Riel & de Bonneval & Tanquerelle - Un petit détour et autres racontarsVO : [impossible de trouver le titre, si quelqu’un a une idée…]. Les histoires de Jørn Riel (trois en l’occurrence), adaptées par Gwen de Bonneval (au scénar’) et Hervé Tanquerelle (illustrateur), sont aussi tendres qu’acides. L’univers du Groenland, terre pas aussi inhospitalière qu’on pourrait le croire, apporte de belles surprises littéraires au Tigre.

Il était une fois

Jørn Riel est un Danois qui a passé quinze bonnes années au Groenland dès les années 50. Grâce à une expédition scientifique au Nord-Est d’une île, il a pu sentir de plus près l’ambiance et apprendre à connaître les locaux. Pendant toutes ces années, il a notamment pu écouter les histoires des locaux et a rédigé un joli tas de volumes à ce sujet. Voici ces fameux racontars en versions illustrées.

Critique d’Un petit détour (et autres racontars)

Il arrive au Tigre, dans une librairie, de fermer les yeux et prendre un titre au pif. C’est un jeu auquel je m’abonne une fois par mois, et sur ce coup j’ai encore eu une chance de cocu. J’ai dévoré avec avidité la centaine de pages et ai eu envie de continuer d’aligner tous les tomes des histoires de Riel mises en BD.

Cet opus comporte trois racontars, dont un sensiblement plus long que les autres (le deuxième). 1/ Duel entre un homme et un ours, ce dernier étant tué presque par accident au final. Mignon et bien rythmé. 2/ Un vieux de la vieille et un ancien militaire chassent sur un bateau. Un iceberg se détache et les deux hommes se retrouvent, presque par magie, en haut du bloc de glace. Ils vont dériver dessus pendant de longs jours… 3/ Emma, somptueuse femme qui n’a guère froid aux yeux, est l’objet d’intenses fantasmes de la part des habitants du cru qui se la refilent contre du troc. Jusqu’à ce qu’un « acheteur » souhaite la rencontrer pour de vrai.

La dernière nouvelle est mignonne et terrible à la fois : si on sent bien qu’une telle femme a peu de chance d’exister dans la réalité groenlandaise, il faut avouer que savoir de qui il s’agit en vérité titillera plus d’un lecteur. Le pouvoir de l’imagination qui peut sévir auprès d’une population mâle esseulée est autant poétique que triste, et pour une fois un racontar traite de certains besoins charnels de ces messieurs.

Hervé Tanquerelle a produit un boulot d’une rare qualité. Pages en noir et blanc qu’on croirait passées au fusain, certaines planches présentent des plans d’ensemble (qui d’un somptueux paysage, qui d’une maison, qui de dix potes autour d’une table) qui font plaisir aux yeux. Quant aux protagonistes, l’illustrateur parvient à mélanger les genres : soit les traits sont caricaturaux et rigolards, soit le réalisme est frappant, par exemple les regards de certains Groenlandais à qui il manque une case. Ce qui rend encore plus poreuse la frontière entre ce qui est exagéré de ce qui est fidèle à la réalité.

Au final, de Bonneval a su superbement adapter les histoires du Danois dans un univers graphique, et fatalement je me suis posé la question de la réalité de telles anecdotes. Et l’auteur danois, intelligemment, répond avec la définition qu’il donne du « racontar » : une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je reviens rapidement sur la notion de ce qu’est un racontar, même si beaucoup a été dit. Dans notre cas, il s’agit d’un conte, une petite histoire avant tout arrangée par l’intéressé afin de ne pas passer pour un mauvais bougre. Sortir la tête haute et ne pas perdre la face face à ses amis est primordial, il est alors compréhensible que Silverts, Valfred, Fjordur, Museau, Mads Madsen, Lodvig et les autres se répètent ces histoires, subtilement modifiées au fil du temps.

La deuxième chose qui me vienne à l’esprit est la rudesse des gens là-bas. A mi-chemin entre des brutes surtestostéronnées et des êtres ayant des fulgurances de bonté parfaitement touchantes. Je ne sais pas dans quelle mesure l’environnement leur porte sur le ciboulot (le froid, la nuit polaire, les étendues immenses, la consommation d’alcool), toutefois certains accusent de sérieux troubles – Tigre pense à la première histoire où le gus s’en prend directement à un ours. L’homme nordique comme on peut se plaire à l’imaginer, sur ce point Riel ne nous déçoit guère.

…à rapprocher de :

– Ces auteurs ont d’autre BD dans leurs besaces, à savoir La Vierge froide et autres racontars. Vais me la taper celle-là (la bande dessinée hein…). Et Le Roi Oscar et autres racontars. Le tout est réjouissant. Dommage qu’une intégrale ne soit pas sortie.

– Le grand nord, la solitude, la rudesse du climat, ça me rappellerait presque le bon Conan et ses couillues aventures adaptées en BD. Pour l’instant, je n’ai lu que La reine de la côte noire. Pas mal.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

Hélène Grémillon - Le confidentErreur de casting, suivant ! Histoire tragico-mièvre sur fond de secret familial qui prend ses sources pendant la seconde guerre mondiale, la lecture fut autant laborieuse que la fin salvatrice. Sans condescendance aucune, ce truc est un livre pour les femmes. Celui-ci n’avait rien à faire entre mes griffes. Mais comme je ne lâche pas mes proies…

Il était une fois…

Désolé Hélène, je vais copier-coller la couverture. C’est ça ou je dénature, par mes mots orduriers, le synopsis :

« Camille vient de perdre sa mère. Parmi les lettres de condoléances, elle découvre un étrange courrier, non signé. Elle croit d’abord à une erreur mais les lettres continuent d’arriver, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend qu’elle n’est pas étrangère au terrible secret que cette correspondance renferme. »

[Malgré cette présentation néodéprimée, Tigre a quand même ouvert le roman]

Critique du Confident

Le Tigre a encore écouté sœur-panthère et ses lectures pas permises. Cette fois-ci, je suis en partie responsable et aurai dû repérer, sur une certaine encyclopédie en ligne, que l’auteure a notamment gagné le « Prix Jeune Talent Littéraire des Clubs de Lecture de Saint-Germain-en-Laye ». Tout est dit – sans insulter Simone et Danielle, trésorières dudit club.

Très aseptiquement, le livre se présente en deux types de chapitres en alternance plus ou moins régulière : l’histoire de Camille et des missives qu’elle se prend, régulièrement, en pleine gueule, et l’intégralité du courrier de cet homme, en trois narrations : lui-même, Annie (la femme qu’il aimait) et Madame M. C’est ce dernier protagoniste qui prendra énormément de place, et tant mieux. Car les remarques in petto de l’héroïne sont triviales et les mélanges de style (combien de fois « putain » apparaît tel un cheveu sur la soupe, tsss) ne passent guère.

Quant à l’histoire distillée par le courrier, c’est souvent confus car on change de narrateurs comme de chemise et ma concentration fut étonnamment mise à l’épreuve. Une pseudo peintre qui se lie d’amitié avec une femme, puis accepte l’impensable pour l’époque, l’angle était bien trouvé hélas le rendu est médiocre. A la rigueur, et pour arrêter de bitcher comme un aigrefin sur ce roman, il faut convenir que le dernier tiers de l’œuvre rehausse l’intérêt de l’intrigue en présentant le point de vue de Madame M., et à partir de là l’aspect purement historique se réveille enfin.

Pour conclure, Tigre n’arrive pas à comprendre les commentaires laudateurs glanés auprès d’amis ou sur le web. Non seulement il faut attendre l’avant dernier chapitre, fort long, pour enfin ne plus s’emmerder, mais le plus couillon du comté trouvera le fin mot de l’histoire très rapidement. Un premier roman qui ne m’était pas destiné.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’intrigue à tiroirs. Ce qui m’a profondément gavé est sans doute la propension de l’auteur de ne partir de presque rien (le décès de la maman de Camille, trentenaire enceinte) avant de distiller les indices pour parvenir à un dénouement assez poignant quoiqu’attendu. Gavage parce que je savais, quel que soit le fin mot de l’histoire, que ça n’allait nullement déplacer des montagnes : quelques crêpages de chignon, une pincée de trahison, allez un petit décès suspect, des questions d’identité, remballez c’est pesé. Et je ne parle pas du pseudo poème final.

