Les Sutras du TigreMais comment a-t-il fait pour lire 1.000 livres en 5 ans ? Quel malodorant affabulateur. Il a dû sous-traiter ça à ses nombreuses copines… Et bien non, cher lecteur. En plus de lire un peu partout et sous toutes configurations, Le Tigre lit vite. Un vrai scan, que dis-je, une machine de guerre ! Chacun sa technique, voici la mienne.

Lire en diagonale

Nota bene : si vous en avez assez de ma prose mais que ça vous intéresse un tant soit peu, sautez directement au « comment », puis l’exemple.

Sinon, commençons par la deuxième question, triviale. Lire partout, dans le métro ou le bus, en marchant, même en copulant, check. Mais vous sentez que cela ne suffit pas. Vous vous surprenez à méticuleusement choisir votre PAL (pile à lire) en fonction du nombre de pages. A partir de 200, vous voulez être sûr de l’auteur et de l’histoire. En dessous, vous êtes prêt à accepter l’inconnu. Fort fâcheux, du haut de sa montagne sacrée, Le Tigre vous regarde d’un œil torve.

Il existe d’autres petites astuces, certaines présentes sur ce pomp/somptu/eux blog. Par exemple, préférer les polices de caractère assez grosses, l’impression d’aller plus vite est entraînante, sans compter qu’appréhender globalement les paragraphes sera plus aisé. En outre, vous pouvez, et ce afin d’augmenter sensiblement le spectre de votre bibliothèque, refuser de relire vos titres préférés pendant un certain laps de temps.

Vient le quoi. Lecture Rapide (« LR »), ou lecture globale, les termes sont nombreux pour décrire une seule aptitude : celle de lire comme si le diable en personne (je ne parle pas d’Au Diable Vauvert hein) vous poursuivait. Méthode très utile chez les professions où lire des centaines de pages est un passage obligé, il est des moments où se les taper dans leur intégralité peut être dommageable.

L’avocat qui se tape des conclusions adverses démentielles de 100 pages, le professeur contraint de déchiffrer l’inculte composition de philo d’un étudiant, le journaliste politique contraint de résumer une imbuvable motion d’un parti déclinant, James Bond compulsant les archives (souvent en russe hélas) du MI-6, tous ont leurs raisons pour éviter de lire mot à mot l’infâme prose de leurs contemporains..

Comment lire vite ?

Hum, pertinente question. C’est un peu là que Le Tigre est attendu au tournant. Faisons concis, complet, structuré. Et pas trop chiant.

1/ Ne pas lire dans sa tête. Ça ne sert à rien. Le mot que vous lisez, votre cerveau l’a bien compris, et n’attend que de passer rapidement au suivant. Nul besoin de subvocaliser comme un gamin de quatre ans qui apprend à lire « caca ». Vous méritez mieux, peu importe combien de temps cela va prendre. Lire attentivement (donc répéter dans sa tête) un terme plus complexe voire inconnu, rien de plus normal. Mais la soupe littéraire, les lieux communs ou autres suites logiques de dizaines de lettres, ça doit glisser (comme dirait Alice).

2/ Avoir l’œil sélectif. Deuxièmement, va falloir apprendre à repérer rapidement les mots porteurs d’informations strictement nécessaires à la compréhension d’un texte littéraire. Pour Le Tigre plus lecteur de SF et polar que de classiques, voici le process : d’abord, j’ignore les passages excessivement descriptifs tout en ayant une vague idée de quoi ça parle. Pour cela, une longue phrase avec tout plein d’adjectifs et de verbes à l’imparfait doit vous alerter (plutôt le contraire, vous laisser indifférent). A contrario, apparaîtront « en surbrillance » dans votre esprit les dialogues certes, mais tout verbe au passé simple (ou au présent) et adverbes indiquant une action (« soudain, mais alors, tout à coup,… »).

A force d’exercice, vous ne porterez sur un paragraphe qu’un regard détaché, à mi-chemin entre le traitement en diagonal et l’appréhension générale du texte. Vous fonctionnerez non plus en terme de phrases, mais en lisant bloc par bloc, en pêchant ici et là ce dont vous avez besoin. Le travail de vos yeux sera donc moindre, privé de ses incessants aller-retours du match de tennis qu’est votre roman.

3/ Accélérer la cadence progressivement. L’entraînement n’est pas tout, quelques astuces existent afin de parcourir toujours plus vite les pages. Déjà, un texte avec une police assez grosse est bien plus aisé pour la LR. En outre, un des secrets du Tigre est de lire, d’affilée, plusieurs romans du même écrivain. Dans l’ordre chronologique de publication. Ainsi on prend la première œuvre pour « se faire les griffes », jusqu’à être suffisamment familier du personnage pour savoir quand lire en diagonale sans risque. C’est ce que j’ai fait avec Preston & Child, Alastair Reynolds ou Éric-Emmanuel Schmitt. Dès le troisième opus, je gagnais 50% de temps de lecture.

Pour résumer le comment, la LR n’est pas un sprint, mais un marathon. C’est également un challenge perpétuel. Pour vous aider, lancez-vous de petits défis : finir le chapitre avant telle station de métro, terminer telle page avant que l’horloge n’affiche 1h58, mettez-vous un peu la pression. Checkez ensuite, si besoin est, que vous n’êtes pas passé à côté de quelque chose en relisant normalement le même passage. Après quelques semaines à cette cadence, les résultats seront là.

Allez, des exemples !

Oui, oui, ça vient. En fait il s’agira d’un exemple : Le Tigre vous propose en effet un paragraphe d’un roman pris au hasard. Le hasard est bon avec vous, puisqu’il s’agit de la page 103 de Vierge de cuir, écrit par Joe R. Lansdale. Je n’ai choisi ni texte abscons (prenez n’importe quel ouvrage de Maurice G. Dantec ou Will Self) ni bouquin excessivement simple. En gras les mots clés qui à force d’exercice sautent aux yeux (connaissant bien l’auteur, c’est certes plus aisé). En outre, comme les dialogues se doivent en général d’être attentivement lus, le passage suivant en sera dépourvu :

« Puis j’appelai Jimmy sur son portable et tombai sur sa messagerie. A cette heure-là, il donnait probablement un cours, ou il bossait dans son bureau. Je respirai profondément, descendis récupérer ma voiture et partis me balader sans but dans les rues. Je finis par me garer à l’orée de la ville, au pied de la colline où se dressait l’ancienne demeure Siegel. La colline était mouchetée de sapins dégingandés et l’herbe y avait la couleur du papier de verre, mais un épais tapis de kudzu envahissait les environs de la maison et des lianes torsadées grimpaient à l’assaut du bâtiment pour former, tout en haut du toit, une grosse boule ébouriffée vert émeraude. »

Le présent paragraphe occupe près de la moitié d’une page. A lire en entier à haute voix, on en a pour une petite trentaine de secondes (voire vingt). Ici, on peut jeter deux coups d’oeil rapides, choper les mots importants et dans votre tête il doit se passer ce fascinant dialogue digne d’une communication télégraphique :

« appeler Jim – répond pas – m’en fous de savoir pourquoi – partir en caisse jusqu’au bout ville – près baraque Siegel – dégingandés, merde c’est quoi ce terme ? – sapins, verrai l’adjectif plus tard dans dico – kudzu, oh putain il fait chier avec son vocabulaire – le reste à l’imparfait, je zappe. »

Comme vous le remarquez, plus vous lisez, plus votre vocabulaire sera enrichi, moins vous butterez (comme l’ai fait pitoyablement à deux reprises) sur les mots. Sans subvocaliser, j’en ai eu pour 4 à 5 secondes. Temps gagné : 500 %. Perte d’information primordiale : 0 %. Il est né le divin feignant, jouez hautbois, résonnez musettes !

