attribuée à cette œuvre est négative.

Quant au dessin, c’est le minimum syndical : pas de couleurs, personnes anatomiquement peu développées (pour éviter qu’on les reconnaisse dans la vraie vie), et pourtant le trait net et sans bavure passe bien. Sinon, je reprocherais l’argumentation parfois bancale de l’essayiste. Par exemple, Chester Brown explique que l’argument « le sexe est sacré » empêche toute commercialisation, alors autant ne pas vendre de Bibles. Une page après, c’est parce que le sexe est sacré que les prostituées ne devraient pas être soumises à la fiscalité confiscatoire du Canada. So…?

Pour conclure, voilà une BD qui aurait pu (à la limite hein) se passer d’illustrations, dense par les idées véhiculées que beaucoup trouveront discutables. Sur le sujet de la dédramatisation, donc de la légalisation totale de la prostitution, Chester a donné de sa personne car, en y réfléchissant, il a quand même raconté les dizaines de passes qu’il a dernièrement vécues. Exit l’odeur de sainteté. Le rapprochement avec Geluck ne me semble alors que physique…

Ce que Le Tigre a retenu

Comment se passe les premiers rencarts avec des putains ? Il faudra attendre quelques dizaines de pages avant de voir l’auteur tirer son coup (c’est souvent en cherchant des prostituées à vélo en pleine nuit qu’on en trouve pas). Quelles revues consulter ?  Des sites de commentaires clients existent… Qui appeler, et comment comparer les prix ? A peu près 200 dollars l’heure. Donner son vrai nom ? Ça viendra. 23 prostituées est un peu le cours « Paying for it 101 ».

Le Tigre a appris que le Canada fait preuve d’une certaine ouverture d’esprit depuis la législation adoptée par le premier ministre Trudeau (ça fait longtemps déjà). Quant je dis « ouverture d’esprit », on peut ne pas être d’accord sur la distinction opérée par le gouvernement de l’époque : le système de l’incall, qui consiste à aller chez la prostituée (souvent dans une maison close), est prohibé. En revanche, l’outcall, savoir la femme qui va chez le client (ou un homme, d’ailleurs Chester s’étonne que les féministes ne parlent pas de la prostitution masculine), est autorisé. Seulement l’illustrateur/auteur se met en violation de la loi puisqu’à cause de sa future ex il ne peut qu’aller voir les dames, et non les recevoir.

Là où les appendices de la BD deviennent troublants, c’est sur la définition même de la prostitution, et de l’amour tel qu’on le considérait avant. Pour faire simple, la catin d’avant le 18ème siècle était la nana qui couchait à tout-va. Quant à celle qui avait son vieux beau qui la rémunérait, bah c’était presque le même principe (en inversé) de la dot. On s’aperçoit alors que le mariage d’amour à l’européenne n’est arrivé que tardivement, avant tout n’était que question d’intérêt (aujourd’hui, encore…). Les références à l’appui sont du philosophe Rougemont (sur les mythes de l’amour) et quelques autres essayistes qui ont tenté de décortiqué pourquoi on est passé d’un mariage arrangé (où devoir s’aimer à terme semblait superfétatoire) à celui d’amour.

…à rapprocher de :

– Sur le dessin et les propos souvent crus, j’ai cru déceler une touche de Robert Crumb, même si ce dernier est un poil plus « crade » sur les bords.

– Enfin, il y a un peu de Virginie Despentes dans 23 prostituées, mais en moins violent. Et du Michel Houellebecq (notamment Plateforme).

– Le droit de réponse existe sur QLTL. Il s’agit de Jean-Marie Blanchard et sa tentation du lundi. Voire Pour toi Sandra, de Derib – y’a mieux.

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DodécaTora« Salut mec ! Putain, ça fait déjà des piges que Mon beau-père et moi est sorti sur les écrans, et le happy end final est un peu mensonger sur les bords. Le gros De Niro est resté insupportable, un vrai bouledogue impossible à apprivoiser. Tu n’aurais pas quelques romans à me conseiller pour qu’il arrête de me me chier dans les bottes ? Thks. Ben S. »

Que veut le beau-père ?

Encore un billet que vous devez imprimer et encadrer (dans un cadre en verre bien entendu) avec la mention « ne briser qu’en cas d’urgence ». La veille de Noël ou de l’anniv’ du sévère beau-père, vous êtes au point mort. Toutefois ce que les commerçants vous proposent sont d’un commun, cela en dévient désolant.

Or, se rabattre sur un bouquin est délicat (surtout si l’individu n’aime pas lire), à mon sens c’est presque plus duraille qu’offrir une paire de baskets. On vous attendrait presque au tournant, faut surtout pas se rater. Surtout si le récipiendaire déballe le cadeau devant trente membres de la famille et esquisse une mou de dégoût. Catastrophe impensable.

C’est ainsi que les caractéristiques retenus pour un chouette cadeau au beau-père seront les suivantes : un truc pas trop long, vaguement marrant (ou complètement), mais surtout quelque chose qui serait susceptible de l’impressionner favorablement. Voici donc une douzaine de romans à lui offrir. Non seulement vous pourriez devenir, à ses yeux, un être d’une rare finesse dont la culture n’aura d’égale que la gentillesse, mais si vous en avez le courage vous serez en mesure de créer un lien de complicité qui ne passera pas par la case « conjoint ».

Tora ! Tora ! Tora ! (x 4)

1/ San-Antonio – [n’importe lequel]

Il manquera toujours un Sana dans la bibliothèque du monsieur, et à vous de voir lesquels. San-Antonio, la Pinuche, le gros Béru, toute la bande saura arracher plus d’un sourire à n’importe quel lecteur normalement constitué. Pour ma part, j’ai une solide préférence pour les cinquante derniers titres, où l’intrigue policière laisse la place à un déferlement de bons mots plus ou moins égrillards.