Au moins, l’auteure s’est attachée à un thème assez porteur et (relativement) bien traité, à savoir le brûlant désir d’avoir un gosse – et les moyens pour y parvenir. La gestation pour autrui s’invite même dans le débat, imaginez pour l’époque. Forte de nombreuses références sur les petits secrets de femme pour être féconde, Hélène Grémillon a su rendre compte de la lutte entre deux femmes pour le même homme, et autour de l’enfant à naître. Paranoïa, cachotteries, mensonges éhontés, tout est bon pour tirer la couverture de son côté. Quitte à commettre l’innommable.

…à rapprocher de :

La Dernière Valse de Mathilda, de Tamara McKinley, concerne aussi une jeune femme qui va apprendre plein de trucs sur son passé grâce à un journal intime. Ne comptez pas sur Le Tigre pour le lire.

Enfin, si votre librairie est fermée (ou votre libraire a bon goût), vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Higgins & Barrows - Nightwing Tome 2 : La république de demainVO : Night Of The Owls. Tiré du comic strips Nightwing #8-12 et #0. Parce que le premier tome n’était pas complètement catastrophique et annonçait une intrigue de qualité, c’est tout naturellement que le félin a poursuivi. Hélas l’histoire se tasse (les nouveaux vilains ne faisant nullement peur) et le lecteur sombre dans l’ennui. Tigre aurait du s’abstenir de poursuivre avec Dick Grayson.

Il était une fois…

Dick Grayson, premier Robin, est en plein dans le conflit contre la très inquiétante Cour des Hiboux. Celle-ci lui met entre les pattes un ergot (le méchant utilisé par la Cour) dédicacé, en l’espèce le grand-papa de Dick. Sympathique. A cela il faut ajouter la République de Demain, nouvelle menace dont il avait eu à partie à quelques membres auparavant. [on sent Le Tigre un peu gavé de se plier à un synopsis non ?]

Critique de La république de demain

Comment dire ? J’ai encore balancé une vingtaine d’euros dans la nature. Par amour d’une bibliothèque bien remplie, je me suis laissé prendre au piège par cette série alors que j’aurais pu l’aborder, en douce, dans un magasin culturel.

Sur le scénar’, Kyle Higgins est allé trop loin. Il aurait pu se contenter de laisser Robin dans l’orbite de Batman dans sa lutte contre la Cour des Hiboux, cette dernière lui en voulant car il va à l’encontre de son destin d’ergot, et bah non ! Faut que l’auteur rajoute : 1/ la République de Demain (cf. second thème) et 2/ Nighwing qui tente de faire revivre son cirque de merde en l’installant définitivement à Gotham. Il prend donc contact avec Lucius Fox pour trouver des financements, or devinez quoi : cet aigrefin ne trouve rien de mieux que proposer Sonia Zucco, la pépée dont le père a tué les parents de Robin. Bravo Lucius, keep doing such good work.

Et encore, je ne parle même pas de l’inspecteur Nie qui tente de piéger nos héros, c’est tout simplement inutile dans la narration. Quant au dessin, si Eddy Barrows (artiste brésilien) fait du beau travail en général, Le Tigre a regretté qu’il n’ait pas bossé sur tous les chapitres. Le résultat est mitigé, et malgré de belles planches (trop rares) j’ai trouvé le tout un poil terne et sans les tableaux flippants que le lecteur pourrait légitimement attendre.

Pour conclure, un tome encore plus décevant que le précédent, cela n’augure rien de bon sur l’intérêt que Tigre va désormais porter au Rouge Gorge. Même les habituels bonus en fin d’ouvrage (sur à peine trois pages) ne m’ont guère intéressé.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’unique point positif est la présentation du passif de l’arrière-grand-père Grayson, le fameux William Cobb. Tigre a découvert comment un jeune homme bien sous tout rapport, doué en jonglage et autres trucs de saltimbanques, en est venu à accepter le deal de la Cour : désargenté, William a rencontré l’amour – forcément, me direz-vous. Sauf que le papa de la belle ne voulait pas qu’elle se compromette avec un tel moins que rien, et l’invite (sans courtoisie) à ne plus traîner dans le coin. Gotham est présenté comme un plateau d’échec, où les blancs et noirs ne se mélangent jamais. Les blancs, jouant en premier, ont toujours l’avantage – n’importe quel joueur d’échec vous dirait que c’est faux.

C’est là que le rôle de la Cour, et ses objectifs, sont très éclairants. Ses membres se présentent comme capables de faire le lien entre les couleurs, et développer dans la ville les niveaux de gris. Comme un moyen de briser la glace de verre. Sur le papier du moins.

Enfin, Tigre sait à quel point il est toujours difficile d’introduire de nouveaux ennemis. La Cour des Hiboux m’a semblé être une parfaite réussite, tout a été repensé sans perdre en cohérence. Hélas, l’introduction de la République de Demain est une cata pur jus. Uniformes ridicules, marque de reconnaissance digne d’un Blake & Mortimer, cette putain de République ne sert à rien. Quant à son boss, Parangon, il est aussi crédible qu’une capote au Vatican. Son joli nom, qui signifie « modèle », voire « pierre parfaitement aiguisée », m’a plus fait ricaner qu’autre chose.

…à rapprocher de :

– Il faut mieux commencer par le premier tome (en lien), puis lire le présent opus dans la foulée tant les références à Pièges & Trapèzes sont présentes. Le troisième tome, Hécatombe, ne rattrape que partiellement le coup.

– Puisque Le Tigre en parle, il y a La cour des hiboux (tome 1 puis tome 2), petite claque qui a repensé Gotham sous un nouveau jour.

– On retrouve Nightwing chez Grant Morrison, notamment Batman R.I.P. (il se fout sur la gueule avec Damian Wayne) ou même dans un tome de Knightfall (cette fois-ci, avec Valley).

– Il est même dans Victoire amère, de Loeb et Sale !

Enfin, si vous n’avez pas de « librairie à BD » à proximité, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.

Waid & Yu - Superman : Les OriginesVO : Superman : Birthright. Contient Superman : Birthright #1-12, Superman/Batman Secret Files 2003 (on ne voit nullement le Bat pointer le bout de son museau d’ailleurs) et The brave and the bold #16. Début et fin décevants, heureusement que le reste reprend, à la sauce contemporaine, les origines du Cryptonien qui s’avèrent très complexes.

Il était une fois…

Clark Kent, après avoir visité le vaste monde et tiré quelques enseignements, décide d’assumer ses origines extra-terrestres en œuvrant pour le bien commun. C’est tout naturellement qu’il souhaite « sévir » dans une ville qui en a bien besoin, à savoir…non, non, pas Gotham ou NYC, mais plutôt Metropolis. Sauf que sa connaissance de toujours, Lex Luthor, ne compte pas laisser Superman contrecarrer ses plans.

Critique de Superman : Les Origines

La lecture de ce pavé a bien mal commencé, Le Tigre n’a pas du tout accroché aux premiers chapitres avec le beau Kent dans un pays africain au bord de la guerre civile. Surtout que le dessin, étonnamment classique (presque de la ligne claire), se prêtait mal à un scénario qui intronisait celui qui deviendra Superman.

La suite du comics oscille entre les aventures du nouveau Mister Univers et les flashbacks d’enfance de Clark avec ses parents, ou, plus important, avec Lex Luthor. Ces deux là étaient relativement proches, hélas le jeune Luthor est un peu trop perché et égocentrique pour ne pas se faire remarquer à Smallville. Parallèlement, on voit Loïs Lane mouiller devant le beau gosse en cape rouge tout en ne calculant pas Kent, le journaleux – rien de nouveau de ce côté.

