Bud E. Weyzer - Tintin en ThaïlandeDepuis le temps que Le Tigre dévore sans broncher les histoires un peu niaises de nos héros franco-belges du 20ème siècle, j’ai enfin trouvé ma petite revanche. Une parodie d’un célèbre reporter à peu près bien foutue, voilà de quoi correctement se marrer. Si vous n’en avez rien à foutre de la critique et préférez lire tranquillement la BD, RDV au bas du billet.

Il était une fois…

Tintin et ses potes s’emmerdent sévèrement au château depuis que Hergé est décédé. Ajoutez la cave inondée et les réserves de whisky au plus bas, Haddock n’est pas franchement jouasse. Mais c’est sans compter la femme de Séraphin Lampion qui débarque en leur demandant de trouver son mari. Elle suppute (choix du verbe intentionnel) que son époux a découvert l’amour en Thaïlande. Leur promettant de rembourser leurs faux frais, direction le premier avion.

Critique de Tintin en Thaïlande

Vous vous en doutez, Baudouin de Duve (son « nom d’artiste » étant un peu gros) a eu quelques mésaventures juridiques lorsqu’il a décidé, au début des années 2000, de sortir cet irrévérencieux album. Oser coucher sur papier les aventures de Tintin dans un environnement très sexuel (même si ça reste suggéré, à peine soft), chapeau.

Tout est presque bon dans cette bande dessinée : Bud E. Weyzer, non content d’avoir repris les canons du genre, s’est lâché dans les références aux albums du journaliste à la houpette : le général Alcazar encore détrôné qui tient un bordel à Chiang Mai, la nouvelle copine de Lampion qui ressemble à l’ex-femme de ce dernier, Tchang en ladyboy (comprenez, il a été sauvagement violé par le Yéti),…retrouver les protagonistes dans de telles configurations détone avec l’idée construite autour de l’univers originel.

Allez, on peut bien trouver quelques défauts dans ce désopilant pastiche ? Tentons : premièrement, le dessin certes correct fait, à la longue, mal aux yeux (à moins que ce ne soit la lecture sur écran). Le noir et blanc, un peu gras, fait qu’on s’éloigne de la ligne claire d’Hergé, même si l’allure des personnages est respectée (à part sans doute la Castafiore, en mode Desireles avec son groupe de rock pseudo lesbien).

Deuxièmement, quelques délire de Beaudoin vont, à mon sens, trop loin pour que le lecteur suive. A la rigueur, parler du Chateau d’Utroux (12 ans d’âge, dont 2 de cave) fait méchamment sourire, mais lorsqu’il s’agit de références typiquement belges ou la fameuse recette de lapin de la mère Lampion, ça gave à la longue.

Troisièmement, il y a ce qu’on nomme le « syndrome Jean Roucas » (ce n’est pas de moi cette expression, et c’est bien dommage) : les blagues initiales passent, néanmoins après quelques planches la surdité de Tryphon T. ou les salopes thaïlandaises sont plus que redondants. L’artiste s’est fait plaisir, et ne pensait sûrement pas que son oeuvre allait rencontrer un tel succès (les ayant droits y ayant grandement contribué).

Au final, Le Tigre qui est parfois bon public s’est quand même régalé. Voir Milou baiser avec chat, Nestor être dépucelé (devinez par qui ?), Tournesol enchaîner les gonzesses, ou encore apprendre que Tintin est asexué (on s’en doutait), ça touche une partie de mon cerveau qui se réjouit de ce foutage de gueule généralisé. Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, le format de 60 pages paraît hélas long.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le thème le plus important concerne la manière dont les successeurs d’Hergé ont « verrouillé » les personnages de leur aïeul. Le « quatrième mur » de la BD est régulièrement franchi, notamment la société Moulinzouave qui tente de s’assurer que Tintin reste bien dans les clous. Les passages où le responsable de cette institution manque de s’étrangler en écoutant les rapports d’un espion sur place (celui-ci faisant la tournée des putes) au sujet des pérégrinations des héros sont savoureux à souhait. On ne pouvait mieux penser comme critiques sur les personnages appartenant à l’auteur (contrairement à ceux des comics).

Cette BD est l’occasion de « découvrir » un nouveau pays, le Siam. Les ping-pong shows, les catins ricanant non-stop, la gueuse de Séraphin qui s’avère être un Kathoi (un travesti), les touristes peu portés sur les visites culturelles, quel beau tableau ! Je plaisante. Au bout du compte il est certainement dommage que l’auteur ne se soit intéressé qu’à cet aspect de Bangkok et ses environs, ramassis de brèves de comptoirs de mâles adipeux qui ont visité le pays.

Toutefois, je me dis que Weyzer a fait cela intentionnellement, comme pour souligner que non seulement il n’a pas peur de verser dans le burlesque, et à l’instar du grand Hergé il n’hésite pas à y aller de ses menus préjugés.

…à rapprocher de :

– Les parodies ou vilains pastiches de Tintin sont légion, je ne sais pas lesquelles signaler en priorité. C’est là que vous pouvez m’aider.

– Vous trouverez quand même les vraies aventures de Tintin sur l’impérial blogue, par exemple L’île noire ; Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.

– Quitte à faire sérieux, voici les albums Tintin préférés du Tigre dans un Dodécatora.

Enfin, Tigre est bon avec vous : voici, en lien, la BD disponible en téléchargement sur le glorieux site. [Attention, ça pèse plus de 10 mégabittes]. Avis aux détenteurs de droits (de Duve ou SA Moulinsart) : merci d’envoyer au Tigre un gentil mail de réclamation avant de sournoisement pointer les scud vers son hébergeur.

Amelith Deslande - Chair et tendreRecueil de textes d’un écrivain anonyme et passablement dérangé, voici de quoi passer de fortes vilaines nuits. Certes il y a de tout dans Chair et Tendre, toutefois le lecteur très attentif saura y déceler une logique malsaine qui sait fouiller les tréfonds de ce que l’Homme sait faire de pire. A consommer certainement avec modération.

Il était une fois…

Le Tigre ne compte pas vous faire le résumé des onze textes, aussi je vais m’en remettre à la succincte présentation de l’éditeur :

« D’Anvers à Venise en passant par la Venelle fantôme, découvrez le brûlant de la Maison-Tranchoir ou les labyrinthes qui se cachent dans l’âme humaine ».

Critique de Chair et tendre

Bon, à quoi va ressembler ce groupement de textes ? Disons qu’en lisant le très court premier qui donne le titre à l’ensemble de l’œuvre, la couleur est clairement annoncée : ça va être glauque et sanglant. Ensuite, la deuxième nouvelle (Chemin de croix ou, plus tard, Chronique des égarés) donne un autre indice sur l’aspect labyrinthique (donc mystérieux) de ce qui sera offert au lecteur.

Une constante reste la surprise finale du chef. Je pense notamment à Maudit soit le jour, avec le décès répété, à des instants différents pense-t-on, d’une même personne. Ou au dernier jet de l’auteur, dont le fin mot de l’histoire m’a fait halluciner. Cela peut aller trop loin, comme dans Ce que femme veut, où on apprend à tout reconsidérer, sinon relire la nouvelle pour voir à quel point on a été piégé par la prose d’Amelith D.

Sur la prose de l’écrivain, il est quelques « tics » de langage signalant qu’on a affaire au même cerveau imaginatif (certains adjectifs redondants et « pourris » dans le sens où le mal-être est toujours présent), cependant la narration ou la structure des textes font état de variations qui m’ont enchanté. En outre, j’ai cru dénoter un sadique plaisir à trimballer le lecteur, se jouer de lui.

Au final, si j’ai eu la désagréable impression d’être la chose de Deslandes qui, par le choix des textes, m’a forcé à entrer dans son univers autant original que dégueulasse, faut avouer que c’est très bien amené. Particulièrement quelques discrets liens entre les scénarios, et à ce titre on pourrait regretter l’obligation de se creuser sévèrement le ciboulot pour suivre les rapports entre, par exemple, la maison cannibale et d’autres labyrinthes sortis des pires cauchemars des scénaristes de Cube.