Ah oui, tant qu’on y est : dégingandé, ça signifie que c’est grand et désordonné. Le kudzu, c’est une plante vivace comme le lierre, mais apparemment en plus joli. Qu’on ne m’y reprenne plus !

Conclusion vite faite bien faite

« Cher Tigre, que faire du plaisir de lire un ouvrage lentement, tout en savourant chaque mot comme autant de bouchées du meilleur foie gras de France et de Navarre ? ». Ma réponse tient en deux points : 1/ En général, je lis vite quand je suis légèrement gavé, ou que je connais bien l’auteur. Alors je sais ralentir au bon moment. 2/ Lorsque le style est excellent et m’emporte, adieu la LR.

En guise de conclusion, Le Tigre tient à vous rappeler que la LR est avant tout une expérience personnelle, selon la façon dont son cerveau fonctionne et de ce qu’on préfère. Si je livre gratuitement ici mes techniques, les vôtres se peuvent d’être sensiblement différentes.

Na ja, démerden Sie sich mit der Global Lektür.

Peter F. Hamilton - L'étoile de PandoreVO : The Commonwealth Saga (jusqu’ici, c’est logique). Pas mal du tout : Rien à dire, Hamilton a la technique pour produire de fabuleuses sagas. Ici, l’humanité en développement tombe sur une étoile où sont prisonniers une espèce peu reluisante. Intelligent, passionnant malgré quelques longueurs ici et là, du space opéra comme Le Tigre les aime.

Il était une fois…

Comme tout grande saga de SF, l’auteur pond des romans de taille indécente. Aussi l’éditeur en charge de la traduction française, attiré par l’appât du gain, splite chaque titre en deux. Le Tigre restera sur la publication originale, en racontant brièvement le scénario des deux titres.

L’étoile de Pandore : A la fin du 24ème siècle (ça me paraît un peu tôt mais bon), l’Homme a colonisé un joli paquet de planètes. Et cela grâce à une technologie découverte par deux hommes (Nigel et Ozzie le rasta) permettant, à l’aide de trous de ver, de se télétransporter. Du coup, les communications passant vite, l’Humanité est plus ou moins apaisée autour d’une entité, le Commowealth intersolaire…jusqu’à ce qu’on découvre une anomalie à un millier d’années-lumière, à savoir une étoile emprisonnée dans un camp de force. Le Commonwealth prépare une expédition pour savoir ce qu’il retourne…

Judas déchaîné : Bien évidemment le voyage vers la mystérieuse étoile a ouvert ladite boîte de Pandore. C’est la guerre totale, et les humains sont bien en mauvaise posture. Pendant ce temps, Ozzie continue son voyage auprès des Silfen. Comment lutter contre MatinLumièreMontagne lorsqu’en plus l’Arpenteur des Étoiles œuvre en sous main pour détruire la civilisation humaine ?

Critique de la Saga du Commonwealth

Attention, petit chef d’œuvre d’Hamilton qui décidément tient une forme olympique. Après l’Aube de la Nuit, voici la suite directe de Misspent Youth (qui se tenait plutôt dans un futur proche). « Seulement » quatre romans de plus de 700 pages, Le Tigre a passé une semaine d’exception en dévorant le monde fascinant de l’auteur anglais.

Le scénario, que j’ai essayé de simplifier, est d’une certaine complexité. En fait, le premier tome peut faire peur dans la mesure où Peter nous introduit auprès de plus d’une dizaine de personnages : un astrologue, deux scientifiques à l’origine de la technologie des trous de ver, quelques rebelles, des politiciens, une flic incorruptible (qui mène une enquête assez prenante), un pilote de la NASA qui s’est fait damer le pion en posant le pied sur Mars, etc. Ça fait beaucoup de monde à connaître, presque du Tolstoï ! – je plaisante.

Toutes leurs péripéties, enquêtes, recherches se croisent, et contribuent au fil des pages à créer un environnement certes très dense mais d’une cohérence qui fait mouche (si ça vous parle). Lorsque les différentes histoires se croisent ou se rejoignent, cela ferait presque bizarre de voir nos protagonistes dans le même lieu. Ce qui a particulièrement fait ronronner Le Tigre, c’est lorsque l’auteur décrit les espèces extra-terrestres : l’analyse xéno-sociologique des « autres » est très bien pensée et, paradoxalement, apporte une touche résolument humaniste à ce cycle.

Ne vous inquiétez pas, je vais balancer quelques points négatifs. D’une part, et c’est souvent le revers de la médaille de tels pavés, il y a forcément des passages sur lesquels le lecteur peut s’inquiéter d’un éventuel décrochement de mâchoire. Ajoutez à cela le nombre d’histoires parallèles, il faut être patient et laisser Peter F. Hamilton joindre les bouts. D’autre part, j’ai trouvé la fin légèrement décevante par rapport à l’envergure de la Saga. Un écrivain comme Reynolds fait, à mon sens, mieux.

Pour conclure, j’ai conscience qu’en 1.000 mots je n’arriverai pas à rendre compte du quart du dixième de ce qu’il y a à découvrir dans L’étoile de Pandore. Juste dire que, de grâce, essayez au moins de terminer le premier tome, le meilleur (notamment le dernier opus) arrive ensuite.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La quasi immortalité des êtres humains. Grâce au processus de « rejuvenation », ou rajeunissement, chaque personne peut se faire une petite cure et repartir comme en 40 ! Moyennant finances bien sûr, si bien que la plupart de la classe moyenne travaille toute une vie pour s’en payer une autre. Quant aux plus riches, ceux-ci peuvent s’offrir une vie entière de glandouille bien méritée. Grâce aux sauvegardes des données neurales de chacun, la « perte » de son corps s’accompagne d’une renaissance avec les derniers souvenirs enregistrés. Ainsi, l’immortalité n’est pas vraiment loin.

Plus généralement, Hamilton présente une humanité apaisée qui a confiance en ses institutions. Le Commonwealth, c’est une jolie machine politique aux mains de grandes familles dont la compétence ne paraît pas être discutée. Liberté étendue des citoyens, capitalisme non excessif, voilà un système libérale de bon aloi que ne renierait pas The Economist. Et puis, le « gap » entre le commun des mortels et les très privilégiés que nous suivons ça ne semble pas générer de grands troubles chez la populace.

Les civilisations E.T. : Hamilton est imaginatif, et décrit magnifiquement les pensées d’une civilisation éloignée de nos standards : que ce soit MatinLumièreMontagne et la manière dont il a su contrôler une planète entière (avant de s’en prendre au Commonwealth) ; ou des Silphen qui ressemblent à ce qu’on imaginerait d’une civilisation « parfaite » ; sans oublier les Intelligences Artificielles bien éloignées des préoccupations humaines, tout est renversant. Le Tigre aime se rappeler le superbe voyage d’Ozzie (à la recherche de solutions sur le conflit qui se déroule), personnage complet qui fait la rencontre d’entités inconnues que le lecteur se surprendra à prendre d’affection. Un adorable dépaysement.

…à rapprocher de :

L’Aube de la nuit, Misspent Youth, que du bon Hamilton. Surtout le premier.

La Trilogie du Vide, suite directe de cette saga, envoie du très lourd. Par égard pour le lecteur, ça se passe quelques centaines d’années après. Sinon la Saga aurait été monstrueuse en terme de nombre de mots.