Mark Waid, le scénariste, a quand même réussi à intégrer Kal-El dans notre univers du XXIème siècle en faisant appel à des notions d’actualité comme la manipulation des masses par la peur, quitte à désigner un faux ennemi, afin de se faire remettre, volontairement, le pouvoir. A l’aide d’un complexe militaro-industriel à la pointe de la technologie, Luthor fait figure d’ultraconservateur surintelligent mais à l’égo très mal placé.

En guise de conclusion, Tigre s’est senti floué par ce fort long comics qui ne m’a que trop peu scotché. Les idées sont bonnes certes, mais j’ai surtout eu l’impression d’un exercice scolaire sans grosse prise de risque – à part le dernier chapitre avec la belle Catwoman. Les dernières pages, évidemment, sont constituées de bonus tels que remarques des auteurs et explications sur les illustrations choisies. Instructif.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Encore une fois, la naissance d’un héros, le reboot du personnage même, est au cœur d’un comics. C’est l’occasion de voir pourquoi Kal-El a dû partir de sa planète natale ; comment Clark Kent en est venu à vouloir aider les gens ; la manière dont il a choisi son costume ; les subtilités pour ne pas être reconnu (les lunettes, capables de cacher ses yeux bleus) ; et comment se faire accepter au sein du Daily Planet. Il en ressort un personnage très empathique, et presque trop gentil – comme s’il était trop au courant de sa puissance et est sincèrement désolé des troubles qu’il engendre.

Enfin, le titre original, Birthright, qui pourrait être traduit par « le droit du sang », renvoi à la parentalité – ici déclinée sous quelques formes. D’abord, il y a Jonathan Kent (le daron de Clark), qui l’a plutôt mauvaise quand son rejeton met en place sa double identité. Il sent bien que son fils s’éloigne. Le « Père, mère, j’ai réussi » déclamé par Kent à l’attention de ses parents biologiques lui donne, hélas, raison. Ensuite, on pense à Lex Luthor, et comment Clark Kent l’a, malgré lui, transformé en un dingue – par exemple, en affolant les machines à détection d’E.T. mises au point par le grand chauve. Sachant que Lex  est le seul à avoir pu décrypter les archives du vaisseau de Kal-El, ça lui donnerait presque le statut de frère du héros.

…à rapprocher de :

– On retrouve un peu du scénar’ de Man of Steel, film réalisé par Zack Snyder. Attention, faut pas le confondre avec Scott Snyder, autre scénariste du côté de Batman

– Pour ma part, j’ai préféré le All-Star Superman de Grant Morrison, qui a bien plus de gueule. Ou Superman Kryptonite, de Sale et Cooke.

– Les débuts d’un héros remis dans une ambiance plus contemporaine, c’est surtout Bruce Wayne dans Batman : Year One, de Miller & Mazzucchelli.

– Pour tout vous dire, et concernant certains héros que je ne connais pas forcément sur le bout des doigts, j’ai plus kiffé Superman : Red Son, de Mark Millar. Au moins on se fait plaisir et Luthor, en tant que personne la plus intelligente sur Terre, a un rôle taillé sur mesure.

– Un autre héros à ses débuts, de chez Marvel, c’est Iron Man : Season one de Chaykin & Parel. Me suis carrément emmerdé avec.

– Le bon Gerry Alanguilan intervient en tant que coloriste dans le comics. Celui-là même qui m’a bien fait plaisir avec Elmer.

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Gabriel García Márquez - Chronique d'une mort annoncéeVO : Crónica de una muerte anunciada. Marquez est un immense auteur qui en une centaine de pages parvient à produire une œuvre d’une rare densité. Ne vous fiez pas au nombre de pages, c’est plus long qu’il n’en a a l’air. Sur fond d’une histoire de vengeance révoltante car évitable, c’est autant la fatalité que l’insondable bêtise de l’Homme qui sont abordées.

Il était une fois…

Tout commence par le mariage entre Angela Vicario et le vieux Bayardo San Roman dans un village en Colombie. La nuit de noces ne se passe pas vraiment comme prévu, en effet l’époux ramène la belle chez sa famille sous prétexte qu’il n’a pas trouvé son hymen – ce n’est pas faute d’avoir cherché. Miss Angela, honteuse, avoue que Santiago Nasar l’aurait déflorée. C’est alors que ses frères annoncent qu’ils vont occire le vilain Santiago. Tout le monde est au courant, pourtant un jeune homme sera découvert poignardé le lendemain matin.

Critique de Chronique d’une mort annoncée

Eu égard l’histoire et la presque atemporalité du sujet, Tigre a été étonné de découvrir que ce bouquin a été publié au début des années 80, soit juste avant que l’auteur ne reçoive son prix Nobel.

Deuxième surprise, la taille du livre. Celui-ci paraît court mais il n’en est rien, ça ne se lit définitivement pas comme un Amélie Nothomb (ou Fric-Emmanuel Schmitt). C’est même plutôt dense et exige d’ouvrir tout entier son cerveau, au risque que l’’histoire vous échappe au début – ce qui m’est arrivé, heureusement je suis rapidement entré dans le jeu et les personnages. Car les premières pages peuvent sembler bien déroutantes : s’il s’agit d’une « mort annoncée », c’est que le narrateur annonce le nom de la victime, et celui de ses assassins.

En outre, Pedro et Pablo Vicario (les tueurs), déclarent à qui veut l’entendre qu’ils vont s’occuper de Santiago. Si, en France, ce genre de déclaration suffit à condamner quelqu’un, dans le petit village à peine si les flics confisquent quelques armes. D’autres éléments auraient pu empêcher l’irréparable, toutefois le narrateur, omniscient, s’amuse de rendre compte des impondérables (souvent tirés par les cheveux) qui feront que le meurtre aura bien lieu.

En conclusion, cela se lit comme une plaisanterie douce-amère. Malgré certaines situations invraisemblables (l’évêque qui bénit de très loin, ou les flics notoirement incompétents), le déroulement de la mort d’un innocent n’a jamais été aussi prenant.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le destin, bien évidemment, s’impose tranquillement dans la narration. L’écrivain colombien a fait le pari de dire ce qui va arriver, et le récit ne sera qu’un compte à rebours (parfois inversé, ce qui n’arrange rien), avec les deux dénouements que l’on connaît : 1/ la fille qui explique qui l’a dépucelé (et encore, le narrateur paraît douter de la responsabilité de Santiago) ; et 2/ le poignardage (ce mot n’existe sûrement pas) qui en découle, juste devant la baraque du pauvre don juan. Les occasions d’éviter cette mort sont nombreuses, toutefois Marquez les fait sauter, une par une, et non sans humour.

La stupidité humaine en vase clos. Gabriel Garcia M. dresse le tableau d’une populace éloignée de tout et qui se tourne immanquablement (par réflexe en fait) vers ses petites croyances qui fleurent bon le rance. Ces coutumes ancestrales (sur l’honneur et la réparation de la soi-disant perte de celui-ci) sont en opposition complète avec la règle de droit la plus basique, voire un minimum de rationalisme. Le narrateur en rajoute une couche en doutant que Santiago soit à l’origine du dépucelage ; sans compter qu’il apparaît que les frères se sentaient comme obligés de réparer l’affront. Une opportunité de briser un cercle vicieux de crimes d’honneurs était présente, mais les conditions pour la saisir se sont encore fait porter pâle.

…à rapprocher de :

– Du bon Garcia Marquez, Mémoire de mes putains tristes et Cent ans de solitude doivent être lus. Je le dis avec d’autant plus de ferveur que je ne les ai même pas dans ma bibliothèque.

– Sur la bêtise humaine et le destin tragique (qui aurait pu être évité) d’un individu, je vous renvoie vers Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, de Didier Decoin.