2/ Robert Crumb – Nostalgia

Bobby, c’est un peu le chantre de la BD américaine que je qualifierais (sûrement à tort) d’underground et passablement touchante (sinon drôle). Et Nostalgia est une superbe pépite sur l’Amérique des seventies et l’évolution des goûts de l’illustrateur. Vous saurez faire comprendre au beaup’ que vous aimez la bonne bande dessinée publiée à une époque où vous n’étiez pas encore né.

3/ Jean Teulé – Le Montespan

Une fiction aux relents de vérité historique ne mange pas de pain. Surtout quand c’est l’histoire d’un pauvre gus amoureux fou de sa femme. Folie en effet, le Montespan va aller jusqu’à affronter le bon Roi de France en se foutant, de temps à autre, de sa gueule. D’une part vous sous-entendez que fifille à beau-papa mérite d’épouser n’importe quel prince, d’autre part que vous irez jusqu’à la mort pour la garder. Check.

4/ Jiro Taniguchi – Le journal de mon père

Oh la jolie bande dessinée d’extraction japonaise ! Comme c’est différent de comment j’imaginais un manga ! Vous l’aurez conquis avec ce pavé qui se lit, indicible bonheur, de gauche à droite. Valeurs familiales sauvées, puissance des souvenirs de jeunesse, du très beau dans l’ensemble. Vous en profiterez pour signaler, si cela était encore nécessaire, l’éclectisme qui vous habite. Quartier lointain est similaire, double cadeau en perspective.

5/ Gérard de Villiers – [Presque n’importe quel S.A.S.]

Ah, ce bon gégé dont on suspecte qu’il a bossé dans les services de renseignements de l’Hexagone. Cela n’étonnerait pas Le Tigre dans la mesure où ses romans de gar…euh d’espionnage sont excessivement bien documentés. Pour le choix du titre, ne vous faites pas chier : un roman qui se déroule dans une destination récemment visitée par beau-papa fera parfaitement l’affaire.

6/ Dupuis – La Seconde Guerre mondiale (encore du choix, je mets un lien au pif)

Si le beau-père est un peu celui de la franchise Taxi ou du films Les 3 frères, à savoir quelqu’un qui aime l’ordre et voue un respect légitime mais infini pour l’institution militaire, alors n’hésitez plus : les dessins (d’excellente facture et au réalisme éprouvé) ne sont là que pour illustrer de savants textes. Une valeur sûre.

7/ Jacques Tardi – C’était la guerre des tranchées

A contrario, si le vieil homme est un antimilitariste abonné depuis 40 ans au Canard enchaîné ? Remisez au fond de votre besace le précédent cadeau, car Tigre pense à tout. L’absurdité de la guerre, le gâchis humain et moral qui a saigné l’Europe, tout cela est servi par des illustrations sobres mais qui prennent aux tripes. Pour les plus malins, offrez les deux.

8/ Jim Thompson – 1275 âmes

Chantons ensemble sur un air de slogan des marines U.S. : « Le hard-boiled c’est bon c’est chaud, et en plus ça colle à la peau ». C’est un peu l’idée, ce type de polars noirs américains doit, en principe, plaire à tout beau-papa joli. Surtout quand le rythme est sec et nerveux. D’autres romans de cet acabit sont sur le glorieux site, n’hésitez pas à varier les plaisirs.

9/ John Howard Griffin – Dans la peau d’un Noir

Tiens, manquait quelques essais de qualité dans ce DDC. Griffin a pondu un titre édifiant quand, « transformé » en personne de couleur, il a passé quelques semaines en tant que black. Pas mal pour faire comprendre, subtilement, que vous êtes l’équivalent de ce pauvre noir à qui personne ne fait attention (genre « mets toi à ma place et sois plus gentil avec ton gendre »). Achtung : si le père de votre femme/mari est un gros ours brun (entendez, ça vote à droite toute), autant lui balancer votre gant blanc à la gueule en lui disant que vos témoins iront passer chez lui demain matin pour s’enquérir des règles du duel.

10/ Vuillemin – Les sales blagues de l’Echo

Non, Le Tigre ne plaisante pas (sachez que je ne déconne joyeusement que dans le douzième titre). Sérieusement, pour un contemporain de l‘Echo des Savanes, de Coluche, de Thierry Le Luron, y-a-t-il plus grande félicité que de poser son cul sur le trône et parcourir ces désopilantes plaisanteries en bande dessinée ? Je vous recommande la totale, vous voyez, la gross version qui pèse ses quelques kilos.

11/ Léon Tolstoï – Guerre et paix

Wikipedia dit que « L’immensité de l’œuvre la rend difficile à résumer de façon claire et concise ». Voilà votre dernier atout si le beau-papa-pas-si-gentil vous saoule plus que de raison. J’ignore combien de pages accuse le roman de l’écrivain russe, toutefois je sais que si vous faites comprendre au vieux que ce serait bien qu’il le lise jusqu’au bout, y’a sérieusement moyen d’être tranquille jusqu’à la prochaine élection présidentielle.

12/ Magnus – L’internat féminin

Tigre aime terminer sur une grosse blague bien grasse, quelque chose qui vous grillerait en moins de deux s’il vous prenait l’envie de l’offrir….sauf que…sauf que…malgré la couverture érotissime et le titre sans appel, bah ce n’est pas si sexuel que ça. En fait Magnus est le digne représentant de la BD italienne des années 70 (et après) érotico-fantastique. Le mec qui ne se prend pas la tête et offre une alternative satisfaisante à Manara.