La Grande Route du Nord (tome 1 et tome 2 sur le blog) est également une relative réussite, même si les ingrédients de l’auteur n’ont pas changé – l’efficacité reste presque au rendez-vous.

– Sur la description de fabuleuses civilisations E.T. (même les méchants), et leurs modes de pensées forcément décalés, il y a Reynolds et son Cycle des Inhibiteurs (notamment L’arche de la rédemption).

– Sur la description de fabuleuses civilisations E.T., mais des gentilles, Le Tigre ose la comparaison des Silphen avec les Wess’har de la saga de Karen Traviss.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette saga en ligne en commençant ici.

Mo Yan - Le radis de cristalSuivi de Déluge. VO : Tuomingde hongluobo et Qiushui. Deux nouvelles (dont une très courte) du nobellisé Mo Yan, auteur chinois au style limpide et poétique. Si le dépaysement est plaisant, fugace impression de tourner en rond qui a éveillé chez Le Tigre un certain ennui. Mais pas au point de proscrire cet auteur.

Il était une fois…

Le radis de cristal. Noiraud est un enfant vivant chez son acariâtre belle-mère. Muet et fort réceptif aux stimuli extérieurs qui l’entourent, le jeune garçon va être embrigadé dans le chantier du barrage voisin. Quasiment seul au milieu d’adultes aux comportements souvent rustres, Noiraud va être le spectateur attentif du quotidien de ses congénères.

Déluge. Le narrateur relate l’histoire de son grand-père, pionnier avec sa femme dans la région de Gaomi. Installation, vie frugale et extrêmement modeste, maternité de la femme, mais surtout rencontres improbables seront au rendez-vous.

Critique de Déluge et du radis de cristal

Puisque Mo Yan a reçu une éminente distinction (un certain prix en Norvège), il fallait absolument comprendre pourquoi. Le Tigre est méfiant, c’est la raison pour laquelle j’ai préféré commencer avec un titre assez court, et attaquer les gros morcifs plus tard.

Avec les deux nouvelles (dont une très courte, sur près de 170 pages) contenues dans ce roman, il y a de quoi se faire une première opinion pertinente du bonhomme. Je passe rapidement sur la seconde nouvelle (Déluge), moins bonne et que j’ai lue en diagonale. Quelques beaux passages (notamment la description d’un cadavre dans la flotte), toutefois dès la seconde moitié de ce texte ça devenait passablement confus, ce qui est fort dommage.

Si le titre de l’œuvre est celui de la nouvelle mise en avant, d’ailleurs la seule dont le quatrième de couverture daigne parler, c’est que cette dernière représente, j’imagine, ce que l’écrivain a de si particulier. Et il faut avouer que je me suis plutôt régalé sur les premiers chapitres : le ressenti du héros est propice à l’empathie ; la description des faits et gestes des protagonistes (particulièrement le jeune forgeron et le chef du chantier) est relativement bien traitée ; le tout avec une écriture claire comme de l’eau de roche.

Hélas les facéties des autres personnages deviennent un peu lassantes. Au bout de 100 pages (sur 140 environ) ça gave un peu, et même toute la poésie apportée par Mo Yan ne parvient pas à redresser le tir. C’est d’autant plus fâcheux que le lecteur ne sera pas dans les meilleures dispositions pour enchaîner sur la seconde nouvelle. Donc laissez du temps s’écouler entre les deux lectures.

Au final, un moment correct de poésie à certes ne pas rater, mais je suppute qu’il y a d’autres titres de l’écrivain, bien meilleurs, qui attendent d’être débusqués par Le Tigre.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Je vais faire simple (veuillez le pardonner) en prenant deux thèmes centraux que sont la nature, puis l’Homme.

La nature, c’est le petit Noiraud qui la vit à chaque instant. Cependant, ne vous fiez pas au quatrième de couv’ : pas « d’intensité poétique poignante », juste un très bon rendu littéraire qui plante bien le décor. Non non, c’est autre chose qui m’a plus ici. Plutôt la savante alternance entre passages d’une beauté salvatrice et péripéties (dialogues également) bien plus terre à terre.

Car l’être humain, au travers la collectivité, est un matériau brut indissociable du Radis de cristal. Ce fameux radis d’ailleurs dont je n’ai pas bien saisi la création (rapport avec le forgeron et le légume que se partagent quelques individus). L’air de rien, Mo Yan nous présente la Chine communiste (années 60 ?) des grands projets. Barrages, hauts fourneaux, industries,…que d’énormes objectifs qui ont tous consciencieusement foiré. Et vu ce que décrit l’auteur concernant le modeste barrage à agrandir, avec les tâches répétitives, dangereuses et passablement inutiles (casser des cailloux, on n’a pas fait mieux depuis les pénitenciers), le lecteur n’est pas trop étonné des résultats du « Grand bond en avant ». Presque de la satire politique…

…à rapprocher de :

– De Mo Yan, Le Tigre songe à en lire d’autres, qui seront résumés en temps et en heure.

– Du côté de la Chine, je vous invite largement à lire l’exceptionnel Brothers, de Yu Hua.

– Sur les descriptions poétiques de la nature, et la violence de l’espèce humaine cette fois en version française, il y a le très particulier Et je me suis caché, de Lachassagne.

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Philip K. Dick - Substance mortVO : A Scanner Darkly. Le Tigre a rarement pris une telle claque littéraire. Hallucinations, déchéance, paranoïa, schizophrénie, le tout est d’une violence et d’une tristesse déprimantes. K. Dick a écrit un ouvrage presque biographique mais avec la puissance et la vision d’un roman de SF. Superbe.

Il était une fois…

Dans une Amérique plus ou moins futuriste où la technologie semble avant tout au service de la répression, la Substance Mort (« SM », et sans commentaires) est l’ultime drogue qui détruit consciencieusement ce qui reste des hippies et autres rêveurs des sixties. Fred est un flic infiltré dans le monde des stupéfiants et porte pour cela un « complet brouillé » cachant son identité. Un beau jour, il doit espionner Bob Actor, junkie qui est en fait sa couverture. La SM faisant des ravages, Fred / Bob va doucement glisser en enfer….

Critique de Substance mort

Philip K. Dick est un grand malade. Dans le bon sens du terme, mais aussi parce que c’était un toxicomane reconnu. Ce livre a été écrit quand il était en plein trip, et (heureusement) simplifié une fois un peu plus clean. Le résultat est un titre court (pour du K. Dick) qui reste globalement fluide.

Déjà, petit coup de gueule contre le saligaud qui a jugé bon de traduire A Scanner Darkly par Substance Mort, sans se fouler. Car c’est oublier que le titre en VO fait référence au treizième chapitre du 1er épitre aux Corinthiens, notamment ce passage :

Maintenant nous voyons dans un miroir, d’une manière obscure, mais alors nous verrons face à face; aujourd’hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu

Or le fait de se voir à travers un miroir, et d’une sombre façon, c’est justement le sujet principal du roman, bien plus que la fameuse drogue. Car le héros, flic œuvrant en « sous marin », en vient à surveiller sa propre couverture. Et de fait Fred a accès à des enregistrements où il voit Bob (lui-même donc) qui est autant son côté sombre que l’ange déchu. Lequel au fil des pages prendra le dessus.

L’histoire est en effet terrible, entre délires de drogués et lente plongée du protagoniste principal et de ses proches dans les tourments de la dépendance. Dédié aux connaissances de K. Dick comme à lui-même qui sont morts (ou ne sont pas passés loin) à cause des stupéfiants, le lecteur doit garder à l’esprit que tout ce que raconte l’écrivain dans cet ouvrage lui est arrivé.