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Stephen King - La Tour sombreVO : The Dark Tower. Mazette, quelle claque de bonheur littéraire. Plus de 4 000 pages vis-à-vis desquelles je pourrais discourir des heures, sept romans dont l’intensité, crescendo, aborde une foultitude de sujets, La Tour sombre est incontournable avec des niveaux de lecture presque infinis. Putain, il est même arrivé au Tigre de chialer en parcourant quelques chapitres.

Il était une fois…

Il faut savoir que King a mis plus de vingt ans à pondre ce monstrueux cycle qui accuse les sept titres suivants : Le Pistolero (The Gunslinger), assez court ; Les Trois Cartes (The Drawing of the Three), qui m’a fait comprendre que j’allais passer un bon moment ; puis Terres perdues (The Waste Lands) ; Magie et Cristal (Wizard and Glass) ; Les Loups de la Calla (Wolves of the Calla) ; ensuite Le Chant de Susannah (Song of Susannah), et enfin La Tour sombre (The Dark Tower). [Attention mini SPOIL] Après ça, on a le droit de reprendre à zéro.

Pour faire simple (presque impossible), c’est l’histoire de Roland, pistolero à la recherche de l’homme en noir – on ne sait pas trop pourquoi, lui non plus d’ailleurs. Dans une sorte de monde parallèle où les monstres côtoient la magie, la quête du héros sera également celle de Jake, Eddie et Susannah, qui eux viennent de notre univers. La célèbre tour est en danger à cause du roi Cramoisi, qui semble fermement décidé à la détruire, ce qui distendrait tous les liens entre les mondes, provoquant une apocalypse à peine imaginable.

Critique de La Tour sombre

« L’homme en noir fuyait à travers le désert, et le pistolero le suivait ». Rien qu’avec un tel incipit, le lecteur sait qu’il en aura pour sa tune. Car c’est LE chef d’œuvre de Stephen King, et ce genre de saga va me contraindre à dépasser mon cahier des charges (qui est de maximum 1 000 mots, je le répète). Par avance, Le Tigre indique qu’il va forcément oublier un tas d’anecdotes, voire passer à côté de ce qui pourrait vous marquer. Mais comme c’est mon blog, je m’en tape un peu.

Ce qui est amusant est que j’ai lu le premier opus très jeune et je m’étais passablement emmerdé. Sauf que, passé celui-ci, l’histoire prend à la gorge et ne vous étonnez pas de terminer de tels pavés en moins d’un mois. Roland, le jeune Jake Chambers, Eddie le toxico, l’amputée Susannah, le mignon Ote (un bafou-bafouilleux, un chien en somme), et quelques autres (le Père Callahan qui les rejoint notamment), ces individus sont comme devenus une seconde famille.

Outre l’histoire aux multiples ramifications, il faut savoir que Stephen King a doublement donné de sa personne dans cette saga. Déjà, La Tour sombre est le point cardinal des œuvres de l’auteur, et les liens vers presque tous ses autres titres sont légion. Ensuite, l’écrivain s’invite dans la narration en mettant en scène Stephen King, du Maine, sur le point d’avoir un accident de voiture. Fallait oser, puisque King s’invite dans la narration en se posant comme un oracle seul, en tant que créateur de l’histoire, de la finir malgré les risques encourus. Figurez-vous que ça ne m’a même pas fait sourciller, n’étant plus à ça près.

Pour conclure, il n’y a rien à redire. Western fantastique mâtiné de scènes bien flippantes (il ne faut pas être arachnophobe d’ailleurs), La Tour sombre mérite d’être dévorée. Certains passages sont peut-être longuets, la police d’écriture trop petite, les digressions souvent désespérantes (la jeunesse et les souvenirs, éternel motto du King), mais rien de susceptible de gâcher la lecture. A part peut-être la fin, que j’ai trouvée autant belle que scandaleuse.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

J’ai réussi à dégager deux thèmes seulement, gloire à moi. Le premier est la manière dont King est parvenu à créer un monument qui a les qualités de développement des personnages d’un roman d’apprentissage et l’ampleur d’une vraie épopée qui confine à l’épique. On en prend plein les mirettes et l’attachement aux personnages est maximum. Le concept de développement mutuel est finement pensé par le biais du Ka-tet, sorte de lien entre les protagonistes sous l’égide de Roland, leur professeur. Pour Jake, c’est plus qu’un enseignant, à savoir un père. Voilà pour la profondeur des héros.

Quant à l’aspect épique, suffit de lire les synopsis de chaque roman pour s’en rendre compte : [mini SPOIL] Roland qui tue sa mère par erreur (quatrième tome, FIN mini SPOIL) ; la violence de Mia, démon qui contrôle un des protagonistes ; le voyage dans Blain, un train aussi impressionnant que le transperceneige mais à l’IA déglinguée ; le lecteur trouvera largement son compte à émotions.

La dernière chose qui m’a marqué est la dissociation sous toutes ses formes. Déjà, le King justifie du fantastique qui jaillit de ses œuvres en général par la multiplicité des univers. Quelqu’un décédant dans notre monde peut apparaître dans un autre, et vice-versa. De même, la dissociation touche également les personnages, que ce soit la schizophrénie ou la duplicité de certains. Il y a certes Eddie le junky qui devra se faire violence pour être clean, mais Tigre pense surtout à Odetta (quand normale) / Detta / Susannah (femme d’Eddie), inquiétant membre du Ka-Tet. Très certainement mon personnage préféré, ses problématiques sont tout simplement fascinantes.

…à rapprocher de :

Le gros Stephen King a apporté beaucoup bonheur au félin, même si sur ce blog les exemples ne sont pas légion :

Ça, qui est l’autre base de cet auteur. Le vilain Grippe-Sou a laissé une marque indélébile, à cause de ce méchant le métier de clown a pris un sérieux plomb dans l’aile.

Les Tommyknockers, à forte charge autobiographique également, tout comme Shining – long mais suffisamment horrible. La tempête du siècle, en fait un scénario destiné à la télévision. Cujo n’est pas mal mais peu flippant.

– La fin qui est un éternel recommencement m’a rappelé La Horde du Contrevent, du génial Damasio. Et oui, c’est français !

Autour du thème de la tour, je peux vous signaler à tout hasard :

La Tour de la solitude, de Valerio Manfredi. Une tuerie qui fait passer Dan Brown pour ce qu’il est : une buse dont le succès est aussi immérité que malvenu.

Diamond Dogs, Turquoise Days, d’Alastair Reynolds. Le premier texte de ce recueil parle d’une mystérieuse tour qui est plus difficile que prévu à grimper. Le bâtiment abrite en son sommet quelque chose de puissant, sauf qu’il faut passer des épreuves pour aller d’une pièce à l’autre.

Jamais autant je n’ai relu un brouillon de billet en me disant qu’il manque tout. Sauf que je sais pertinemment que, concernant ce cycle, il n’y a rien que je ne puisse faire.

Amélie Nothomb - AttentatL’image de couverture, mélange de culture classique (du style Quasimodo) à qui on affuble des cornes de Minotaure, envoie du rêve. C’est bien l’unique fois que ça arrive dans ce roman, l’histoire d’un ignoble (d’un point de vue plastique) personnage amoureux fou d’une belle gosse n’est ni crédible, ni envoutante. Tout en restant relatif, Nothomb a fait mieux.

Il était une fois…

Comme je n’ai pu finir ce roman, voici comment le vend l’éditeur. En toute modestie :

« La première fois que je me vis dans un miroir, je ris : je ne croyais pas que c’était moi. À présent, quand je regarde mon reflet, je ris : je sais que c’est moi. Et tant de hideur a quelque chose de drôle. Épiphane Otos serait-il condamné par sa laideur à vivre exclu de la société des hommes et interdit d’amour ? Devenu la star paradoxale d’une agence de top models, Épiphane sera tour à tour martyr et bourreau, ambassadeur de la monstruosité internationale et amoureux de la divine Éthel, une jeune comédienne émue par sa hideur. »

Critique d’Attentat

Parfois, Le Tigre fait une overdose d’un certain auteur, et malencontreusement c’est tombé sur Nothomb, et son roman de trop. Attentat porte bien son nom, mes neurones ont été sévèrement gavés par la prose d’Amélie-mélo.