…mais aussi :

– Puisque je parlais, à un moment, du hard boiled, faut savoir qu’en BD ça passe comme une lettre à la poste : je pense notamment aux reprises de Westlake avec son héros Parker : Le Chasseur ; L’organisation ; Le Casse.

– Si le père par alliance est sportif (ou, mieux, gros fumeur), l’essai de Murakami sur les bienfaits du footing devrait faire l’affaire.

Aïe aïe aïe, j’ai trop d’idées et préfère arrêter là. Mais entre les Sana et les SAS, vous avez plus de 300 romans à potentiellement offrir. Ça devrait suffire.

Marc-Antoine Mathieu - 3 secondesUne idée originale qui confine au génie, une leçon d’art graphique qui peut se savourer autant sur papier qu’en numérique, différents niveaux de lecture qui s’offrent au lecteur, bravo. Il y a certes quelques longueurs contemplatives à déplorer, et encore. L’histoire, on s’en moquerait presque au final s’il n’y avait pas cette énigme qui tourne autour d’un scandale dans le monde du football.

Il était une fois…

Il est 23h10, quelque part en Europe.

Le lecteur suit le chemin pris par un faisceau lumineux pendant trois longues secondes. Celui-ci rebondit à chaque surface réfléchissante et nous présente différentes scènes, souvent les mêmes vues mais avec des approches différentes. On a de la chance, puisque l’environnement suivi par cet extrait de lumière constitue une histoire, un tout cohérent  Trois secondes pendant lesquelles le zoom est presque infini.

Critique de 3’’

Le sous-titre (ou quelque chose s’en rapprochant) annonce un « zoom ludique par Marc-Antoine Mathieu ». Sur le ludique, l’idée originale du format tend à légitimer cet adjectif – à noter que tenir une BD carrée entre les pattes est étonnant. Quant au zoom, voilà toute la magie de cet étonnant roman graphique. Tellement magique que j’en ai fais un thème (cf. infra).

La structure du roman est déconcertante : chaque planche offre un zoom de neuf cases (toutes dépourvues de dialogue), et toute nouvelle page reprend sur la dernière illustration vue. Le risque premier d’un tel objet littéraire est de lâchement s’adonner à la lecture en diagonale (comme je vous l’ai appris), ce qui est fort tentant. Mais choisir cette facilité est dangereux dans la mesure où la puissance du récit risque de vous échapper, sans compter que de savants détails sont distillés dans presque toutes les illustrations.

Pour ma part, j’ai d’abord lu 3 secondes en une quinzaine de minutes, et à part une intrigue sur le financement des clubs sportifs mâtinée de révélations à la presse sur le point de sortir, je n’ai absolument rien compris. J’ai dû reprendre une seconde lecture (trente minutes cette fois-ci), et là des éléments indiquant de nombreuses liaisons dangereuses sont apparus : les numéros des sièges d’avion, le poudrier signé par un des protagonistes, les manchettes de journaux à bien lire, et tant d’autres.

L’autre tour de force de Mathieu a été d’opter pour le noir et le blanc. Du vrai black & white, attention ! Aucune nuance de gris (contrairement à la couverture) et un trait qui sait se faire tantôt gras et lourd, tantôt d’une remarquable finesse. C’est tellement bien foutu et vivant qu’on a parfois l’impression que d’autres couleurs (le jaune par exemple quand on voit la Terre à des milliers de km de hauteur) s’invitent. Bref, si l’histoire peut paraître exagérément confuse, l’exercice graphique vaut largement le coup d’œil.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’art du zoom. Le principe est la vision d’un rayon de lumière, aussi dès que celui-ci rencontre une surface réfléchissante on part dans l’autre sens. Le tout est un peu capilotracté (ce que semble assumer l’auteur) lorsque notamment on file à des centaines de milliers de kilomètres pour croiser le chemin d’un satellite. Suivant l’état du miroir, le texte sera à l’envers ou à l’endroit (pas pratique du tout mais ajoutant au mystère). C’est là que Le Tigre se dit que l’expérience doit être d’une rare intensité quand on se procure le titre en version numérique.

Le noir et le blanc. Comme je l’ai déjà dit, aucun état entre ces deux extrêmes n’est présent, sauf à considérer qu’au début de 3’sec. le lecteur est métaphoriquement et littéralement dans le noir, pour finir dans un réfléchissement infini entièrement blanc. De surcroît, ce liseur mettra un certain temps (s’il y arrive) à distinguer la « couleur » des personnages rencontrés. Qui est le héros ? Celui qui se prend une balle dans la tête le temps d’une poignée de secondes ? La fameuse taupe ? Ou, finalement, le protagoniste principal n’est-il pas ce rayon de lumière, narrateur muet qui, grâce à sa nature extrêmement rapide, est l’unique observateur d’un tableau qui implique des actions si distantes ? A vous de décider (si en plus vous pouvez m’expliquer le fin mot de l’histoire…)

…à rapprocher de :

Je n’ai pas grand chose, à mon grand désarroi, à vous proposer de similaire. Faut dire c’est bien jeté comme œuvre.

Sinon, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cet OVNI graphique en ligne ici (en numérique, c’est par là).

Hurwitz & Finch - Batman : Le chevalier noir 2Sous-titre : Cycle de violence. VO : Cycle of Violence. Batman, The Dark Knights #10-15 + #0 (attention c’est important ici la numérotation). Une magnifique histoire, bien sombre comme il faut, à l’image de la couverture d’une glauquerie de bon aloi. Batman n’est pas à la fête, et pour une fois c’est un ennemi peu connu qui va nous régaler.