A la sauce SF et avec la paranoïa omniprésente (donc oppressante) propre à l’Américain, il en ressort un chef d’oeuvre (oui, c’est le terme) que tous se doivent d’avoir lu au moins une fois. Rien que pour la révélation finale qui, en plus d’être impressionnante, apporte une touche de noir optimisme.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La drogue, bien sûr. K. Dick sait de quoi il parle, le salopiaud. Je ne vais pas vous entretenir de ses dangers, mais de quelques effets secondaires magnifiquement contés. Le Tigre se remémore notamment, outre les « aracho-visions », quelques protagonistes bourrés jusqu’à la moelle discourant du VTT qu’ils ont. Le vélo a 21 vitesses, on leur a dit, et avec 3 plateaux et 7 pignons nos amis se creusent la tête pour savoir comment on peut bien compter lesdites 21 vitesses. Marrant mais édifiant.

K. Dick nous présente, de manière subjective, comment la lutte contre ce fléau est loin du compte. La politique du gouvernement semble inadaptée car tournée principalement vers la punition, quant aux campagnes de prévention le début du roman nous offre un aperçu assez cynique. Si vous rajoutez le héros qui en vient à s’espionner lui-même, je vous laisse imaginer l’immense efficacité des enquêtes en cours.

[SPOIL Attention !] La beauté finale de ce roman, l’exquis retournement vient lorsque Fred / Bob, qui n’est plus en état de faire quoi que ce soit, est placé par l’État au sein d’une ferme afin de se reposer (jusqu’à ce qu’il aille mieux, donc quasiment à vie). Il s’occupe de fleurs omniprésentes qui se révèlent être la matière première de la SM… Là, on découvre qu’en réalité on l’a laissé griller son cerveau afin d’arriver dans cet endroit pour (on l’espère) amasser des preuves. Sombre optimisme, comme je le disais. [Fin SPOIL]

…à rapprocher de :

– Un film (à la photographie originale) est sorti, avec le mignon Keanu Reeves. A ne pas regarder bien évidemment.

– De Dick, court et abordable (question lecture), il faut absolument se farcir A rebrousse-temps. Ou alors le recueil de nouvelles Le dernier des maîtres. De très belles pépites.

– Le lecteur courageux qui a aimé les délires sous l’emprise de substances illicites se régalera de la tétralogie SIVA, monstre littéraire que Le Tigre n’a su finir.

– K. Dick était notamment pété aux amphèt’ pendant l’écriture de ce roman, un essayiste a parlé de cette drogue, dans Accroc au speed. Surprenant.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Alastair Reynolds - Diamond Dogs, Turquoise DaysVO : idem. Oublions les longs romans de Reynolds un instant pour découvrir deux réelles pépites du chantre de la SF moderne. Deux nouvelles d’excellente facture qui feront voyager le fin connaisseur du monde de l’auteur comme le néophyte en la matière. Beau et visionnaire.

Il était une fois…

Diamond Dogs

Sur une planète non loin de Yellostown, des scientifiques sont intrigués par La Flèche de Sang, grande tour (250 mètres quand même) construite par une antique civilisation E.T. La Flèche amènerait vers un fabuleux trésor, mais pour y accéder il faut passer par les différentes pièces, chacune s’ouvrant après avoir résolu une énigme mathématique. Jusqu’où nos héros, aidés d’un médecin banni pour ses expériences sur le corps humain, iront-ils ?

Turquoise Days

Mina et Naqi vivent sur Turquoise, planète majoritairement aquatique où vivent les Schèmes Mystifs, créatures E.T. ressemblant à des algues et organisées en réseaux de pensées dans l’océan. Lorsqu’arrive un groupe d’humains depuis l’espace, il est évident que ça a un rapport avec les Schèmes, et ce qu’ils renferment dans leur base de données neurale.

Critique de Diamond Dogs, Turquoise Days

Deux nouvelles appartenant au superbe « Cycle des inhibiteurs », deux textes (chacun de 150 pages environ, c’est dire la productivité de l’auteur) qui sont tout simplement géniaux. Nul besoin d’être familier avec le monde de Reynolds, les deux histoires peuvent se dévorer indépendamment de toute autre lecture.

Ma préférée, c’est Diamond Dogs, la première. Scénario efficace, celui de savants qui repoussent toujours plus loin les limites humaines pour pouvoir d’une part résoudre des énigmes toujours plus complexes, d’autre part composer avec les caprices de la Flèche de Sang qui les punit graduellement à chaque mauvaise réponse (en leur retirant un membre par exemple).

Quant à Turquoise Days, on en apprend bien plus sur une entité qu’on croise dans le premier roman de Reynolds (L’espace de la révélation). L’histoire exploite correctement les nombreux aspects scientifiques voire politiques relatifs à l’idée originale des Schèmes Mystifs (en ajoutant une histoire familiale avec un être cher perdu, que demander ?).

Là où Reynolds nous régale, c’est qu’il existe un lien ténu entre les deux nouvelles, notamment sur ce qui peut se trouver dans la dernière salle de la Flèche de Sang. Mais chut…je vous laisse le découvrir (ah zut, wikipedia balance le morcif). Bref, pour moins de 300 pages, voilà une valeur sûre à (re)découvrir.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Un thème par nouvelle, ça devrait être suffisant non ?

La tour infernale. Le bâtiment est imposant, cependant il est risqué de le détruire ou de se pointer dans la dernière salle où se cacherait une merveilleuse technologie. Le bâtiment est intelligent aussi, en adaptant l’atmosphère à ses occupants et en les contraignant à faire preuve de toujours plus d’intelligence. Corollaire de ces obligations, le peu éthique Dr Trintignant a les mains libres pour modifier comme elle le souhaite l’aspect humain…jusqu’aux diamond dogs que l’on retrouve à la toute fin sur la planète principale où déjà sévit un terrible virus…

Les Schèmes Mystifs. Une des nombreuses heureuses trouvailles d’Alastair, ce sont ces êtres particuliers qui emmagasinent les pensées d’autrui, à un tel point que certains se « fondent » en eux. Le Tigre va SPOILer, attention, en disant que dans la nouvelle Turquoise Days, des visiteurs bien décidés désirent en fait récupérer l’esprit du glorieux dictateur de leur planète. Ce que d’autres veulent à tout prix éviter. Jusqu’à tuer les algues E.T. pour éviter le pire. Fin SPOIL. Dans L’espace de la révélation, les Schèmes sont utilisés dans un autre dessein, bien plus formidable.

…à rapprocher de :

– Le cycle des Inhibiteurs est grand, et commence par L’espace de la révélation pour finir sur Le Gouffre de l’Absolution.

– Reynolds a aussi pondu d’autres nouvelles, pas encore traduites en français, regroupées dans l’ouvrage Galactic North.

– L’histoire d’une tour mystérieuse, mais sans le SF, il y a La tour de la solitude de Valerio Manfredi.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Maurice G. Dantec - Comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en dérouteOuvrage autonome (mais toujours aussi déjanté) du polémique Dantec, pour une fois ça peut se lire (relativement) vite. Assez plaisant, les ingrédients de l’auteur restent les mêmes : anticipation sociale SF dosée de cyberpunk, cerveaux surdrogués, considérations religieuses. Bon moyen pour démarrer avec Momo.

Il était une fois…

Un couple est en cavale (depuis un centre fermé en Europe) et cherche à se planquer dans une île perdue, en passant par l’Afrique. Les deux individus sont dans un sale état car atteints d’un mystérieux virus neurogénétique qui les connecte avec la station Mir où réside l’âme d’Albert Ayler, jazzman décédé en 1970. Le virus prend de l’ampleur et la cavale s’accompagne d’hallucinations toujours plus violentes.