Le problème de base, c’est le protagoniste : Épiphane, dont le visage serait aussi laid que mille culs de singes grattés à autant de mains, devient presque par accident un anti-mannequin au succès aussi déroutant qu’imprévisible. Sa progression dans le beau monde est concomitante à la rencontre de l’amour, le vrai. En l’espèce, une très jolie radasse dont, par défaut, il se place en tant que confident plutôt qu’amant – celle-ci vivant sa pitoyable vie amoureuse de son côté.

C’est à ce moment que Le Tigre a plus ou moins enragé. Tellement que j’ai abandonné vers la moitié pour, très lâchement, lire les dernières pages. Je vous préviens, j’en ai absolument rien à cirer de spoiler dans les grandes largeurs : le Quasimodo de bas étage tente de conquérir l’autre conne, et forcément il met un temps infini avant de lui avouer sa passion. Sauf que, évidemment, il s’y prend comme un manche et la nana en question l’a plutôt mauvaise. Reprenant un de ses fantasmes auto-masturbatoires, il la tuera sans autre forme de procès.

Voilà pour l’histoire. Sur le style, c’est un horrible mélange de descriptions lourdingues et dialogues improbables, tant par leur longueur que la superficialité des personnages. Aucun chapitrage, à peine des sauts de lignes, Le Tigre a eu l’impression d’être en présence d’un indigeste monobloc. Attentat, c’est la raclette du menu de la mère Nothomb. On peut donc la sauter (la raclette, hein).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Forcément, il est question de la beauté et de la laideur. Hélas, pour le peu que j’ai lu, l’écrivaine semble accumuler les poncifs et lieux communs avec une remarquable régularité. La question est de savoir qui peut juger que quelqu’un est beau, et un autre vilain comme tout. Est-ce une convention communément admise ou cela dépend-il de la vision que les autres ont de nous ? Franchement, je me tamponne de la réponse.

Le signe précurseur de la possibilité de ne pas venir à bout de ce foutu titre se trouve dans les premières pages. Il s’agit d’une longue référence culturelle mélangeant les genres à propos du héros qui rêve de choses antico-érotiques (du moins je l’ai vu ainsi). Tigre commence à les repérer à mille kilomètres à la ronde, ces passages (et il y en a une pétée dans l’ouvrage) où le vocabulaire savant et précieux se mêle à des considérations à peine interpellantes.

à rapprocher de :

Tigre ne va pas vous dérouler la biblio de Miss Améli-mélo, toutefois sachez que Tigre a lu pas mal de titres, dont (par ordre de publication) : Hygiène de l’assassin (bof), Les Combustibles (sans plus, heureusement c’est court), Stupeur et tremblements (à caractère bibliographique et pas mal au demeurant) ; Cosmétique de l’ennemi (relativement insupportable) ; Biographie de la faim (à lire) ; Acide sulfurique (lourdaud) ; Le Fait du prince (le pire, je crois bien) ; Une forme de vie (dialogue épistolaire) ; Tuer le père (sans plus).

– Sinon, faut pas confondre ce titre avec L’attentat, de Yasmina Reza. Autrement plus sérieux.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

DodécaTora« Salut mon minet ! J’adore ton univers, tu envoies du lourd et sais tourner la métaphore autour de ta petite personne. Je me demandais si tu pouvais m’indiquer quelques romans (illustrés ou non) qui t’ont particulièrement ému à cause de la présence de tes congénères. Bibis. Signé : une fan anonyme (hi hi, tu sais pas qui). PS : pense à prendre le pain ce soir ».

Douze livres où le tigre est roi

A la seconde où j’ai eu l’idée de faire un site qui révolutionnera le petit univers des blogs de lecteurs, je savais que je recenserai, un beau jour, quelques bouquins relatifs aux tigres. Comme j’ai expliqué ma relation particulière à ce majestueux félin (en lien, si ça vous intéresse), il fallait donner quelques exemples.

Dans l’ensemble, l’image associé au tigre est toujours celle de la puissance (naturellement et, modestement), souvent de la sauvagerie et de la violence (l’Homme a commencé, attention), et parfois de la victime à cause de sa position de super-prédateur. Quoiqu’il en soit, on voit bien que les écrivains, miroirs de l’inconscient de la populace, voient en un félidé un égal de l’Homme concernant sa place dans la chaîne alimentaire. Supprimez l’Humanité, et d’ici deux siècles les félins auront pris le pouvoir. Period.

Voici donc une douzaine de titres que j’ai achetés uniquement parce qu’il était question de cet animal. Pour l’ensemble, je ne le regrette pas. Attention, ce billet ne saurait être confondu avec celui (en lien)qui traite des ouvrages possédant le terme « tigre » dans leur titre, ce qui n’a rien à voir.

Tora ! Tora ! Tora ! (x4)

1/ John Vaillant – Le Tigre : une histoire de survie dans ta taïga

Mon petit coup de cœur personnel, roman/essai que n’importe quel lecteur curieux se doit de commencer une fois dans sa vie. Le fameux tigre est un animal unique sévissant en Primorie, région de Russie. Après avoir tué un homme, le bestiau est pourchassé par Iouri Trouch, qui appartient à la « section tigre ». Roman d’aventure, essai écologique nous alertant des menaces sur la faune et la flore d’une somptueuse région, c’est tout simplement incontournable.

2/ Yann Martel – L’histoire de Pi

Depuis qu’on en a fait un film (dont je parle rapidement ici), le roman s’est découvert une seconde jeunesse bien méritée. Le petit Patel, à la suite d’un naufrage, sera dans un radeau pendant de longues semaines en présence d’un solide tigre. Péripéties inventées ou incroyable aventure personnelle ? Tout renvoie à la religion, et le besoin d’avoir des histoires fantastiques pour sublimer la très glauque réalité.

3/ Rudyard Kipling – Le Livre de la jungle

Avec un « L » majuscule, comme pour la Bible. Bon, on connaît tous cette foutue histoire, surtout grâce aux bons soins de Disney qui nous a gratifié d’un dessin animé assez marquant. Presque un poncif, le vilain méchant de Mowgli est Shere Khan, un tigre du Bengale. Comme par hasard, alors que l’homme est infiniment plus dangereux qu’un félin et que ce dernier ne semble se défendre que parce que les hommes le pourchassent. Intolérable injustice.

4/ Colleen Houck – Tiger’s curse

Une jolie pépée (Kelsey il me semble) qui s’occupe d’un tigre blanc ; ledit animal dont la liberté est rachetée ; la femme qui veut rester avec lui tellement il est chou ;  le tigre qui est un humain affublé d’une malédiction du genre La Belle et la Bête,… voui, c’est pour moi ça ! Puis j’ai vu la gueule de l’écrivaine. Je n’aime pas dire cela, mais là ça m’a vacciné (pas à cause de sa taille, plutôt son air néo-bovidé qui annonce à qui est destinée la saga).

5/ Ahn Soo-Gil – Tigre

Difficile d’affirmer, eu égard le titre, que j’ai découvert ce manga par le pur des hasards. En suivant une famille de félidés, puis un individu tigresque dans son quotidien fait de violence, c’est un presque régal si on oublie quelques planches un peu trop oniriques. A signaler que l’auteur est coréen, et non japonais (Japon, tu n’as pas le monopole du manga).

6/ Alan Alexander Milne – Winnie l’ourson

Il faut savoir que l’obèse ours passant son temps à bouffer des litrons de miel est sorti de l’imagination d’un Anglais au cours des années 20 – avant d’être honteusement adapté par Disney. Insouciance, bonté, légèreté, les histoires de nos héros n’intéresseront hélas que les plus jeunes. Avoir plus de vingt ans et continuer de lire ceci devrait vous alerter, le diagnostic du syndrome de Peter-Pan est susceptible de s’appliquer. Parmi les protagonistes, vous connaissez tous Tigrou, le gentil félin qui sautille partout, ce qui a pour résultat notoire de saloper en profondeur le potager de Coco Lapin.

