A. D. G. - Kangouroad movieA. D. G. a passé quelque temps en Australie au cours de son existence, et ça se sent tellement c’est immersif comme roman. Polar aux limites du fantastique, mais surtout presque un livre de voyage écrit par un Français qui ne manque pas de talent. Un peu long par rapport à l’envergure de l’intrigue toutefois.

Il était une fois…

Dans le bush du nord du pays australien, une étrange créature échappée des cauchemars indigènes a tué cinq hommes assez salement. Débute ainsi une enquête complète menée par des individus hors du commun. Phénomènes météorologiques délirants, légendes et mythes locaux flippants se mélangent aux actes d’une tribu prête à tout pour protéger son territoire contre les blancs (entreprises, police, propriétaires terriens,…).

Critique de Kangouroad movie

Un ouvrage qui a agréablement surpris Le Tigre, en effet il y a un monde entre les A.D.G. des années 80 (et avant) et ce titre. Les précédents, ça ressemble à des romans de gare, quelque chose entre Le Celte et San-Antonio mais en moins bien. Du coup, je pense que seul ce roman vaut finalement le coup, ayant tout personnellement trouvé les autres d’un chiant…

Dans Kangouroad movie, nous suivrons plusieurs protagonistes à la recherche de la vérité : pourquoi ces meurtres, par qui, et quelles sont les motivations de tels forfaits ? une Suissesse (c’est dingue le nombre de « s » dans ce mot…) en mode backpack et qui écarte les jambes plus souvent qu’à son tour, un Allemand qui se dit nazi, et quelques autres confrontés à la magie millénaire d’un peuple assez méconnu.

Il en ressort une œuvre très dépaysante, plutôt bien tournée sur le style malgré le fait que j’ai souvent perdu pied par rapport à l’intrigue. Heureusement c’est bourré de références culturelles plutôt instructives, sans compter les paysages du désert australien qui sont décrits avec une précision et une qualité somme toute correctes. Avec une légère dose d’humour, la lecture sera plutôt fluide.

Pour conclure, ça se voit bien que l’écrivain a du effectuer un long séjour en Océanie et a su en tirer une expérience sympathique qu’il a eue envie de nous restituer. Toutefois il en fait définitivement trop dans ce livre. Le résultat est un certain ennui eu égard les péripéties qui se font attendre, et un dénouement qui ne m’a pas du tout convaincu.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les aborigènes et leur ancestrale culture. L’histoire tourne autour de la civilisation des primo arrivants sur ce continent, et le lecteur en apprendra énormément sur eux. Leur mythologie, leurs dieux, leur cosmologie en fait, tout y est décrit avec une précision scientifique passionnante…ou lassante, suivant ce que vous cherchez.

L’outback australien. Sur des milliers de kilomètres carrés de désert, la marque de l’homme y aussi rare que surprenante : routes vierges bien balisées, la fameuse barrière anti dingos, imaginez l’immensité du paysage qui « prend à la gorge » nos héros. Si vous rajoutez quelques phénomènes surnaturels, le mystère de ce pays est total.

…à rapprocher de :

– A tout hasard, je vous signale avoir lu Notre frère qui êtes odieux…, du même auteur. Une catastrophe.

– L’Australie, fabuleux pays…pas tant que ça, dans Cul-de-sac de Douglas Kennedy. Quant à la BD Piège nuptial tirée de ce titre (par Christian de Metter), celle-ci permet de mieux s’approprier les paysages (visuellement bien sûr).

– Sur l’ambiance néo mystique, Christiane Adamo a également produit quelque chose de valable. Noir austral.

– Direction l’Afrique, avec d’autres croyances et quelque magie effrayante. C’est L’empreinte du renard, de Konaté.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.

Les Sutras du TigreD’habitude, on associe peu le noble adjectif « littéraire » à un terme aussi dur que « anathème ». Le Tigre saute, comme il se doit, le pas. Si possible en faisant le plus de bruit possible. L’anathème en matière de livres, c’est une légère croisade contre les auteurs qui n’ont plus l’heur de nous plaire. Et ce pour des raisons plus ou moins valables.

Les écrivains qui déçoivent

Qu’est-ce qu’un anathème ? Le Tigre, en plus de parler latin mieux que Cicéron, sait le grec. Je pourrai écrire ce sutra dans ces deux langues mais à part les trois pèlerins du Vatican et quelques agrégés de langues classiques mon audimat est six pieds sous terre. Revenons à nos moutons galeux (je ne parle pas des Grecs, ne vous méprenez pas). « Anathêma » signifie le substantif « suspendu ». A partir de là, tout est dit.

Et oui, Le Tigre préfère expurger toute la saveur religieuse de ce terme. Ni sentence de malédiction en promettant l’enfer le plus pur, ni fatwa agressive contre l’écrivain qui s’égare. Juste montrer du doigt, toujours avec courtoisie, le quidam qui à un instant donné a perdu toute grâce aux yeux du lecteur.

En effet, il est arrivé à tout le monde, en regardant quelques vieux bouquins traîner dans la cave humide, se poser la question suivante : « mais comment ai-je pu les dévorer avant ? J’étais vraiment le dernier des cons ». L’auteur dont vous attendiez impatiemment les dernières publications en harcelant votre pauvre libraire, maintenant un frisson de dégoût parcourt votre échine rien qu’en lisant son nom dans une publicité mal photoshopée de journal gratuit.

Comment en arriver là ? Comme le dirait un avocat, les torts sont plutôt partagés. Entre l’écrivain qui a gravement déconné et le lecteur qui fait des siennes, la fan-attitude a ses fins. Toutefois le pourquoi de l’anathème ne saurait souffrir une explication si succincte.

Pourquoi ne lit-on plus un auteur ?

Pour faire simple et carré, Le Tigre a (encore une fois) dégagé quatre types d’anathèmes, en affublant l’auteur d’un titre tout ce qu’il y a d’inglorieux (pour traduire Tarantino). Et comme j’aime les crescendo mélodramatiques, je vais aller du plus anodin au plus grave. Quant aux exemples, si toi auteur te sens plus ou moins directement concerné, sache qu’aucun de ces anathèmes n’est irréversible. A bon entendeur…

1/ Le pote un peu débile

Imaginez, enfant vous aviez l’habitude de jouer avec une personne mentalement déficiente. Ces courts séjours où il était présent n’étaient que joie, un adulte ayant les mêmes points d’intérêts (cache-cache, sauter dans les flaques) que vous ! Toutefois ça ne dure pas, vous ne mettez pas longtemps à saisir que si vous évoluez dans vos activités, votre « ami » ne suit pas. Et souvent hélas, le désintéressement va de pair.