Il était une fois…

C’est encore le daroi à Gotham City (pour changer). De nombreux enlèvements font flipper la population dans la mesure où il ne s’agit que d’enfants qui, lorsqu’ils sont sauvés, reviennent intensément traumatisés et incapables de prononcer le moindre mot. Apeurés, privés de toute émotion, leur état fait froid dans le dos. Pendant ce temps, Bruce sort tranquillement avec une pianiste ukrainienne (si j’ai bonne mémoire) aux atours impressionnants.

Critique du second tome de Batman : Le chevalier noir

Il a fallu quelques mois pour attendre la sortie de ce second tome, j’ai bien cru que David Finch avait autre chose à foutre avec son scénariste Jenkins. Et bah non, le revoilà avec un nouveau, à savoir Gregg Hurwitz en charge de l’histoire. Et ça se voit : il n’y a aucun lien avec le premier qui pourtant se nommait Terreur nocturne ! Mais à quoi sert la numérotation des comics putain ?

Très franchement, je m’en bats les steaks qu’il n’y ait pas de lien, toutefois les protagonistes du premier opus du Chevalier noir m’avaient bien plu, en particulier cette petite salope habillée en lapin qui roulait savamment du cul dans la ville de Batman. Quoiqu’il en soit, reconnaissons à Hurwitz d’avoir fait plus simple que son prédécesseur, ça part moins dans tous les sens.

Comics plus « classique » donc…en effet, cette BD a tout de l’enquête basique avec la jolie menace finale, agrémentée d’une petite histoire de cœur avec le bon Wayne. Sans spoiler, c’est Jonathan Crane qui est à l’honneur, personnage récurrent mais à la personnalité peu fouillée. Après Joker, Bane, Catwoman & Co, Le Tigre est ravi de lire un comics exclusivement dédié à l’Épouvantail et sa légende. Cet antagoniste de l’homme chauve-souris a un potentiel prometteur qui m’a paru plutôt bien exploité ici (notamment les rapprochements faits avec Batman).

Les illustrations versent dans des teintes définitivement sombres, le gris et le bleu terne sont les rois de la fête. Du Finch tout craché, avec des décors satisfaisants qui sont servis par des faciès tout ce qu’il y a de plus réaliste. Pas de grands tableaux ni d’éloquentes postures, c’est très terre-à-terre. Pour conclure, un tome indépendant que j’ai légèrement préféré au précédent, et ce pour de nobles raisons (entendez, non lubriques).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La peur, la vraie. Le pauvre Jonathan Crane n’a pas eu vraiment de chance dans sa vie. Son père était un scientifique taré qui était obsédé par les mécanismes de l’effroi en vue de créer des substances à usage militaire. Je vous laisse deviner qui était son cobaye ? Un petit indice ? Allez…mais oui, ce fou furieux utilisait son rejeton en l’enfermant dans une cave avec d’horribles items (squelettes, bêtes, etc.) en guise d’accompagnement ! Malgré lui, J. Crane reprend la sombre entreprise de son daron en cherchant l’ultime produit qui donnera à Gotham le « flip trip ». Comme souvent dans l’univers du Bat, Le Tigre en est réduit à plaindre les méchants.

Cette peur, relayée par les souvenirs d’enfance de Crane Jr, fait forcément écho à la jeunesse de Bruce Wayne. Non seulement le lecteur est confronté aux violents flashbacks de l’Épouvantail, mais en plus on a quelques aspects « revisités » de l’existence de Bruce W. avant qu’il n’affronte la pègre dans un costume en cuir blindé. Traumatisme des parents tués (nouvelle configuration encore), brillantes études, premiers entraînements, recherche des raisons du meurtrier de ses vieux, tout ceci est crédible et tend à expliquer pourquoi le jeune milliardaire peine à s’engager avec le beau sexe.

…à rapprocher de :

– Du coup, il ne me semble pas nécessaire de lire le premier tome (Terreurs nocturnes). Vous pouvez, ça vaut le coup (c’est sexuel surtout). Mais ce qui suit, à savoir Folie furieuse, est assez bon.

– Finch est connu, avec Fabok, pour avoir apporté sa pierre dans La Nouvelle Aube. Incomplet hélas. Manque comme quelque chose.

– Sur de vrais nouveaux ennemis qui font bien peur, il y a évidemment La Cour des hibouxTome 1, tome 2 et même le troisième sur QLTL, joie !

Enfin, si votre librairie à comics est fermée, vous pouvez le trouver en ligne ici.

Robert McLiam Wilson - Eureka StreetVO : idem. L’Irlande du Nord, Belfast, les nombreux antagonismes locaux, des personnages savoureux à qui il manque plus d’une case, voilà un bon moment de littérature. Si ce n’est pas le meilleur titre de cet auteur (notamment le début qui est loin d’être prenant), Eureka Street reste une pépite d’humanité et d’humour corrosif sur un sujet plutôt sensible.

Il était une fois…

Jack Jackson, catholique de son état (c’est bien lui qui est papiste ?), habite Belfast. Avec ses amis ils en tiennent une sévère couche, à l’image de Chuckie Lurgan, protestant bien en chair qui se découvre une âme de serial entrepreneur. Tous ces individus qui gravitent autour de la fameuse rue Eureka nous introduirons dans une ville belle mais violente où tout semble possible.

Critique d’Eureka Street

Acheté dans la foulée de Ripley Bogle, Le Tigre a dévoré ce mignon pavé d’un demi-millier de pages avec le sourire. Robert MacLiam Wilson est un conteur de qualité qui sait nous prendre aux tripes avec des aventures en Irlande du Nord et au-delà (on fera un tour du côté des States).