7/ Bill Watterson – Calvin & Hobbes

Même moi, pourtant peu porté sur les planches de BDs qu’on peut trouver dans les magazines, ai eu vent de cette série. Car le petit Calvin, gosse plein de ressources, ne serait rien sans son tigre en peluche qui ne prend vie que sous ses yeux. Humour omniprésent, amusantes mais pertinentes critiques du monde contemporain, presque des planches que je tapisserai dans mes WC.

8/ Jim Corbett – Les Mangeurs d’homme de Kumaon

Edward James C., frétillant officier de la couronne Britannique, aimait chasser sur le territoire indien pour aider l’Humanité – c’est-à-dire ne butter que des tigres mangeurs d’hommes. Ensuite, il fut un des premiers Roastbeefs à s’inquiéter de la surexploitation de la jungle, jusqu’à se poser en défendeur des espèces en voie de disparition. Au milieu des années 40, il publie quelques nouvelles sur la chasse aux félins (léopards compris) bouffeurs de chair humaine – notamment la lutte contre un tigre qui avait tranquillement bouffé 400 hommes.

9/ Collectif – The Spectacular Spider-Man

Dans quelques chapitres (fin des années 70) des aventures du jeune niaiseux arachnophile, il faut noter l’apparition d’Hector Ayala, premier superhéros d’origine hispanique et aussi connu sous le glorieux nom de Tigre Blanc. Ce n’est pas un vrai félin, certes. Mais la seconde version du personnage (20 ans après) est une vraie tigresse du Bengale qui s’est transformée en être humain. Pour la petite histoire, ce bandant personnage, après s’être aperçue qu’elle ne pourra jamais gagner le cœur d’Iron Fist, demande à ce qu’on lui ôte toute son humanité. J’aurais pu verser une larme si les illustrations n’étaient pas si mal foutues.

10/ Boucq – Le manifeste du mâle dominant

Préparez-vous à une BD au troisième degré au moins, avec les pétillantes aventures de Jérôme Moucherot j’en ai eu pour mon argent. Documentaire humoristique sur un courtier en assurances dans une jungle pas seulement urbaine, ça fourmille d’ingénieuses idées. A la limite du traité d’éthologie, tous les aspects du grand félin sont traités avec une tendresse et un humour non feints.

11/ Alfred Assollant – [un roman au pif, une chance sur deux]

Enfin un auteur de la seconde période du XIXème siècle ! Alfred a, entre autres, décidé de verser dans la littérature jeunesse, ce qui pour l’époque me paraît assez rare. Or, le personnage récurrent de ses pétillantes aventures n’est rien d’autre que Louison, un tigre accompagnant Corcoran, aventurier au cul bordé de nouilles qui combat Perfide Albion. Avoir vite fait feuilleté quelques uns de ces titres devrait, en tout état de cause, vous vacciner de poursuivre.

12/ Bernard Chèze – Le lapin et le tigre

Finissons ensemble sur une petite gâterie de plaisantin. Un conte chinois illustré que des amis un peu pétés du bulbe ont cru bon de m’offrir, hélas pour eux j’ai adoré – même si le tigre en question a le mauvais rôle. Shorka, puisque c’est son blaze, maîtrise tellement les environs qu’il a décidé que les animaux viendraient à lui pour être mangés. Plus besoin de chasser, ce devrait être le panard pour lui. Mais c’est sans compter la ruse de l’ignoble lapin qui prend la tête de la révolte des gueux autres animaux. Illustrations marrantes et histoire mignonne, que demander de plus ?

Mais aussi :

Je suis à sec, et ai donc besoin de vous tous pour ce DDC. Merci d’avance.

François Szabowski - Il faut croire en ses chancesProposez à un homme de changer de voie, et il y a fort à parier qu’il vous pète une durite. C’est ce qui arrive presque au protagoniste principal, écrivain à ses heures. Ce roman, plus que correct, mérite définitivement sa place dans la cour des grands. Après lecture, le titre ne contredirait-il pas le chemin que choisi, en fin de compte, le héros ?

Il était une fois…

Jean Martinez, professeur vers Limoges, n’a pas à se plaindre. La cinquantaine approche tranquillement, sa femme ne le fait pas trop chier et ses gosses ont quitté le nid familial. Cerise sur le gâteau de son contentement, il est un modeste écrivain à succès dans la catégorie (un peu cheap selon certains) des « romans de terroir ». Un beau jour, son éditeur l’incite à rédiger une œuvre complètement différente susceptible de faire furieusement parler de lui. A partir de ce moment, tout ne sera que découvertes et remises en question dans sa vie bien rangée.

Critique de Il faut croire en ses chances

Je ne sais pas comment se démerde le bon Szabowski, mais il réussit à laisser chez Le Tigre d’intenses sentiments mitigés. Un auteur qui ne laisse pas indifférent en raison de la structure de son scénar’ et à la fois de sa prose, c’est plutôt rare.

Le roman a très bien débuté, disons que je me suis régalé avec Picard, l’éditeur qui convainc le héros de sortir de ses sentiers battus pour pondre un récit limite porno qui se déroulerait dans un camp de concentration, tout ça sous l’égide de Faust. La logique du business man est parfaitement rendue et hilarante, annonçant un titre jouissif et profondément original. La suite est dans la même veine, notamment les petits à-cotés de Martinez : son renouveau en tant que tennisman de talent, quelques escapades avec une belle bibliothécaire, la manière dont il enrage face à la page blanche ou les rencontres avec son éditeur.

Hélas, et il me semble que Szabowski est un maître en la matière, le lecteur cartésien pourra reprocher à l’auteur de le laisser en plan et passer, d’un chapitre à l’autre, du coq à l’âne. C’est ce que j’ai ressenti dans le dernier tiers où des péripéties ne connaissent aucun dénouement, tandis qu’un simple partie de tennis peut prendre de monstrueuses proportions. Quant au style, j’ai trouvé le verbe précis et l’architecture générale de l’œuvre (taille des chapitres, dialogues) étonnement mature et cohérente.

Pour conclure, Tigre a apprécié l’humour subtil mais corrosif, toutefois le roman accuse quelques baisses de régime (il faut dire que ça démarrait fort). Grâce à la taille de cet ouvrage, on n’a pas le temps de s’en rendre compte. L’ultime bonus à savourer concerne les titres des chapitres, instructions en cas d’arrêt cardiaque d’un proche – équivalent de la musique angoissante dans un film, on s’attend à quelque chose de terrible.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La première question me venant à l’esprit est le degré de mise en abîme. S’il n’y avait pas le narrateur pour rajouter une couche d’autodérision qui fait mouche, les actes et pérégrinations de Martinez sont désespérément banales : femme doucement aimante ; Sébastien et Camille (ses enfants), étudiants à la capitale et peu pressés de descendre voir leurs parents ; participation et organisation de tournois de tennis,…la vie paraît bien lisse. Jusqu’à ce que l’écriture d’un nouveau genre le pousse dans ses retranchements.

A ce titre, l’éditeur annonce sobrement dans la couverture qu’il s’agit d’un roman sur « l’égarement qui nous guette tous ». Tigre ne parlerait pas d’égarement, mais d’évènement catalyseur qui contraint à décider si une étape sera franchie ou non. L’anti-héros s’égare certes, mais après quelques avancées notables il semble surtout louvoyer. Face à des problématiques nouvelles, il fait même preuve d’une certaine lâcheté pour revenir à une sorte de statu quo ante : rester simple, se contenter de ses collègues et camarades de sport (avec qui les échanges sont convenus) et approfondir son jeu de cour – plutôt que son jeu d’écriture.