Il en est de même avec des auteurs dont les titres ne s’adressent qu’à une certaine génération. Le R. L. Stine et sa collection chaire de poule, la série du club des cinq (pour les plus vieux), à un moment ça va bien. Vous avez mûri, rien de plus normal qu’abandonner ces lectures. Et les offrir à vos enfants. En outre, il peut arriver que vous vous reprochez de ne pas avoir lâché le personnage plus tôt, terrible reflet de votre naïve jeunesse.

2/ Le copain qui tourne en rond

Cette catégorie est relativement similaire que la précédente, mais à la grande différence que l’auteur s’adresse à tous les publics. Au début la découverte de ses œuvres est un petit plaisir de tous les jours, il y a des thèmes nombreux et variés qui y sont abordés, bref vous alignez fièrement ses romans en grand format. Cependant, vous devenez comme gavé.

Vous pressentez en effet que l’écrivain se fout légèrement de votre gueule en ne proposant que le même style d’écriture, avec les mêmes formats (nombre de pages,…). Souvent au centre de l’attention des médias, l’individu semble indétrônable dans les têtes de gondoles de supermarché. Mauvais signe. Or nos goûts s’affûtent et l’envie d’aller voir ailleurs devient réalité. Sans compter préférer lire quelque chose, au vu de tous (métro, famille), d’original. Au final, vous ne touchez plus à ses nouveaux romans, et attendez à peine la sortie poche du titre.

Cela est arrivé au Tigre avec de nombreux auteurs : Fric-Emmanuel Schmitt, Amélo Nothomb, Nanard Werber, Max Chattam, je les ai enrichis pendant de nombreuses années. Seulement leurs structures narratives me semblent inchangées, impression amplifiée par la monotonie de leurs titres et couvertures attachées (le même éditeur à chaque sortie). Rien à voir avec un Dan Brown qui a trouvé, le temps d’un été, un juteux filon, certains scribes pondent leurs trucs à chaque rentrée littéraire à un rythme de métronome. Exaspérant.

3/ La vieille connaissance qui a mal tourné

Cette connaissance, elle écrit comme vous aimez, vous l’adorez, et caressez même l’espoir de faire dédicacer l’intégralité du fruit de son imagination. Cinq kilos de papiers, votre valise est prête au cas où… Et là, patatras ! Comme je l’ai déjà expliqué ici, votre auteur préféré peut avoir des pannes d’inspiration. Rien de méchant. Plus grave est celui qui change de style pour « coller » à un lectorat jugé plus porteur. C’est un peu l’amère expérience que j’ai eu avec Douglas Kennedy qui avait sorti un thriller d’une rare audace (Cul-de-sac) avant de devenir « l’écrivain des mamans ». Quel dommage…

Autre cas rencontré, celui qui délivre, lentement mais sûrement, des ouvrages qui ressemblent à autant de caricatures de ce qu’il a pu faire avant. Le gus qui, plutôt content de son art, décide de voir jusqu’où il peut aller. Tirer sur la corde comme n’importe quel gouvernement tire sur celle à impôts. Mauvaise idée. L’exemple, non, l’alpha et l’omega de l’auteur dont les titres partent de temps à autre en sucette, c’est Maurice G. Dantec. Si ces premiers jets étaient plus que corrects (Babylon Babies, la Sirène rouge), le reste m’a perdu (Satellite Sisters) à des niveaux que Le Tigre tente encore de quantifier.

Pour refiler la métaphore, cet ami passe du statut de copain à celui de vague connaissance. « Lui ? Oui, oui, je le connaissais. Mais bon, je ne l’ai pas vu depuis longtemps, je ne sais pas ce qu’il est devenu. Drogué, kleptomane et copéiste ? Je l’ignorais » vous entendons dire dans les dîners en ville. Quelle désolidarisation, quelle anguille de lecteur.

4/ L’ami qui sort de ses gonds

Le pire, donc le meilleur, pour la fin. Le plus dur à détester hélas, car ce n’est pas pour des raisons littéraires que vous allez frapper l’auteur au porte-monnaie. Dans ce dernier cas, celui-ci est sorti de son domaine et gambade en roulant du cul dans un champs de mines. Pas très fin de sa part, mais parfois l’écrivain veut s’affranchir de sa basse condition de conteur et peser dans le vaste monde.

Tel un David Douillet du livre ou une Brigitte Bardot des lettres, l’individu ne s’est plus senti : Il a fait pipi partout pour établir, tel un tigre, ses marques sur un nouveau territoire. Pire que tout, il ne s’y est pas franchement illustré. Plus prosaïquement, WTF ? Le monde économique, mais surtout la politique, tendent à récupérer dans leurs rangs de très connus écrivains (misant sur leur notoriété et la sympathie qu’ils inspirent).

N’est ni Malraux, Zola ou Camus qui veut en effet. Certes quelques auteurs annoncent dès le début un quelconque engagement, telle Dominique Manotti qui ne cache pas son militantisme de gauche, mais s’écarter de sa voie au beau milieu d’une carrière en surprend plus d’un. Le Tigre ne préfère pointer du doigt personne, de peur de heurter les idéologies ou croyances de chacun. Les sutras, c’est relatif aux livres. Point barre. Et donc n’importe qui est susceptible de réagir selon ses idées, et ce jusqu’à ne plus vouloir soutenir une personne que pourtant on apprécie en tant qu’auteur(e). Cruel paradoxe.

Conclusion au bûcher

L’anathème littéraire n’est point que déception. Selon moi, c’est avant tout la formidable opportunité de passer à autre chose et découvrir d’insoupçonnés plaisirs littéraires. Changement d’herbage réjouit le troupeau des lecteurs. Si Le Tigre cite très peu d’écrivains, c’est aussi pour ne pas prématurément se faire trop d’ennemis.

Et sinon, pourquoi le sutra #66 ? Le presque chiffre de la bête, et oui. Puisque l’anathème a pris au cours des siècles une tournure sympathiquement religieuse.

Alastair Reynolds - Blue Remembered EarthEncore un roman de grande qualité de Reynolds, même si cette fois-ci il n’est ni question de grandes épopées spatiales ni d’ambiance cyberpunk sombre et froide. Plutôt une grande aventure familiale très humaine, avec comme toujours des idées très renversantes. La saga s’annonce sous les meilleures auspices.

Il était une fois…

Terre, 2160 environ. L’humanité a glorieusement colonisé quelques endroits proches (la lune, Mars, une partie de Mercure) et a envoyé quelques usines jusqu’aux confins de Neptune. Le réchauffement climatique a fait son œuvre et de profonds bouleversements géopolitiques ont eu lieu. Geoffrey Akinya fait partie d’une richissime famille africaine. A la mort de sa grand-mère Eunice, il est chargé de récupérer sur la lune un artefact qu’elle y aurait laissé. Cette banale mission semble être le point de départ d’un jeu de piste menant à des informations qui pourraient changer le cours du monde.