Le scénar’ m’a fait l’effet d’un courtois diésel, j’avoue avoir eu un peu les jetons au début : la présentation des protagonistes (quatre ou cinq) prend un certain temps et il ne se passe pas grand-chose de sexy dans leurs existences. Mais c’est sans compter le bon Chuckie, personnage d’exception maqué à la pétillante Max (touche américaine de l’œuvre) qui va superbement emmancher les différents organismes d’attribution de bourses (URB et IDB) et se faire des couilles en platine. Auréolés de cette tune fraîche, il va exploser les tableaux financiers en attirant, presque malgré lui, un milliardaire américain à moitié dingue.

La narration est à la première personne pour Jack, héros principal orphelin et encore traumatisé par le départ de sa belle Sarah. Les autres chapitres (tous de taille normale) font état d’un récit omniscient. L’auteur dispose d’une large palette d’expressions et de vocabulaire, et pas une seule fois j’ai eu l’impression de tourner en rond.

Ce n’est hélas qu’à partir de la trois centième page que j’ai pris un immense pied à parcourir ce roman. L’avant est bon, certes, mais les passages plaisants (ceux où Le Tigre s’est bien tapé sur les cuisses) restent majoritairement quand McLiam Wilson introduit un nouveau personnage ou décrit, sur plus de dix pages, les terrifiantes conséquences d’un attentat à la bombe (sans en faire trop). A acheter les yeux fermées, toutefois si vous n’avez pas le temps préférez un autre titre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Belfast la traumatisée. L’Irlande du Nord était, à l’époque du roman (milieu des années 90), l’équivalent ouest-européen de Beyrouth en guerre. Comme le dit si bien l’écrivain, c’est la « patrie des nationalismes calorifiques, de la christôlatrie et d’une population morcelable et décimable à merci« . En sus, Robert prend un malin plaisir à égrener, de temps à autre, les différents sigles des organisations qui pourrissent le pays : DUP, UVF, INLA, IPLO, IJKL, MNOP, QRST, IRA (tiens, la connais celle-là), ANC, UDR, RUC ou UFF. Un des intrigues du roman est également de savoir qui se cache derrière les initiales OGC, inconnues de tous. Nouveau groupe terroriste, mot d’ordre, secte, termes choisis au hasard ?

Derrière l’humour et les quiproquos délirants (notamment Chuckie aux Etats-Unis),  il y a une charge féroce contre ceux aux idées moribondes qui entretiennent le bordel ambiant. Selon certains, cette ville n’est divisée ni par la politique (Paisley contre les Républicains par exemple) ou la religion, mais simplement par le fric. L’argent semble alors la distinction la plus fiable et sur laquelle tous peuvent se mettre d’accord. Il est souvent sous-entendu que ces antagonismes ne sont entretenus que pour permettre à certains de s’en mettre plein les fouilles, ce que fait un des héros au final. Celui-là même qui fait preuve d’obscurantisme  en apprenant que sa mère est devenue lesbienne (bon, ça peut faire bizarre j’en conviens).

…à rapprocher de :

– De cet auteur, j’ai particulièrement adoré Ripley Bogle. Une tuerie, presque le roman d’une génération. La douleur de Manfred m’a moins plu hélas.

– En version polar, il y a Stuart Neville et Les Fantômes de Belfast, on ne m’en a dit que du bien.

– L’Irlande mystérieuse, hélas mal abordée, c’est Tromper la mort de Maryse Rivière.

– L’attentat à la bombe m’a brièvement rappelé un passage de Bienvenue au club, du bon Jonathan Coe. Un autre classique.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Pécau & Dim. D - Paris maléfices, Tome 1Sous-titre : La Malédiction de la Tour Saint-Jacques [ooouuuuhhh, peur !]. Paris, ville des lumières, de l’Histoire, de l’Amour,…et glorieuse cité victime de bandes dessinées mal dégrossies qu’on n’offrirait pas à son meilleur ennemi. Le scénario était prometteur, mais tout a été gâché. Le premier tome, dédié à une malédiction de la Tour Saint-Jacques, ne donne pas envie de continuer dans cette voie.

Il était une fois…

Le quatrième de couv’ se veut aguicheur, mais Le Tigre préfère le sien : il existe dans la capitale une vénérable institution, le bureau des affaires publiques (BAP). Equivalent de X-Files mais avec une guillerette touche franchouillarde, ce bureau va faire appel (via un mystérieux individu) à Victor V., universitaire margoulin à ses heures qui vend ses connaissances ésotériques au plus offrant. Car un meurtre incompréhensible fait sévèrement buguer un commissaire et son équipe. C’est parti.

Critique de La Malédiction de la Tour Saint-Jacques

Voilà le genre de BDs qui sort en pleine rentrée littéraire en proposant quelque chose qui, de prime abord, semble particulièrement éculé, mais que curieusement personne n’a jamais songé à publier (ou alors je suis passé à côté).

L’idée consiste à dégoter quelques malédictions ou autres légendes urbaines dignes des Contes de la crypte en les confrontant à notre univers moderne. Jean-Pierre Pécau, le scénariste, a visiblement bien fait ses devoirs en mettant en scène un Bureau d’investigation tout droit sorti des cuisses du Tigre (on appelait ainsi Clémenceau). C’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle j’ai acquis cette chose. Le scénario ? Même pas envie de l’évoquer.

Quant aux dessins, ce n’est pas fameux non plus. Pas une seule fois j’y ai cru, et la bête volante qui occis de temps à autre fait aussi peur qu’une pub Disney dans le métro. Si le faciès des personnages est bien esquissé, force est d’observer que les dialogues ne sont pas raccords avec leurs gueules. Dès qu’ils se mettent à tchatcher, ça cloche et le rythme s’en ressent. J’ai trouvé dans l’ensemble les couleurs sombres (normal me diriez-vous) et fades, toutefois il y a jolis jeux de lumière (à la Georges de La Tour) dans les arcanes d’architectures gothiques (de l’église aux gares enfouies de la RATP).