A bien y réfléchir, François S. n’a pas tord, chaque lecteur trouvera dans le cas de Martinez un écho à son existence : Tigre s’est souvent oint d’huiles parfumées en imaginant son modeste blog atteindre des orbites dignes d’un grand site internet, avant de finalement se rendre compte qu’il y a des choses plus importantes à faire.

…à rapprocher de :

Vous l’aurez compris, Tigre est plus ou moins un habitué de François Szabowski :

– Déjà, il y a Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent. J’ai eu beaucoup de mal avec, néanmoins la suite, Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur, est délicieuse. L’écrivain y donne une profonde analyse de lecture de Il faut croire en ses chances, adaptation de Faust avec l’éditeur dans le rôle du diable et la luxure en la personne de la bibliothécaire.

– Ensuite, certains romans sont plus intimistes, à l’instar de Silhouette minuscule, coécrit avec Anna Reese. Même souci concernant le mystère effectif. Quant au recueil de nouvelles Une larme de portor pour les pensées tristes, ça mérite le détour.

– La fine imagination de l’auteur se retrouve dans le recueil de désopilants proverbes dans La famille est une peine de prison à perpétuité (illustrations d’Elena Vieillard).

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Ou, mieux, via le site de l’éditeur.

Nathalie Ferlut - Eve sur la balançoireVO : Conte cruel de Manhattan. Voici l’histoire de la belle Florence Evelyn Nesbit (on ne rit pas je vous prie), jeune Américaine qui au début du vingtième siècle a somptueusement défrayé la chronique. Nathalie Ferlut, à l’aide d’illustrations parfaitement adéquates, a su rendre compte d’une époque et d’un état d’esprit caractérisant la riche populace des États-Unis avant la première guerre mondiale.

De quoi parle Eve sur la balançoire, et comment ?

Voilà qui est rigolo comme tout : j’ai dévoré ce roman graphique d’une traite en me jurant de regarder si la fameuse Eve a réellement existé, et Nathalie Ferlut a devancé ma démarche en fin d’ouvrage : elle a livré les éléments nécessaires (photos, biographies, presque une mini-encyclopédie) pour jauger de l’histoire telle qu’elle s’est vraiment déroulée. Du coup, comprenez que Le Tigre a classé cet ouvrage dans la catégorie des essais.

En effet, Evelyn Nesbit, née en 1884, est réellement arrivée vers 1900 (avec sa daronne) à New-York depuis son agricole Pittsburgh. Emportée par l’ambition démesurée de sa mère, Eve a commencé à poser pour de menus peintres, jusqu’à être repérée par le grand Stanford White, architecte de renom aux mœurs qualifiées (à l’époque) de dissolues. L’ingénue, plutôt bien au courant de ses charmes, parvient à brièvement évoluer dans la société jusqu’à la fin, forcément tragique.

Cette tragédie est annoncée dès le début puisque l’essai graphique oscille entre l’existence d’Eve de 1901 à 1906 et une cour d’assises (à NYC) en 1907. Intelligemment, l’auteure livre quelques indices sur les tenants et aboutissants de ce dont il va être question lors des audiences, sachant qu’on propose à la miss une somme conséquente pour orienter son témoignage. Femme frivole qui couche à tous les râteliers (oh, joliment formulé) ; dommage collatérale d’un mari jaloux ; victime de personnes peu fréquentables ? Un peu des trois – même si Le Tigre pencherait pour la première analyse.

Bien évidemment, rien n’est parfait dans Eve sur la balançoire dans la mesure où 1/ Le lecteur peut trouver le temps long sur quelques planches (le rythme s’en ressent parfois) et 2/ L’histoire n’est pas vraiment la came du Tigre. En revanche, il faut avouer que le dessin est agréable à l’œil : l’auteure a opté pour une sorte de tons pastels, avec ce que cela peut comporter en termes d’onirisme ou de mise en page des sentiments des protagonistes. C’est de temps à autre un poil brouillon, toutefois rien de méchant.

En guise de conclusion, je justifierait honnêtement la bonne note attribuée à l’ouvrage de Ferlut parce que, je ne sais plus comment, le félin a en sa possession un exemplaire dédicacée. Putain oui, je ne vais jamais traîner mes guêtres aux salons de bouquins et pourtant ce truc a été signée à mon nom. Quoiqu’il en soit, une bonne petite découverte. Me suis cultivé en tout cas.

Ce que Le Tigre a retenu

L’histoire de la belle Eve est, comme je le disais, édifiante : maquée rapidement à un gros dégueulasse (Mr. White), la pépée a renversé quelques cœurs tel celui de John Barrymore (jeune artiste dans l’âme qui déclamait Shakespeare dans un resto pour payer sa note) ou Harry Thaw. Parlons-en de ce dernier. Le gars, désespérément amoureux d’Evelyn, va lui mener une cour effrénée en balançant des scuds de romantisme comme les fleurs, déclarations, bijoux, voyage. Sauf qu’il est plus que glauque, entre ses prises régulières de drogues, son aspect cadavérique et sa jalousie dévorante. D’ailleurs, cette dernière sera la raison d’un retentissant procès en 1907 pour meurtre…

Les coutumes de l’époque sont finement restituées, notamment la maman d’Eve qui fait, de manière à peine éhontée, office de marieuse, sinon de maquerelle. Non seulement elle veut assurer la prospérité sur la famille (surtout sur sa petite personne), mais en plus elle tend à vouloir donner à sa fille l’existence dont elle aurait rêvé (sans lui demander son avis). Lorsque tout semble bien se dérouler au début, la rencontre avec Stanford White dérègle irrémédiablement la machine mise en place par la petite famille.

Tant qu’à expliquer le titre, la fameuse balançoire de l’héroïne (le rapport avec la drogue prise par Thaw mérite d’être rappelé) représente la douce période de gloire où Eve survolait la Grosse Pomme en tant qu’égérie publicitaire très demandée. Jusqu’à la chute vers le statut d’une femme sulfureuse, sinon salope sur les bords parce qu’elle est loin d’être vierge. Être belle, célèbre, riche et respectable paraît bien impossible pour l’époque – hélas, est-ce que cela a changé au XXIème siècle ?

…à rapprocher de :

– Harry Thaw, par sa douce folie et le rapport bizarre entretenu avec sa môman, m’a plus d’une fois fait penser à Norman Bates. Vous savez, le taré de Psychose ?

Aucune idée de titres semblables pour l’instant. Toute aide est la bienvenue.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce essai graphique en ligne ici.

Amélie Nothomb - Hygiène de l'assassinL’image de couverture parviendrait presque à spoiler en montrant la jeune Leopoldine, personnage qui occupe une place centrale dans ce huit clos de basse extraction que Le Tigre a eu un mal de chien à terminer. Très loin d’être le meilleur roman de Nothomb, dès le début le style qui lui est propre (violence des dialogues) montre ses limites.

Il était une fois…

Prétextat Tach est un romancier de premier plan qui a reçu le prix Nobel. Lorsqu’il fait savoir qu’en raison d’un cancer foudroyant il ne lui reste que deux mois à vivre, les journaleux se pressent pour recueillir ses dernières bonnes paroles. Sauf que Prétextat les envoie, tous, au tapis (pas littéralement) : insupportable, cynique, à la répartie cinglante, le mec écoeure tout journaleux normalement constitué. Jusqu’à ce qu’il soit interviewé par Nina (hop, prénom spoilé), qui semble avoir très bien travaillé son sujet.

Critique d’Hygiène de l’assassin

A tout hasard, Le Tigre signale qu’il s’agit du premier roman de la mère Nothomb. N’attendez pas de moi une quelconque tendresse (pourtant légitime), car je n’ai pas découvert ce titre au début des années 90. Pour les besoins de ce billet, je l’ai même rapidement relu. Si.