Critique de Blue Remembered Earth

Voici le premier opus du cycle des Enfants de Poséidon. Pourquoi ce dieu ? Parce que la montée des eaux dans le futur est telle qu’une faction, les nations aquatiques unies, a fait son apparition. En outre, le changement climatique a fait que l’Afrique est devenue une superpuissance de premier ordre (l’Antarctique se défend pas mal au demeurant), et ce sont deux personnages d’une lignée d’industriels en produits spatiaux que nous suivrons.

Geoffrey, aidé de sa sœur qui vit sur la lune (on suivra l’un ou l’autre), va quitter son pays et ses éléphants, avec lesquels il menait des expériences pour entrer dans leurs esprits, afin de savoir ce qu’a bien pu planquer sa grand-mère décédée. A la limite du roman d’apprentissage, le scénario a définitivement des airs de grand périple avec des intérêts qui se télescopent : le monde aquatique, la famille des héros, une sorte de secte voulant disperser dans l’espace des espèces vivantes. Et des révélations au compte goutte. Jusqu’aux trente dernières pages qui rattrapent le relatif peu d’envergure de l’histoire.

550 pages, j’ai mis un certain temps à boucler cette œuvre, c’est le prix à payer pour ne pas attendre la traduction FR. Mais cela vaut définitivement le coup, considérant que le monde décrit par l’auteur est résolument optimiste et change des très inquiétantes intrigues du cycle des inhibiteurs. Le titre est bien trouvé, faisant référence à ceux qui décident de partir très loin, jusqu’à ce que la planète bleue ne soit qu’un infime souvenir.

Petite gueulante finale contre le quatrième de couverture, qui parle d’un fameux Mécanisme omniscient alors qu’on en entend parler qu’au milieu du roman (et ce très brièvement, cf. infra). Mais bon, il y a tellement de choses à dire sur ce titre (en ai oublié beaucoup) qu’il faut bien choisir un point d’ancrage.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

L’interface homme / machine. Les communications sont finement pensées, avec le ching qui permet de parler avec quelqu’un comme s’il était réellement devant soi.  Tous sont bourrés d’implants, même Goeffrey parvient à établir une intime connexion avec ses éléphants, animaux qui occupent une place importante dans l’histoire. Le meilleur, c’est Sunday qui réussit à créer une version numérique très crédible de feu sa grand-mère à partir de souvenirs de ses proches.

Du coup, il est possible de contrôler en partie les individus en les « avertissant » avant qu’ils ne commettent l’irréparable. C’est le Mécanisme, qui par exemple lorsque le héros tente de frapper quelqu’un lui colle une migraine pas possible. Ensuite, rapport de l’incident envoyé, prêt à être traité par les autorités qui vont décider des mesures à prendre (court confinement, impossibilité d’utiliser le réseau mondial, etc.). Cette technologie n’a cependant pas court sur la lune (une zone « déscrutinisée ») ou dans le monde d’en bas, magnifique royaume dans l’eau où les habitants modifient leurs corps (un des protagonistes est une baleine, hé hé).

La famille. Avantage de se projeter « seulement » plus d’un siècle en avance, les structures sociales sont peu ou prou les mêmes. L’empire des Akinya, c’est un bijou que veulent absolument protéger les cousins de Geoffrey (Lucas et Hector). Ces deux derniers, en se servant de notre héros au début, vont vite voir leur « chose » sortir de leur contrôle. Les choix délicats (pour ne pas dire cornéliens) entre intérêts familiaux et intérêt personnel (voire de l’Humanité) sont omniprésents. Heureusement, le dernier chapitre offre un dénouement encore une fois optimiste.

…à rapprocher de :

– La suite, On the Steele Breeze, vaut son pesant de cacahouettes. Retour dans du space opera de grande ampleur.

– Les versions numériques, ou simulations d’une personne humaine se retrouvent dans Le cycle des inhibiteurs : L’espace de la révélation, La Cité du Gouffre, L’Arche de la rédemption et enfin Le Gouffre de l’Absolution. Faut reconnaître qu’il sait choisir des titres qui en envoient. Essayez The Prefect, qui est un stand-alone de belle facture. Voire les nouvelles du cycle, comme Galactic North ou Diamond dogs, Turquoise Days.

– Si vous ne préférez pas taper dans les grandes sagas, il reste les House of Suns, ou Pushing Ice.

Century Rain est différent, et un peu en-deçà de mes attentes. La pluie du siècle, en VF.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Jean-Louis Fournier - Histoires pour distraire ma psyJe ne sais pas pourquoi j’ai acheté ce truc, toujours est-il que je l’ai lu jusqu’à la lie, et ce sans broncher. Loin d’être transcendant, forcément décevant de la part de cet auteur, je suis à deux griffes de contacter le monsieur pour un remboursement. Définitivement pas le bon roman pour commencer à lire Fournier.

Il était une fois…

Jean-Lou invite le lecteur à entrer dans le cabinet de sa psychanalyste à qui il raconte quelques nouvelles en vue de la distraire. C’est court comme résumé, mais que dire de plus ?

Critique d’Histoires pour distraire ma psy

Déception, quand tu nous tiens… JLF (je me permets de l’initialiser), c’est quand même le comparse du génial Desproges. Ce comique, avec Coluche, constitue une intangible base de mauvais goût (dans le bon sens du terme) pour Le Tigre. Donc quand il sort un recueil de nouvelles où le verbe « distraire » pointe le bout de son nez, je sors le porte-monnaie !

Histoires pour distraire ma psy, ce sont vingt très courts textes (moins de 10 pages, avec une police d’écriture pour vieux presbytes) qui se lisent plus que vite. De minuscules histoires pour la plupart insignifiantes, avec très peu d’éléments permettant d’esquisser une autobiographie de l’auteur. De temps à autre, quelques remarques sur les réactions de la psy en question, toutefois rien qui fait avancer le schmilblic (suis pas très sûr de l’orthographe).

Le Tigre ne va pas cracher comme un sagouin dans la soupe, car il reste une poignée de textes assez plaisants : la fille qui est reine de la journée pour une terrible raison ou le père qui l’a mauvaise à cause du petit ami de sa fille. Ça pourrait être dérangeant ou choquant si ce n’était pas aussi court et traité plus en profondeur, ce qui est dommage.