En conclusion, faites comme vous voulez. A la rigueur, on attend que tout sorte et hop ! acquisition de l’intégrale. Parce qu’une cinquantaine de pages à près de 15 euros, à un moment faut arrêter de nous prendre pour d’aimables gargouilles.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Tour Saint Jacques. C’est parti pour la culture G : 54 mètres au compteur en plein 4ème arrondissement, ultime vestige de Saint-Jacques-de-la-Boucherie, église construite vers le XIIème siècle, utilisée pour fabriquer des plombs de chasse (les billes en fusion devenaient bien rondes en tombant), et maintenant retapée pour le bonheur des touristes. Victor, le héros, profite de l’investigation pour balancer quelques références qu’on trouverait, en moins de deux minutes, sur le net. Voilà.

Le Paname underground et qui fascine. Les aventures de nos amis ne vont pas se cantonner strictement à la Tour, il y a d’autres mystères qui font la queue comme pour appâter le lecteur à lire les tomes suivants. Notamment une belle inconnue dont Victor doit se méfier, esprit de je ne sais plus quel aspect de la capitale (les lavandières, la Seine, Michou ?). Sans vous spoiler, ce n’est rien qu’une sombre histoire de statues qu’on ne met pas à la bonne place, donc l’une d’elle, fort mécontente, va le faire savoir.

…à rapprocher de :

– Paris et son histoire underground, pffff…les titres ne manquent pas. Toute aide est la bienvenue. Le premier qui me sort Métronome, je lui bouffe la main droite.

– Rien que pour le titre, je vous conseille de lire plutôt un roman : Maléfices, de Boileau-Narcejac.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD via Amazon ici. Mais je vous le déconseille.

EncycatpediaDans ce volume de l’encyclopédie féline, je vais tenter de vous expliquer comment transformer une innocente visite chez le véto en un impressionnant maelstrom dont il ne se remettra pas complètement. Accrochez-vous, ça va dépoter dans le bureau du praticien.

Qu’a fait de mal ce thérapeute qui préfère soigner les animaux aux humains ?

C’est un sujet qui sera traité dans un autre volume, toutefois je consens à vous résumer en un mot le grief principal : le prix. L’inélégant praticien, très souvent en situation de monopole, présente en moyenne une facture qui dépasse jovialement les cent boules. Je n’ai jamais osé faire le calcul de ce que me coûte, annuellement, le fait d’avoir Pépito (je nommerai le chat ainsi dans ce billet) en bonne santé. Toutefois si j’écoutais le docteur je devrais lâcher trente eurodollars de plus par mois pour lui procurer des antidépresseurs. Paraîtrait que je suis sadique, mais c’est une autre histoire.

Voilà le décor intellectuel planté, à savoir être bien remonté contre le docteur. Passons à la préparation de l’opération. J’utilise le terme « opération » à desseins, car c’est presque une manœuvre militaire d’envergure que vous allez mettre en place.

Bien préparer sa visite chez le vétérinaire

Comptez deux petites heures d’intense préparation pour rendre dingue le véto et convertir son infâme cabinet (en partie payé par vos soins) en mini-Verdun du XXIème siècle.

Cela commence par bien fourbir ses armes. Allez dans la litière de Pépito et tamponnez, avec un morceau de papier toilette légèrement humidifié, les selles et autres saloperies qu’il a laissées. Chopez votre animal et appliquez consciencieusement la mixture sur ses griffes antérieures (faites-les sortir pour en tartiner le plus possible). A l’instar d’un paysan birman qui dépose du poison sur les patounes de son coq avant un combat clandestin, les griffures de Pépito doivent absolument être les plus douloureuses. Attention, ne mettez pas quelque chose de trop vilain (cyanure par exemple), ce serait dommage d’être mis en examen pour administration de substance nocive.

Ensuite, il faut donner envie à Pépito de se servir de ses griffes. La technique du Tigre consiste à d’abord caler l’animal dans sa cage en plastique (je vous explique comment faire ici). Le monstre félin étant ferré, amusez-le un peu. Beaucoup même. Je vous conseille la technique dite du « bateau de pirates », une vraie gâterie : tenez la cage à bout de bras et imprimez de vaillants va-et-vient, tout en chantant Le Connemara de Michou Sardel (je dois payer des droits à la SACEM dès que je balance son nom, d’où la savante contrepèterie). Sauf si votre chat est joueur et aussi maso que moi, il ne devrait pas aimer du tout.

Blague à part, vous pourriez en profiter pour appliquer en pratique vos antiques cours de physique. Ceux portant sur la force centrifuge (ou centripète, je ne sais plus). Mon esprit scientifique et ma profonde empathie pour les félins ont offert à Pépito pas moins de quatre soleils de belle facture. J’ai bien cru qu’il avait doublé de volume, en fait ses poils se sont hérissés comme la fois où j’avais mis un masque de Reagan pour une party sur les 80’s. Je rappelle que le matou ne doit pas avoir mangé deux heures avant cette attraction, à moins bien sûr que repeindre le sol et le plafond de votre appart’ est à l’ordre du jour.

Ces menues attentions délivrées, vous transportez dans le clapier une vraie bête, un taureau, un berseker, non, une bombe. Un être furibard et à la mémoire de poisson rouge prêt à bondir sur le premier venu à portée. Comme par hasard, ce sera le véto.

Chez le véto, Pépito fait son show

En préparant le rendez-vous médical de la sorte, il ne m’est arrivé que des bonnes choses. Je regrette de ne pas avoir pris une caméra frontale.