A lire d’une traite donc, en espérant qu’un recueil plus « linéaire » daigne voir le jour un de ces quatre. Néanmoins ce ne serait le genre ni de l’auteur, ni de l’éditeur. Et pour la claque littéraire prise, Le Tigre ne va pas faire la fine bouche.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le corps malmené. A l’instar du Marchand de Venise de Shakespeare (peut-être référence dans Une dernière nuit à Venise, que j’ai hélas trouvé moins intéressant que les autres), les errements de quelques héros se paient en livres de chair (d’où le titre). Que ce soient pour les raisons personnelles anti-mode d’un psychopathe dans Mutilations mondaines, ou simplement nourrir une bande de doux fous dans un immense manoir, le sacrifice de morceaux de viandes humaines est omniprésent.

Les objectifs de ces prélèvements sont variés, tant monstrueux (Les échos clandestins) ou pour satisfaire une certaine idée de l’art. Le dernier texte, L’éternelle demeure, est dans ce domaine un bouquet final d’horreur pure à lui seul capable de laisser un ultime souvenir d’Amelith Deslandes.

Le labyrinthe. Dès le début, Le Tigre pariait, in petto, sur le nombre d’itérations de ce terme (en nom propre, adjectif, etc.) dans la prochaine nouvelle. Et ça revient très souvent, sans que ce ne soit lassant puisque l’auteur décline ce sujet de différentes manières. Sombres labyrinthes ; sous-sols séquestrant le corps et l’âme ; puits sans fonds ; transformation d’une ville et peur lorsque le labyrinthe se fait mouvant (cf. septième texte), en fait l’ingéniosité humaine paraît infinie pour baiser l’esprit des protagonistes.

…à rapprocher de :

– Cette maison d’édition a également publié une anthologie sur les Robots, avec quelques jolis textes.

– Face à l’horreur du labyrinthe physique qui renvoie aux liaisons synaptiques décrépites d’un cerveau malade, je me suis plus que de raison remémoré le génial L’Homme dans le labyrinthe, de Silverberg.

– La mode et la mutilation, objet de la nouvelle Mutilations mondaines, est un magnifique clin d’œil à Monstres invisibles, de l’unique Palahniuk (mon auteur préféré, en serait-il de même pour Deslandes)?

– Le thème du corps torturé, chez un autre éditeur indépendant, c’est Sales bêtes !, sorti chez les Artistes Fous Associés. Que des dingues, je vous le dis.

Ed Brubaker - Catwoman T1 : D'entre les ombresVO : Detective Files #759-762 et Catwoman #1-4. Il m’arrive trop souvent de laisser (temporairement) de côté le Chevalier noir pour suivre quelques aventures de ses potes. Avec Brubaker, c’est une Catwoman moderne et touchante que le lecteur découvrira. Peu de prises de risques hélas, presque du papa dans maman.

Il était une fois…

Disparue depuis des semaines, Selina Kyle, dite Catwoman, est elle arrivée au terme de ses neuf vies ? C’est ce que le détective Slam Bradley tente de découvrir, mais la pègre de Gotham, ainsi que sa haute société ne semblent pas enclins à répondre à ces questions. Le retour de Catwoman ne se fera pas sans peine et la conduira à affronter un tueur de dames particulièrement étrange. [au copier-coller de la couv’ je rajoute un SPOIL : le méchant, c’est un pauvre type mi-métamorphe, mi-traumatisé. Voilà pour la touche « fantastique » et le subtil renvoi aux soucis d’identité de nos super héros.].

Critique de Catwoman T1 : D’entre les ombres

Ed Brubaker qui présente Catwoman, c’est comme Grant Morrison qui présente le Batman. Et, pour une première approche de la très féline Selina, aucune catastrophe n’est à déplorer. L’introduction du personnage est correcte, faut dire que les présentations de l’éditeur au début du comics aident.

Commençons par le mauvais point : le scénario. Ed Brubaker a certes souhaité reprendre les origines de Catwoman (en particulier le passé de Kyle), toutefois je n’ai été que guère accroché par les premières planches. Il est question d’un détective chargé de savoir ce qu’il est advenu de la belle, et il appert rapidement qu’elle est sur le point de reprendre du service. Sauf que les causes premières de ce retour et l’état actuel de l’héroïne ne m’ont pas semblé vraiment claires, sans compter un début de narration peu immersif.

Le bon point (à mon sens hein) : les illustrations. C’est surtout dû au bon Darwyn Cooke, dessinateur de talent dont Le Tigre commence à reconnaître (et apprécier) le style, notamment grâce aux BD sur le héros Parker (sur QLTL). C’est simple (ligne claire et couleurs basiques), « cartoonesque » et très carré dans le tracé (regardez rien que la mâchoire de Wayne…). On pourrait reprocher l’esquisse des protagonistes qui les rend parfois peu vivants. (Et il m’est difficile de le reconnaître, Catwoman est bien moins sexy qu’avec d’autres auteurs).

A signaler deux courts chapitres finaux sur les « neuf vies de Selina Kyle ». Sans plus. Au final, un travail correct mais qui n’arrive pas à la hauteur des aventures du Chevalier noir dans la mesure où on ne retiendra pas grand chose de cette histoire. Comme si ce qui ne concerne pas le Batman n’était pas digne d’être aussi torturé et malsain.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les menus soucis d’identité sont au cœur de ce comics. Normal me diriez-vous pour réinventer une légende. Mais contrairement à Batounet Ier, la miss chatte semble plus fragile aux entournures : elle consulte régulièrement un psy ; ce qui arrive à ses proches (ses amies prostituées, par exemple) lui importe énormément (on le verra dans le troisième tome) ; elle commet quelques erreurs d’appréciation, en fait il est souvent question de questionnements sur le fait de reprendre ou non le costume (dès qu’elle le fait, c’est épanouissement total).

Quitte à risquer de très vilains rapprochements, Selina me fait l’effet d’une Robine des Bois un tantinet manquée sur les bords. Là où elle était tranquille, c’était quand elle volait aux petits riches pour aider ses proches. Sauf qu’elle a vite les cavités oculaires plus grosses que son ventre plat, et les déconvenues débarquent dès qu’elle s’attaque à de beaux poissons : Bruce Wayne, ça passe ; la mafia et les flics/politiciens corrompus, danger ! C’est précisément l’objet de ce comics, puisque le détective a été embauché par les belles pontes (nom fem.?) de la ville. Et quand ce dernier ne satisfait pas le gratin de Gotham, il morfle.

…à rapprocher de :

– Le second tome s’intitule Dans les bas-fonds (sans plus), puis Sans répit (acheté en premier, comme un con), et puis L’Équipée sauvage.

– Sinon, Tigre a lu d’autres aventures de Catwoman, par Winick & March. La règle du jeu, La maison de poupées et Indomptable, plus sombres. C’est de pire en pire est hélas. Batounet y est plus présent. Je ne parle pas de Darwyn Cooke (certes à la base du présent billet) et son Catwoman, celui-ci me semble plus confidentiel.

– D’Ed Brubaker, Tigre a été déçu par Scene of the Crime (lu en anglais). Fatale (premier tome uniquement lu) est bien mieux.

Enfin, si votre librairie à comics est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.

Jean-Michel Guenassia - Le club des incorrigibles optimistesIl est plutôt rare que Le Tigre se procure une fiction française sans attendre sa sortie poche, mais Jean-Mi ne m’a point fait regretter ce geste. En suivant un pré-ado dans un club au fond d’un bar peuplé de personnages savoureux à l’historique assez lourd, c’est tout un pan de l’histoire abordé avec intelligence et une pointe d’humour qui est à portée.

Il était une fois…

J’aime bien le quatrième de couv’, je vais partiellement le copier :

« Michel Marini avait douze ans en 1959. C’était l’époque du rock’n’roll et de la guerre d’Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l’arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient passé le Rideau de Fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux, et tout ce qu’ils étaient. Ils s’étaient retrouvés à Paris dans ce club d’échecs d’arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. »

Critique du Club des incorrigibles optimistes

Pour une fois, j’ai choisi comme image de couverture celle du grand format, et avec le bandeau parlant d’un certain prix remporté par Guenassia. En effet, j’ai lu ce roman dès sa sortie et le Goncourt des Lycéennes me paraît plus que mérité.