En conclusion, beaucoup de chapitres qui se veulent existentiels et cyniques, hélas ça m’a paru assez plan-plan par rapport à ce qu’on peut découvrir comme humour corrosif. Le résultat, c’est un recueil parfait pour s’essayer à la lecture rapide et tenter de repérer, en un coup d’œil, les meilleurs textes.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le doux-amer. A travers quelques courtes histoires, l’auteur tente de mêler l’humour au glauque ou nous faire passer d’une morale assez sombre à quelque chose de plus éthéré. Hélas ça ne prend pas forcément, surtout lorsqu’il n’y a (en apparence certes) aucun lien tangible quant au choix de ces textes. Logique sous-jacente inexistante, zapper ce qui ne plait pas au premier abord n’aura jamais été aussi facile.

Quoi faire avec un tel roman ? Une fois lu, l’envie de rentabiliser l’achat pour ne pas accepter qu’on se soit fait avoir est plus que tentant. Le Tigre, professeur (chargé de TD, c’est pareil direz-vous), a trouvé la parade : j’ai conçu quelques dictées plus ou moins difficiles en prenant ici et là des passages de son œuvre. Pour des paragraphes qui pourtant me semblaient d’une simplicité désarmante, je ne vous raconte pas les notes infâmes que j’ai du inscrire au feutre rouge. Terrifiant.

…à rapprocher de :

Rien en fait. A part des nouvelles pour faire halluciner son psy, Le Tigre préfère nettement celles de Chuck Palahniuk dans A l’estomac.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce recueil via Amazon ici.

Keith Ablow - PsychopatheSous-titre : Une enquête du docteur Frank Clevenger (et oui il y en a une demi-douzaine). VO : Psychopath. Keith Ablow ne déçoit quasiment pas Le Tigre, et je ne saurai trop conseiller ce titre comme première approche pour cet auteur. D’un réalisme effrayant et plus qu’intéressant, voici comment pensent les psychopathes. Superbe.

Il était une fois…

Frank Clevenger va être confronté à un fou furieux : le tueur des autoroutes. Psychiatre (comme notre héros) talentueux, le tueur adore faire céder les barrières mentales de ses futures victimes qui vont, en l’espace de quelques minutes, totalement se confier à lui. Allant d’hôpitaux en institutions spécialisées tel un nomade, le vilain est presque insaisissable, seul son alter-ego de lumière étant susceptible de le retrouver.

Critique de Psychopathe

C’est le premier titre lu d’Ablow, et franchement j’ai eu ma petite claque question thriller. L’écrivain s’y connaît plus que bien (cf. infra), et au-delà d’un scénario (assez classique en fait) la profondeur psychologique des personnages est immense. Style limpide sans termes médicaux exagérément complexes, ça se dévore aisément.

S’inscrivant dans une double narration méchant / héros de grande qualité, nous suivrons à la fois l’enquête du bon docteur et les pérégrinations du « mauvais doc ». Construction d’une nouvelle identité, arrivée et intégration dans un service où il est embauché, actes médicaux délivrés, rien n’est épargné. Le Tigre se souvient particulièrement d’une scène touchante où le tueur parvient à soigner une petite fille victime d’attouchements et ce grâce à une technique fort bien pensée.

Corolairement, on peut alors reprocher un suspense assez faible sur le déroulement de l’histoire (normal, on sait qui est le psychopathe). Toutefois, il faut noter que la vie personnelle du protagoniste principal prend un nouveau tournant, offrant ainsi au lecteur des péripéties supplémentaires très contemporaines.

A ce titre, il est sans doute préférable de lire les enquêtes du docteur Clevenger dans l’ordre. Même si l’auteur le rappelle judicieusement ici et là dans son roman, le lecteur sera plus à l’aise de savoir comment les relations de Frank avec son fils adopté et sa petite amie évoluent.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les psychopathes, comme son nom l’indique. S’il faut souligner quelque chose, c’est que l’auteur est un éminent psychiatre spécialisé dans les comportements criminels qui intervient à de nombreuses reprises dans les tribunaux américains. Et les descriptions qu’il donne avec une narration omnisciente font froid dans le dos : à titre d’exemple, le lecteur prend contact avec le méchant en voyant comment celui-ci s’y prend pour tuer. Sur une aire d’autoroutes, le mec aborde une femme au volant de sa voiture. Utilisant son corps, sa façon de parler pour distiller l’absence de menace, il parvient à créer une certaine proximité. Et là ça se gâte. Manipulateur comme pas permis, l’homme parvient à extorquer des confidences hallucinantes, sans violence, avant de commettre son forfait. Le Tigre ressentait presque de l’empathie pour cet individu.

Les problèmes de famille. Dans les précédents titres (pas de spoil ici), on apprend qu’au cours d’une de ses enquêtes le doc’ a adopté le fils d’un des meurtriers psychopathes. Au-delà de la question de l’inné vs. acquis, ce jeune homme (seize ans au moins) est un peu déboussolé et pose quelques problèmes (violences, drogues, etc.) à son père de substitution. Quant à la vie sentimentale, Frank sort avec une nana de la police dont le père est un gros bonnet du FBI. Et oui, notre ami ne verse jamais dans la simplicité.

…à rapprocher de :

– La série du Dr Clevenger, c’est L’amour à mort, Psycho Killer, Compulsion, le présent titre, Suicidaire et L’architecte.

– Neil Gaiman, dans La maison de poupée (un opus du héros Sandman), rend également compte de ce qui peut se tramer dans la tête d’un psychopathe (traumas d’enfance, collections morbides, etc.).

– Un vilain assez classe, c’est presque La Chambre des curiosités de Preston & Child.

– Un vilain assez classe, et français, c’est Bloody Killer, de Michel Gérard.

– Plein de vilains pas très classes, c’est le très recommandable Les loups à leur porte, de Jérémy Fel.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

QLTL - Hunger GamesHunger Games, c’est une pétillante trilogie imaginée par Suzanne Collins et dont Le Tigre ne va pas vous résumer l’histoire. Vous devez suffisamment la connaître, avec son mélange de loft story et battle royale à la sauce gréco-fasciste. A l’instar d’un Game of Thrones ou Seigneur des anneaux, on connaît cette série grâce au film éponyme (un seul pour l’instant début 2013) qui ma foi n’est pas mal du tout. Remercions l’oncle Sam pour produire des trucs à peu près regardables, nos héros Tintin et Astérix ayant eu un sort hélas différent.

Je vais ici dévoiler une partie du quatrième tome qui est malencontreusement tombé d’un camion. Cet ultime opus semble être en fait une extension du premier puisqu’on retrouve nos héros dans une fâcheuse posture que Tigre-san reproduit dans la présente iconographie. Katniss et l’autre beau gosse sont dans une mouise de grande ampleur, et là miracle : un des districts envoie un parachute contenant un objet qui va sans aucun doute les sauver.