Critique de Comme le fantôme d’un jazzman dans la station Mir en déroute

Ha, que cela est bon de résumer un Dantec qui n’affiche pas ses 500 pages sur la balance ! Deux heures de plaisir (quasi) gratuites, Le Tigre salue l’effort de l’auteur qui a, pour une fois, fait court. Effort ? Sans doute pas dans la mesure où ce titre est tiré d’une nouvelle écrite au milieu des années 90, puis « étoffé » pour arriver à Comme le fantôme…

L’histoire, une fois n’est pas coutume, se révèle extrêmement bizarre : un homme et une femme commettent un braquage et se font la malle. Porteurs d’une étrange maladie, leurs sens sont décuplés et ils sont au prise à de violentes hallucinations. « Connectés » à la station Mir, ils vont devoir aller jusqu’au bout de leurs êtres pour sauver les astronautes.

Comme dans tout roman de Dantec, il y a des passages proprement imbitables mais ici j’ai été rapidement immergé dans le roman. Je dirai même que grâce aux 200 pages la lecture a été fluide. Ça part bien sur dans tous les sens, l’écrivain franco-canadien nous agrémentant de ses classiques délires scientifico-religieux qui peuvent en transporter plus d’un.

En guise de conclusion, voici le titre parfait (avec Babylon Babies) pour s’initier à la prose inimitable du père Dantec. Pour le lecteur habitué, ça fait du bien de s’offrir un tel ouvrage si court, même si celui-ci n’est pas transcendant (ça reste relatif).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

N’ayant pas lu ce roman hier (doux euphémisme), je vais encore passer à côté d’un paquet de thèmes passionnants. Calamitas.

La folie. Nos deux fuyards sortent en fait d’un centre de détention où certaines expériences peu recommandables ont eu lieu. Pire que V pour Vendetta. Résultat, l’ADN des héros a été profondément remanié, leur offrant de sympathiques délires. Rêves dignes des aborigènes, hallucinations que trois litrons de LSD seraient loin de procurer, le tout relatif au fameux ADN des protagonistes, au lecteur de décider ou non d’entrer dans le jeu.

Le sacrifice religieux. Le christianisme, la Kabbale, il appert que le couple représente une sorte de messie à deux têtes seul capable de délivrer Mir d’une menace / bénédiction sous la forme du fantôme d’un jazzman que Dantec semble bien connaître (le monsieur est féru de musique, s’il faut le rappeler). Hélas le puissant virus ne les laissera pas sauver le monde tout en restant indemne. Excessivement barré, mais légitimement attendu chez ce type d’auteur qui pourrait être le fils caché de K. Dick.

…à rapprocher de :

– De Dantec, il y a La sirène rouge, Les racines du mal, Babylon Babies suivi de Satellite Sisters (putain de déception, ce dernier). Tout ça dans l’ordre, chouette.

– Dantec a produit une autre saga qui a plus d’envergure : Liber Mundi : Villa Vortex, Metacotex, et un dernier dont j’ai oublié le nom.

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John Irving - La petite amie imaginaireVO : The Imaginery Girlfriend. Irving est un écrivain assez bon, et cette autobiographie me paraissait intéressante. Le Tigre a hélas été à moitié contenté : de très bons passages sur la vie de l’auteur, toutefois d’autres que je n’ai su apprécier à leur juste valeur. Notamment lorsqu’il s’agit du sport à l’origine de l’image de couverture.

De quoi parle La petite amie imaginaire, et comment ?

Depuis le temps que je lisais un peu d’Irving, voilà que j’apprends qu’une sorte de ses »mémoires » existent, comme Murakami. Né au début des années 40, il a écrit en 1996 cette courte biographie. Avec trois enfants (garçons) nés d’un second mariage, l’auteur a profité d’une convalescence due à une opération de l’épaule pour nous concocter près de 200 pages de souvenirs.

Avec plus d’une vingtaine de chapitre, la lecture sera pour le lecteur agréablement fluide. D’autant plus que le style est d’une simplicité désarmante, Le Tigre a eu l’impression de lire les mémoires de son grand-père, pourtant peu porté sur la littérature. Ordre quasiment chronologique, on est rassuré. Quelques photos en milieu de parcours, très sympathique.

Simplicité ? Pas complètement… En effet la première passion de John n’était pas la littérature, mais la lutte. Près des deux tiers de l’essai portent sur ce noble sport. Sa prime jeunesse, ses activités (il ne parle presque jamais de ses études), comment il évoque ses gosses, tout tourne autour de la lutte. Alors un conseil, renseignez-vous sur ce sport : la manière dont un combat se passe, les projections et autres techniques sportives, la stratégie, voire révisez un peu l’anatomie humaine.

A part le pancrace, John nous parle de ses amis et de ses lecture. Il a surtout lu de vieux auteurs américains, a apprécié Flaubert, et a ses têtes de Turc (Oscar Wilde par exemple). Jusqu’à l’écriture de ses œuvres, corollaire des ateliers d’écriture auxquels il assistait (avant d’en dispenser). Quant au titre, la mystérieuse petite amie est celle qu’il a inventée pour justifier son désir de retourner à Exeter.

Pour conclure, un essai avant destiné aux passionnés de lutte plus qu’aux écrivains potentiels. Je ne m’attendais pas à la prépondérance de ce sport, sans compter les notes finales de l’auteur qui peuvent être zappées (il raconte comment il a notamment tenté de contacter ses anciennes connaissances).

Ce que Le Tigre a retenu

Alors, mes amis, comment devient-on écrivain ? Irving, qui connaît le Maine, évoque King et les paysages glauques à la base des romans d’horreur de ce dernier. Comme Stephen K., il y a le conseil d’écrire, encore et encore pour s’améliorer. A l’instar de la lutte, il y aurait un huitième de talent, sept de discipline. La discipline, en effet primordiale, nécessite une certaine routine à laquelle se raccrocher lors des périodes d’écriture. A noter, pour notre auteur, l’envie de « décompresser » par le sport qui fait office de soupape.

A relever également la croyance, chez Irving, qu’on ne peut écrire qu’au sujet de thèmes qu’on a vécus de plus ou moins près. L’expérience personnelle serait au centre du travail de l’écrivain qui ne pourrait bien rendre compte d’une histoire avec laquelle il est familier. Le Tigre comprend alors mieux l’excellent L’épopée du buveur d’eau, avec des descriptions de menus travaux du héros proches des petits boulots de l’auteur (cf. infra pour le lien).

La lutte dans l’Amérique des années 60 à 80. Les entraînements, compétitions, règles du fameux sport, etc., Irving ne nous épargne rien. Lui qui a toujours été « presque passable » dans ce domaine, l’épanouissement (et l’écriture de ses premiers romans) est venu avec la maturité (la trentaine en fait) : ainsi, les passages que j’ai préférés sont ceux pendant lesquels Irving est passé entraîneur (tout en luttant pour le plaisir), mais surtout son expérience en tant qu’arbitre dans des États où certaines règles ne paraissent pas totalement intégrées par les sportifs (quelques cas amusants).

Les amis et les souvenirs. La petite amie imaginaire ressemble à des mémoires dans la mesure où le texte, chronologique, est très personnel. En sus, beaucoup de personnes aimées d’Irving (un ami entraîneur, un prof,…) sont décédées depuis, bref ça sent le sapin sur la fin de l’ouvrage.