Autant vous le dire de go, vous pouvez passer au second chapitre. C’est-à-dire vers la centième page. Toujours ça de gagné en considérant que la première moitié n’est là que pour planter le décor intellectuel de Prétextat, écrivain particulier dont on ne sait trop pourquoi le Nobel lui a été attribué. La lutte entre deux individus, chère à Amélie, démarre vraiment avec l’arrivée d’une jeune journaliste qui va, à la manière des plus grands penseurs grecs, lever le lièvre de la vérité.

Cette vérité, justement, a un rapport intime avec le titre du bouquin dans la mesure où, de tout ce qu’a écrit Tach, Hygiène de l’assassin a une signification terrible pour son auteur. Sauf que Le Tigre s’en tapait un peu sur les bords, sauter des morceaux de dialogues entiers n’empêchera aucunement de saisir le fin mot du scénario. 200 pages lues en deux heures, définitivement trop eu égard l’intérêt du roman.

C’est certes un tour de force que de pondre plus de cent pages exclusivement constituées d’échanges parlés, mais à un moment le lecteur habitué de Nothom risque d’être salement saturé. Surtout que les arguments parfois avancés m’ont semblé autant vaseux qu’oiseux. Bref, ce premier jet est dispensable.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Sans trop gravement spoiler, il est grandement question du mythe de l’enfance idéalisée, c’est-à-dire parfaite, sans les tracas que la maturité (donc la puberté) va apporter. La vision de cette pureté par le bon Tach, aussi obèse que glabre, est profondément dérangeante. Une enfance heureuse, trop de bonheur, et voilà que le cerveau se dit que tout devrait rester ainsi. Une forme de syndrome de Peter Pan, cependant en plus glauque.

Le dernier thème m’a paru plus personnel puisque Tigre n’a pu empêché de se dire : pourquoi un tel sujet pour un premier roman publié ? Il appert que l’écriture agit, pour l’anti-héros, tel un exutoire où se raconter appelle les réactions des lecteurs. Amélie Nothom profite d’Hygiène de l’assassin pour annoncer le genre de thèmes dont elle va nous entretenir : un brin de folie ; des dialogues à n’en plus finir ; des aspects autobiographiques poussés et le désir d’approfondir la problématique quant aux relations auteur / lecteur.

à rapprocher de :

Tigre ne va pas vous dérouler la biblio de Miss Améli-mélo, toutefois sachez que Tigre a lu pas mal de titres, dont (par ordre de publication) : Les Combustibles (sans plus, heureusement c’est court), Attentat (interminable), Stupeur et tremblements (à caractère bibliographique et pas mal au demeurant) ; Cosmétique de l’ennemi (relativement insupportable) ; Biographie de la faim (à lire) ; Acide sulfurique (lourdaud) ; Le Fait du prince (le pire, je crois bien) ; Une forme de vie (encore un obèse, décidément) ; Tuer le père (sans plus).

– Sinon, le thème du romancier/assassin me fait penser à Marc Weitzman et son ouvrage Mariage mixte. Faudrait que je le termine, celui-ci.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Aravind Adiga - Le tigre blancVO : white tiger. Un tigre dans le titre d’un roman, comprenez que je ne pouvais laisser passer ce truc sans broncher. Je ne savais pas à quoi m’attendre, et face aux critiques, toutes positives, j’attendais beaucoup du narrateur passé du statut de chauffeur/esclave à riche entrepreneur. Décevant au final, le style m’a hélas insupporté.

Il était une fois…

Ce foutu tigre blanc, c’est Balram Halwai, tout ça parce qu’un professeur a décidé, face à la rareté de son intelligence, de l’appeler ainsi. Balram, par un heureux hasard (il a particulièrement insisté auprès du garde népalais), est parvenu à devenir chauffeur auprès de M. Ashok à Dehli. Ce dernier, ayant des usines à charbon, est à la capitale pour un certain temps histoire de soudoyer quelques politiciens avant les élections. Notre héros, devenu chauffeur officiel, découvrira l’Inde extravagante, entre inégalités sociales criardes et esprit de soumission du peuple.

Critique du Tigre blanc

Aravind Adiga, avant d’écrire ce roman qui lui a apporté la gloire (prix Booker, rendez-vous compte), est un journaliste indien assez porté sur la littérature. On sent d’ailleurs l’auteur à l’aise sur la description précise, presque envoutante, mais de là à dire que ce titre mérite toutes les louanges, je n’en suis pas sûr.

Le scénario, qui met un certain temps à décoller, évoque un homme (Balram signifie « homme » en hindi, sauf erreur de ma part) parti de rien et qui termine à la tête d’une trentaine de taxis pour ramener les travailleurs dans l’électronique à Bangalore. Pour ce faire, le tigre blanc va user autant d’ingéniosité que d’insidieuses manœuvres pour arriver à ses fins. Jusqu’au pire, mais entre ce qu’il annonce et la réalité il peut y avoir un gouffre – du moins je l’ai compris comme cela.

L’originalité du texte est qu’il s’agit d’une missive adressée à Wen Jiabao, premier ministre de la Chine qui doit prochainement faire une visite dans le sous-continent. C’est également là que réside le problème, car le style m’a paru aussi pompeux que malvenu. Sous couvert d’une aimable discussion avec Jiabao, Adiga adopte un style souvent familier, avec quelques irrévérences qui m’ont plus gavé qu’autre chose. Quant aux deux derniers chapitres (sur une demie douzaine en tout), leur lecture fut presque un supplice – peu compréhensible et encore moins crédible.

Pour conclure, le passage des Ténèbres à la Lumière du héros ne s’est pas fait en un jour, et est autant douloureux pour le tigre blanc que vis-à-vis du lecteur. Remercions Aravind A. de ne pas avoir trop dépassé les 300 pages, car dès le début je ne pensais pas pouvoir terminer correctement son roman. S’il se rattrape après le premier tiers, il faut convenir que ça ne suffit pas pour satisfaire Le Tigre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le sujet principal, bien sûr, est l’Inde. C’est amusant, mais j’avais peur que l’auteur abonde dans ses clichés pauvres c/ riches (gentils c/ méchants), jusqu’à ce qu’il me donne tort sur les dernières pages. Quoiqu’il en soit, le tableau dressé par le journaliste/écrivain est édifiant, et on ne peut douter de la bonne foi d’Adiga. Notamment lorsqu’il décrit la corruption ambiante, trop réaliste et terrible pour être inventée. Le maître du protagoniste (ou la Mangouste, personnage assez puant) parcourt Dehli avec son sac rempli de biffetons afin de copieusement arroser les responsables politiques.

Il ressort que ce pays, sous couvert d’une occidentalisation délirante et enjouée (Bangalore, la ville qui ne dort jamais), il y a comme un souci sociétal : les anciennes traditions demeurent et rendent la vie des plus modestes difficile. Le système des castes, notamment, est comparé à une jungle, certes injuste, mais ordonnée. Le protagoniste se définit lui-même comme un « demi-cuit » puisque son éducation n’est pas allée à son terme, le rendant impropre à rejoindre la société de consommation. La suppression de ces « classifications » de classes consiste, selon l’auteur, à ouvrir toutes grandes les portes d’un zoo alors que la société n’y était pas prête. Si le conducteur de rickshaw peut nourrir de grands espoirs pour lui ou sa descendance, il faut convenir que les élites ne l’entendent pas de cette manière.

La théorie, maintes fois reprises par l’auteur, est que la démocratie n’est pas adaptée à l’Union indienne. Il envierait quasiment l’autoritaire Chine où Gandhi et le « Grand Socialiste » n’ont pas cours. Les élections ne semblent être une farce où tout est joué par avance grâce à l’achat des voix des plus démunis. Rien ne semble changer à terme, l’Inde est alors comparée à une cage à poule entretenue par les prisonniers eux-même qui s’autocensurent malgré quelques vélléités de révolutions.

…à rapprocher de :

– A mon sens, Amit Chaudhuri et son roman Les Immortels est bien meilleur. Certes moins accessible, mais tellement plus puissant.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.