Bon, autant le dire, ce n’est pas pour la belle gueule du héros que je ne suis pas parvenu à décrocher du bouquin. Car le Michel du roman est souvent horripilant par sa nonchalance, quand ce n’est pas la passivité face à tout ce qui se passe autour de lui. C’est seulement un spectateur des péripéties de ses connaissances au Balto, celles-ci étant au cœur du club.

Parlons-en, de ce fameux club. Si le gros est dit dans la présentation de l’éditeur, découvrir les pérégrinations de ces protagonistes (qui d’un poète, d’un taxi, d’un auteur célèbre qui vient leur rendre visite, etc.) est un pur plaisir.

Sur le style, en à peu près 800 pages Guenassia est parvenu à correctement me tenir en haleine. Son vocabulaire précis et chantant est parfaitement adapté au sujet du roman, même s’il m’est parfois arrivé de trouver le temps un peu long (le temps que je m’en rende compte, l’intérêt était vite ravivé), notamment dans le dernier tiers du roman. Au final, un presque classique que n’importe quel cerveau normalement constitué parviendra à apprécier.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Ce roman m’a semblé être, avant toute chose, le triple niveau d’appréhension des évènements de ce monde : les grands mouvements historiques d’abord, vus par des individus exceptionnels emprisonnés par leurs passés ; l’état de la géopolitique dans le monde, tel que vu par le quidam (je pense aux parents du héros) en France ; et enfin comment ces bouleversements sont vus par un gamin d’une douzaine d’années. Éveil d’une conscience politique ou amusement total par rapport à son entourage ? Vu ce que devient Michel à la fin du titre, je pencherai pour la première réponse.

Le titre mérite un petit mot. Pourquoi d’incorrigible optimistes ? La guerre d’Algérie, les troubles de mai 68, mais surtout les délires soviétiques à l’Est de l’Europe ne paraissent pas entamer le moral de la troupe. Pourtant, certains de ses membres ont de quoi pleurer tout ce qu’il reste d’eau dans leurs corps. Optimistes, car Léonid ou Sacha savent montrer au jeune homme que rien n’est désespéré, pourvu qu’on soit vivant. Incorrigibles, car sur la fin le lecteur découvrira qu’il y a derrière la joyeuseté (même pas de façade) un terrible secret, une trahison autant terrible que triste.

…à rapprocher de :

La vie rêvée d’Ernesto G., bien meilleur roman de cet auteur. Plus d’envergure, héros plus puissant surtout.

– C’est un genre de roman générationnel comme sait le faire Jonathan Coe, notamment dans Bienvenue au club (tiens, un autre club !).

– Le système soviétique, l’Orient européen, vaste et complexe, c’est aussi Emmanuel Carrère, romancier français qui m’a ravi avec Limonov.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche).

Les Sutras du TigreLe Tigre pose deux secondes son bouquin, prend une cagoule de séparatiste nivernais et compte vous expliquer, par le menu, comment chaparder avec classe un livre dans votre magasin culturel préféré. Afin d’éviter quelques exploits d’huissiers (les seuls dont ils sont bien capables), je vous rappelle que ceci est une expérience de pensée. Ne reproduisez pas ce billet chez vous.

Qu’est-ce que le vol littéraire ?

Cette partie fera office de déni…euh d’avis de non responsabilité. Comme vous le savez tous, Le Tigre a, encadré dans le mur gauche (celui sur lequel le soleil tape) de ses chiottes, le diplôme de criminologie signé du père Bauer en personne. La crimino, ce n’est pas que du droit, de la socio ou regarder des snuff movies dans les amphis, c’est une noble science qui m’a beaucoup apporté.

Je sais donc de quoi j’écris (ça passe ?), et notamment les aspects purement juridiques. Pour faire court, le vol est défini par l’article 311-3 du Code pénal. Les chiffres donnent dans l’ordre : livre 3 (le livre 2 est relatif aux crimes & délits contre les personnes, plus importantes. Imaginez, avant le livre 2 parlait des crimes contre l’État, c’est dire la mentalité). Titre premier (appropriations frauduleuses, comme l’escroquerie ou l’extorsion). Ensuite chapitre 1 (le vol à proprement parler, ce qui est large). Enfin section 1 (vol simple et aggravé, sans les dispositions relatives aux personnes morales notamment).

Le vol, c’est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Trivialement, l’élément matériel est aisé à comprendre : soustraction (donc ni don, ni vente, etc.) de la chose d’autrui (un bien donc, c’est pourquoi le vol d’électricité est précisé dans l’article qui suit). L’élément moral tient en un mot : frauduleux. Le suspect doit savoir qu’il commet un vol, ce qui ne serait pas le cas du Tigre qui prend un bouquin à la volée au salon du livre, pensant qu’avec le prix payé pour l’entrée c’était un open bar.

Sur les peines, je vous avoue que pour un tel objet celles-ci seront très légères. Au pire (et en supposant que votre casier judiciaire n’est pas trop chargé), un petit rappel à la loi sera prononcé, voire une amende avec sursis. Sauf si le magistrat s’est levé du mauvais pied et a envie de vous aligner pour faire marrer ses collègues (ça n’arrivera jamais, n’ayez crainte).

Commettre un larcin dans une librairie ?

Pourquoi une grande surface ? Deux raisons. D’une part, le gros supermarché de banlieue est plus apte financièrement à supporter votre nouveau hobby. Entre les lames de rasoir et les bouteilles de gin passées sous le manteau, le dernier Musso manquant à l’appel sera à peine plus douloureux qu’un coton tige lubrifié dans le derrière (pour vous, ce sera sûrement pire à lire). Une librairie, a contrario, ne vend par définition que des choses littéraires. Déjà que ces commerçants ne sont pas très jouasses quand leurs expert-comptables clôturent leurs comptes, pas besoin d’en rajouter.

D’autre part, le risque de se faire choper. Le bouquiniste, dans son échoppe autant poussiéreuse qu’abandonnée, est susceptible de ne pas vous lâcher. Pire, il pourrait vous conseiller des romans. Malédiction, impossible de subtiliser quoi que ce soit ! Pour les plus imposantes boutiques de livres, très souvent un système de « pastilles » ou autres indélicatesses est mis en place afin qu’une désagréable musique vous signale comme un voleur en sortant du magasin. [Conseil à l’attention des quérulents : si ça sonne alors que vous n’avez rien piqué et qu’on vous fouille devant tout le monde, vous avez potentiellement le droit à des dommages et intérêts]

Quel genre de romans taper sinon ? Vous le faites comme vous le sentez, surtout que piquer une œuvre que vous ne lirez pas au final est un poil con, car les revendre ne vous rapportera que de ridicules clopinettes. En ce qui concerne Le Tigre, uniquement des San-Antonio sont clandestinement passés du supermarché à ma bibliothèque : un auteur presque mort, des poches mille fois réédités, un éditeur qui se gave depuis des décennies, une grande surface dont le dirigeant est un infâme anglais presque roux, bref je me suis donné des excuses béton.

On y est, voila la partie la plus importante.

Comment taper un bouquin dans un grand magasin ?

Les axiomes de cette partie seront : pas d’antivol dans le magasin + vigile présent. C’est ce dernier individu qui peut potentiellement vous mettre la honte.

Tout d’abord, faut préparer le terrain. Sans verser dans les clichés sociaux, débarquer avec des frusques normalement portées par un joggeur n’est pas de bon aloi. Alors faites un effort, sapez-vous comme il faut. Le meilleur reste l’habit de confiance : costume, robe de prêtre, chemise amidonnée à la BHL, jambe dans le plâtre, pull attaché autour du cou, pin’s des jeunesses giscardiennes, etc. Pas trop flashy dans la classe (ou le mauvais gout), c’est le meilleur moyen d’attirer sur soi tous les regards. Notamment ceux des personnels de sécurité et vidéosurveillance.