…à rapprocher de :

– Un éminent auteur qui se livre, c’est l’excellent Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, d’Haruki Murakami.

– Pour l’instant, Le Tigre a bouffé d’Irving sa Quatrième main et L’épopée du buveur d’eau. Joliment dit non ?

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Jean Teulé - L'oeil de PâquesA mi-chemin entre un polar à assassin unique (livré à la fin) et un texte d’une poésie fort onirique, L’œil de Pâques est déconcertant à lire. Teulé s’est lâché sur ce coup là, et si cela reste extrêmement séduisant, Le Tigre a été moyennement emporté par le texte. Dommage.

Il était une fois…

Rien que pour vous donner une idée du genre, Le Tigre va exceptionnellement copier-coller la description de l’histoire dans le quatrième de couv’ :

« Le centre du monde est à Calais, entre les falaises de craie et le trou dans le Channel. Le centre d’un monde où passent les orbites de six planètes bien humaines. Pâques, beauté métisse venue d’Inde, joue le rôle du soleil. Chacune lui tourne autour, attiré par sa chaleur. Depuis la nuit des temps, ces planètes sont appelées à se percuter, pour faire jaillir des gerbes de bonheur lilas. Et pour que ce miracle advienne, un crime doit être commis. »

Critique de L’oeil de Pâques

Comme vous l’aurez remarqué, je n’ai pas été conquis par ce texte qui était décidément « tout much ». Le vocabulaire est sans pareil : virevoltant, d’une poésie délirante et somme toute assez coquine, ça part dans tous les sens. Quiproquos, situations burlesques et souvent comiques, c’est sympathique.

Hélas les premières pages m’ont complètement perdu, j’ai cru que ce roman allait précocement rejoindre mon Mur des Renonciations. Mince, 150 pages, ce n’est pas grand chose il faut s’accrocher : après 20 pages, ça se décante et l’histoire peut réellement commencer.

Le scénario, parlons-en. Pâques, jeune beauté (avec un œil rose, rien que ça), immigre vers Calais où elle est serveuse. Gravitant autour de la belle, un flic « aquaphobe », un couple cigale / fourmi, un médecin légiste au palais infaillible, un juge complaisant, un animateur de radio antillais (ou de Guyane). Mélangez le tout, ajoutez l’Inde, le chanvre (le cannabis quoi), le meurtre d’une prof d’Anglais, et voilà un polar poétique innovant.

Tous ont des liens plus ou moins distendus, tous sont improbables et savoureux, j’ai eu l’impression de lire une pièce de théâtre, voire une bande dessinée tellement il est facile de se représenter tout ce joli monde. Hélas l’œuvre démarre « brut de décoffrage », et pourra perdre plus d’un lecteur.

Bref, Le Tigre plaçait de grands espoirs dans le sieur Teulé, et un de ses ouvrages qui ne me procure pas le même plaisir que d’habitude, la sanction est inévitable. Ce titre n’en reste pas moins intéressant, et procure une expérience relativement unique.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le Nord de la France, carrefour des cultures. Sud d’Albion, extrême nord des terres du bordelais vinicole, l’environnement dans lequel évoluent nos protagonistes paraît hostile, froid. Seuls comptent ses habitants, uniques spécimens capables d’apporter la fantaisie que la météo ne peut. Par contraste, les colonies françaises, l’Inde millénaire, recueillent en leurs seins des Français encore plus à côté de la plaque et finissant, pour la plupart, assez mal.

Le rocambolesque, l’excès, l’onirisme, les double sens de partout, en fait c’est presque fatiguant à lire comme texte. Teulé se débrouille bien, toutefois j’ai eu plus d’une fois l’impression qu’il a écrit ce truc après avoir perdu un honteux pari. Il aurait pu pondre L’œil de Pâques pour des amis, pour un réalisateur, pour un directeur de théâtre, mais le publier, quel culot. Le Tigre n’est pas mécontent d’être francophone, parce que bonne chance pour traduire cette chose sans trahir son esprit…

…à rapprocher de :

– Jean Teulé est un habitué du blog : Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).

– De la poésie, néanmoins bien ratée, il y a ce pauvre Autin-Grenier avec Les radis bleus.

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Alastair Reynolds - House of SunsLe Tigre adore Reynolds, avec House of Suns celui-ci le rend bien. Space opéra d’une brillante envergure, fourmillant d’idées géniales, le lecteur sera immergé dans un scénario terrible et haletant, du bonheur. En anglais, même avec des passages pas aisés à comprendre, le tout reste fluide.

Il était une fois…

Campion et Purslane sont des shatterlings de la lignée Gentian, c’est-à-dire des clones faisant le tour de la galaxie pour le compte de leur maison. Tous les 200.000 ans environ, les 1.000 clones Gentian se réunissent afin d’échanger leurs souvenirs. Pour la 32ème réunion, nos deux héros amènent un membre de la civilisation des robots, hélas le rendez-vous s’annonce mal parti. En effet une puissante maison, la mystérieuse House of Suns, semble bien décidée à anéantir la lignée des Gentian. Pourquoi donc ?

Critique de House of Suns

Je ne suis pas vraiment bilingue anglais, mes connaissances restent néanmoins suffisantes pour préférer lire un ouvrage de cet auteur (à l’instar que Peter F. Hamilton, Will Self ou Chuck Palahniuk) en VO plutôt qu’attendre 10 ans la traduction FR (en poche). Et là je ne regrette rien. Quelques termes (par exemple « trove », qui revient tout le temps) ne sont pas aisés à saisir, encore moins à traduire, je ferai de mon mieux.

Le scénario est complet, assez linéaire par rapport au sujet traité par l’auteur. Globalement, il est question de l’Humanité qui s’étend dans la voie lactée depuis six millions d’années, les civilisations apparaissent et disparaissent, toutefois l’homo pas si sapiens que ça cache un honteux secret. Deux héros vont mener leur enquête, aidés par des compagnons de route assez surprenants, or personne ne tient réellement à ce qu’ils aillent au fond des choses. Le petit plaisir supplémentaire, déjà éprouvé dans La Cité du gouffre, est au début de chaque partie nous suivrons l’histoire d’Abigail Gentian, femme à l’origine de la Maison du même nom et dont la jeunesse mériterait un roman à part.

Le style reste correct, j’ai trouvé que le début était un poil long, même si le décor est admirablement planté. Reynolds a une imagination dingue, et ici se concentre sur le « macro space opera », en laissant (volontairement ?) de côté les détails technologiques de l’environnement. Mais au bout de 6.000.000 ans, ce n’est pas gênant. Contrairement à Simmons ou Hamilton, il n’y a pas de vitesse supraluminique, avec les nombreuses conséquences que cela amène. La narration double passe plutôt bien, et Le Tigre attendait avec impatience le dénouement de l’histoire d’Abigail.

Si je n’ai pas donné la meilleure note à ce titre, c’est que Reynolds a déjà un joli paquet de récompenses sur ce site, et que Le Tigre aurait espéré une suite, du moins savoir ce qu’il en est concernant les Premières Machines, sur l’état des relations entre les civilisations machiniste et humaine. 500 pages, police d’écriture petite, préparez-vous à une bonne semaine de lecture.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le temps, cette grande donnée relative. Le titre de Reynolds jongle avec des centaines, des milliers, voire des millions d’années. Comme les clones, quasi immortels, sont souvent en stase, ils sont dans la place depuis des lustres. Le temps d’amasser de formidables connaissances, de voir des milliers de méta-civilisations s’élever et mourir (le « turnover » étant une constante), etc. Quant aux combats spatiaux, au laps de temps pour prendre une décision, l’échelle est rarement en-deçà de la décennie.