Cet objet, cher lecteur alerte, c’est bel et bien l’édition de 1921 du Larousse Médical Illustré. Vous voyez, l’édition avec quelques planches couleurs ici et là ? Par exemple, maladies de l’œil, goitres monstrueux, gangrènes gazeuses, scrotums pesant un quintal et autres dégueulasseries sorties des plus inavouables cauchemars de dame nature. Que des beautés qui m’ont permis de lire, sans ciller, n’importe quel titre de Stephen King.

Cet ouvrage pesant quelques kilos, on l’apprend bien plus tard, a été envoyé par le 24ème district (les dix précédents étant sous l’eau), qui s’occupe de la littérature. Au passage, faire des pays en les spécialisant répond certes à la théorie des avantages comparatifs de Ricardo, toutefois politiquement c’est risquer une belle pagaille en cas de révolte d’un État. Tout un secteur non approvisionné, et qui paralyse l’économie entière. Bravo à l’organisateur.

En outre, ce mystérieux district est le plus terrible, car gouverné par Le Tigre. Si Suzon n’en parle pas dans ses romans, c’est bien sûr parce qu’elle ne veut pas prendre le risque de traumatiser toute une génération de lecteurs. En guise de conclusion, je propose à notre guerrière de se servir du pavé pour assommer l’autre andouille à l’agonie. Et faire un bon boudin avec le sang qu’il perd.

David Foekinos - Le potentiel érotique de ma femmeHumour, légèreté, voilà ce qui vient à l’esprit du Tigre quand on prononce le nom de Foenkinos (je ne sors pas mes pistolets griffes donc). Ce titre est un des rares lus, et c’est tout à fait correct comme lecture. Histoire plaisante et ingénue, mais surtout qui peut se lire en une paire d’heures grâce à un style que je qualifierais « d’accueillant ».

Il était une fois…

Allez zou, copier-coller du quatrième de couv’ (ne faite pas la même chose chez vous) : « Après avoir collectionné, entre autres, les piques apéritif, les badges de campagne électorale, les peintures de bateaux à quai, les pieds de lapin, les cloches en savon, les bruits à cinq heures du matin, les dictons croates, les boules de rampe d’escalier, les premières pages de roman, les étiquettes de melon, les œufs d’oiseaux, les moments avec toi, les cordes de pendu, Hector est tombé amoureux et s’est marié.Alors, il s’est mis à collectionner sa femme. »

Critique du Potentiel érotique de ma femme

Le Tigre est omnivore, que cela se sache. Pour Foekinos, qui correspond peu ou prou à la catégorie que je nomme affectueusement « l’écrivain des mamans » (oooohhh, idée de billet). De la délicatesse, un peu d’humour, une dose (pas trop élevée hein) d’originalité, moins de 500 pages, on mélange et hop ! on ramasse les prix. En l’occurrence, un.

Le scénario se concentre sur Hector, un pauvre hère à qui bien des choses vont arriver : mésaventures de collectionneurs, cure de désintox pour collectionneurs compulsifs, parents « space », et surtout la rencontre d’une magnifique femme. Son potentiel érotique, c’est lorsqu’elle lave les carreaux de l’appart et que notre héros voit ses somptueux mollets tendus. Il va en faire une psychose, et si vous ajoutez peu de jalousie il y a de quoi doucement rigoler.

L’humour est très présent (pas au point de souiller vos sous-vêtements Damart), juste ce qu’il faut en corrosion pour gentiment se foutre de la gueule de quelques beaux travers de nos sociétés occidentales (le matérialisme par exemple). Hector va grandir, mûrir du moins, et ce grâce au travail d’une Béatrice d’une sensualité renversante.

Au final, pas du tout désagréable à lire, Le Tigre a dévoré cette petite chose apeurée en moins de temps qu’il n’en faut pour faire le tour de Bordeaux en tram.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le collectionneur. Hector (ce nom ne colle pas vraiment au reste du roman je trouve) est atteint d’un mal bien étrange, celui de collectionner les collections. Rien ne l’arrête, faut qu’il empile. Alors, psychologiquement, derrière cette manie se cache un trauma infantile d’abandon, voire la peur de la solitude, du vide et le besoin de s’entourer d’une foultitude d’objets. Comme le dit Palahniuk, « ce que tu possèdes finit par te posséder ». C’est particulièrement le cas lorsque le héros dévoile, de manière fort sensible certes, un souvenir d’un contest de collectionneurs qui a mal tourné pour lui (à cause d’un badge de Reagan si je me souviens bien).

Si Le Tigre en parle aussi bien, c’est qu’il est lui-même atteint concernant les livres. Jusqu’à se les approprier davantage en leur apposant un glorieux tampon reconnaissable à des lieues à la ronde. On n’est jamais trop prudent.

…à rapprocher de :

– Aucune idée pour l’instant. Please help !

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez ici trouver ce roman via Amazon.

Thibaut de Saint Maurice - Philosophie en sériesDeux termes a priori inconciliables, et pourtant l’auteur a réussi le pari de parler philosophie à partir de séries éclectiques dont on a tous entendus parler. A partir de thèmes prépondérants à chaque œuvre télévisuelle, voici la fine analyse d’un professeur intellectuellement exigeant mais restant abordable par la majorité. Le premier à avoir cette idée, ici exploitée comme il se doit.

De quoi parle Philosophie en séries, et comment ?

Thibaut de Saint Maurice - Philosophie en séries saison 2Monsieur de Saint Maurice est un professeur de philosophie qui un après-midi, sentant que l’attention de sa classe de terminale s’évaporait comme un pet sur une toile cirée, leur parle tout à coup de Docteur House. Et là, miracle, la conversation s’anime. Mais surtout, le prof réussit à caser un cours de philo que les élèves retiendront. Sur deux essais, le lecteur curieux aura en effet entre les mains près d’une trentaine de séries analysées par les bons soins de Thib’.

Des séries, Thibault de SM (pardonnez au Tigre qui fait trop souvent exploser son compteur à blague douteuse) en a regardé un joli paquet. Braquo, Mad Men, Sons of Anarchy, Desperate Housewives, Prison Break,…la plupart diffusées en France sur des chaînes gratuites. Pour chacune, une ou plusieurs approches philosophiques. Alors attention, c’est du lourd niveau référence et surchauffe du cerveau. Digne de vos souvenirs du lycée, l’essayiste fait appel aux pontes du domaine sauf qu’ici illustre leurs propos avec nos héros du petit écran.