De même, vous ne vous présenterez pas les mains vides dans le magasin. Dans votre besace il y a un livre (le votre hein), d’aspect neuf, que vous sortirez avant d’entrer dans le temple de la consommation. Dans le cerveau de taille certes respectable mais néanmoins fatigué du vigile, doit s’imprimer l’image d’une personne propre sur elle tellement geek qu’elle est en train de besogner son bouquin. Le titre du bouquin ? Le vigile s’en fout, et tant mieux quelque part.

Ensuite, faites un peu ce que vous voulez dans le magasin, ça ne me regarde pas. Mais, de grâce, n’allez pas farfouiller dans le rayon « BD humour », neuf dixièmes des titres proposés sont de la merde pur carat. A un moment donné, vous remiserez dans votre sac le bouquin et prendrez un de même format dans un rayon. Vous n’avez pas besoin de vous cacher, le geste doit être le plus naturel possible.

Enfin, sortez. Cependant, pas avant avoir parcouru au moins le magasin pendant 5 minutes avec le livre prélevé. Il est important que, psychologiquement, le bouquin vous appartienne. Vous partirez du magasin avec l’à peine coupable nonchalance du gentleman-voleur du 19ème siècle. Avec le sourire. Et en disant au revoir au vigile (à haute et intelligible voix), je le fais toujours ils semblent apprécier.

Conclusion de voleur de poules

Préparation facile, 10 minutes montre en main, la recette tigresque est simple, mais nullement infaillible. Le principe de La lettre d’Edgar Poe, ni plus ni moins : plus c’est gros plus ça passe ! Que faire alors si on se fait prendre à la sortie ? Il convient d’opter pour la stratégie O.J. Simpson : nier, et ce quelles que soient les preuves.

En effet, il existe une salace propension chez les agents de sécurité qui veut qu’ils inversent, à tort, la charge de la preuve. C’est-à-dire qu’ils vous diront « Montrez moi monsieur/madame votre ticket de caisse. Vous l’avez acheté ailleurs ? Prouvez-le. »

La réponse du Tigre, que je daigne vous donner, consiste peu ou prou à cela. A vous d’adapter :

Ecoute mon coco, ça ne se passe pas comme ça. C’est à vous de me prouver que je l’ai piqué, alors on va ensemble aller checker le système informatique du magasin pour voir s’il manque ce titre. Si c’est le cas, alors votre inventaire a été sûrement mal fait. Je tiens à te signaler que je suis particulièrement pressé, et si tu continues à me faire perdre mon précieux temps, je vais tellement assigner ton infâme employeur que les comptes de l’année prochaine montreront une provision pour risque juridique qui fera tousser les actionnaires. En principe, pour un livre, on ne vous emmerdera pas plus longtemps.

C’est pourquoi discrètement tamponner (mon tampon est ici) le livre volé peut être un indéniable atout.

Grant Morrison - Batman T5 : Le retour de Bruce WayneVO : Batman:the Return of Bruce Wayne [logique, pour une fois]. Premier tome de Morrison décevant, deuxième superbe, troisième presque catastrophique, quatrième tome passable, et cinquième plus que mitigé sans rattraper le tout. Exercice d’imagination certes subtil, mais excessivement complexe à saisir. N’est pas bat-fan qui veut.

Il était une fois…

Bruce Wayne est dans un incompréhensible (selon Le Tigre) bordel : le très vilain Darkseid l’a envoyé dans un lointain passé en prenant soin de lui baiser la mémoire. L’homme chauve-souris se balade donc, une plume dans le fion, à travers les époques. Pendant ce temps la Ligue de Justice (Superman, Green Lantern, Wonder Woman, etc.) se branle le mou pour : d’un, le trouver ; deux, l’arrêter dans son délire temporel qui risque de tout casser.

Critique de Batman T5 : Le retour de Bruce Wayne

Après Le Dossier noir, Morrison a visiblement décidé de rester dans le thème de la science-fiction. Le problème principal, hélas, est l’inculture du Tigre. C’est profondément vexant, parce que des comics de Batounet, j’en ai au moins une quarantaine. Rien à faire, les conséquences de Final Crisis où les terres alternatives de DC Comics ont été mises au rebut pour ne faire qu’un univers un tant soit peu cohérent, me sont encore absconses.

Je vais tenter de faire simple, mais comprenez que Grant Morrison est parti dans tous les sens et a imaginé des scénarii que Le Tigre a été incapable de suivre. Il est question d’une énergie néfaste qui augmente à chaque saut dans le temps, une sorte de plan néfaste concocté par l’antagoniste pour transformer le Bat en une bombe à côté de laquelle la Tsar Bomba est de la pisse de nouveau-né. Le pire, accrochez-vous, sont les déblatérations de nos héros pour savoir ce qu’il en est du Chevalier noir. En rajoutant les conneries ésotériques des serviteurs de Darkseid pendant chaque voyage du héros, j’ai cru devenir dingue.

En conclusion, un comics sans doute trop exigeant pour mon intérêt général (pourtant élevé) et mes connaissances du monde de l’éditeur américain. Je confirme que les tomes de Grant Morrison avec ce personnage se suivent et ne se ressemblent pas, alternant entre le correct et l’imbitable. Quant à l’aspect visuel, RDV au prochain paragraphe.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Si je n’ai pas parlé des illustrations, c’est que le père Morrison est plutôt porté sur l’éclectisme. Il a, pour chaque chapitre, choisi un dessinateur différent. Chris Sprouse, Frazer Irving, Yanick Paquette (le connais lui !), Georges Jeanty, Ryan Sook, Pere Pérez, Lee Garbett, un vrai boulot d’équipe. D’où le manque apparent de cohérence dessinatoire qui, au final n’est pas un souci : en effet, il y en a pour tous les goûts. Si le premier chapitre paraît enfantin (voire oldschool), d’autres sont nettement plus sombres. La constante reste les protagonistes dont les expressions sont pour le moins vivantes.

Le chevalier noir (et servant) à travers les âges. Le paléolithique (bof) ; le Western (genre bien maîtrisé par l’auteur) ; le Moyen-Âge (ai eu du mal à savoir qui est qui) ; la piraterie (ça passe) ; la période contemporaine, le lecteur sera balloté dans tous les coins. Les rapports entre ces époques existent et son plus ou moins ténus. Ne comptez pas sur moi pour vous dire lesquels.

…à rapprocher de :

– Curieusement, ce comics peut se lire indépendamment, voire chaque chapitre (non recommandé à mon sens). Je vous rappelle quand même les précédents titres : Batman : L’héritage maudit, ensuite Batman R.I.P., puis Batman : nouveaux masques, et Batman : le Dossier noir, suivi du présent. Le tome 6, c’est Batman contre Robin, et c’est très bon. Puis Batman Incorporated qui m’a moins transporté. Quant à Batman : Requiem, rien n’a été rattrapé. Dommage.

– Grant Morrison qui bascule dans le n’importe quoi, c’est aussi Joe, l’aventure intérieure. Original, toutefois n’ai pas accroché.

– Une histoire dans plusieurs époques, des protagonistes qu’on retrouve souvent (le Joker avec son sourire, un tueur à gages à moitié défiguré, etc.), c’est presque le film Cloud Atlas.

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Agnès Martin-Lugand - Les gens heureux lisent et boivent du caféUne auteur auto-éditée qu’une maison d’éditeurs sans scrupules a pris sous son aile, c’est trop beau pour être vrai. Fallait que je constate cela in vivo. Merdum calamitumque, je n’ai pas pu aller au-delà du deuxième tiers. Incrédulité face aux protagonistes, souffrance due à un style plat et bourré de lieux communs, presque un gâchis. Michel Lafon rejoint le podium des éditeurs à la vue basse et court-termiste. On l’applaudit ensemble.

Il était une fois…

Diane a perdu son mari et sa fille dans un accident de caisse (l’époux mettant plus de temps à clamser). Sa douleur est tellement vive qu’elle ne souhaite pas aller aux obsèques. Bref, la dépression. Heureusement qu’il y a Félix qui passe de temps à autre. Or, Félix gère une sorte de café littéraire qui se nomme comme le présent roman… Un an après, lors d’une messe du souvenir, le déclic : elle prend un billet vers Mulranny (en Irlande) et y loue un cottage.