Cela peut donc être difficile à appréhender, de telles échelles nous dépassent forcément. Le fait de penser les Lignées, vieilles et vénérables entités qui se déplacent constamment dans la galaxie, ça fait rêver et c’est crédible (les statuts de chaque maison, les interdits, etc.). En gérant de telles longueurs, Reynolds n’est pas loin de nous décrire ce à quoi peut penser un dieu (notamment l’histoire de l’Esprit des Airs, qui est tout simplement sublime).

Il y a également une incursion de Reynolds dans le monde des simulations virtuelles et de la folie. Abigail Gentian, comme un autre ami, a accès à une machine qui permet de vivre des aventures à la place de quiconque. Imaginée comme un instrument pour acquérir de l’expérience guerrière, l’artefact s’avère pas vraiment au point et les effets secondaires font froid dans le dos. Cette incursion permet à l’écrivain de pondre une jolie fable, dont certains éléments ne sont pas sans rappeler ce qui se passera, des milliers d’années après, dans le monde réel.

L’I.A. et le pardon. [Thème SPOIL, attention]. Il appert que les Hommes, jadis, ont (par accident certes, mais l’animus était là) presque détruit une civilisation de machines. Celles-ci s’est réfugiée dans une autre galaxie, et nul ne sait ce qui se passerait s’ils se décidaient à revenir. Pour éviter un foutoir diplomatique avec la nouvelle civilisation artificielle, les Lignées ont choisi d’éradiquer de leur mémoire cet épisode peu glorieux. Un des héros, au cours d’un de ses voyages, a hélas exhumé des informations discordantes avec la version officielle. De quoi mettre potentiellement en danger les populations humaines à travers la galaxie.  [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– Rien que pour le plaisir, je vous refais reparle du meilleur de Reynolds : le cycle des Inhibiteurs : L’espace de la révélation, La Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution. Faut reconnaître qu’il sait choisir des titres qui en envoient. Essayez The Prefect, qui est un stand-alone de belle facture. Voire les nouvelles du cycle, comme Galactic North ou Diamond dogs, Turquoise Days.

– Toujours chez Reynolds, une fabuleuse aventure qui se compte en siècles, c’est Janus, ou Pushing Ice dans la VO.

Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.

– Pour les macro conflits et le temps qui se dilate inéluctablement, il y a le classique La guerre éternelle, d’Haldeman. Ou Chants de la Terre lointaine, de C. Clarke.

Pour finir, si votre librairie est fermée ou ne propose pas de titres en anglais, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Stephen Weir - Les pires décisions de l'HistoireVO : History’s Worst Decisions. Sous-titre : …et les gens qui les ont prises. 50 chapitres, 50 décisions éclectiques qui se sont révélées catastrophiques. Politique, scientifique, économique, militaire, chaque domaine prend sa tournée de claques. Très porté sur la culture anglo-saxonne, ouvrage bien sympathique qui se lit vite. Sans plus.

De quoi parle Les pires décisions de l’Histoire, et comment ?

Stephen Weir a de l’entregent, et a su collaborer avec les grands de ce monde. C’est donc non sans de profondes connaissances qu’il a pu écrire sur les pires décisions historiquement prises. Un essai assez fun à lire, bourré d’anecdotes et d’autres petits détails qui, selon l’auteur, sont déterminants (Le Tigre n’est pas assez savant pour en juger).

Il ressort un ouvrage de correcte facture, avec la cinquantaine de décisions bien expliquées : les responsables, leurs motivations (classées d’après les 7 péchés capitaux en plus de deux autres) et les résultats immédiats comme plus lointains. Introduction de lapins en Australie, la campagne de Russie de Napoléon, la catastrophe du Bhopal (ou Tchernobyl), Hannibal et son parcours,…il y a de tout.

Ce qu’on pourrait reprocher à cet essai, d’une part, c’est l’importance accordée aux menus détails que je trouve parfois excessive. D’autre part, les Anglais (ils sont au centre de l’Histoire en général certes) ont une part prépondérante de conneries : normal de la part d’un essayiste britannique, mais on aurait aimé découvrir un peu plus de civilisations méconnues.

Le style est plus qu’aisé à suivre, vous pouvez même vous offrir le luxe de le lire en anglais. Livre non transcendant au final, mais d’une rapidité déconcertante à lire. Et triste en sus, il appert qu’au fil des siècles les mêmes bourdes sont encore et encore répétées.

Ce que Le Tigre a retenu

N’attendez pas de moi de résumer toutes les décisions rapportées, on peut toutefois en tirer quelques leçons.

Premièrement, quelques jolis spécimens d’intelligence militaire : Churchill qui collectionne les fâcheuses décisions pendant la Grande Guerre (avec comme point d’orgue Gallipoli et les Dardanelles) ; la stratégie d’Hannibal qui n’était pas tenable à terme (il allait bien trop loin sans consolider ses positions) ; ou encore Napoléon et sa désastreuse campagne de Russie. Pour chaque décision, on se met à la place de son auteur, et comment celle-ci pouvait alors apparaître logique malgré les indices et signes discordants. Et puis les résultats bien connus, dans ce paragraphe des milliers de morts inutiles au moins.

Deuxièmement, il y les fails économiques et scientifiques. Tchernobyl et la catastrophe du Bhopal qui ont tué des milliers de personnes ; le « super médicament » thalidomide, responsable en Allemagne et au Royaume-Uni d’un paquet d’horribles malformations chez les enfants à naître ; comment Wall Street a plongé à de nombreuses reprises ; les très discutables politiques économiques de chefs d’États africains ; le bordel autour du canal de Suez et comment Français et Anglais ont creusé leur propre tombe, etc.

Troisièmement, il y a les faux ingénus qui ne pouvaient imaginer la portée de leurs décisions. A ce titre, il faut applaudir des deux mains cet Anglais, Robert Austin, qui au cours du 19ème siècle a rapportée une vingtaine de lapins de sa chère Albion jusqu’en Australie. Pour faire beau dans son grand jardin. Calamitas. Cette île-continent n’a jamais connu de tels animaux, et sans prédateurs naturels ces mammifères proliférèrent de façon exponentielle. Jusqu’à dépenser des millions pour enrayer leur expansion.

…à rapprocher de :

– Dans le style des essais regroupant des histoires / conseils assez variés mais tournés autour d’un seul thème, il faut lire Power les 48 lois du pouvoir, de Robert Greene. Nombreux exemples historiques à la clef.

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Olivier Chaline - L'année des quatre dauphins1711, annus horribilis pour Louis XIV. Ses descendants tombent comme autant de mouches, le roi vieillissant est au désespoir. Chaline nous propose un voyage lors de ces quelques sombres mois, vus de l’intérieur. Complet (trop même pour Le Tigre féru d’histoire), on n’est pas loin de l’essai passionnant.

De quoi parle L’année des quatre dauphins, et comment ?

D’avril 1711 à février 1712, trois dauphins vont se succéder et décéder, faisant trembler le trône de France, son bon roi Louis XIV, sa cour et l’Europe toute entière. Différentes maladies qui touchent les puissants, considérations de politique internationale par rapport à ces décès, quotidien du souverain et de la cour, tout est agencé de manière satisfaisante pour une immersion optimale.