Le style est ainsi plutôt savant, mais sans verser dans l’incompréhension totale. En outre, comme il est expliqué en préface, il faut mieux regarder les séries en question avant de s’attaquer au chapitre adéquat. Car notre maître à penser ne maîtrise pas forcément le noble art de la « prévenance du spoil », pensant (à juste titre) que si le lecteur commence un chapitre, c’est parce qu’il sait de quoi ça parle.

Remercions également Thibault de n’avoir pas tenté d’exploiter la poule aux œufs d’or comme un vulgaire auteur qui ne sait pas quand s’arrêter. Le Tigre ayant ses contacts parmi la « pègre littéraire » (j’aime bien ce terme), je sais de source sûre que notre prof’ de philosophie ne pondra pas de troisième tome. Quelque part, à nous d’examiner scrupuleusement les prochaines productions à succès. La voie est tracée, le reste n’est que curiosité intellectuelle ai-je envie de dire.

En conclusion, Le Tigre va vous dire ce qu’un éminent professeur de prépa a dit un beau jour : peu importe vos références, la culture comme la philosophie est affaire de références éminemment personnelles. Si dans votre rédaction de philo vous parlez d’une BD ou d’un film grand public, peu importe la diffusion de l’œuvre, du moment qu’il y a matière à développer l’examinateur sera comblé.

Bref, philosophiquement pipoter à partir d’une série américaine (voire française) est à la portée de tous, du moment qu’on veuille bien se creuser un peu les méninges. Heureusement, de Saint Maurice est là pour nous aider. Les seuls essais de philosophie que le néophyte pourra apprécier. Cerise sur le gâteau, Le Tigre a découvert quelques séries qu’il s’apprête à regarder (particulièrement Generation Kill).

Ce que Le Tigre a retenu

Près d’une quinzaine d’exemples de séries par opus pour chaque titre, Le Tigre va plutôt traiter d’environ 10 % de ce qu’il y a de plus représentatif de ces deux essais. Dans tous les cas, l’auteur pointe la substantifique moelle de ce qui gouverne le scénario de la série, et nous offre du coup une savante grille de lecture. Exemples :

Uno, Rome et la vérité historique. Superbe série, mais faut-il estimer qu’elle rend fidèlement compte des débuts de l’empire romain ? La vérité historique ne semble pas réellement exister, car l’histoire est construite par des gens à qui il est difficile d’appliquer une rigoureuse méthode scientifique. Prendre part, être un tiers « non exclu », en fait l’Histoire est souvent celle des vainqueurs. En outre, comment les héros façonnent-ils l’histoire ?

Duo, Dr House et la recherche de la vérité. Alors là, le philosophe se lâche et nous régale : raisonnement expérimental scientifique, la dialectique de Socrate (les échanges cinglants notamment), jamais les méthodes de diagnostiques du héros drogué à la vicodine (et tout médecin en général) n’ont été aussi bien décortiquées. Le parallèle avec Sherlock Holmes est certain.

Tre, Fais pas ci, fais pas ça et l’éducation. Entre les parents Lepic qui interdisent avant tout vs. les Boulet qui tiennent à « lâcher les rênes » de leurs gamins, que choisir ? Concernant l’éducation d’un homme ou d’une femme, s’en tenir à une unique méthode (permission ou interdiction) est passablement malvenu, comme le montrent les déboires des protagonistes de la série.

…à rapprocher de :

Apprendre la philosophie ou l’histoire l’air de rien, Le Tigre peut vous renvoyer vers un joli paquet de livres ou BD (qui hélas font souvent moins bien) :

– En BD, il y a les sublimes Days Missing, de Phil Hester : le premier tome, ensuite le second (Kestus), enfin le troisième et dernier. SF certes, mais des titres qui donnent envie de revisiter l’histoire. Et la portée philosophique est très prégnante.

– Autre BD de philo, c’est la très mauvaise Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies, de Jul & Pépin.

– La philosophie borderline, c’est Maurice G. Dantec et ses Théâtre des Opérations.

Un jour en France, qui traite de la collaboration pendant la WWII est pas mal, puisque Thibaut de Saint Maurice évoque une série sur ce thème.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici. Second tome sur ce lien.

Chuck Palahniuk - ChokeVO : idem. Le bon Chuck nous agrémente de titres dérangeants et profondément troublants, Choke en est un brillant exemple. Folie ordinaire, addictions sexuelles, familles totalement décomposées, les deux protagonistes du roman tiennent une sévère couche. Narration toujours aussi perchée, un vrai plaisir.

Il était une fois…

Victor Mancini est un sexoolique complet qui vit d’un boulot (avec son pote Denny) assez particulier. Affublé d’une mère folle qui ne le reconnaît plus comme son fiston, il a recourt à une technique plus que douteuse pour mettre du beurre dans ses épinards (payer l’hospitalisation de maman surtout). Deux héros, deux cas sociaux, Fight Club n’est que la version moderne de Quick et Flupke à côté de leur histoire.

Critique de Choke

Un titre délicieux, rien que le début met dans le bain : on y voit le protagoniste principal adepte du Choke, méthode consistant à s’étouffer afin de se faire secourir dans un restaurant. Ensuite, le héros d’un jour est régulièrement contacté pour aider notre simulateur dans ses déboires financiers (fausses factures, etc.). Si vous multipliez ça par cent personnes, les revenus sont là. Décrit avec le style propre de l’écrivain, c’est génial à lire.

Le scénario, comme toujours, est d’une rare originalité. Le lecteur va suivre les pérégrinations de Victor Mancini et son pote Denny qui sont tous deux des accrocs du sexe. Leur rencontre, les liens qu’ils ont avec leurs proches, leurs petites combines, les menues combinent qu’ils mettent chacun en place, tout est livré de manière totalement « achronologique ». Le Tigre a fini par ne plus vouloir distinguer les flashbacks du déroulement de l’histoire.

Pour moins de 400 pages (pages aérées de surcroît), Chuck nous régale à nouveau en s’attaquant à des sujets qu’il maîtrise plutôt bien : la folie, la dépendance, les cures, tout y est traité avec une incroyable pertinence et un humour acide et percutant. Une valeur sûre donc.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Les addictions et les groupes de soutien. De la même manière que pour l’écriture de Fight Club, l’auteur a du passer un nombre scandaleux d’heures dans ces différents groupes pour trouver matière à écrire. Un aspect de la misère humaine à portée de main, pourquoi en effet se priver si c’est en faire une savoureuse fiction ? Ici, les « sexodépendants » qui s’autofélicitent de n’avoir pas tiré leur coup depuis trois heures, que du bonheur pour le lecteur.