Critique des Gens heureux lisent et boivent du café

Au cours d’un petit dîner de famille, maman-lynx avait quelque chose de grave à nous annoncer. Craignant une rechute dans son idée de faire un blog concurrent du mien, c’est avec soulagement que nous avons étudié son dernier achat honteux. Le roman d’Agnès M-L qui trônait en tête de gondole du supermarché voisin. Ça aurait pu en rester là si deux jours après sœurette-panthère ne m’avait pas annoncé l’avoir lu d’une traite.

M’y suis donc mis. J’ai hélas (et à juste titre) supputé que le scénar’ n’allait pas déplacer des montagnes : une fois en Irlande, bien évidemment y’a une sorte d’anti beau gosse bourru mais touchant. Edward (merci Twilight, j’en parle ici) plaît progressivement à Diane, et réciproquement. Néanmoins est tapie dans les bois la perfide Megan, prête à chier dans les bottes de l’héroïne. Face au manque de consistance des protagonistes et le peu de crédibilité que je leur ai accordé (notamment Diane, trop triste à mon goût), j’ai refermé le bouquin.

Je ne prétends nullement faire de la littérature, toutefois Miss Martin-Lugand ne semble pas non plus verser dans cet art. Le style est à peine passable, comme un décevant roman de gare mâtiné d’une certaine vulgarité malvenue. Cependant…il peut être bon de revenir aux basiques « sujet-verbe-complément », avec une histoire « souffrance-renaissance-bonheur », mais de là à vouloir imprimer et vendre le résultat…

Pour conclure, j’ai appelé la frangine pour qu’elle s’explique. Avoir un bac moins 3 n’excuse pas tout. Sa réponse ? Ouais, j’ai bien aimé, tu comprends : après 24h non-stop au boulot, j’étais dans un état second. Et bah cette lecture vide plus l’esprit que le prime time d’une chaîne de la TNT un vendredi soir. Dont acte.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Très franchement, je n’ai aucune envie de remplir cette rubrique.

Toutefois, comme Le Tigre est bon avec vous, il va vous dire quel paragraphe a eu raison de sa patience. A la page 166, après ces bons mots, j’ai souverainement décider de passer à autre chose :

Je levai le visage vers lui. Je le fixai, j’avais envie de lui prendre la main, et rien ne m’en empêcha. Il m’attira contre lui. J’y restai quelques instants, chamboulée par le sentiment de sécurité qui me submergeait. Je finis par m’éloigner lentement. Je marchai vers la mer, je regardai en arrière, Edward me suivait, je lui souris, il me rendit mon sourire.

Quatre clichés littéraires de trop, la coupe féline était définitivement pleine. Rien de personnel Agnès, tu n’as qu’à te dire, et c’est probablement le cas, que je suis jaloux comme un tigre (moi aussi je sais clichotter, enfin clicher, hem, tu m’as compris).

J’aurais bien prolongé mon billet avec la loi Evin et autres pudibonderies hygiénistes, si seulement j’en avais le temps.

…à rapprocher de :

– Agnès a récidivé au milieu de l’année 2014 avec Entre mes mains le bonheur se faufile. Ne comptez pas sur moi pour le lire. Si tout va bien, en 2016 sortira De mes souvenirs je ne garde que le pire. Je suppute à l’horizon 2018 un pétillant Entre tes doigts mes larmes essuyées seront. Et là nous tiendrons notre nouveau Marc Levy.

– Ai eu beaucoup de soucis avec les auto-édités (par exemple Alice Quinn), je ne devrais sans doute plus les traiter.

Enfin, si votre librairie est fermée ou n’a que de bonnes références, vous pouvez toujours décider d’acheter ce truc en ligne ici.

Philip K. Dick - SouvenirVO : idem. Une bonne demie-douzaine de nouvelles made by le maître de l’onirique dérangeant, toutes écrites au milieu des années 50 (1954 pour être précis). Hélas, Dick aborde des sujets sur le voyage dans le temps (et ses paradoxes temporels) avec une légèreté et un manque de surprise parfois décevants. Mais, à ce niveau d’écriture, il faut bien trouver quelque chose à redire.

Il était une fois…

Sept nouvelles, je vais tenter de brièvement les résumer, et dans la partie suivante vous désigner mes favorites. C’est parti :

Rajustement (VO : adjustment team) : l’Employé doit absolument arriver au boulot avant 9h du mat’. En effet, une équipe doit « mettre à jour » son secteur comme si on rebootait un ordi. Bien évidemment ça foire, et notre héros va se retrouver coincer dans un monde qu’il ne reconnaît plus. Comment réparer cette erreur ?

Interférence (VO : Meddler) : Hasten, grand scientifique s’il en est, est appelé par une grosse compagnie pour réparer une monumentale connerie faite : en violant pas mal de lois, des sondes ont été envoyées dans le futur afin de juger de l’efficacité des plans gouvernementaux. Hélas, plus ils jettent un œil dans l’avenir, plus ce qu’ils voient est craignos. C’est pourquoi le savent prend le fameux Caisson Plongeur afin de repérer où est la couille dans le potage du futur.

Souvenir (VO : idem) : ça y est, la légendaire planète de Williamson (un rapport avec l’écrivain de SF d’avant-guerre ?) est découverte. Pete débarque sur plance et s’aperçoit que la population locale, en plus d’avoir un relai en état de fonctionnement, ne se soumet pas à la culture et mode universellement imposée par l’Humanité. Du coup, la planète semble prendre une mauvais voie (notamment des guerres de clan). Que faire ?

Progéniture (VO : Progeny) : Ed Doyle vient d’avoir un enfant, sauf que comme il réside à Proxima du Centaure il ignore comment se passe l’éducation sur Terre. En particulier, les gamins sont élevés par des robots, sans interférence parentale aucune pour troubler leurs destinées. Toutefois, Ed parvient à passer 90 minutes avec son gosse, Peter. Les retrouvailles s’annoncent plus complexes que prévues.

Sur la terre sans joie (VO : Upon the Dull Earth) : Rick et Silvia se baladent dans un endroit (pas bien saisi). Pour faire simple, la nana se fait « bouffer » par d’étranges créatures (de gros oiseaux blancs) et passe dans une dimension parallèle. Sauf que Silvia n’était pas censée y débarquer si tôt, c’est pourquoi tout sera fait pour revenir. Y compris prendre la place d’un autre être humain autour de Rick. Hélas, mille fois hélas, cela marchera mieux que prévu…

Étrange Eden (VO : Strange Eden) : Brent et Johnson (son capitaine) se posent sur Terra, planète en apparence paisible, voire paradisiaque. En se baladant seul dans la zone, Brent fait la rencontre d’une magnifique femme. Immortelle en sus.

Le monde de Jon (VO : Jon’s World) : Ryan et un de ses potes doivent revenir dans le passé afin de récupérer d’importants documents aujourd’hui (enfin, en 2030) disparus. [SPOIL : paradoxe temporel].

Critique de Souvenir

Tigre est cachottier, car avant ces sept textes il y a deux courts essais de Philip K.D. Si j’ai lu le premier de façon assez détachée (ça parle des commentaires de lecteurs sur son chef d’œuvre d’uchronie qu’est Le maître du Haut-Château), j’avoue bien humblement avoir zappé de second texte. Impossible de dépasser dix lignes, je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait.

Ces quelques textes m’ont plus ou moins contenté, je reconnaît avoir eu un faible pour le premier, alors que Souvenir est correct, mais sans plus. Sur La terre sans joie, Tigre a bien failli abandonner au bout de trois pages. Incompréhensible, et puis ça se décante pour une fin dégueulasse mais et troublante sur l’identité.