Le risque premier est de piétiner trop longtemps dans la salle d’attente, ce qui calmera le chat. Deux-trois petites piqûres dans le derrière à l’aide d’un cure-dent devraient maintenir la nécessaire pression, à vous de voir. Je n’en ai pas eu besoin dans la mesure où j’ai été immédiatement reçu. A peine le charlatan a ouvert la cage que Pépito a surgi tel un diable en ressort pour se réfugier sous le bureau du doc’. Ce dernier a eu toutes les peines du monde à l’extraire, le félin labourant son avant-bras très vite ensanglanté avec une courtoise méticulosité. Le praticien a gratté sa blessure comme un dingue pendant qu’il auscultait mon chaton qui feulait et crachait comme un Chinois. Pendant ce temps, je marmonnais un vague « je ne comprends pas docteur, vraiment. D’habitude elle/il est si calme. Il doit sentir quand il vient chez vous. »

Le meilleur (et là le timing est très serré, pour ne pas dire impossible à gérer) est de faire en sorte que Pépito chie chez le vétérinaire. La digestion dépend de plusieurs paramètres assez complexes, cependant en lui refilant une gamelle de Saint-Moret vous pouvez être sûr qu’il la rendra (par derrière) six heures après. Testé et approuvé trois fois au moins. Si la grosse commission arrive dans le cabinet, ne faites rien jusqu’à ce que le médecin à chats commence à nettoyer. A cet instant vous pourrez prendre Pépito (soulagé, donc apaisé) dans vos bras et lui susurrer à intelligible voix, avec le ton employé habituellement vis-à-vis votre neveu un peu débile : « vouuuiiii mon petit, toi aussi ils te font chier les tarifs du vilain monsieur hein ? ».

Remarque bête et méchante, hélas dans mon cas j’ai vu le crâne de Monsieur X prendre une teinte rose, puis franchement rouge. Aucun humour, je crois qu’il espérait mieux comme dernière consultation de la journée. Essayez cette répartie avec le vôtre, peut-être que ce sera le début d’une conversation menant à une remise.

En principe, après trois rendez-vous de cet acabit, votre chat aura développé un réflexe de Pavlov, et le traumatiser façon « parc Astérix » ne sera plus nécessaire. Parallèlement, et c’est bien là le plus important, le riche praticien développera ce même automatisme à chaque fois que vous vous pointerez. Le nom de Pépito, dans son poussiéreux agenda de comptable, sera inscrit en lettres de sang.

A très vite pour un nouveau volume, d’ici là soyez gentils avec mes petits cousins.

Zep - Les Filles électriquesSur ma version, y’a un gros macaron « PAR L’AUTEUR DE TITEUF ». Merci captain obvious, ah ouais là je vais l’acheter. Sympathique, mais sans plus…illustrations pauvres et concentrées sur les personnages (qui finissent par tous se ressembler), presque une déception. Ce serait du turbin alimentaire que ça ne m’étonnerait pas.

Il était une fois…

Robert – merde, ce prénom, je suis désolé mais quand même…, donc Bob est un ado tout ce qu’il y a de plus banal : acné, hormones qui déglinguent son esprit, lubricité mainstream, bref le banlieusard basique entouré de superbes nanas (sauf une, aux airs de Dumbo, et la seule qu’il niquera d’ailleurs).

Critiques des Filles électriques

Un truc du bon Zep, ce n’est pas par défaut mauvais. Et eu égard sa notoriété et la « révolution Titeuf » (si si, ça a marqué), il est légitime pour Le Tigre d’être plus exigeant. Heureusement que j’ai acheté cette BD cinq yuan dans un marché à Chengdu, sinon je l’aurai eu mauvaise.

Philippe Chappuis (ai appris son vrai nom à l’instant) a du publier cet illustré en plein milieu de Titeuf, et l’éditeur a tout fait pour que cela se sache. Abandonnant l’écolier pour se tourner vers l’étudiant (ou collégien, je n’arrive pas à faire la différence), ce sera des histoires presque exclusivement portées vers le beau sexe, et dans un monde épuré tant d’un point de vue dessinatoire que scénaristique : peu de violence, pas de gays, pas de drogue, on frôle l’aseptisation.

On reconnaît rapidement la patte « gentil garçon » de l’illustrateur dont les protagonistes, exagérés, accusent les difformités que peuvent seuls s’imaginer avoir des ados. Une historiette par planche, aucun rapport entre celles-ci, c’est du gros one shot qui hélas ne dépasse pas les cinquante pages. Le pire dans tout ça ? On oublie les saynètes au bout de dix pages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’adolescence, âge ingrat. Robert n’est pas à la fête et chaque initiative entreprise (car il s’accroche le petiot !) lui apporte un deuxième effet kiss kool imprévu. Néanmoins, sur une planche sur deux, il s’agit seulement de se faire damner le pion par un beau gosse. En rajoutant quelques jeux de mots assez triviaux, bah le résultat n’est pas fameux. Heureusement pour les lecteurs mâles, quelques pépées restent tout à fait appétissantes, on retrouve d’ailleurs bien l’idée selon laquelle elles murissent plus vite que les mecs (qui eux ressemblent à des culs de bonobos grattés à deux mains).

La note négative attribuée aux Filles électriques est également du fait de l’éditeur. Disons que ce malotru s’est livré à ce que je nomme une « réédition sauvage ». Cette oeuvre est ressortie, peu de temps après, sous le titre Happy girl (dans la ligné d’Happy Sex & Co. Le Tigre n’ose imaginez le nombre de péquenauds qui l’ont acheté (ou offert), croyant sincèrement que l’auteur avait tiré de son chapeau une cinquantaine de nouvelles histoires (ce qui ne me paraît pas insurmontable). Que tchi ! Certes il est précisé dans la BD que c’est une réédition, mais la méthode me paraît franchement douteuse.