Olivier Chaline, c’est un peu l’historien parfait que toute belle-mère souhaite avoir pour son rôti du dimanche midi : parents éminents historiens, passage à la rue d’Ulm, professeur magistral, directeur d’université, une liste d’essais historiques aussi longue qu’un dimanche en Angleterre, bref aucune raison de ne pas boire ses paroles les yeux fermés. Le Tigre le confesse de go, ce n’est pas le genre d’essais que j’achète (ou emprunte) de mon propre chef, donc L’année des quatre dauphins m’a été offert.

Corolaire de cette fabuleuse érudition, Olivier n’hésite pas à balancer moults détails : les noms, les lieux, les symptômes des mourants, les problèmes successoraux et diplomatiques qui se posent, trop d’information de partout ! Hélas j’ai parcouru les 50 dernières pages en diagonale, et félicite l’auteur de ne pas de trop dépasser les 200 pages, parce qu’ai pensé plus d’une fois que j’allais très vite lâcher sur le sol le bouquin.

Pour conclure, un texte fort prenant, toutefois le lecteur potentiel doit garder à l’esprit que c’est un essai rigoureux, ne pas s’attendre ni à de l’humour, ni à savoir à chaque fois de quoi parle Olivier Chaline. Son style, relativement fluide, a aidé Le Tigre à passer un bon moment.

Ce que Le Tigre a retenu

L’art de la médecine à l’époque. Variole, accidents de cheval, etc., ce qui tombe sur les héritiers du trône semble presque relever de la malédiction. Déjà, Chaline nous présente un roi impuissant, ne sachant pas à quel saint se vouer tout en ayant de solides supports (la cour, Mme de Maintenon par exemple) autour de lui. Ensuite, on découvrira par le menu les supputations des médecins royaux, l’intégralité des symptômes subis par les dauphins et ce à la lumière de la médecine contemporaine. Souvent à côté de la plaque, la médecine du début du 18ème siècle avait encore quelques progrès à faire.

Enfin, Olivier C. nous introduit superbement dans les arcanes de la géopolitique du royaume de France. Les Dauphins qui disparaissent à une telle vitesse, ça fait un peu désordre concernant ce qui était la première puissance mondiale du moment. Ça jasait pas mal en Europe, à un moment il fut même question de regarder du côté des Bourbons d’Espagne pour trouver un héritier, voire reconnaitre quelques bâtards du vieux Louis XIV. Aïe…

C’est à ce moment que je me suis dit que la monarchie absolue, il n’y a rien de mieux pour mettre un État à genou en l’espace d’une décennie. Une poignée d’individus qui avalent un peu trop vite leur bulletin de naissance (même si ces derniers n’existaient pas en 1712), et voilà les fondations d’un royaume qui sont sur le point de se transformer en meringues mal cuites. Heureusement pour Louis quatorzième, un de ses petits-fils a survécu, et a été installé dès ses cinq piges sur le trône. Voilà, le spoil historique est fait.

…à rapprocher de :

– Dans les essais historiques lus par Le Tigre, je me souviens du très long (et passablement ennuyeux) Joseph Fouché, de Jean Tulard.

– La royauté française en souffrance, c’est également Jean Teulé et son Charly 9 (déception).

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Stephen Vizinczey - Vérités et mensonges en littératureVO : Truth and Lies in Literature. Stephen Vizinczey est un lecteur on ne peut plus exigeant, cet essai en est l’éclatante preuve avec quelques grands auteurs passés sur le grill. Compilation d’interventions de l’auteur en matière de bon goût littéraire, salvateur malgré un style qui peut vite taper sur le système.

De quoi parle Vérités et mensonges en littérature, et comment ?

Petit mot sur l’auteur : déjà, je dirai Stephen ou SV, son nom étant un cauchemar à écrire. Ensuite, il convient de saluer le parcours de cet essayiste / écrivain, né en Hongrie, opposé à la dictature communiste et exilé vers le Canada (après un court passage par l’Italie). Avec très peu de connaissances dans la langue anglaise, le monsieur s’est élevé jusqu’à donner des cours dans les plus prestigieuses universités anglo-saxonnes.

Quant à cet essai, son titre provocateur annonce la couleur. SV se propose d’être au lecteur la boussole littéraire, rien de moins, de toute personne désireuse de lire quelques classiques de la littérature européenne. Le personnage en a étudié un bon paquet et semble bien décidé à nous livrer ses impressions, sans prendre ni gants ni circonlocutions pour atténuer ses propos.

Du coup, Stephen V. lâche un bon paquet de scuds sur la clique d’écrivains dont les titres semblent pour lui autant de scandales ne méritant pas le succès qu’on leur a prêtés. A l’inverse, d’éminents auteurs tels que Pouchkine, Gogol ou Dostoïevski en matière de Russes, Stendhal ou Balzac chez les Français, méritent ses louanges. Hélas, mille fois hélas, la culture littéraire du Tigre, insuffisante, n’a pas permis d’apprécier à leur juste valeur ces recommandations.

En effet, SV s’adresse à un lectorat immensément cultivé, ou à l’inverse à ceux désirant lire de grands auteurs sans savoir par lesquels commencer. Car sur près de 450 pages il y a de quoi préparer une très correcte liste de bouquins à lire sur les prochaines années. Si dans l’ensemble on ne peut qu’applaudir l’exercice de « démystification » du Hongrois devenu Canadien, il appert que le style est un peu pompeux.

Bref, SV est intransigeant, et son écriture certes fluide est au service d’une exigence que je qualifierai d’outrancière de la part de l’auteur. C’est beau car agressif et intelligent, c’est idéaliste et profondément libéral quant aux choix proposés, mais après 200 pages j’ai été vite gavé. Comme on dit vulgairement, « le gars ne se prend pas pour de la merde ». A juste titre, c’est ça le pire !

Ce que Le Tigre a retenu

La liberté, thème principal à mon sens de cet essai. SV en a vu, des régimes dictatoriaux prêts à faire main basse sur les droits de l’Homme (notamment la liberté de conscience). D’ailleurs sa première pièce a été purement et simplement interdite sur ordre de Moscou. Alors c’est avec la légitimité du résistant que notre ami s’attaque à toutes les formes de « bien pensances », de textes « prêts-à-penser » justifiant qui le travail du bourreau, qui les descriptions littéraires d’états que l’auteur du titre n’aurai même pu aborder en rêve.

Ça remet les choses à leur place, et c’est également jouissif pour le lecteur qui lit de virulentes critiques sur des auteurs qu’il a appris, dans son parcours scolaire, à admirer.

L’intransigeance, jusqu’à l’intolérance. Même après quelques années, Le Tigre se souvient d’un passage au cours duquel Steven, dans une librairie, s’efforce d’orienter un couple de lecteurs vers de meilleurs ouvrages que le dernier Umberto Eco. Je vous assure, la scène est édifiante : les deux personnes, tranquilles, qui savent ce qu’elles cherchent, face à un opportun de première qui les harcèle en leur montrant tout un tas de bouquins dont ils n’ont jamais entendu parler. Même si SV avait raison, sa conduite m’avait alors semblé imbuvable.

Le Tigre, qui chaque jour écume les librairies, a bien plus de diplomatie pour faire lâcher un Guillaume Musso à une rombière et la faire repartir avec le nouveau Chuck Palahniuk. Faut me voir à l’œuvre, c’est du grand art. 3 min chrono (douche comprise après avoir tenu le Musso entre les mains, ai-je envie de rajouter).

…à rapprocher de :

– De SV, il faut ab-so-lu-ment lire Éloge des femmes mûres. Un régal.

– Si l’auteur descend autant Umberto Eco, serait-ce parce que l’Italien, aisé à lire, à pondu des mini essais abordables pour « le peuple » ? Notamment Comment voyager avec un saumon.

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