Sur le style, disons que pour des textes sortis dans les années 50 ça aurait pu être bien pire. La vision du futur de K. Dick est parfois surprenante et prête à sourire en ce moment. Au final, très peu de matière intéressante à tirer (à part une paire de textes), toutefois il est intéressant de lire des choses à peu près compréhensibles de la part d’un écrivain dont le cerveau partira trop vite en sucette.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’illusion, encore et toujours chez Philip. L’idée que le monde dans lequel nous vivons ne s’inscrit pas dans la réalité telle qu’on l’imagine est prégnante (même le lecteur est perdu sur ce qu’il y a « au-dessus », notamment dans la première nouvelle). Que ce soit par de subtiles manipulations mentales ou des univers à la Matrix, la victime est trop souvent le protagoniste principal. L’auteur était déjà psychologiquement atteint à cette époque ?

L’impérialisme total. Une civilisation qui refuse catégoriquement toute différence ; la rationalité économique qui tire un trait sur les émotions (le gosse élevé par les robots est plutôt flippant) ; des entreprises amorales qui jouent avec le temps comme des sagouins, bref la vision du capitalisme (et le soviétisme) est loin d’être glorieuse. Au final, ne sommes-nous pas que des bêtes (cf. le dénouement d’Étrange eden) ?

…à rapprocher de :

– Dans les nouvelles de cet écrivain torturé, signalons l’autre recueil qu’est Le dernier des maître. La nouvelle éponyme est une petite perle.

– Le meilleur de cet auteur reste, pour l’instant, Substance Mort. Quant au Maître du Haut Château, c’est certes la référence mais cela n’est point mon préféré.

– La trilogie divine (SIVA & Co), j’ai abandonné bien trop vite.

– Puisque je parlais d’un certain écrivain répondant au doux nom de Williamson, je vous invite à lire La légion de l’espace. Le billet, pas la trilogie (qui à mon sens est une vilénie mal vieillie).

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Hurwitz & Aaron & Kudranski & Pearson - La splendeur du PingouinVO : Penguin : Pain & Prejudice TPB [sais pas ce que ces trois derniers termes signifient]. Oswald Cobblepot, aka Le Pingouin, enfin star d’un comics ! Sa jeunesse, son ascension, ses pensées les plus intimes, ses procédés, sa petite amie même, c’est du bonheur. Couleurs un peu trop sombres hélas, sans doute à l’image du personnage.

Il était une fois…

Le Pingouin n’est pas au top, c’est le moins qu’on puisse dire. Pendant qu’il ressasse ses souvenirs d’enfance (sa haine plutôt), son empire est plus ou moins en péril. Enchainant vols de plus en plus spectaculaires (arracher les boucles d’oreilles d’une starlette en sang reste assez réjouissant), il doit cependant composer avec une rencontre sensuelle plutôt inattendue. Derrière tout cela, Bruce Wayne veille au grain (cliché, désolé).

Critique de La splendeur du Pingouin

Tigre n’a pas loupé l’occasion d’en apprendre plus sur un ennemi de Batman qu’on voit assez peu au final. Comme le rappelle l’auteur (je ne sais lequel) en préface, Oswald est le gus un peu « stable » qui fait office de plaque tournante des informations de la pègre à Gotham. Certes dérangé sur les bords, mais rien à voir avec un Bane ou un Joker puisque le Chevalier noir semble tolérer l’homme au parapluie à qui il rend quelques visites de courtoisie (enfin presque…).

Sauf que dans cet ouvrage, le Ping’ ourdit de bien sombres plans. Et rien ne paraît pouvoir se mettre au travers de son chemin, pas même la belle Cassandra que Cobblepot dragouille avec une intensité que Le Tigre ne lui soupçonnait point. Au final, et pour des raisons expliquées dans la partie suivante, Cobblepot m’a surtout inspiré de la pitié, voire de l’empathie : il renvoie à la jeunesse de chacun d’entre nous qui, au moins une fois dans sa vie, a vécu son statut de paria.

Si le scénar’ tient à peu près la route, j’ai été déçu par les illustrations. Szymon Kudransk et le coloriste John Kalisz ont eu l’air de jouer avec les ombres en offrant de saisissants portraits des protagonistes. Si je parle de ces deux artistes, c’est parce les couleurs, quand celles-ci ne sont pas blafardes, déclinent la palette des noirs. Quant aux combats, le lecteur sera encore en pleine obscurité, ne décelant quasiment pas les corps en mouvement (travail d’artiste ou de feignasse ?).

En guise de conclusion, je peux vous dire que c’est un comics extrêmement sombre, à la limite de la déprime. Le Tigre aurait sans doute souhaité avoir un bouquet final un peu plus original que l’emprisonnement (avec à la clef une libération à venir). A signaler, en fin d’ouvrage quelques planches annexes notamment une partie de Joker’s Asylum. Dessins plus lisibles avec une histoire racontée par le Joker sur Oswald, encore de l’amour qui se termine en eau de boudin, ça passe plus que bien.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première chose qui me vient en tête, c’est « mais d’où sort ce putain de titre en VF !? ». Car de splendeur, il n’y a point : la jeunesse du anti héros est tout bonnement horrible, entre un père vite décédé de pneumonie (d’où la mère qui lui fait porter un parapluie) et une daronne possessive et surprotectrice. Le gros préjugé de la mère juive, mais en pire. Pas étonnant qu’une fois morte, Pingouin se comportera avec elle comme Norman Bates de Psychose avec la sienne : le gros de ses vols sera pour lui offrir de magnifiques bijoux, comme si on décorait une œuvre de taxidermie. En ajoutant son ingrat physique (les parents écœurés dès la naissance) sujets à de constants quolibets, on a un homme profondément meurtri.

L’amour impossible. Amour contrarié avec l’ensemble de sa famille (sauf maman évidemment), qu’il finira par méthodiquement tuer. C’est d’ailleurs un de ses tours préférés, discuter avec une petite frappe (qui lui a chié dans les bottes) en lui contant, par le menu, comment ses proches sont en ce moment dans de très sales draps. Un esthète de la torture psychologique, je vous dis !

Sentiments complexes, surtout, avec la belle aveugle qu’il a levée dans un parc à Gotham. Se pose, trivialement, les questions de la beauté intérieure, du fait de toucher pour voir (imaginez que Cobblepot est moyen chaud), et autres niaiseries qui sont finement rattrapées dans le dénouement.

…à rapprocher de :

– On retrouve Jason Aaron (et Latour) dans un comics assez sombre : Southern Bastards (Tome 1 sur le blog).

De manière générale, DC Comics assure pas mal quand ils se sortent les doigts du fondement et proposent de traiter un unique ennemi, avec peu ou prou d’intervention batmanesque. Notamment :

Joker, d’Azzarello et Bermejo. Superbe, on retrouve le bon vieux Cobblepot en sombre comptable de quatrième zone. A signaler Luthor, par les mêmes auteur/illustrateur, plus décevant.

La revanche de Bane, de Dixon et Nolan. Édifiante, et visuellement plus « gaie ».

– De manière plus surprenante, on me glisse à l’oreille que Pain & Prejudice ferait référence à Orgueil et préjugés (VO : Pride and Prejudice), de Jane Austen. Si si…comme son lourd pavé, il est question d’amour et de développement psychologique d’un individu. Circonstances aggravantes, le prénom « Cassandra » qui n’est rien d’autre que le prénom de la sœur de Jane. Le Tigre en parle avec d’autant plus d’aisance que jamais je ne lirai un tel roman.

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EncycatpediaL’encycatpedia traitera de TOUT, qu’on se le dise. Tigre revêt une céleste robe de doctorant et vous instruit sur le tatouage sur soi d’un félin. De surcroît, en vue de démontrer que c’est une vilénie que d’avoir un tel tattoo, j’invoquerai même le très guilleret Freud et le consanguin mais néanmoins respecté Toutankhamon.

Je t’ai dans la peau, mon minou

Le Tigre était à une petite sauterie chez quelques amis, et là une somptueuse créature me fit de l’œil. Après m’être enquis sur son âge, son orientation sexuelle, son niveau d’étude, ses auteurs préférés, ses rapports avec son papa, son prénom (pas dans cet ordre, je vous laisse deviner lequel), j’appuyai plus que de raison mon regard félin sur son poignet gauche.