La folie. Presque le corollaire des dépendances de nos héros. D’ailleurs la mère (et une autre femme, Le Tigre n’aime pas spoiler) d’un des héros ne possèdent pas l’intégralité de leurs facultés mentales. Je vous laisse imaginer les situations que Chuck peut décrire, c’est édifiant. Comme cette lubie de Denny de ramasser toutes les pierres qu’il trouve pour fonder un endroit d’accueil. Un Ferdinand Cheval contemporain et dérangé, en sus rejoint par les addicts du coin. Effet boule de neige formidable (dans le premier sens de ce terme), l’excès version Palahniuk.

Le dernier thème est bonus, quelque chose qui m’a bien fait rire au début du roman. Le héros travaille dans un type d’endroit qui n’a pas son pareil (ou alors corrigez-moi) en France : un « musée vivant » où les employés œuvrent constamment à la reconstitution historique de la période voulue. En cas d’anachronismes repérés sur un salarié, direction le pilori ! Et ce fameux pilori, c’est un peu le sport de prédilection de Denny qui fait tout pour y passer quelques heures. Devant une foule de curieux.

…à rapprocher de :

– L’auteur est avant tout connu pour Fight Club (que je me dois de résumer) et sa suite sous forme de BD (en lien) avec Cameron Steward.

– De Palahniuk, il FAUT lire A l’estomac ou Monstres invisibles. Period. Voire Berceuse (et tant d’autres hélas, comme Peste).

– Le Tigre vous signale que ce roman a fait l’objet d’une adaptation cinématographique, avec particulièrement comme actrice la nénette qui joue la femme du héros dans No country for old men. Juste un signalement, hein. Parce que ce film est mauvais. Alors que Fight Club

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman sur Amazon ici.

Michael Crichton - L'Homme terminalVO : The Terminal Man. Œuvre complète et se basant sur une idée excellente, voilà de quoi réaliser (si ce n’est pas déjà fait) à quel point le cerveau constitue une frontière encore inconnue. Thriller scientifique court et intense sur un homme qui à force d’expérimentations sur son esprit perd les pédales, on n’est pas loin d’un classique du genre.

Il était une fois…

Ingénieur en informatique, Benson souffre de crises d’épilepsie de plus en plus critiques. C’est notamment pourquoi il se porte volontaire pour une expérience réalisée par des scientifiques américains : l’interface totale entre l’électronique et un cerveau. Hélas les manipulations transforment notre cobaye au point d’en faire un terrible meurtrier. Comment l’arrêter ?

Critique de L’Homme terminal

Avant de commencer la critique, rappelons que ce titre a été écrit dans les années 70. Ainsi Le Tigre va éviter de tirer à boulets rouges sur quelques invraisemblances ou le style un peu désuet (et encore), parce qu’imaginer une telle histoire à cette époque, on ne peut que rester admiratif.

Le scénario, en effet, est fort bien pensé et se déroule comme une série à petit suspense. Tout d’abord on nous présente le protagoniste principal, Harris Benson, sujet au « grand mal » et à qui on propose quelques expériences. Ensuite, ça dégénère pour notre épileptique qui évidemment devient dangereux. Les responsables de l’opération vont tout faire pour le stopper, à moins que le cerveau du vilain ne finisse par imploser de lui-même.

Pour ce dont je me rappelle, les débuts des tests sur le cobaye sont rendus avec une précision scientifique digne d’un médecin (Crichton a fait les études nécessaires). Mieux même, puisque l’art de la chirurgie du cerveau et la neurologie que l’on retrouve dans L’homme terminal sont plus que réalistes, quitte à être un parfois ardues à suivre. Hélas, l’aspect thriller avec notre méchant qui démonte la gueule de ses anciens médecins à coup de barre de fer m’a fait doucement rigoler. Disons que lecteur qui a la vingtaine passée ne risque pas d’être plus effrayé ou accroc que ça.

Heureusement que l’écrivain a su faire court, au moins il va généralement droit au but et pour moins de 300 pages il est difficile de trouver si référencé et bien écrit. Bon d’accord, ça a mal vieilli.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Un thème en fait, à savoir les manipulations neurales. Ou neuronales. Ou neurologiques. Oh puis merde, on va dire « le tripatouillage généralisé du cerveau ». Fort prenant, les débuts du titre avec les opérations à « crâne ouvert » : on poser quelques électrodes plus ou moins profondément, à la suite de quoi on regarde ce qui se passe quand on émet une impulsion électrique. Pratique pour mieux cartographier les zones du cerveau. Quelques millivolts par ici, le sujet sent une odeur. Par là, il rigole.

Du coup, en découvrant la zone du plaisir dont l’excitation peut seule permettre de stopper nette les attaques épileptiques, notre pauvre gus devient accroc à cette sensation. Jusqu’à tout faire pour provoquer lesdites attaques. « Monitorer » un Benson incontrôlable et violent (il est de plus en plus paranoïaque), le système n’est à terme pas tenable.

…à rapprocher de :

– De Crichton, Le Tigre se souvient de La proie, plutôt en avance sur son temps. Même si hautement improbable. Quant à La Variété Andromède, trop de rides pour jouir de sa lecture.

– Les mystères du cerveau (notamment la partie liée à la récompense), Bernard Werber en parle dans L’ultime secret.

– Le cervelet en pleine surchauffe, il y a Champs de ténèbres (Glynn) ou Improbable (Fawer). Ce dernier s’intéresse également à l’épilepsie.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

Michael Crichton - La proieVO : Prey. Techno-thriller de qualité imaginée par un grand auteur du genre, La Proie peut donner quelques délicieux frissons dans le dos. Les nanorobots n’en font qu’à leur tête, le héros va avoir du (petit) pain sur la planche. Ça se lit comme un scénario de film, étonnant qu’aucun ne soit sorti d’ailleurs.

Il était une fois…

Julia dirige Xymos, start-up qui monte en puissance en fabriquant des nanoparticules pour la recherche militaire. Néanmoins son mari s’inquiète : Julia s’absente de plus en plus souvent, se cache pour téléphoner, se désintéresse de son bébé malade, prononce des phrases incohérentes, etc… C’est pour cela qu’il se fait embaucher par la boîte de sa femme pour une mission de consultant. Son nouveau job l’entraîne dans un savant complexe en plein Nevada (tient, la zone 51 existe ?). Ce qu’il y découvrira menace la planète entière, ni plus ni moins.

Critique de La proie

Crichton, c’est un peu les romans de la jeunesse du Tigre. Titres complets et prenants, chapitres courts et secs, descriptions parfaites qui plongent rapidement le lecteur dans le bain, c’est du pur thriller à l’américaine. « Techno » aussi, grâce à une imagination débordante pour un livre correctement documenté sorti en 2002 déjà.