…à rapprocher de :

– De Zep, j’ai nettement préféré Happy Sex, un peu plus crade/trash.

– Je suis en train de lire Une histoire d’hommes. Le billet arrivera incessamment sous peu.

Albert Cohen - MangeclousGros pavé qui fait partie d’une trilogie (avec Solal, si je ne me goure pas), j’ai bien failli à ne pas aller jusqu’au bout. Au milieu des années 30, nous suivrons l’existence de cinq potes et cousins juifs qui se font appeler les Valeureux, sur une île grecque. Too long, too much, j’ai baillé trop souvent. Rabelais est bien loin.

Il était une fois…

Joseph Kessel, le grand, l’unique, parle du roman en ces termes. Laissons-le donc s’enfoncer : « Un héros comme Mangeclous atteint à l’épique. Il y a là, à mon sens, quelque chose sans aucune espèce de comparaison. Il y a du souffle de Rabelais. C’est comme dans Rabelais : on accepte tout. On accepte tout parce qu’il y a un amour du personnage, parce qu’il y a une manière démesurée de le traiter qui fait que simplement on est ébloui. »

Même Marcel Pagnol s’y met, c’est terrible : « L’admirable Mangecloux, un grand héros comique d’une drôlerie extraordinaire. Le comique de Mangeclous est juif par sa subtilité, par les récifs de mélancolie qui affleurent soudain, par l’observation féroce et tendre qui le nourrit. Mais ce roman acquiert une portée générale par son humanité, son grand rire salubre, sa verve populaire. Sa fraîcheur, sa fruste saveur, sa robuste simplicité le font accéder à la majesté des légendes populaires et des grandes épopées. »

Critique de Mangeclous

Comment m’est venu l’idée de lire Mangeclous ? Deux raisons : Belle du seigneur qui m’avait proprement ravi. Ensuite, les critiques de glorieux Académiciens (cf. supra) pour parachever ce choix de lecture. Hélas, mille fois hélas, je me suis lourdement trompé.

Il n’y a pas vraiment d’histoire, disons que tout cela se passe dans l’entre-deux-guerres et on fait la connaissance du fameux Mangeclous et ses amis, ce premier est notamment décrit comme ayant de « longues dents et œil de Satan et Lord High Life et sultan des tousseurs et crâne en selle et pieds noirs et haut de forme et bey des menteurs et parole d’honneur et presque avocat et compliqueur de procès et médecin de lavements et âme de l’intérêt et plein d’astuce et dévoreur de patrimoines et barbe en fourche et père de la crasse et capitaine des vents ».

Si je me suis fait suer à recopier ces phrases, c’est pour mieux se rendre compte de l’étendue du problème de cette œuvre. Volontairement grotesque et caricaturale, à l’humour gras, répétitif voire lourd, c’en est au point d’être rapidement lassant. Albert Cohen y dépeint une série de personnages tous plus ridicules les uns que les autres, dotés de tous les vices possibles (bêtise, jalousie, avarice, arrogance, avidité, gloutonnerie…), et qu’il ne ménage d’ailleurs pas : l’auteur les traite férocement et les rend antipathiques au possible. A la limite de l’insupportable.

Albert C. critique tout en permanence, se moquant à la fois des Juifs, des Grecs, des Suisses, des ambassadeurs, jusqu’à l’absurde. Or, le but de l’écrivain suisse m’a rapidement échappé. Il souhaitait faire rire ? Le Tigre, s’il a relativement ricané pendant les premières pages, a vite été las de ces situations qui partent dans tous les sens, des personnages bêtes et méchants, de cet humour que je qualifierais de trivial.

En conclusion, c’est un titre dont je m’étonne d’être parvenu à aller jusqu’au bout. Car Mangeclous est, à mon sens plus que dispensable, surtout quand les chapitres se font rares et la police d’écriture petite. Je suis certain qu’il est milles choses à dire sur cette œuvre, toutefois j’ai survolé la seconde moitié d’un œil torve. Il s’agit sans aucun doute d’un bouquin à relire plus tard, et je suis persuadé que mon avis sera profondément divergent du présent billet.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’excessif dans la littérature. … L’auteur en fait définitivement trop, c’est plus que pénible. Il n’épargne ni ses personnages, ni le lecteur à qui il fait notamment la longue description des différents aspects de la saleté du personnage principal (flatulences, curage d’oreilles,  croûtes en tous genres, et autres réjouissances…). Pour une action, on aura droit à des pages de synonymes et répétitions, et trop rarement la petite touche littéraire m’a fait sourire (en cherchant bien, le « lait de tigre » pour le pastis est bien trouvé). Le scénario ne vient pas rattraper les protagonistes puisque ces derniers sont placés dans des situations toujours plus rocambolesques et enchaînent des mésaventures saugrenues, le gavage n’étant jamais loin.

Au final, le seul thème presque intéressant abordé au cours de ce demi millier de pages est la vanité de la Société des Nations et de la diplomatie mondiale de cette époque en général. De l’incompétence, de la bassesse, de la bêtise, en fait grâce au frangin devenu sous-secrétaire de la vénérable institution Cohen en profite pour tirer à boulets rouges sur une SDN incapable de résoudre les conflits qui vont, plus tard, faire rage.

…à rapprocher de :

Belle du seigneur n’a rien à voir, c’est une petite bombe. Faudrait que je songe à le résumer by the way.

– Sur l’excessif, préférez un bon San-Antonio (je propose toujours le même).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman  en ligne ici.