Et là, un billet de blog sur pattes était à portée : la petite avait un délicieux chaton tatoué sur l’avant-bras. Et pas n’importe quel chat : c’était Sheeva, son animal de compagnie. J’ai donc passé le reste de la soirée à taper la discute avec elle, le comment et le pourquoi de Sheev’ sur sa peau, la portée du geste, etc.

Autant vous le dire, avec ce que je m’apprête à écrire, je ne lui ai pas donné ma carte de visite. Parce que cette conne serait bien capable de se reconnaître, et je vais encore passer pour un malotru.

Dessin ou portrait du chat ?

Attention, il y a chat et chat. Je ne discourrai pas sur le fait de tatouer son félin, ça fait l’objet d’un autre volume. Je n’évoquerai que les individus qui se font marquer au fer noir leur petite boule de poil dans des endroits plus ou moins discrets. Les autres qui osent verser dans quelque chose de plus « onirique » ou artistique, sans référence à un truc vivant, je ne leur parle même pas.

Je passe rapidement sur le long débat qu’est l’art du tatouage, ma position varie tous les jours. En ce moment je me dis que le retour sur investissement est très discutable : payer 100 balles pour, puis voir comment ça rend progressivement mal sur sa fripée de peau vieillissante, et repayer 1 000 balles (inflation oblige) afin de se le faire retirer, génial…sans compter que si vous commettez un crime/délit, vous serez plus facilement reconnaissable.

Revenons à nos deux minets. Est-ce si important comme distinction ? En fait non : dans les deux cas, avouez qu’une illustration de chatte tatouée sur la fesse gauche, ça fait bien pitié. Mince, il y a des millions d’idées de dessins sympas à se faire imprimer sur l’épiderme, pourquoi son foutu animal ? Manque d’imagination ? Si seulement, hélas…

Non seulement c’est visuellement navrant, mais en plus vous faites passer un message qui tend à dire que vous n’aimez pas les félins.

La toupie de maman et les pyramides de Freud

Lors de ma première année de master de psychothérapie (par correspondance, parce qu’à l’époque je forais du pétrole à Anchorage), j’avais été enchanté par une interprétation du vilain Freud. Sigmund, avec l’humour qui le caractérise tant, racontait cette histoire : un enfant, dès que sa mère n’était plus dans la maison, s’amusait à lancer une toupie, et à l’aide de la ficelle la ramenait vers lui. Bien évidemment le psy y a vu la peur du manque, l’abandon par la môman.

Si le chiard l’exprimait de la sorte en tentant d’être maître des déplacements de la daronne, le tatoué fait de même avec son animal préféré, dans ce cas Sheeva. Vous saisissez le souci ?

Dans un autre registre, pourquoi à votre avis les Égyptiens (enfin les plus blindés) embaumaient leurs chats ? Parce qu’ils savent que ce sont bien les êtres les plus insaisissables de la création. Les chiens, c’est con comme tout, il ira mourir sur la tombe de son maître. Pas le minou qui dès que ça sent le sapin passera à autre chose. Je me tue à le répéter, c’est le chat qui vous possède, aussi tenter de renverser cette vérité est autant risible que vain.

Je pourrai vous donner une dizaine d’autres exemples assimilés, et immanquablement la réaction partira d’une weltanschauung trompeuse et peureuse (entendez, la panique leur fait faire n’importe nawak).

Le chat et la putain

Voilà le souci fondamental des enfoirés qui se tatouent le portrait de Sheeva. Ils font cela pour afficher une propriété sur une race qui ne saurait souffrir une telle allégation. C’est mal comprendre les félidés que s’imaginer qu’on peut être possessif envers eux. Car, de vous à moi, c’est en rembarrant constamment ma Sheeva qu’elle revient encore plus auprès de moi. L’objectif premier, le « mode sans échec » d’un chat, est trivialement de se carapater de votre foyer dès que ça lui chante.

En outre, ce genre de tatouage dénote la crainte que l’animal leur fausse compagnie, ce qui ne manquera pas d’arriver un beau jour. Et si c’est parce que votre minou est décédé, ça ne justifie en rien de le faire à ce moment. Autant tatouer une photo de votre grand-mère clamsée sur le dos de la main (ooohh…j’ai trouvé le remède contre la masturbation, j’appelle François de ce pas).

Voilà pourquoi, dès que j’aperçois une personne avec ce genre de tatouages, je lui dis : « Hé, connard(sse), c’est ton vrai chat sur ton bras/jambe/etc. ? T’as vraiment rien compris à la vie hein ? Il s’en bat les steacks ton minou de ce que tu as fait, et s’il le savait je pense qu’il fuirait très loin. Imagine, tu dirais quoi si je tatouais le prénom de ma prostituée préférée sur l’épaule ? » Ensuite, je dis que je vote Mélenchon. Juste pour le plaisir de faire le crétin jusqu’au bout.

Si Tigre est ainsi excessif, c’est que je sais bien jusqu’où ces « marques d’affection » peuvent mener. On commence par écrire au feutre le prénom du chaton sur sa main, et on finit comme ces décadents d’Égyptiens il y a quelques milliers d’années : parce que le gus décède avant son animal, faut que ce dernier soit mis dans la tombe en même temps. Je meurs, mais ce serait sympa que tu me suives. Au cas où. Magnifique preuve d’amour non ? Le tatouage, c’est pareil. Égoïste, cruel et passablement inélégant.

Non validation totale du tatouage félin ?

En guise de conclusion, Le Tigre va verser quelques millilitres de flotte dans son Nabuchodonosor de champagne. Voici mes règles :

– Loi #1 : tu te ne te fais pas tatouer

– Loi #2 : si ça te démange, alors sur pas plus de 3 cm2

– Loi #3 : si ça te démange encore, tu évites un chat

Si les précédentes lois ont été bruyamment violées par tous les trous et que tu lis la prochaine, alors t’es sacrément têtu.

– Loi #4 : si tu veux te faire dessiner un félin, alors opte pour un tigre. Mais pas n’importe comment. Une monstruosité toute en couleurs, 80 cm de haut au moins, qui démarre à la base du dos. Quelque chose qui ferait rougir de honte le plus tatoué des Yakuzas de Tokyo. Fin du fin, arrange toi pour faire en sorte que les oreilles du tigre atteignent les omoplates : quand tu soulèveras des haltères, ça les fera bouger comme s’il était mécontent.

– Loi #5 : s’il te reste des tunes, profites-en pour tatouer l’adresse de mon blog. Le Tigre te fera un contrat de naming, rémunéré comme il se doit.

Amin Maalouf - SamarcandeLe Tigre connait surtout Maalouf pour avoir lu quelques de ses essais, toutefois en abordant ce roman il appert que l’aspect historique est bien prégnant. En suivant les péripéties d’Omar Khayyam, homme complet s’il en est, c’est toute une civilisation et une époque que le lecteur découvrira. Une belle gourmandise littéraire.

Il était une fois…

A Samarcande sévissait, il y a presque un millénaire, le génial Omar Khayyam. Génial, car le monsieur compilait les talents : poète aux Robayats (poèmes locaux) envoutants, astrologue capable de prédire le mouvement d’astres, bref un savant comme on en faisait rarement.  A cette même époque, la fameuse secte des Assassins frappait aussi, de même que les intrigues politiques de la grande Perse.

Critique de Samarcande

Sorti à la fin des années 80, c’est avec un plaisir non feint que j’ai dévoré ces presque 400 pages. Le grand format s’il vous plait, d’où l’image de couverture. D’habitude je répugne à les acheter, mais quand on m’en offre je n’ai plus vraiment mon mot à dire.

Revenons à Samarcande, ville perse témoin de nombreux rebondissements de l’Histoire. Il ne fut pas difficile pour l’auteur de nous pondre un conte historique axé sur trois grandes épopées que la région a connues : un poète (dont quelques jaillissements poétiques sont retranscrits) un peu impie mais surtout bon vivant, libre et talentueux en tout ; la secte des Assassins et les troubles de la Perse au début du 20ème siècle.