Le scénario, bien construit, permettra d’oublier que le pavé fait presque 500 pages : le héros collabore au sein d’une société à la pointe de la technologie qui est parvenue à créer, à une échelle quasi industrielle, des nanoparticules. Vous vous en doutez, les petites bêtes mal réglées vont s’en prendre à nos pauvres humains. Le plus du titre, ce sont les descriptions du bâtiment et des procédés de fabrication, Le Tigre (fin scientifique comme on le sait) y a presque cru.

Bien sûr on peut reprocher à l’auteur quelques facilités (notamment le mal qui ronge Julia) ou des péripéties souvent attendues. Quant au héros, Jack, on ne s’y attache pas plus que cela. Rien que son prénom est désespérément banal. Mais bon, à l’image d’un Patterson ou Tom Clancy, c’est pour l’action et la vulgarisation scientifique et technique qu’on lit ce genre d’ouvrages.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

La nanotechnologie et ses dangers. Nano, c’est à la mode comme préfixe. A toutes les sauces, allez hop ! Avant d’en parler, Crichton nous fait comprendre qu’on entre dans le saint des saints en la matière, et offre au lecteur un rapide cours sur comment avoir une base secrète mais pas trop : bâtiments blancs, pas d’antennes ni radars visibles, bref quelque chose de plutôt accueillant et qui n’éveille en aucun cas la curiosité (ou l’inquiétude) des riverains potentiels ou autres écologistes difficiles à gérer. Les PR, ça ne s’improvise pas.

Le danger nanotechnologique que les auteurs et autres scénaristes imaginent rapidement, c’est la problématique du « grey goo ». Ou la gelée grise, en français : un petit amas de nanites qui décident (comme les savants les ont programmé) de s’autorépliquer, et ce sans arrêt. Le risque de non contrôlabilité de ces engins miniatures est sous estimé, et en moins de temps qu’il en faut pour appeler la ligne directe du Président la taille de la gelée prend des proportions plus qu’inquiétantes.

[Attention SPOIL] Ici, Michael C. va plus loin en imaginant ces petits robots qui s’attaquent aux humains et s’insèrent en eux, créant une horrible interface homme / machines. Organisées en essaims, les nanoparticules se baladent tranquillement dans les airs pour « coloniser » tout être vivant croisé. Un peu too much ? Meuh non… [Fin SPOIL].

…à rapprocher de :

– Crichton a auparavant publié L’Homme terminal, que Le Tigre a apprécié à sa juste valeur. Quant à La Variété Andromède, trop de rides pour jouir de sa lecture.

Cauchemar génétique, de Preston & Child, traite également d’une malheureuse expérience (pourtant une bonne idée à la base). Hélas le roman a plutôt mal vieilli.

– La nanotechnologie qui part allègrement en couille, Hester en parle rapidement avec son héros de Days Missing. BD sublime, à ne rater sous AUCUN prétexte.

– Si nos héros avaient foiré leur coup, la Terre aurait pu ressembler à celle aperçue dans Century Rain, de Reynolds, suite au Nanolaucauste.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.

John Grisham - Le clandestinVO : The Broker. Un bon petit Grisham, sans plus. L’histoire ne casse définitivement pas trois pattes à un vilain canard, c’est seulement pour les méthodes d’apprentissage d’une nouvelle identité que ce roman peut être lu. Et encore… Impression que le père John tourne en rond, cet auteur n’est hélas pas de la génération du Tigre.

Il était une fois…

Lobbyiste tout ce qu’il y a de plus caricatural, Joel Backman a fait de la merde : il a été impliqué dans la vente d’un réseau satellite en fait hacké par un logiciel dont on ignore le concepteur. Vente à une puissance étrangère, rooooo…allez hop, vingt ans de prison. (Mal)heureusement, il est rapidement gracié par le président en personne. Pour être exfiltré sous un faux nom à Bologne, Italie, UE. En fait de fausse liberté, Joel est avant tout un appât : le gouvernement américain souhaite savoir qui va le tuer…

Critique du Clandestin

J’ai lu ce roman il y a une dizaine d’années, je concède que ça fait beaucoup. Aussi l’ai parcouru en une vingtaine de minutes histoire de négocier une critique un tant soit peu crédible. Et bah la magie n’a toujours pas réellement opéré, il y a bien mieux au 21ème siècle comme roman thriller / espionnage.

Le scénario est fort classique : un homme est utilisé comme hameçon par les autorités américaines pour savoir, en Italie, qui va tenter de le zigouiller. Car les responsables seront sûrement les mêmes qui sont parvenus à créer un satellite surpuissant responsable de plusieurs malversations spatiales. Bien sûr notre héros s’en rend compte à un instant donné, et fera tout pour se délier de ce fâcheux rôle qu’on veut lui faire porter.

Style correct, toutefois pour ce type d’histoire 400 pages ne semblent pas nécessaires. Certes les chapitres ne sont ni longs ni lourds, mais tout un pan de l’œuvre (l’apprentissage d’une nouvelle vie notamment, bien que ce soit ce qu’il y a de plus intéressant) n’appartient pas totalement au noble genre du thriller.

En conclusion, si vous êtes un aficionados de John G., vous pouvez aller acheter ce titre les yeux fermés. Dans la veine de cet auteur, ni surprise ni déception. Pour le lecteur né après les années 80, la littérature regorge de livre bien plus sexys.

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le grand art de l’espionnage. John est un pro du genre, et après des dizaines de fabuleux romans (L’affaire Pélican, La Firme pour les plus connus) j’ai eu la désagréable sensation de lire les mêmes œuvres avec d’infimes modifications : personnages peu travaillés sans profondeurs, fin attendue et plutôt patriotique (même si le président décrit dans le texte a l’air d’un sombre idiot), tout cela n’est pas folichon du tout.

La nouvelle vie du parfait planqué. Presque ultime point positif du roman, c’est la manière dont l’auteur nous conte, par le menu, comment notre héros va se construire une nouvelle vie. Certes aidé par la CIA, Mister Blackman (l’homme de l’ombre, c’est facile…) reprendra tout depuis le début : logement, apprentissage de la langue avec une sympathique femme, création de routines, repérage de l’environnement et des arcanes de la ville, tout est fait pour à terme laisser dans la nature le héros et que celui-ci s’y trouve comme un poisson (poisson-balance plutôt) dans l’eau. En prime, le lecteur apprendra des rudiments d’italien. La vie n’est-elle pas belle ?

…à rapprocher de :

– Grisham est loin d’être mauvais, toutefois j’ai parfois préféré quelques Tom Clancy ou, mieux, l’excellent Richard Morgan dans ses romans SF / Thriller.

Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.