Le fil d’Ariane reste le bon Kahyyam, qui en plus d’avoir été un éminent poète a souvent été acteur, sinon spectateur des luttes, guerres, trahisons…de la Perse au 12ème siècle. A mon titre défendant, j’ai eu énormément de mal à m’approprier les personnages et l’environnement dans le début du livre. Et, par une sorte de magie, le vocable utilisé par l’auteur s’est révélé être une excellente source d’immersion. Maalouf sait écrire et entrainer le lecteur dans son univers, ce qui immanquablement est arrivé au Tigre vers la moitié du titre.

Si l’écriture est « abordable » et peu compliquée, je n’ai en revanche pas pu en dire autant des noms des lieux et des protagonistes. Sans être condescendant ni un inculte fini (quoique…), je me suis plus d’une fois emmêlé les pinceaux entre Omar Khayyam (encore, celui-là je le retenais), Toghrul-Beg, Alp Arslan, Malik Shah Ier, ou Hassan ibn al-Sabbah. Pour conclure, Maalouf sait être un conteur intelligent, en voici une preuve supplémentaire.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Afin d’étoffer la narration de Samarcande, Amin M. a établi un solide lien entre cette antique époque (plus de quatre cinquième de l’œuvre) et le monde moderne. Je dis moderne, et non contemporain, puisqu’il s’agit de la toute première partie du 20ème siècle : cette histoire démarre en effet à cause de la découverte d’un manuscrit qu’on pensait perdu et qui retrace une partie de l’existence du héros (le fameux poète). Or, de saisissantes descriptions de la Perse dans les années 1900 sont fournies, notamment comment les puissances occidentales, pour de basses considérations économiques, ont empêché la région d’embrasser la modernité.

Le thème principal, enfin, me semble être l’apologie de la liberté totale contre les fanatismes de tout poil. Le protagoniste principal est libre penseur, amant passionné (pas forcément bien vu là-bas, comme en Europe d’ailleurs) et fin connaisseur de bons vins. Vous l’aurez compris, Omar a beau être très connu dans ce pays, il cumule quelques tares qui vont attirer l’inimitié de quelques uns. A contrario, le lecteur découvrira la bande à Hassan ibn al-Sabbah, également appelé « le vieux de la montagne », fondateur d’une secte de tueurs qui a fait trembler la région pendant des décennies.

Ce qui m’a rapidement gêné est que grâce aux savoirs du héros (uniquement il me semble) il a pu s’en tirer. N’importe quel gus alcoolo comme Khayyam mais dénué de son talent aurait sûrement perdu sa tête depuis belle lurette (je peux me tromper).

…à rapprocher de :

De papa Amin, Le Tigre a beaucoup de références dans la tête :

Les identités meurtrières, un essai simple mais puissant. Comme le Dérèglement du monde, que j’ai nettement préféré au premier.

Les croisades vues des Arabes. Pas encore lu hélas.

Que des essais, et pour tout dire je préfère quand Amin se fait écrivain plutôt qu’essayiste.

– Sur la grandeur de la Perse et comment les Occidentaux lui ont souvent chié dans les bottes, je vous invite à lire Perspepolis, de Marjane S.

– Sur la secte des Assassins, on peut en savoir plus grâce à l’uchronie Tancrède, d’Ugo Bellagamba  . Pas mal du tout, dans un style certes déroutant.

– Quant à « l’art du vin », Omar K. est rapidement invoqué dans la BD Mimi, Fifi & Glouglou, de Tolmer. Passage obligé pour tout dégustateur en herbe.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce non si onirique roman via Amazon ici (poche bien sûr).

Irvine Welsh - TrainspottingVO : idem. Premier roman du grand Irvine Welsh (sauf erreur du Tigre), voici un titre d’exception qui vaut autant le coup d’œil que son adaptation sur grand écran (dont je parlerai peu, littérature oblige). Hilarant ou dramatique, servi par un vocabulaire « parlé » mais chiadé, bref le roman générationnel des années 90.

Il était une fois…

Mark Renton (le narrateur intervenant le plus souvent), drogué et presque puceau ; Sick Boy, drogué qui tape la discute avec Sean Connery dans son cerveau ; Spud (Daniel de son prénom), amoureux des chats et benêt sur les bords ; Begbie, pour l’aspect sociopathe de la bande ; Tommy, heureux jusqu’à être largué par sa copine,…et tant d’autres (Davie, Rab, que des prénoms de merde), tous écossais de leur état et, pour la plupart paumés. Le lecteur sera dans leur tête. Chouette alors.

Critique de Trainspotting

Le Tigre a adoré. Point barre. Ayant vu le film bien avant, je ne pensais pas qu’il y avait autant de richesses restantes dans le roman. Sept parties avec un nombre de chapitres raisonnable, beaucoup de saynètes (ou mini intrigues), quelques références ou clins d’œil et des souvenirs épars, j’ai pensé que ça allait partir aux quatre coins de la rose des vents. Bah non, la fluidité générale de l’œuvre et sa cohérence a permis de gober ces 350 pages en un temps très court.

Le style mériterait d’en parler dans les thèmes en partie suivante, sauf que cela constitue la base même de l’originalité de Welsh. En effet, plus d’un lecteur trouvera la narration passablement déroutante puisqu’on sautera d’un protagoniste à l’autre. Et comme l’auteur utilise la première personne, chacun a son petit langage et paradigme corrompu (entendez, ils ne voient pas avec les mêmes yeux que nous). Très souvent du grand art puisque certains personnages sont particulièrement malsains.

Heureusement, dans près de 2/3 (voire 3/4) des chapitres, c’est Mark Renton le gringalet en tant que protagoniste. Aussi les autres tendent à constituer une exception où Welsh, semble-t-il, s’est plus fait plaisir qu’à l’accoutumée (Spud ou Simmon Sick Boy notamment). Mais dans tous les cas, ce ne sont que des barres de rire. Je pense d’ailleurs à me le relire en VO, persuadé qu’on perd beaucoup sur la traduction.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La signification du titre est d’importance. Le Tigre a pris son gros dico anglais-français et a remarqué que « to trainspot » consiste à regarder passer les locomotives et noter leur numéro. Faire la vache, en somme, en se livrant à un hobby mécanique et peu intellectuel. Le titre renvoie alors parfaitement à la drogue, hobby néfaste mais qui est plus qu’une habitude chez les protagonistes : leur existence tourne autour de l’héro, point barre. Quitte à laisser de côté tout bon sens.

Si Trainspotting tape beaucoup dans le domaine de la drogue, il y a d’autres problèmes plus ou moins reliés à leurs vilaines addictions. Avenir professionnel bouché, justice mal paramétrée, bêtise et haine ambiantes, complexes d’infériorité, menus soucis de santé comme le SIDA ou la déprime (l’incontinence avec la scène de Spud est infiniment plus drôle à lire qu’à regarder), pour ne citer que cela. Il appert que c’est à la fois terriblement lucide sur la condition des djeunes (un beau gâchis) et traité avec une prise distance grâce à l’humour et une tripotée de réflexions de Renton. Infiniment salutaire.

…à rapprocher de :

Bien évidemment, le film de Danny Boyle. Le Tigre tient à signaler l’adaptation réussie : il aurait été impossible de rendre entièrement compte du génie de Welsh sur ce roman, et le gros de l’esprit de ce dernier a été respecté. Narration multiple, histoires qui s’entrecroisent, le film a tiré le maximum de l’œuvre littéraire. Rien que les références musicales, miam. Sinon fallait faire une grosse série. Fight Club, de Chuck Palahniuk, mérite la même remarque.

– Les bad trips qu’on retrouvent m’ont fait penser à Junky, de Burroughs.

Welsh a pas mal de romans à son actif, toutefois je n’en ai lu qu’une infime partie : la suite, Porno, est hélas en-deçà du présent titre. Dommage. Quant à Une Ordure, on verse là dans le polar trash avec un anti héros comme on les aime.

– Sinon, un jeune auteur (du moins au début des années 2000), Richard Millward, n’hésite pas à dire que Welsh est son modèle. En effet, il y a de gros clins d’œils à Trainspotting dans son roman Bloc Party.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.